LA ZONE GEOPOLITIQUE
EUROPE - MEDITERRANNEE - MOYEN-ORIENT
PAR DES PRISONNIERS DES BR-PCC
[La zone géopolitique
Europe - Méditeranée - Moyen-Orient fait partie
d'un document de procès fourni en 1992 à la Xème
chambre correctionnel du tribunal de Paris par les mlitants des
Brigades Rouges pour la construction du parti communiste combattant
Simonetta Giorgeri et Carla Vendetti et les militants révolutionnaires
Nicola Bortone et Gino Giunti.
Ce document, paru en tant que cahier " front " sous
le nom de " paroles brigadistes ", retrace toute l'idéologie
des BR-PCC]
En même temps
que le processus de cohésion européenne, une autre
ligne directrice des interventions impérialistes existe
- sur les plans politique, diplomatique et militaire - à
savoir celle visant à la " normalisation " de
la région méditerannéenne/moyenne-orientale.
Pour comprendre les conséquences de ce plan, il est nécessaire
de bien situer notre zone géopolitique et les dynamiques
qui la concernent.
Pour des raisons
historiques, économiques et politico-géographiques,
dans notre zone géopolitique - définie par les
brigades rouges comme " européenne - méditerannéenne
- moyenne-orientale " - se croisent et convergent tous les
plans de contradiction fondamentaux typiques de cette époque
historique: la contradiction principale prolétariat/bourgeoisie
par rapport à l'Europe occidentale;
la contradiction
est/ouest, dominante dans les relations internationales et qui,
dans cette zone, a son flanc le plus sensible car il s'agit d'une
" zone frontière " sur laquelle font pression
les interventions politico-militaires impérialistes visant
à la redéfinition des équilibres d'après-guerre;
et, finalement,
la contradiction nord/sud qui définit la nature des relations
établies par l'impérialisme avec la périphérie
du système, et qui dans cette partie du monde est caractérisée
par l'existence d'un contact direct entre les pays dépendants
et, notamment, l'Europe occidentale. Raison pour laquelle la
bande méditeranéenne - moyenne-orientale est pour
l'Europe une zone d'influence " naturelle " sur laquelle
elle a toujours essayé de mettre la main, en nourrissant
par là les conflits et les poussées centrifuges
qui s'échappent de la dictée économique
et politique capitaliste.
En conséquence la zone en question, catalyseur des mouvements
de contradictions, se présente comme un ensemble organique
où il y a interaction entre chaque intervention menée
sur un plan de contradiction et les autres plans, en entraînant
les dynamiques qui s'y produisent.
Par rapport à l'activité révolutionnaire
dans le centre, cela implique que l'affaiblissement et la réduction
du pouvoir impérialiste, qui sont nécessaires au
développement des ruptures révolutionnaires, doivent
être poursuivis en se référant à cette
zone géopolitique toute entière, et aux politiques
de l'impérialisme qui s'y caractérisent comme étant
dominantes (dans une conjoncture internationale donnée)
dans l'ensemble de la stratégie impérialiste.
En même temps,
et en conséquence, se dessinent avec clarté les
termes concrets de l'internationalisme prolétarien dans
la phase historique actuelle, c'est-à-dire les caractères
et les lignes directrices d'une politique d'alliance finalisée
au développement des processus révolutionnaires
dans chaque Etat.
En particulier, la région méditeranéenne
- moyenne-orientale présente des spécificités
à caractère historique et politico-géographique
qui, depuis plus de 40 années, font d'elle la " zone
de crise maximale du monde ", par rapport aux autres zones
de crise existant dans la périphérie - des zones
où la présence-pénétration économique
impérialiste est le vecteur premier des conflits et de
l'instabilité qui amorce les contradictions et nourrit
les luttes pour l'autodétermination nationale et les processus
révolutionnaires de libération.
Comme facteur fondamental qui la caractérise spécifiquement,
il faut mettre en évidence tout d'abord que cette région,
située géographiquement comme frontière
entre les deux blocs, n'a pas fait l'objet d'une redéfinition
dans les accords de Yalta après le deuxième conflit
mondial (contrairement par exemple à l'Europe), et ceci
pour des raisons historiques et politiques, surtout à
cause des mouvements de décolonisation et d'émancipation
nationale en cours; raison pour laquelle la ligne de démarcation
entre l'est et l'ouest dans cette zone s'est tout de suite caractérisée
comme très instable et fluide.
