BRIGADES ROUGES
Contre le néo-gaullisme,
porter l'attaque au coeur de l'Etat
Avril 1974
Parallèlement à l'approfondissement de leur propre crise
gouvernementale, un processus contre-révolutionnaire est en train
de se dérouler inexorablement, dans lequel l'ensemble de la classe
possédante s'unit dans la tentative de détruire les mouvements de
lutte et les niveaux autonomes et révolutionnaires d'organisation
qu'ils ont produit.
A l'heure actuelle, si dans les usines l'autonomie ouvrière est
assez forte et assez organisée pour maintenir un état permanent
d'insubordination et même conquérir un espace de pouvoir de plus en
plus grand, elle reste par contre trop faible en dehors des usines
pour offrir une résistance aux attaques de la contre-révolution.
Pour cette raison, les forces de la contre-révolution tendent à
déplacer la contradiction principale en-dehors des usines. Ils
s'engagent désormais dans des batailles décisives pour isoler notre
lutte pour le pouvoir à l'intérieur des usines, afin d'être capable
de la contrôler plus facilement et d'ensuite la détruire.
L'initiative révolutionnaire génère inévitablement son antagonisme
organisé : la contre-révolution.
Marx avait déjà fait toute la clarté sur cette loi scientifique qui
règle les rapports de classe, en nous avertissant que "ce n'est
point par ses conquêtes tragi-comiques directes que le progrès
révolutionnaire s'est frayé la voie; au contraire, c'est seulement
en faisant surgir une contre-révolution compacte, puissante, en se
créant un adversaire et en le combattant que le parti de la
subversion a pu enfin devenir un parti vraiment révolutionnaire."
Néanmoins, la contre-révolution dans cette période ne suit pas un
chemin linéaire. En son sein, il y a deux lignes politiques qui se
combattent, dont l'opposition est de nature tactique.
L'une est la
tendance putschiste, l'autre est la tendance néo-gaulliste pour la
« réforme constitutionnelle ». Les deux tendances jouent leur rôle
spécifique dans le processus stratégique de la contre-révolution.
La ligne putschiste
Une considération est fondamentale : aussi longtemps qu'il y a aura
une place en Italie pour les solutions contre-révolutionnaires qui
maintiennent les apparences et la forme de la démocratie
bourgeoise, ces solutions prendront le dessus sur les solutions
putschistes...
Le plan néo-gaulliste de « réforme constitutionnelle »
L'aggravation de la crise économique, l'incapacité de contrôler les
tensions sociales potentiellement explosives et les luttes
impérieuses du mouvement ouvrier... démontrent toujours plus
clairement que la crise gouvernementale en cours ne peut pas être
résolue par de simples changements au sommet du gouvernement.
Ayant écarté l'hypothèse d'un « compromis historique », les groupes
dominants de la bourgeoisie n'ont plus qu'un seul choix : « le
virage à droite ».
Mais cette fois-ci, le virage à droite doit leur donner toutes les
garanties de stabilité, d'organicité et de crédibilité ; il doit
affronter tous les problèmes politiques, économiques et d'ordre
public à la racine, avec des changements constitutionnels précis,
capables de créer une nouvelle base pour l'ensemble du système
institutionnel de notre pays.
Ce plan, dont le premier ministre Leone a parlé explicitement pour
la première fois dans son discours à la fin de l'année 1973, vise à
la transformation de la république née de la Résistance en une
république présidentielle.
Les points fondamentaux de ce projet
sont : renforcer l'exécutif par l'attribution de plus grands
pouvoirs législatifs et administratifs au chef de l'Etat et au
président du conseil ; vider progressivement le parlement de son
pouvoir législatif ; recourir à la législation directe par le
référendum ; réviser la loi électorale pour la faire passer de
proportionnelle à majoritaire.
Mais, pour mener à bien un plan si ambitieux, il faut une
direction politique solidement unie et surtout un contrôle de fer
sur les mouvements des diverses forces sociales et politiques
existantes.
Pour cette raison, le plan néo-gaulliste pour la réforme
constitutionnelle doit être un projet armé, et chaque phase de sa
réalisation doit aller de pair avec une militarisation croissante
du pouvoir.
Le néo-gaullisme est un plan armé
L'objectif principal des forces néo-gaullistes est nécessairement
le renforcement de leur contrôle sur les noeuds centraux de
l'appareil d'Etat.
Les « corps séparés » de l'Etat, qui jusqu'à maintenant ont opéré
indépendamment les uns des autres et souvent contradictoirement,
doivent maintenant être soumis à une nouvelle discipline...
Est très révélateur de cela le processus de réorganisation qui se
développe dans le pouvoir judiciaire.
Le néo-gaullisme est en train
d'essayer ce que même le fascisme n'est pas arrivé à faire :
construire une identité stricte entre ses propres intérêts de
pouvoir et la « loi ».
L'affrontement politique au sujet du référendum
Le plan néo-gaulliste pour la « réforme constitutionnelle » par
l'entremise du référendum, trouve, outre les premiers pas de sa
réalisation, l'opportunité de rassembler autour de lui toutes les
forces de la droite, du MSI [Mouvement Social Italien] à la DC
[Démocratie Chrétienne].
Donc le référendum est une étape fondamentale pour ce plan, une
première preuve de la force politique générale de ce nouveau bloc
de pouvoir... La stratégie politique de la DC, dans cette phase est
de :
- ruiner définitivement la stratégie du centre-gauche
- créer un climat général d'insécurité qui permet à la DC, à la
tête des forces néo-gaullistes, de se présenter au public comme la
seule force capable de restaurer l'ordre et la tranquillité
politique et économique dans le pays...
Il est clair que si la DC venait à gagner le référendum à la tête
des forces né-gaullistes, le plan pour la « réforme
constitutionnelle » recevrait un énorme élan.
Il deviendrait
immédiatement une plateforme « démocratique » pour la «
restauration » de l'Etat et le ré-établissement de la domination
intégrale de la bourgeoisie...
Jusqu'à aujourd'hui, le mouvement
révolutionnaire ne s'est opposé au processus révolutionnaire que
sur le terrain restreint de l'anti-fascisme militant.
Mais comme l'initiative contre-révolutionnaire est désormais
dirigée personnellement par le bloc de pouvoir interne à l'Etat,
alors c'est avant tout contre ces forces que nous devons déchaîner
nos coups les plus durs.
Il est temps de percer les brumes du passé et de dépasser les
formulations traditionnelles de l'anti-fascisme militant.
Frapper
les fascistes par tous les moyens et où qu'ils se trouvent est
correct et nécessaire. Mais la contradiction principale aujourd'hui
est celle qui nous oppose au faisceau de forces de la contre-
révolution.
Car s'il est vrai que la crise du régime et la naissance par
conséquent d'une contre-révolution organisée et aguerrie ont été
produites par des années de dures luttes de classe ouvrière et
populaire, il est encore plus vrai que pour vaincre, le mouvement
de masses doit maintenant dépasser la phase spontanée et
s'organiser sur le terrain stratégique de la lutte pour le pouvoir.
Et la classe ouvrière ne prendra le pouvoir que par la lutte armée.
|
|