Fraction Armée Rouge
Interview
au Spiegel des prisonniers de la RAF
(20 janvier 1975)
SPIEGEL : " Le collectif R.A.F. a-t-il adopté
une nouvelle tactique ? Les campagnes préparées
et dirigées depuis les prisons ont éveillé
dans la population le même intérêt à
votre sujet que les bombes et les grenades en 1972 ? "
R.A.F. : " II ne s'agit pas
de bavardages sur la tactique.
Nous sommes prisonniers
et nous luttons actuellement avec la seule arme qui nous reste
en prison et dans l'isolement : la grève de la faim collective,
afin de sortir du processus d'extermination dans lequel nous
nous trouvons ; de longues années d'isolement social.
C'est une lutte
à la vie, à la mort ; nous n'avons pas le choix
sinon de gagner par cette grève de la faim ou alors de
mourir ou être détruits psychiquement et moralement
par le lavage de cerveaux, l'isolement et les traitements spéciaux.
"
SPIEGEL :
" Peut-on parler de " torture par isolement "
ou même de " détention-extermination "
? Vous lisez un paquet de journaux, si nécessaire vous
écoutez la radio et regardez la télévision
de temps en temps. M. Baader, par exemple, a eu à sa disposition
à un certain moment une bibliothèque de 400 volumes.
Vous avez des contacts avec d'autres membres de la R.A.F., échangez
des messages clandestins, vous recevez des visiteurs et vos avocats
vont et viennent dans vos cellules. "
R.A.F. : " Si l'on ne possède
que le Spiegel et les informations diffusées par les services
de sécurité de l'Etat, on peut se poser la question.
Après deux,
trois, quatre années d'isolement social, on ne sait plus
que l'on se trouve dans un processus d'extermination.
Cela, on le supporte
peut-être pendant quelques mois, mais pas pendant des années.
Empêcher l'institutionnalisation
des lavages de cerveau par l'isolement est pour nous la condition
de notre survie, c'est en fonction de cela que les procès
se dérouleront avec ou sans nous.
Affirmer qu'il s'agit
pour nous, par cette grève de la faim, de nous rendre
nous-mêmes inaptes à la détention et inaptes
à comparaître devant le tribunal - alors que chacun
sait que des prisonniers politiques inaptes à la détention,
sont des prisonniers morts - cette affirmation-là fait
partie de la tactique de l'adversaire, c'est de la contre-propagande.
Les services du
procureur fédéral ont reculé ces procès
pendant trois ans et demi, pour briser les prisonniers par l'isolement,
la torture, le lavage de cerveaux, les sections silencieuses,
la psychiatrisation.
Les services du
procureur fédéral ne veulent plus de ces procès.
Ou, s'ils les veulent,
alors c'est sans les accusés et sans leurs défenseurs,
parce qu'il est devenu évident que ces procès à
grand spectacle contre la politique révolutionnaire -
auto-représentation du pouvoir d'Etat impérialiste
- (ce que veut Büback) ne peuvent être mis en scène
qu'en notre absence. "
SPIEGEL :
" Malgré leur répétition constante,
des mensonges ne deviennent pas crédibles ; et Vopinion
publique a compris depuis longtemps que ces mensonges sont lancés
- de mauvaise foi - pour jeter le doute sur la justice, ce que
vous avez incontestablement réussi. "
R.A.F. : " C'est parce qu'il s'agit de faits
dont vous ne pouvez pas faire disparaître l'importance
politique en les contestant."
SPIEGEL :
" Vous êtes en détention préventive,
étant inculpés pour des délits graves tels
que meurtre et tentative de meurtre. Ne subissez-vous pas les
mêmes conditions de détention que les autres prisonniers
en détention préventive ? "
R.A.F. : " Nous réclamons
la suppression des traitements spéciaux et il ne s'agit
pas seulement de prévenus. Pour les prisonniers politiques,
la justice ne fait pas de différences ; et à ce
propos, nous disons :
" TOUT PROLETAIRE
PRISONNIER, QUI COMPREND POLITIQUEMENT SA SITUATION, ET QUI ORGANISE
LA SOLIDARITE, LA LUTTE DES PRISONNIERS, EST UN PRISONNIER POLITIQUE,
QUEL QUE SOIT LE MOTIF QUI L'A CONDUIT EN PRISON.
" La justice
isole également des prisonniers qui sont déjà
condamnés, pour certains depuis quatre années,
comme : Werner Hoppe, Hellmut Pohl, Rolf Heissler, Ulrich Luther,
Siegfried Knutz.
Plusieurs milliers
ici sont maltraités par le système pénitentiaire
et à partir du moment où ils commencent à
résister, sont brisés par l'isolement.
" C'est contre
cela que nous luttons, par cette grève, en tant qu'action
collective contre l'institutionnalisation de l'isolement.
Dans les prisons
anciennes, là où il manque les "machines à
isoler " (sections pour les " fauteurs de trouble ",
ce qui signifie : ceux qui troublent l'inhumanité dont
ils sont victimes) ces machines sont mises en place, comme à
Tegel, Bruchsal, Strübing, Hanover, Zweibrücken, etc.
Les nouvelles prisons
incluent dans les principes de leur construction leur architecture,
l'isolement comme système de détention.
Ces principes s'orientent,
en R.F.A., non pas vers les modèles suédois, mais
au contraire vers les méthodes et expériences américaines
et les méthodes fascistes de " programmes de réhabilitation.
"
SPIEGEL :
" Concrètement, dites-nous en quoi consiste ce que
vous appelez " traitements spéciaux ". Nous
avons fait des recherches sur les conditions actuelles de détention
du collectif R.A.F. ; nous n'avons pu trouver la trace de traitements
spéciaux, mais plutôt une série de privilèges.
"
R.A.F. : " Vous n'avez fait
aucune recherche.
Vous vous êtes
laissés informer par la Sûreté de l'Etat
et par les services du procureur fédéral.
Traitements spéciaux,
sela signifie :
- Huit mois de section
silencieuse pour Ulrike,
pour Astrid.
- Des années
d'isolement social pour tous les
prisonniers de la R.A.F.
- Des anesthésies
de force, ordonnées par un
tribunal, " aux fins d'enquête ".
- Pendant plusieurs
années, la promenade
mains liées.
- Sur ordre permanent
des tribunaux, " utilisation immédiate de la force
", ce qui signifie : les vexations dans les cellules de
tranquillisation, au cours des transports, des interrogatoires,
des confrontations et lors des visites.
- La censure des
journaux.
- Des lois d'exception.