D'autre part, toujours en raison de sa position géographique
qui en fait le point de rencontre entre trois continents, la
région méditerannéenne - moyenne-orientale
revêt un caractère stratégique également
par rapport aux routes et aux passages qui la sillonnent, et
en assumer le contrôle a une valeur particulière
pour l'impérialisme.
Finalement, la présence de sources énergétiques
a également un poids dans la définition de sa spécificité,
et donc de l'exigence qu'a l'impérialisme de l'engloutir
et de la stabiliser sous son influence directe.
D'autre part, cette zone est elle-même une source d'instabilité
profonde, de conflits et de poussées révolutionnaires
qui se nourrissent le long de la ligne directrice de contradiction
nord/sud.
Les rapports capitalistes
ont pénétré depuis longtemps la région,
en instaurant les liens de dépendance typiques, finalisés
au développement inégal de l'impérialisme,
en refusant à ces peuples toute possibilité de
réussite économique et d'autonomie politique.
La subordination
aux technologies des centres impérialistes et l'échange
inégal des matières premières sont les bases
de ces rapports; l'endettement et la soumission aux lois du marché
capitaliste se sont substitués aux protectorats de l'époque
coloniale, en étouffant l'économie de la région
par le chaud et le froid des prêts et des ouvertures-fermetures
des marchés, pilotés ad hoc dans des buts également
politiques - à savoir pour " ramener à la
raison " les pays de la zone qui refusent de se plier à
la logique de l'impérialisme, ou qui essaient d'en sortir.
Ici aussi, comme
dans tous les pays dépendants de la périphérie,
si le colonialisme trouvait sa raison d'être essentiellement
dans le vol des matières premières et des ressources,
l'impérialisme de son côté impose sa domination
par le privilége et le monopole de l'exploitation industrielle,
au niveau de développement inégal nécessaire
à ce stade économique.
Ce cadre de relations typiques du rapport nord/sud, développement/sous-développement,
n'est toutefois pas escompté ni pacifique dans cette région,
puisqu'il se heurte depuis toujours à la forte résistance
du peuple arabe.
Même si l'on considére seulement les quarante dernières
années de l'histoire de cette région tourmentée
(qui toutefois est depuis longtemps soumise à des divisions
arbitraires visant à en favoriser le contrôle, et
partagée d'une manière qui varie suivant les différentes
phases, équilibres et alliances internationales, entre
les USA, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie,
etc.), les divers protectorats et rois-fantoches, instaurés
après la seconde guerre mondiale par la France, les USA
et la Grande-Bretagne, se sont révélés incapables
de garantir le contrôle stable de cette région pour
les intérêts stratégiques des pays impérialistes,
étant donné la poussée des révoltes
et des révolutions à caractère national
et/ou islamique:
de la Libye à
l'Algérie, de l'Irak au Liban, de l'Iran à l'Egypte,
de la Syrie au peuple palestinien.., le refus des masses arabes
de se soumettre à la dictée de l'ordre économique,
politique et militaire impérialiste saute aux yeux, ainsi
que le caractère hautement dynamique de ses équilibres,
alliances et rapports de force.
Le seul véritable point de force pour l'impérialisme,
l'avant-poste politico-militaire de ses intérêts
stratégiques dans la zone, est " l'Etat " sioniste,
" inventé " exprès en 1948 en Palestine,
en entérinant par la force l'expropriation impérialiste-sioniste
de la terre palestinienne.
Cet acte de force
est seulement le premiert d'une longue série de coups
de force, de pressions, d'interventions de toute sorte et à
tous les niveaux, visant à élargir et à
stabiliser la présence et l'influence de l'impérialisme.
En quarante ans
de tentatives de pénétration et de stabilisation,
l'ordre impérialiste s'est sans cesse et inévitablement
heurté aux poussées de signes contraires, aux mouvements
et aux processus révolutionnaires irréductiblement
anti-impérialistes animés par la légitime
aspiration à l'auto-détermination nationale.
Première
parmi toutes se place la lutte du peuple palestinien, une véritable
guerre populaire de libération nationale qui - à
côté de la révolution algérienne et
du mouvement nassérien notamment - a donné de la
substance à la qualité du patrimoine politique
et révolutionnaire qui est dans son ensemble propre aux
masses arabes.
Une reconnaissance
due à son activité incessante contre l'invasion
impérialiste-sioniste (activité de masse et d'avant-garde
combattante).
