Déclaration commune de la CGT et de la FDGB

(juin 1950)

Les représentants de la C.G.T. Française et de la Fédération des Syndicats Libres Allemands (F.D.G.B.) se sont réunis à BERLIN, les 14 et 15 juin 1950, dans le but de réaliser une collaboration efficace entre les classes ouvrières française et allemande pour l'établissement d'une paix solide et durable, la lutte contre la renaissance du fascisme et la défense des intérêts vitaux des salariés.

Ils ont convenu qu'une action des travailleurs français et allemands sur des bases communes ayant comme objectif d'éliminer dans les deux pays toutes les causes des guerres qui, dans le passé, les ont jetés les uns contre les autres, qui ont causé la mort de millions d'hommes et de femmes, provoqué des invasions et d'innombrables misères, était la garantie la plus sûre de l'établissement de rapports pacifiques durables entre les peuples de France et d'Allemagne.

Cette action s'avère d'autant plus nécessaire et urgente que les États impérialistes, agissant sous la direction des grands capitalistes américains organisent les territoires français et les zones occidentales de l'Allemagne en plate-forme d'agression pour une nouvelle guerre impérialiste dirigée contre l'Union Soviétique et les Démocraties Populaires.

Déjà, les États impérialistes sont passés au stade de la provocation ouverte comme le prouve le survol du territoire soviétique par une forteresse volante.

En Allemagne occidentale comme en France, on détruit ou on désorganise l'économie du pays par la transformation d'industries de paix en industries de guerre ; on construit des aérodromes militaires ; on fabrique des explosifs et des gaz toxiques ; on remilitarise l'Allemagne occidentale sous le commandement des impérialistes américains.

En Allemagne Occidentale comme en France, le plan Marshall, instrument de la politique de préparation à la guerre, crée et développe le chômage, permet d'exercer une pression constante sur les salaires et conduit à l'abaissement du niveau de vie des masses laborieuses par l'accroissement continu des dépenses militaires.

En Allemagne occidentale comme en France, les hommes des trusts sont replacés aux leviers de commande de l'économie et de l'État.

Des criminels de guerre, des généraux hitlériens sont blanchis et utilisés par les fauteurs de guerre, tandis que les libertés démocratiques et les droits des travailleurs sont attaqués.

Sous la direction et la commandement des capitalistes américains, le gouvernement réactionnaire de Paris et le gouvernement fantoche de Bonn collaborent à l'exécution de ce programme de guerre et de régression sociale.

Le plan appelé "Plan Schuman" de concentration de l'industrie du charbon et de l'acier de France, de l'Allemagne de l'Ouest et des autres pays de l'Europe occidentale est une tentative des impérialistes américains de renforcer leur domination sur l'économie et la politique de ces pays.

Il vise à la création d'un vaste arsenal nécessaire à la préparation de la guerre antisoviétique et à la surexploitation des travailleurs.

En même temps, les gouvernements de Bonn et de Paris s'efforcent d'empêcher l'établissement de rapports fraternels entre les travailleurs allemands des zones occidentales et les travailleurs français entre les syndicats démocratiques de France et les organisations syndicales de l'Allemagne Occidentale.

Par contre, les autorités d'occupation américaines, anglaises et françaises, le gouvernement français et le gouvernement fantoche de Bonn utilisent les social-démocrates de droite, les dirigeants réactionnaires des syndicats et les dirigeants scissionnistes de l'Internationale Syndicale jaune comme agents d'exécution, dans le mouvement ouvrier, de leur politique de guerre.

Les représentants de la C.G.T. et de la F.D.G.B. rappellent aux travailleurs de France et d'Allemagne que les dirigeants social-démocrates de droite et les dirigeants réactionnaires des syndicats en désarmant idéologiquement la classe ouvrière, en la privant de sa force essentielle, son unité, ont permis au fascisme d'accéder au pouvoir et d'ensanglanter le monde ; ils portent une lourde responsabilité dans le déchaînement de la deuxième guerre mondiale.

C'est le même rôle qu'ils jouent aujourd'hui encore plus ouvertement au profit des impérialistes agressifs anglo-américains et de leurs alliés, les grands capitalistes de France et d'Allemagne occidentale, en appuyant le Plan Marshall, le Pacte Atlantique, en participant à la campagne de calomnies et de mensonges contre l'Union Soviétique.

Les représentants de la C.G.T. française saluent la création et le renforcement de la République démocratique allemande.

En extirpant impitoyablement les racines du fascisme et de l'impérialisme, en sapant les bases du militarisme allemand, en appliquant loyalement les accords de Potsdam, elle a renforcée le camp des défenseurs de la paix.

Les représentants de la C.G.T. française souhaitent vivement que la République démocratique allemande remporta des succès encore plus grands dans le développement démocratique de son économie ; ils souhaitent l'unification complète et l'indépendance de l'Allemagne sur les bases démocratiques et pacifiques qui sont celles de la République démocratique allemande et la réalisation de l'unité syndicale dans toute l'Allemagne.

Ainsi seront écartés à jamais le spectre des guerres entre les peuples allemand et français et les menaces d'invasion qui ont pesé si longtemps sur nos populations.