- Des bâtiments
spéciaux pour les procès contre les prisonniers
de la R.A.F. : à Kaiserslautern et, à Stammheim
le procès - sur le budget de la Sûreté de
l'Etat - " évalué " à 150 millions
de marks, dans une forteresse de béton gardée par
des unités de police de trois Länders, alors qu'il
semble qu'au cours de ce procès les accusés et
leurs défenseurs ne seront pas admis à l'audience
- au cas toutefois où la justice laisserait des accusés
en vie.
- Entraves faites
aux défenseurs : publication
de matériaux de la défense, de parties de dossiers
et de dossiers de la sécurité de l'Etat, dans le
cadre des campagnes du gouvernement visant à conditionner
les verdicts et évincer les défenseurs.
Manipulations des
dossiers.
- La presse de Springer
peut disposer de dossiers avant la défense alors que les
services du procureur fédéral refusent d'en donner
communication à la défense.
- Les défenseurs
sont surveillés jour et nuit ; leur courrier contrôlé,
leur téléphone sur table d'écoute, et leurs
bureaux sont perquisitionnés.
Les avocats ont
des sanctions disciplinaires de la part de leur Ordre et d'inculpations
pour leur travail d'information auprès de l'opinion publique.
- Les parents et
visiteurs sont l'objet de pressions de la part des services de
sécurité de l'Etat, et ce jusque sur leur lieu
de travail. Ils sont terrorisés par une surveillance non
dissimulée.
- Ceux qui désirent
nous écrire ou nous visiter sont espionnés et fichés
par les services de sécurité de l'Etat.
Ils sont obligés,
sous la pression de la grève de la faim, de maquiller
la réalité et les ministères envoient des
équipes filmer.
" En principe,
rien n'est changé.
Mais la réalité,
à l'heure actuelle, c'est s'isolement organisé
de l'intérieur des prisons avec une précision meurtrière
: tout en restant isolés, les détenus peuvent se
rencontrer, par deux, et seulement deux heures par jour.
Cela n'empêche
pas le processus de destruction, et ça reste un système
coupé de l'extérieur. Cela signifie que le lavage
de cerveau doit continuer et que l'interaction sociale doit être
rendue impossible.
" Par rapport
à l'extérieur, l'isolement est perfectionné
par l'exclusion des défenseurs, ou en l'occurence la limitation
au nombre de trois de ceux-ci.
Si l'on s'en réfère
à la norme de Posser, six années d'isolement par
exemple pour nous et à la responsabilité des services
du procureur fédéral quant au recul de la date
des procès, on comprend ce que signifie " détention-extermination
". Prouvez-nous donc qu'un seul de ces " privilèges
" n'existe pas! "
SPIEGEL :
"Au début, vous avez décrit la nutrition jorcée
comme une machination fasciste ; après la mort de Holger
Meins, vous avez, parlé de " meurtre ". N'y
a-t-il pas là une contradiction ? "
R.A.F. : " Cela ne vient pas
de nous, mais la nutrition forcée est un moyen pour enlever
à la grève de la faim son impact vers l'extérieur
; c'est ainsi que des stations médicales de réanimation
ont été installées dans les prisons, afin
de pouvoir dire que " tout a été fait ".
Alors que le plus
simple n'a pas été fait : supprimer l'isolement
et les traitements spéciaux !
Holger Meins a été
exécuté sciemment par une sous-nutrition systématique,
la nutrition artificielle était, dès le début,
à la prison de Wittlich une méthode pour assassiner.
Au début,
brutale, directe, violente, pratiquée pour briser la volonté,
et par la suite pratiquée seulement en apparence. 400
calories par jour : il s'agit seulement d'une question de temps,
de jours, jusqu'à ce que l'on meurt.
" Le procureur
fédéral Biiback et les services de sécurité
ont manigancé cela en s'arrangeant pour que Holger Meins
reste à la prison de Wittlich, jusqu'à qu'il soit
mort.
Le 21 octobre, le
tribunal (O.L.G.) de Stuttgart avait ordonné le transfert
de Holger Meins à Stuttgart au plus tard le 2 novembre.
Dès le 24
octobre, Biiback, procureur fédéral, faisait savoir
au tribunal de Stuttgart que la date du transfert ne pouvait
pas être respectée par les services de sûreté
de l'Etat : cette information n'a toutefois été
rendue publique qu'après la mort de Holger Meins.
" Pour terminer,
le médecin de la prison Hutter, a cessé complètement
la nutrition artificielle et est parti en voyage. Il faut également
préciser que l'Office fédéral de police
criminelle était informé sur Tétât
des prisonniers, pendant toute la durée de la grève
de la faim, par les directions des prisons.
" II faut souligner
que Hutter, avant qu'il se retire, parce que Holger était
mourant, a demandé à Degenhardt de lui assurer
qu'il ne ferait l'objet d'aucune plainte - de la même manière,
toutes les plaintes portées contre Degenhardt ont été
annulées.
" Degenhardt
est le médecin qui, durant l'été 1973, pendant
la seconde grève de la faim à Schwalmstadt, a supprimé
l'eau "pour raisons médicales " pendant neuf
jours, jusqu'au coma. C'est ce médecin que Büback
qualifiait de " sommité médicale " en
parlant à Frey, qui " soignait " alors les prisonniers
de Zweibrücken.
" Holger Meins
a été assassiné d'après un plan portant
sur la manipulation de la date du transfert ; c'est la faille
qui permet au procureur fédéral et à la
police de sûreté de l'Etat de viser directement
les prisonniers.
" Le fait qu'aucun
journaliste n'ait encore fait de recherches là-dessus,
ni ne les ait publiées ne signifie rien quant aux faits
eux-mêmes ; mais au contraire, souligne la collaboration
et la complicité, l'amalgame entre les trusts de l'information,
les services de sécurité de l'Etat, le procureur
fédéral, les services fédéraux de
la police criminelle et les services secrets. "
SPIEGEL :
" Nous n'acceptons en aucune manière votre version
du soi-disant " meurtre à tempérament "
de Meins. Vous nous donnez, l'impression d'une psychose de la
persécution, ce qui serait très compréhensible
après des années de clandestinité et de
détention. Au " Spiegel ", nous avons critiqué
le comportement du médecin de la prison Hutter ; le procureur
a ouvert une instruction contre Hutter. "
R.A.F. : " II ne s'agit pas
de Hutter, il n'est qu'un des médecins des prisons, ils
n'ont rien à décider.
La médecine
pénitentiaire est organisée hérarchiquement,
et Hutter est tout au plus l'un des personnages qui est saisissable.