Des années d'expérience, de lutte et de combat,
de résistance, de guerre et de révolution, ont
enraciné une forte conscience anti-impérialiste,
du fait de la confrontation continuelle et constante avec la
stratégie de l'impérialisme qui, dans cette région,
prend obligatoirement une marque contre-révolutionnaire
claire et explicite.
La contre-révolution
impérialiste est ici déployée afin de contenir
les conflits et de " normaliser " la région,
en oeuvrant parallèlement pour empêcher la réalisation
de l'unité du peuple arabe (dans les formes et les modalités
qui lui sont propres) par des interventions déstabilisantes
contre les pays arabes qui s'opposent aux projets impérialistes.
Ces contradictions typiques du rapport nord/sud, exacerbées
dans cette région à cause de ses spécificités,
s'entrecroisent avec le plan de contradiction est/ouest, dominant
les relations internationales, et subissent son influence d'une
manière particulière. Le poids des équilibres
politiques et de force entre les deux blocs est ici directement
proportionnel au caractére stratégique de la région,
et la redéfinition, du côté impérialiste,
de ces équilibres, passe aussi par la stabilisation de
l'ordre qu'il impose dans la zone et par la " normisation
" des conflits qui s'y produisent.
C'est-à-dire que les interventions impérialistes
dans cette région visent surtout à établir
des positions de force en faveur des intérêts stratégiques
politico-militaires de l'impérialisme; la stabilisation
et la réorganisation des rapports de dépendance
des pays du Maghreb et du Moyen-orient sont dirigées dans
le but de modifier à l'avantage de l'impérialisme
les rapports de force internationaux, non seulement sur la ligne
directrice nord/sud, mais surtout dans le cadre du bipolarisme.
Les temps et les modalités de ces interventions sont donc
rythmés et influencés par des facteurs objectifs
et subjectifs: par l'approfondissement de la crise économique
qui est à la base de la progression de la tendance à
la guerre et donc de l'exigence d'une réorganisation mondiale
de la division du travail et des marchés; ainsi que par
l'évolution du cadre historique, politique et militaire
sorti de la seconde guerre mondiale, c'est-à-dire par
les modifications dans les équilibres est/ouest.
Dans ce contexte, il est possible de lire les diverses formes
de l'intervention impérialiste et de les situer dans l'ensemble
de sa stratégie.
Une intervention
globale qui a vu, au cours de la deuxième moitié
des années 80, succéder aux coups de force militaires
US une intesne activité politico-diplomatique, spécifiquement
européenne et facilitée par ses plus grandes marges
de manoeuvre dans la mise en oeuvre des opérations de
" rapiécage " des déchirures engendrées
par la " politique des cannoniers "; en poursuivant
ainsi, par des étapes sucessives et dans un processus
non linéaire, l'objectif qui est de modifier les positions
des pays arabes dans un sens pro-occidental.
Parallèlement à ces opérations de division
- cooptation des Etats de la région (et aussi en s'appuyant
sur les résultats obtenus par des pressions et des coups
de force sur ce terrain) se multipliaient les tentatives politico-diplomatiques
pour résoudre la " question palestinienne ",
avec d'une part la tentative de rompre la cohésion du
peuple palestinien, de façon à isoler et affaiblir
ses positions les plus radicalement anti-impérialistes
et antisionistes, et visant ainsi à aboutir à une
solution adaptée et utile aux intérêts de
l'impérialisme (autonomie administrative des territoires);
d'autre part la
pression militaire de l'activité sioniste en Cisjordanie
et à Gaza, le terrorisme sioniste pratiqué sur
une grande échelle contre un peuple tout entier (et non
seulement dans les territoires occupés mais aussi dans
le Sud du Liban) était le contrepoids aux manoeuvres politico-diplomatiques,
montrant l'évidence qu'il n'existe pas pour l'impérialisme
de solution qui ne se traduise pas de fait par le renforcement
du poids politico-militaire de l'impérialisme dans la
zone.
Mais, à la fin des années 80, il était déjà
clair que les plans américano-sionistes avaient encore
une fois lamentablement coulé, se heurtant au refus, du
peuple palestinien en premier lieu, de se résigner à
la présence et au diktat impérialiste.
La résistance
et le caractère indomptablement révolutionnaire
de ce peuple ont mené à l'impasse les perspectives
d'une "normalisation pacifique " et capitularde du
conflit.
En conséquence,
pour le moment la tentative de faire jouer à l'entité
sioniste un rôle autre qu'essentiellement militaire a également
échoué, un rôle qui la placerait au centre
d'un cadre de relations intégrées (en termes économiques
et de sécurité); le premier but de cette tentative
était de réussir à gouverner les contradictions
dans un plan de médiation politique, interne et international,
où les " règles du jeu démocratique
" s'avèrent être dominantes.