Un PORC, mais un
petit ; il sera tout au plus rendu responsable bien que là
aussi, aucune des personnes qui connaissent l'application des
peines et la fonction réelle de la médecine pénitentiaire
n'y croient.
Ce que vous appelez
"critiquer" c'est un vieux truc qui consiste à
parler d' " inconvénients ", " d'accidents
clé parcours " afin de les rendre incompréhensibles,
alors qu'en fait il ne s'agit pas d'accidents de parcours, mais
de la société de classes, de sa justice, de ses
camps de prisonniers.
" Compte tenu
de la situation dans les prisons, de la démagogie fasciste
autour de cette grève dans les médias, des concerts
des politiciens professionnels, des réactions incontrôlées
par rapport à l'action non-violente d'un petit groupe
aux limites de la défensive - prisonnier et isolé
- comme s'il s'agissait d'une attaque militaire (Strauss a parlé
de droit de guerre), tout tend à montrer à quel
point la couverture de légitimité du système
est bouffée par ses crises politiques et économiques.
" C'est là
que vous devriez chercher une maladie, en considérant
l'intérêt réel qu'a l'Etat dans l'extermination
des prisonniers de la R.A.F., plutôt que de bavarder sur
les psychoses de persécution. "
SPIEGEL :
"Les Britanniques ont supprimé récemment la
nutrition forcée, par exemple pour les terroristes de
l'I.R.A. Les grèves de la faim étaient terminées
aussitôt. Comment vous comporteriez-vous, dans ce cas ?
"
R.A.F. : " Ce n'est pas là
notre problème.
La C.D.U. exige
l'arrêt de la nutrition forcée, de la même
manière qu'elle met le cap ouvertement vers l'état
d'exception, le fascisme alors que le S.P.D. oriente son potentiel
électoral et son histoire vers le même but, fascisation.
Pénétration
de l'Etat dans tous les domaines de la vie, militarisation totale
de la politique, manipulation, endoctrinement du peuple par les
médias, dans le sens des buts de la politique intérieure
et extérieure de l'impérialisme ouest-allemand,
c'est-à-dire camoufler et faire passer, "vendre "
celle-ci comme politique pour le peuple, les " socialement
faibles ", sous l'aspect de réformes.
C'est ainsi que
la C.D.U. propage ouvertement le meurtre, alors que la S.P.D".
louvoie, essaie de camoufler les meurtres en suicide, et ne peut
prendre position ouvertement pour la ligne dure de la sûreté
de l'Etat, qui décide en dernier ressort de nos conditions
de détention. "
SPIEGEL :
"Ne voyez-vous pas de nouveau des fantômes ? Toutes
les déclarations connues jusqu'à présent
de la R.A.F. ne se basent-elles pas sur les analyses insoutenables
sur cet Etat, cet S.P.D., cette C.D.U., cette justice ? Nous
voyons ici le défaut qui vous a fait perdre, jusqu'à
présent, l'influence politique sur la population. Pour
cette raison vous n'êtes pas en mesure de combattre cet
état, si toutefois il le méritait de manière
efficace, et pour cette raison vous ne trouvez pas de soutien
à la base! "
R.A.F. : " Ce sont un peu
des inepties que vous essayez ici de tourner.
Ce que vous déclarez
" insoutenable " n'est avant tout pas marchandage et
notre position, le contre-pouvoir prolétarien, est par
rapport à la vôtre, le pouvoir impérialiste
antagoniste analytique et pratique.
" Vous discutez
des lacunes, des bases et des effets de la politique révolutionnaire,
alors que votre boulot consiste à la remettre en question
grâce à un journalisme qui, depuis longtemps, s'est
ouvertement déclaré comme ayant un rôle positif
dans le fonctionnement intérieur de l'Etat - cet Etat
dont la politique prolétarienne est la négation.
" Nous poser
cette question à nous, en tant que question venant du
Spiegel, cela n'a pas de sens.
" La théorie
et la pratique ne deviennent unité que dans la lutte.
C'est leur dialectique.
Nous développons
notre analyse comme une arme, ainsi elle est concrète
; et elle a été rendue publique là seulement
où nous sommes en mesure de contrôler sa publication.
"
SPIEGEL :
" Vous ne voulez cesser votre grève de la faim que
lorsque vos revendications auront été satisfaites;
avez-vous des perspectives de succès? Dans le cas contraire,
procéderez-vous à une escalade, et par exemple,
commencerez-vous une grève de la soif si les revendications
ne sont pas satisfaites ? Quelles actions préparez-vous
à l'intérieur et à l'extérieur de
la prison ? "
R.A.F. : " Büback croit
encore pouvoir briser la grève de la faim et l'utiliser
afin de nous exterminer, au moyen du meurtre, de la psychiatrisation
forcée.
C'est pourquoi des
stations de réanimation ont été installées
dans les prisons.
Stations où
nous devons être ligotés vingt-quatre heures par
jour, mis en état de somnolence par des psychodrogues,
nourris de force, dans un immobilisme total, tant physique qu'intellectuel.
C'est aussi le pourquoi
de l'utilisation de la contre-propagande et de la conduite psychologique
de la guerre. "
SPIEGEL :
" Psychiatrisation forcée, " " conduite
psychologique de la guerre ", tout cela n'existe que dans
l'imagination de la R.A.F... "
R.A.F. : " Cela existe dans
la réalité que vous propagez, qui est celle de
l'impérialisme.
Il y a eu l'anesthésie
forcée contre Carmen, afin de prendre ses empreintes digitales,
et contre Ulrike la décision de l'anesthésier pour
une scintigrafie et en 1974, celle contre six prisonniers à
Hambourg, afin d'enquêter.
La nutrition forcée
n'est possible que si le prisonnier est sous anesthésie.
Des prisonniers
politiques, par exemple, à Hambourg et Essen: Beer, Pohl,
Allnach, Blenck, Hoppe, Kröcher, ont été enfermés
dans la cloche (cellule d'isolement) à plusieurs reprises
pour quarante-huit heures et davantage, parce qu'ils appelaient
un autre prisonnier pendant la promenade dans la cour, ou ne
s'arrêtaient pas de courir pendant celle-ci, ou pour rien
: isolés de tout bruit, ne pouvant pas même se lever
pour chier, étant attachés par les mains et les
pieds sur une planche, cela signifie une privation acoustique,
privation des fonctions motrices, visuelles. L'effet est comme
celui d'un narcotique.
Vous pouvez affirmer
que vous trouvez cela bien, mais vous ne pouvez pas dire que
nous l'avons inventé, car tous ces faits sont attestés
par des centaines de décisions de tribunaux.