En effet, la fonction qui a toujours été celle
de l'entité sioniste, à savoir celle de "
gendarme " et d'avant-poste politico-militaire de l'impérialisme
dans la région, même s'il serait réducteur
de la considérer uniquement ainsi, imprègne toutefois,
en substance, toute son activité (étant donné
le cadre de conflictualité susdit et à partir de
ses caractères), cette fonction étant malgré
tout l'aspect central qui donne un sens à son existence
dans la phase actuelle (et vu la façon suivant laquelle
les relations avec les peuples et les pays de la zone se sont
développées jusqu'à aujourd'hui ).
Cela apparaît
rn analysant l'exploitation intensive des territoires occupés,
menée dans le plus pur style de l'apartheid, ou en remarquant
le degré de spécialisation atteint par cet "
Etat " dans le domaine de la contre-guérilla, un
domaine où le savoir-faire sioniste, en plus de démontrer
son " efficacité " parfois plus importante que
celle déjà des corps de contre-guérilla
européens (avec par exemple le raid sioniste d'Entebbe
), est aussi exporté pour le soutien des régimes
au prise avec la guérilla;
ou encore en constatant
quel contrôle attentif il exerce sur les limites imposées
au développement technologique et militaire des pays de
la zone (par exemple le bombardement de la centrale nucléaire
irakienne).
Ce ne sont pas des
nouveautés, pas plus que ne l'est leur surarmement auquel
les USA contribuent de bon gré par le flux incessant d'armements,
de financements et de " prêts " à fonds
perdus pour soutenir l'économie de guerre sioniste et
l'expropriation coloniale des territoires occupés;
ou le fait qu'il
est le seul " pays " de la zone qui posséde
la bombe atomique; ou le fait qu'il a participé et participe
aux recherches technologiquement plus avancées concernant
le camp militaire (bien qu'il soit " officiellement "
considéré comme un " pays du tiers-monde ").
Cependant, malgré les efforts des différentes diplomaties
et l'acharnement sioniste dans l'anéantissement de l'Intifada,
non seulement il n'a pas été possible de concrétiser
un plan de "médiation " politico-diplomatique
ne tenant pas compte des questions posées par la lutte
du peuple palestinien, mais la capacité même de
maîtrise de " l'Etat " sioniste commençait
à se détériorer et à paraître
inapte à contrôler le conflit et ses conséquences.
D'un côté
la prolongation et l'approfondissement d'une situation chargée
de tensions se révélait être un facteur susceptible
de remettre en question également les positions de ceux,
parmi les pays arabes, qui étaient déjà
alignés en sens pro-occidental - et cette réévaluation
des alliances était également dûe aux poussées
" d'en-bas ", caractérisées ou pas comme
étant islamiques (l'approfondissement du facteur islamique
n'est qu'un aspect apparent de cette situation, dans la mesure
où ce facteur assume de fait la fonction de " ciment
" politique des masses arabes, dans le sens de l'imposition
de leur propre autonomie vis-à-vis des visées occidentales,
et donc à caractère anti-impérialiste).
De l'autre côté
et parallélement, le refus exprimé par l'Irak de
subir passivement les pressions et les impositions typiques des
relations développement/sous-développement, rendait
encore plus urgente pour l'impérialisme une intervention
dans la région, afin de réaffirmer et de renforcer
son propre poids économique, politique et militaire (...).
D'autre part, l'aggravation
de la crise économique, qui serre la chaîne impérialiste,
accélére le mûrissement des étapes
dans la tendance à la guerre et nourrit, entre autres,
l'agressivité et l'interventionnisme belliciste de l'impérialisme,
des USA en premier lieu, dans toutes les zones périphériques,
pour un réaménagement des équilibres politiques
et des zones d'influence (...).
En résumé,
les effets de l'agression impérialiste au Moyen-Orient
dépassent les raisons historiques, économiques,
politiques et militaires spécifiques de la région,
et ils s'entrecroisent indissolublement aux événements
et aux processus économiques et politiques de la chaîne
impérialiste, qui placent l'Europe au centre de la redéfinition
des équilibres politiques jaillis des accords de Yalta.
L'offensive militaire dans le Golfe est, au fond, la conséquence
des déséquilibres de l'économie capitaliste:
en tant que telle elle est un autre pas en avant de la tendance
à la guerre (...).
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