" Le soutien
par les publications qui lui était nécessaire,
Büback l'a eu, entre autres par l'initiative de Heineman,
mais également par l'essai de Ditfurth, paru dans le Spiegel,
précis quant au fascisme par les mots, pour qui meurtre
et psychiatrisation forcés ne sont que des moyens lui
permettant de véhiculer ses trucs cyniques, pour brutaliser
le climat politique autour de la grève de la faim.
" Lorsque Carstens,
à la mi-novembre, commença de diriger ouvertement
le meurtre contre nos personnes, il y avait encore dans l'opinion
publique comme un choc, une contradiction, de l'horreur.
La fonction de Heineman
était d'écarter les doutes, là où
ils subsistaient encore, par rapport à la ligne dure de
Biiback : auprès des intellectuels, des écrivains,
des églises.
Le rôle de
ce personnage a toujours été de revêtir d'un
langage le contenu agressif de la politique de l'impérialisme
ouest-allemand ; un aspect qui donne l'apparence de ce que Heineman
croit être un contenu humaniste - en fonction des associations
qu'il manipule.
" Les lettres
de Heineman étaient en réalité des appels
nous demandant de nous soumettre au lavage de cerveau ou au meurtre.
De la même manière, en tant que président
fédéral, il a gracié Ruhland ; et par ses
lettres, il a dirigé les condamnations à mort contre
nous du procureur fédéral, avec le geste humaniste,
qui libère la conscience de ses partisans.
Ce qu'il voulait
- comme à Pâques, en 1968, où, pendant sa
législature, il a voulu intégrer les étudiants,
les antifascistes traditionnels et la nouvelle gauche dans le
nouveau fascisme - c'est préparer le terrain pour les
meurtres.
" NOUS ALLONS
ENTAMER UNE ESCALADE DE CETTE LUTTE ET COMMENCER LA GREVE DE
LA SOIF.
"Nous ne préparons
pas d'actions, ni dedans, ni dehors, parce que nous sommes prisonniers
et isolés."
SPIEGEL :
" La mort de Holger Meins a-t-elle été une
opportunité pour le collectif R.A.F. ? "
R.A.F. : " Cela, c'est de
la projection fasciste ; la réflexion de quelqu'un qui
ne peut plus penser autrement qu'en termes de marché :
le système qui réduit toute vie humaine à
de l'argent, de l'égoïsme, du pouvoir, de la réussite.
Comme le Che, nous
disons :
"LE GUERILLERO
NE DOIT RISQUER SA VIE QUE SI CELA EST ABSOLUMENT NECESSAIRE,
MAIS DANS CE CAS SANS HESITER UN SEUL INSTANT.
" Et cela est
tout à fait vrai pour la mort de Holger Meins : "
la résonance de l'histoire ", celle qui s'est éveillée
par la lutte armée anti-impérialiste, est entrée
dans l'histoire des peuples du monde.
" Elle a "
été une opportunité ", cela veut dire
qu'elle a brisé le boycott de l'information.
Car, si beaucoup
de gens ne s'éveillent seulement que lorsque quelqu'un
est assassiné et à partir de ce moment commencent
seulement à comprendre de quoi il s'agit, c'est que vous
en êtes également responsable.
C'est ainsi que
le Spiegel a passé sous silence pendant huit semaines
la grève de la faim de quarante prisonniers politiques
afin d'empêcher solidarité et protection. "
SPIEGEL :
"... nous avons fait des comptes rendus de la grève
de la faim de la R.A.F. plus d'une fois et de manière
critique."
R.A.F. : " Votre premier compte
rendu a paru le cinquante-troisième jour de la grève
de la faim, soit cinq jours avant la mort de Holger Meins. "
SPIEGEL : " Etes-vous préparés à
voir d'autres cas mortels?""
R.A.F. : " BÜBACK ATTEND
ÇA DANS SON BUREAU. "
SPIEGEL :
" Vous pensez bien que nous trouvons un tel soupçon
monstrueux. "
R.A.F. : " Oestereicher,
le président de Amnesty-Angleterre, en tant que défenseur
professionnel des droits de l'homme - qui, dans ses tentatives
de conciliation, était entièrement du côté
de l'Etat - après son entretien avec Büback, était
: "épouvanté de voir que Biïback, froid
comme la glace, jouait au poker avec la vie des prisonniers "
(textuellement). "
SPIEGEL :
" Quel est le point de départ de votre analyse de
la situation en République fédérale allemande
? "
R.A.F. : "
Centre impérialiste.
Colonie américaine.
Base militaire américaine.
Puissance dirigeante
impérialiste en Europe et dans le Marché commun.
Deuxième
puissance militaire de l'OTAN.
Représentant
patenté des intérêts de l'impérialisme
américain en Europe de l'Ouest.
" La fusion
de l'impérialisme ouest-allemand (politiquement, économiquement,
militairement, idéologiquement fondé sur les mêmes
intérêts d'exploitation du Tiers-Monde, ainsi que
sur l'homogénéité des structures sociales
au moyen de la concentration des capitaux et de la culture de
consommation) avec l'impérialisme américain caractérise
la position de la République fédérale vis-à-vis
des pays du Tiers-Monde : en tant que parti dans les guerres
conduites contre eux par l'impérialisme américain,
en tant que " ville " dans le processus révolutionnaire
mondial d'encerclement des villes par les villages.
" Dans cette
mesure, la guérilla dans les métropoles est une
guérilla urbaine aux deux sens du terme : géographiquement,
elle surgit, opère et se développe dans les grandes
villes, et au sens stratégique et politico-militaire elle
est une guérilla urbaine car elle s'attaque de l'intérieur
à la machine répressive de l'impérialisme
dans les métropoles, elle combat comme unité de
partisans sur les arrières de l'ennemi.
" C'est ce
que nous entendons aujourd'hui par internationalisme prolétarien.
En un mot : la République
fédérale faisant partie du système étatique
de l'impérialisme américain, n'est pas une Nation
opprimée mais une Nation qui opprime.
" Dans un tel
Etat, le développement du contre-pouvoir prolétarien
et de sa lutte de libération, le démantèlement
complet des structures dominantes, de pouvoir, ne peuvent être,
dès leurs débuts, qu'internationalistes, ne sont
possibles qu'en relation tactique et stratégique avec
les luttes de libération des Nations opprimées.
" Historiquement
: depuis 1918-1919, la bourgeoisie impérialiste - son
Etat - possède l'initiative dans le déroulement
des luttes de classe en Allemagne et est à l'offensive
contre le peuple ;
et cela jusqu'à
ce que les organisations du prolétariat se soient trouvées
totalement défaites dans le fascisme jusqu'à la
défaite de l'ancien fascisme, défaite due non pas
à la lutte armée, mais aux alliés occidentaux
et à l'armée soviétique.
Dans les années
20, il y a eu la trahison de la Troisième Internationale
: alignement total des partis communistes sur l'Union soviétique,
qui se trouve à l'origine de l'incapacité du K.P.D.
(parti communiste d'Allemagne) d'en venir à une politique
orientée vers la révolution par la lutte armée
et la conquête prolétarienne du pouvoir politique.
" Après
1945, il y a eu l'offensive lavage de cerveau de l'impérialisme
américain contre le peuple au moyen de l'anticommunisme,
de la culture de consommation, de la restauration-refascisation
politique, idéologique, et finalement militaire sous la
forme de guerre froide et d'une R.D.A. (République démocratique
allemande) qui n'a pas développé la politique communiste
comme guerre de libération.
Il n'y a pas eu
ici de résistance antifasciste, de masses armées
comme en France, Italie, Yougoslavie, Grèce, Espagne,
même Hollande.
Les conditions pour
cela ont été immédiatement brisées
par les alliés occidentaux après 1945.
" Tout cela
signifie pour nous et pour la gauche légale, ici : il
n'y a rien à quoi nous rattacher, sur quoi nous appuyer
historiquement, il n'y a rien que nous puissons présupposer
d'une manière ou d'une autre en termes organisationnels
ou de conscience prolétarienne, pas même des traditions
démocratiques pu républicaines.
Au plan de la politique
intérieure, il s'agit là d'un des motifs qui rend
possible sans retenue le processus de fascisation, la surcroissance
et l'excroissance de l'appareil policier, de la machine de sûreté
de l'Etat comme police de l'Etat dans l'Etat, la suppression
factice de la division des pouvoirs, la promulgation de lois
d'exception fascistes dans le cadre du programme de " sécurité
interne "
- depuis les lois
d'urgence jusqu'aux lois d'exception actuelles qui permettent
le déroulement de procès sans accusés ni
défenseurs, comme pure entreprise de spectacle, mais également
l'exclusion de "radicaux " des services publics, l'élargissement
des compétences de l'Office de police criminelle.
" Une démocratie
qui n'a pas été conquise, qui n'est pour le peuple
qu'un bourrage de crâne et n'a pas de base de masse, ne
peut pas être défendue et ne l'est pas non plus.
Tout cela, ce sont des conditions spécifiques au territoire
politique de la République fédérale. "
SPIEGEL :
" Jusqu'à présent, avec des bombes et des
slogans vous n'avez pu obtenir l'adhésion que de très
petits groupes d'intellectuels et sympathisants anarchistes.
Croyez-vous encore pouvoir changer cela ? "
R.A.F. : " Les guerres de
libération des peuples du Tiers-Monde ont des répercussions
économiques, politiques, militaires et idéologiques
sur la société métropolitaine, que Lin Piao
appelait " couper les pieds à l'impérialisme
".
Elles accentuent
les contradictions dans les métropoles.
Les moyens et les
méthodes que le système emploie pour nier ces contradictions
deviennent dépassés.
Les réformes
se transforment en répressions, l'appareil militaire et
policier est développé démesurément
et ce d'autant plus que les moyens manquent dans le secteur.
" L'appauvrissement
de la population, la militarisation de la politique, la répression
intensifiée, tel est le développement forcé
de la crise du système.
Sortir d'une position
politique et historique défensive et intervenir dans ce
processus de désintégration est la condition de
base de la politique révolutionnaire ici. "
SPIEGEL :
" On vous reproche souvent un manque absolu d'influence
sur les masses ainsi que dé liaison avec la base. Imputez-vous
cela au fait que le collectif R.A.F. est éloigné
de la réalité? Avez-vous, entre-temps, affûté
votre optique ? Beaucoup ont l'impression que vous n'attirez
encore l'attention que là où vous suscitez de la
pitié, en conséquence de quoi vous n'avez même
pas l'approbation de l'extrême gauche. Où situez-vous
vos partisans ? "
R.A.F. : " II y a la trace
laissée par la politique de la R.A.F. Pas de partisans,
pas de suivistes et pas d'organisations de successeurs.
Mais la R.A.F. et
l'effet de notre politique se situent :
1° au niveau
où beaucoup, modifiant leur opinion sur cet Etat étant
donné les mesures prises par le gouvernement contre nous,
commencent à le reconnaître pour ce qu'il est :
la machine répressive de la bourgeoisie impérialiste
;
2° au niveau
où nombreux sont ceux qui, s'identifiant avec notre lutte,
devenant conscients et relativisants dans leur pensée,
leur sensibilité et finalement dans leur action, l'absolutisme
de pouvoir du système, reconnaissent ce qu'il est possible
de faire, que le sentiment d'impuissance ne reflète pas
la réalité objective ;
3° au niveau
de l'internationalisme prolétarien, de la conscience de
la relation entre des luttes de libération dans le Tiers-Monde
et ici, de la possibilité et de la nécessité
de collaborer légalement et illégalement.
Au niveau de la
praxis : qu'il ne suffit pas seulement de parler, mais qu'il
est possible et nécessaire, nécessaire et possible
d'agir. "
SPIEGEL :
" Voulez-vous être des cadres et le rester et provoquer
seuls la chute du régime ou bien croyez-vous toujours
pouvoir mobiliser les masses prolétariennes ? "
R.A.F. : " Aucun révolutionnaire
ne pense à renverser seul le système, c'est absurde.
Il n'y a pas de
révolution sans le peuple.
De telles affirmations
contre Blanqui, Lénine, Che Guevara, contre nous maintenant
n'ont jamais été autre chose que la dénonciation
de toute initiative révolutionnaire, la référence
aux masses ayant pour fonction de justifier, de vendre la politique
réformiste.
Il ne s'agit pas
de lutter seul, mais de créer à partir des luttes
quotidiennes, des mobilisations et des processus d'organisation
de la gauche légale, une avant-garde, un noyau politico-militaire
qui devra mettre en place une structure illégale - condition
préalable, nécessaire à la possibilité
d'agir et qui, étant donné les poursuites et l'illégalité,
et la praxis peut donner aux luttes légales dans les usines,
les quartiers, la rue et les universités, orientation,
force et but pour atteindre ce dont il s'agira dans les développements
de la crise économique et politique de l'impérialisme
: la prise du pouvoir politique.
" La perspective
de notre politique - le développement pour lequel nous
nous battons : un fort mouvement de guérilla dans les
métropoles - est, au cours de ce processus de chute définitive
et d'écroulement de l'impérialisme américain,
un moyen nécessaire, une étape, dans la mesure
où les luttes légales et les luttes qui se développeraient
spontanément à partir des contradictions du système
pourraient être brisées par la répression
dès qu'elles se manifestent.
Ce que le parti
de cadres bolchevique représentait pour Lénine,
correspond à l'époque de l'organisation multinationale
du capital, des structures transnationales de la répression
impérialiste à l'intérieur et à l'extérieur,
où nous nous trouvons aujourd'hui, à l'organisation
du contre-pouvoir prolétarien issu de la guérilla.
Au cours de ce processus
- national et international - elle se développe en parti
révolutionnaire.
Il est stupide,
en l'état actuel des luttes antiimpérialistes en
Asie, en Amérique Latine, au Vietnam, Chili, Uruguay,
Argentine, Palestine, de dire que nous sommes seuls.
En Europe occidentale
il n'y a pas seulement la R.A.F., il y a l'I.R.A., l'E.T.A.,
des groupes armés combattants en Italie, au Portugal,
en Angleterre.
Depuis 1968 il existe
des groupes de guérilla urbaine aux U.S.A. "
SPIEGEL :
" Votre base, se sont paraît-il, à l'heure
actuelle, quarante camarades de la R.A.F. en prison, approximativement
trois cents anarchistes dans la clandestinité en R.F.A.
Qu'en est-il des sympathisants ? "
R.A.F. : " Ces chiffres sont
l'un de ceux changeant souvent et émanant des services
de l'Office fédéral de police criminelle.
Ils sont faux, les processus de prise de conscience ne se laissent
pas quantifier si facilement.
A l'heure actuelle,
la solidarité est en train de devenir internationale.
Parallèlement
à une sensibilisation de l'opinion publique internationale
qui agit de plus en plus ouvertement par rapport à l'impérialisme
ouest-allemand, on assiste également au développement
d'une sensibilité quant à sa répression
intérieure.
Parmi les organisations
de la gauche, légale, depuis que la R.A.F. existe, se
développe un processus de discussions et de polarisation
par rapport au problème de la politique armée.
Un nouvel anti-fascisme
est en train de se former, non plus basé sur la pitié
apolitique avec les victimes et les persécutés
mais identification avec la lutte anti-impérialiste, dirigé
contre la police, les services de sûreté de l'Etat,
les trusts multinationaux, contre l'impérialisme américain.
Helmut Schmidt n'aurait
pas compté la R.A.F., à l'occasion de son discours
de Nouvel An, parmi les cinq réalités ou développement
menaçants principalement l'impérialisme en 1974
: l'inflation mondiale, la crise du pétrole, l'affaire
Guillaume, le chômage, la R.A.F. ; si nous étions
des poissons sans eau, si la politique révolutionnaire
ici avait une base si étroite, comme ils le prétendent,
dans la conduite psychologique de la guerre. "
SPIEGEL :
" L'une de vos troupes d'appui principale, du moins le prétend-on,
serait la douzaine d'avocats qui ont charge de coordination tant
en dehors qu'à l'intérieur de la prison. Quels
rôles jouent vos avocats ? "
R.A.F. : " Les avocats engagés,
les défenseurs qui connaissent nos dossiers se politisent
inévitablement, parce qu'à chaque instant, ils
font l'expérience, littéralement dès leur
première visite à un prisonnier de la R.A.F., que
rien de ce qu'il considérait comme allant de soi en tant
qu'instance judiciaire ne fonctionne plus.
Les fouilles corporelles,
le contrôle du courrier, les perquisitions dans les cellules,
les persécutions, suspicions, les sanctions du Conseil
de l'ordre des avocats, la conduite psychologique de la guerre,
les poursuites pénales, les lois décrétées
" sur mesure " pour leur exclusion, de la défense,
ce à quoi s'ajoute la connaissance des traitements spéciaux
que nous subissons, leur impuissance totale à changer
quoi que ce soit, par la procédure normale, c'est-à-dire
en utilisant des arguments juridiques devant les tribunaux et
l'expérience qu'ils font à tout moment, que ce
ne sont pas les juges mais le Sicherungsgruppe Bonn (services
de sûreté de l'Etat) et les services du procureur
fédéral qui prennent toutes les décisions
nous concernant, ce qui est une contradiction entre texte et
réalité constitutionnelle, entre la façade
de l'état constitutionnel et la réalité
de l'état policier, a fait des défenseurs de l'état
constitutionnel des anti-fascistes.
La volonté
d'assimiler ces avocats à nous, d'en faire des troupes
auxiliaires, ce qu'ils ne sont pas, fait partie de la stratégie
du B.K.A. (Office fédéral de police criminelle)
et des services du procureur fédéral.
Dans la mesure où
la justice est annexée dans ce procès par la sûreté
de l'Etat pour servir les buts de la contre-insurrection, où
elle est utilisée comme instrument dans la stratégie
d'extermination menée contre nous, par les services du
procureur général, les défenseurs qui se
basent sur le principe de la séparation des pouvoirs sont
considérés comme des obstacles à la fascisation
et doivent donc être combattus.
SPIEGEL :
" Avez-vous des problèmes de démarcation politique,
vis-à-vis des autres groupes anarchistes opérant
dans la clandestinité ? "
R.A.F. : " Pas vis-à-vis
du Spiegel. "
SPIEGEL :
" Qu'en est-il du mouvement du 2 juin qui approuve le meurtre
à Berlin-Ouest du juge Drenkmann ? "
R.A.F. : "Demandez-le au
mouvement du 2 juin."
SPIEGEL :
" Que pensez-vous de ceci : le meurtre de Drenkmann a-t-il
servi à quelque chose ? "
R.A.F. : " Drenkmann n'est
pas devenu la plus haute autorité judiciaire d'une ville
de trois millions d'habitants sans avoir détruit la vie
de milliers de personnes, sans leur avoir enlevé le droit
de vivre, sans les avoir étranglés en s'appuyant
sur des paragraphes, enfermés dans des cellules de prison,
sans avoir brisé leur avenir.
Il y a aussi le
fait que malgré l'invitation des plus hautes autorités
ouest-allemandes : le président de la République
et le président de la Cour constitutionnelle, 15 000 Berlinois
seulement se sont rendus à l'enterrement, et cela dans
une ville qui, autrefois, mobilisait de 500 à 600 000
personnes pour des manifestations anticommunistes.
Vous savez vous-même
que l'indignation suscitée par cet attentat contre la
justice berlinoise n'est que de la propagande et de l'hypocrisie,
que personne ne porte le deuil pour un masque, que cet exercice
imposé n'était qu'un moyen de communication bourgeois
et impérialiste.
L'indignation exprimait
un réflexe d'adaptation à un certain climat politique.
Celui qui, sans
être lui-même élite dirigeante, s'identifie
spontanément à une telle mascarade de justice,
dit seulement de lui que là où l'exploitation règne
il ne peut se pencher que du côté de l'exploiteur.
En termes d'analyse
de classes, les protestations en faveur de Drenkmann, là
où elles émanaient de la gauche et des libéraux,
opéraient seulement de façon à les démasquer.
"
SPIEGEL :
" Ce que nous en savons est quelque chose de tout à
fait différent. Nous savons que Drenkmann a été
abattu et nous tenons pour une impudence l'apologie de ce meurtre
par la R.A.F. Celui-ci se réduit à une justice
de lynch pour un délit apparemment commis de façon
collective par une justice que vous qualifiez, de fasciste. Même
lorsqu'on accepte la maxime : la fin justifie les moyens (ce
que vous faites ouvertement), le meurtre de Drenkmann, eu égard
à l'effet qu'il a produit sur le public, constitue une
défaite pour le collectif R.A.F. "
R.A.F. : " Nous ne justifions
rien.
La contre-violence
révolutionnaire n'est pas seulement légitime, elle
est notre seule possibilité et nous savons, nous, qu'au
cours de son développement, elle donnera à la classe
pour laquelle vous écrivez, d'autres occasions d'auto-
représentations bigottes, que la tentative de faire prisonnier
un juge.
" Votre indignation
doit être mise en relation avec votre silence sur l'attentat
de Brème, lorsqu'une bombe a explosé dans une
consigne automatique peu après l'annulation d'un
match de football.
Au contraire de
l'action contre Drenkmann cette bombe n'était pas dirigée
contre un membre de la classe dirigeante mais contre le peuple,
il s'agissait d'une action fasciste sur le modèle de la
C.I.A.
Comment expliquez-vous,
dans ce cas, que la police de la gare de Brème était
déjà en état d'alerte le matin du 7 décembre
- jour où la bombe explosa à 16 h 15 de l'après-midi
- car elle avait été prévenue par le bureau
criminel du Land de Hesse, que l'on s'attendait à cet
attentat dans les gares et dans les trains ?
Comment expliquez-vous
que la protection civile de Brème-Nord avait déjà
reçu à 15 h 30 l'ordre d'intervenir et d'envoyer
cinq ambulances à la gare principale parce qu'une bombe
allait y exploser, que la police était déjà
là immédiatement après l'explosion avec
l'information toute prête, selon quoi elle n'avait pas
été mise au courant d'une attaque à la bombe
à 15 h 56 et cela concernant avec un grand magasin du
centre de la ville ?
Ainsi les autorités
de Brème n'étaient pas seulement prévenues
du temps et du lieu exacts mais elles disposaient aussitôt
après l'explosion d'une information qui taisait, manipulait
et détournait d'eux le scénario réel de
leurs propres mesures ?
Qu'en est-il alors
de votre indignation ? "
SPIEGEL :
" Nous vérifierons les faits que vous dépeignez.
Vous seuls, dans la clandestinité, avez, mis l'accent
sur la violence. Lorsque les bombes ont explosé à
Munich, à Heidelberg et à Hambourg, la R.A.F. a
tenu cela pour un fait politique et l'a revendiqué comme
tel. Considérez-vous la violence comme les choses et les
personnes comme un concept inefficace - qui n'entraîne
pas la solidarité mais repousse - ou avez-vous plutôt
l'intention de continuer dans cette voie ? "
R.A.F. : " La question, c'est
: qui repousse qui ?
Des photos de nous
étaient accrochées aux palissades dans les rues
d'Hanoï car l'attaque d'Heidelberg revendiquée par
la R.A.F. a détruit l'ordinateur au moyen duquel étaient
programmés et dirigés les bombardements américains
sur le Nord-Vietnam.
Les officiers, les
soldats et les politiciens américains se sont sentis repoussés
car, à Francfort ou à Heidelberg, ils ont soudain
senti que le Vietnam leur était remis en mémoire,
ils ne se sentaient plus en sécurité sur leurs
arrières.
La politique révolutionnaire
doit être aujourd'hui en même temps politique ET
militaire.
C'est ce qui ressort
de la structure de l'impérialisme : le fait que sa domination
doit être assurée, à l'intérieur et
à l'extérieur, dans les métropoles et dans
le Tiers-Monde, d'abord militairement au moyen de pactes et d'interventions
militaires, de programmes de contre-guérilla et de "
sécurité interne ", c'est-à-dire l'élaboration
à partir de l'intérieur de son appareil de violence.
Etant donné
le potentiel de violence de l'impérialisme, il" n'y
a pas de politique révolutionnaire sans résoudre
la question de la violence à chaque étape de l'organisation
révolutionnaire. "
SPIEGEL :
" Quelle image avez-vous de vous-mêmes ? Vous rangez-vous
au nombre des anarchistes ou des marxistes?"
R.A.F. : " Marxistes.
Mais la conception
de l'anarchisme par les services de sécurité de
l'Etat n'est rien d'autre qu'un brandon anticommuniste, qui ne
tient à rien qu'à l'usage d'explosifs.
Il est destiné
en tant que rhétorique de la contre-révolution,
étant donne la précarité des conditions
de vie dans la sphère capitaliste, à manipuler
les angoisses latentes, et toujours à portée de
la main, du chômage, de la crise et de la guerre, afin
de vendre, par le biais des mesures de " sécurité
interne", le peuple à l'appareil d'Etat : police,
services secrets armée en tant qu'instrument du maintien
de l'ordre et de la sécurité.
Il vise à
la mobilisation réactionnaire et fasciste du peuple, cela
afin d'entraîner de façon manipulative une identification
avec l'appareil de violence d'Etat.
Il s'agit aussi
d'une tentative pour pratiquement usurper au profit de l'Etat
impérialiste la vieille querelle entre révolutionnaires
marxistes et révolutionnaires anarchistes, de jouer contre
nous l'affadissement opportuniste du marxiste contemporain qui
dit que les marxistes ne doivent pas s'attaquer à l'Etat
mais au capital, que seulement les usines et non les rues peuvent
être aujourd'hui le centre des luttes de classe, etc.
Selon cette fausse
compréhension du marxisme, Lénine était
anarchiste et son livre : " L'Etat et la Révolution
" est un écrit anarchiste.
Il est cependant
le livre stratégique par excellence du marxisme révolutionnaire.
L'expérience
de tous les mouvements de guérilla est simple : l'instrument
du marxisme-léninisme, ce que Lénine, Mao, Giap,
Fanon, Che, ont emprunté à la théorie de
Marx, et développé, ce qui pour eux était
utile, est une arme dans la lutte anti-impérialiste. "
SPIEGEL :
" La " guerre populaire " conçue par la
R.A.F. est devenue dans la conscience du peuple - semble-t-il
- une guerre contre le peuple. Bôll a parlé une
fois des 6 contre 60 millions. "
R.A.F. : " II s'agit là
d'un vu impérialiste. C'est de cette façon
qu'en 1972 le journal " Bild " a retourné la
notion de guerre populaire en " guerre contre le peuple
".
Si vous considérez
le journal " Bild " comme la voix du peuple...
Nous autres, ne
partageons pas le mépris de Böll pour les masses,
car l'OTAN, les holdings multinationaux, la sûreté
de l'Etat, les 127 bases militaires américaines en République
fédérale, Down Chemical, I.B.M., General Motors,
la justice, la police, le B.G.S. ne constituent pas le peuple
et, le fait que la politique du cartel pétrolier, de la
C.I.A., du B.N.D. [services secrets], de la Cour constitutionnelle
puisse être une politique pour le peuple, puisse incarner
le bien-être de l'Etat impérialiste - en même
temps qu'il obscurcit la conscience du peuple, est l'affaire
du journal " Bild ", du Spiegel, de la conduite psychologique
de la guerre menée par la sûreté de l'Etat
contre le peuple, contre nous. "
SPIEGEL :
" Vox populi, vox R.A.F. ? Ne remarquez-vous pas que plus
personne ne descend dans la rue pour vous ? Lorsqu'il y a un
procès contre la R.A,F,, vous ne rassemblez plus dans
les tribunaux que de petits groupes ; ne remarquez-vous pas qu'à
partir du moment où vous avez lancé des bombes
autour de vous, plus personne ne tient de lit à votre
disposition? Tout cela éclaire cependant en grande partie
le succès des recherches entreprises contre la R.A.F.
depuis 1972. C'est vous et non Böll qui méprisez
les masses. "
R.A.F. : " II est bien que
vous répercutiez les platitudes de Hakker - la situation
se trouve ainsi caractérisée : une gauche légale
encore tactiquement faible et éparse ne peut pas transformer
la mobilisation réactionnaire en mobilisation révolutionnaire
contre la force de répression dans le. cadre national.
Cette question vous
ne vous la posez même pas.
Nous disons : c'est
précisément dans cette contradiction que la politique
prolétarienne peut devenir en tant que politique armée
seulement : la politique du prolétariat, c'est par cette
médiation que l'intelligence, en tant que problème
de la révolution, de la stratégie et de l'analyse
de classes se trouve certainement soustraite à votre plate
polémique.
La R.A.F. n'est
pas le peuple, mais un petit groupe qui a commencé la
lutte comme partie du peuple, qui ne surgira comme force de l'histoire
que dans la lutte contre l'impérialisme, au cours du long
processus de la guerre de libération.
LA R.A.F., SA POLITIQUE,
SA LIGNE, SES ACTIONS SONT PROLETARIENNES, SONT UN DEBUT DE CONTRE-POUVOIR
PROLETARIEN.
LA LUTTE COMMENCE.
VOUS PARLEZ DU FAIT
QUE CERTAINS D'ENTRE NOUS SONT PRISON-NIERS - CELA CONSTITUE
SEULEMENT UNE DEFAITE.
VOUS NE PARLEZ PAS
DU PRIX POLITIQUE PAYE PAR L'ETAT IMPERIALISTE CONTRE UNE PETITE
UNITE SEULEMENT DE LA R.A.F.
Parce qu'un des
buts de l'action révolutionnaire, sa tactique dans cette
phase de construction, est de contraindre l'Etat à agir
ouvertement, de le contraindre à une réaction,
qui révèle les structures de la répression,
de l'appareil de répression, qui les rend perceptibles,
et ainsi se propose comme condition de lutte de l'initiative
révolutionnaire.
" Marx dit
: " Le progrès révolutionnaire se fait par
la création d'une contre-révolution puissante et
unifiée, par la création d'un ennemi qui amènera
le parti de l'insurrection à atteindre par la lutte la
maturité qui fera de lui le véritable parti révolutionnaire.
"
L'étonnant
n'est pas que nous ayons subi une défaite, mais que depuis
cinq ans elle se perpétue : la R.A.F. - les faits dont
parle le gouvernement ont changé.
" EN 1972,
APRES UN SONDAGE, 20 % DES ADULTES ONT DECLARE QU'ILS ACCEPTERAIENT
DES POURSUITES JUDICIAIRES POUR POUVOIR CACHER CHEZ EUX L'UN
D'ENTRE NOUS.
EN 1973, UNE ENQUETE
PARMI LES ECOLIERS REVELAIT QUE 15 % D'ENTRE EUX S'IDENTIFIAIENT
AUX ACTIONS DE LA R.A.F.
Il est sûr
que le bien-fondé de la politique révolutionnaire
n'est pas à vérifier au moyen d'enquêtes
démographiques, car le processus de prise de conscience,
de connaissance et de politisation n'est pas quantifiable.
Mais cela signifie
que le développement de la théorie de l'insurrection
armée en guerre populaire prolongée - cela signifie
que dans le combat contre la structure de pouvoir de l'impérialisme
le peuple trouvera à long terme son avantage, se délivrera
de l'emprise des lavages de cerveaux par les médias -
car notre combat est une Realpolitik, c'est un combat contre
les ennemis réels du peuple, tandis que la contre-révolution
est réduite à placer les faits la têtç
en bas.
Il y a cependant
le problème du chauvinisme de métropole dans la
conscience du peuple, lequel, au moyen du concept d'aristocratie
ouvrière, est seulement mal défini en termes de
catégorie économique...
Il y a le problème
que l'identité nationale dans les métropoles ne
peut être que réactionnaire, comme identification
avec l'impérialisme.
Cela signifie dès
le début que la conscience révolutionnaire dans
le peuple n'est possible que dans le cadre de l'internationalisme
prolétarien, dans l'identification avec les luttes de
libération anti-impérialiste des peuples du Tiers-Monde,
ne peut pas seulement se développer à travers les
luttes de classes ici.
Etre cette articulation,
réaliser l'internationalisme prolétarien comme
condition de base de la politique révolutionnaire, être
de cette façon la liaison entre les luttes de classe ici
et les luttes de libération du Tiers-Monde, est l'affaire
de la guérilla dans les métropoles. "
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