Les représentants de la F.D.G.B. saluent la lutte du peuple de France pour un gouvernement d'Union démocratique qui libérerait l'État de la domination de ces fauteurs de guerre que sont les hommes des trusts français et américains, gouvernement qui assurerait au peuple et à la nation française leur libération de l'emprise étrangère, garantirait à la France son indépendance, sa liberté, son développement économique et la placerait dans le camp des nations pacifiques.

En luttant pour un tel gouvernement, le peuple de France avec à sa tête la classe ouvrière, combat pour la même cause que le peuple allemand sous la conduira da la classe ouvrière allemande.

En obtenant des succès complets dans la réalisation de ces objectifs, non seulement les peuples allemand et français assureront définitivement leur voisinage pacifique, mais ils contribueront à rendre impossible toute nouvelle guerre d'agression en Europe.

C'est pourquoi, les syndicats français et allemands considèrent comme un devoir commun d'assurer une action commune des prolétariats français et allemands contre les adversaires communs de cette politique démocratique et pacifique qui se trouvent dans l'État fantoche de Bonn aussi bien que dans les milieux dirigeants actuels de Paris.

Les représentants de la C.G.T. et de la F.D.G.B. sont certains d'exprimer les sentiments profonds des travailleurs de France et d'Allemagne en affirmant qu'ils s'opposeront avec énergie à toute tentative nouvelle de leur faire prendre les armes les uns contre les autres ou de les lancer ensemble dans une nouvelle guerre mondiale qui ne pourrait être qu'une guerre d'agression impérialiste contre l'U.R.S.S. Les représentants de la C.G.T. et de la F.D.G.B. tiennent à rappeler le rôle décisif joué par l'Union Soviétique pour l'écrasement du fascisme et à marquer qu'elle est aujourd'hui la force principale du camp de la paix.

Dans le but de coordonner l'action des travailleurs allemands et français contre la coalition des forces impérialistes et de leurs agents scissionnistes et social-démocrates de droite, ligués contre leurs intérêts, les représentants de la C.G.T. et de la F.D.G.B. décident :

1°/

de renforcer en France et en Allemagne l'action des travailleurs pour la défense de la paix conformément aux récentes décisions du Comité Exécutif de la F.S.M. ;

de poursuivre, de renforcer et de soutenir dans les ports de France et d'Allemagne occidentale la lutte contre le chargement et le déchargement du matériel de guerre et d'établir, à cet effet, des relations étroites entre les travailleurs des ports de ceux de ces deux pays ;

de renforcer leur participation à la campagne pour la signature de l'appel de Stockholm contre la bombe atomique ;
de participer activement à la préparation et à la popularisation du deuxième Congrès Mondial des Partisans de la paix qui se tiendra en octobre 1950 et d'y assurer une large représentativité ouvrière ;

de constituer des Comités de Défense de la Paix dans toutes les entreprises.

2°/

de combattre en France et en Allemagne la tentative de concentration, sous la direction des capitalistes américains, de l'industrie du charbon et de l'acier de la France, de l'Ouest de l'Allemagne et des autres pays d'Europe occidentale ;

de dénoncer ce plan dit "plan Schuman", comme une nouvelle tentative des impérialistes américains d'accentuer leurs préparatifs de guerre, de renforcer leur domination économique et politique et de porter atteinte aux droits économiques et sociaux des travailleurs.

3°/

de lutter en France et an Allemagne pour l'unité syndicale sur le plan national et sur le plan international au sein de la F.S.M.;

de développer l'unité d'action de tous les travailleurs et d'aider les organisations et les militants qui, dans les zones occidentales de l'Allemagne luttent pour l'unification des syndicats allemands ;

de combattre et de dénoncer dans les deux pays, en expliquant leur trahison à tous les travailleurs, les dirigeants de l'Internationale jaune qui exécute les ordres des impérialistes agressifs en tentant d'empêcher cette unification ;

de renforcer, en France et dans les zones occidentales de l'Allemagne, la lutte pour les intérêts vitaux des travailleurs gravement compromis par la politique de préparation à la guerre et la domination des capitalistes américains ;

de lutter d'un commun accord, dans les deux pays, pour la liquidation du Plan Marshall et de son corollaire, le Pacte Atlantique ;

de renforcer les rapports amicaux et fraternels entre prolétaires allemands et français dans leur lutte commune ;
d'établir des contacts directs entre les organisations, les militants, les entreprises de France et d'Allemagne et notamment entre ceux des territoires occidentaux de l'Allemagne et ceux de la France.

Les représentants de la C.G.T. et de la F.D.G.B. décident, pour réaliser ces tâches commune, d'établir entre les deux organisations des rapports étroits et de procéder à des échanges d'expérience et à des consultations chaque fois que cela sera nécessaire.

Les représentants des syndicats français et allemands sont parfaitement conscients des grandes responsabilités qui incombent aux travailleurs de France et d'Allemagne dans la lutte présente pour empêcher les impérialistes de déclencher une nouvelle guerre mondiale.

En rendant impossible l'utilisation de la France et de l'Allemagne occidentale comme plate-forme de guerre, on s'opposant victorieusement à la tentative d'utiliser les français et les allemands comme des mercenaires des fauteurs de guerre impérialistes, les peuples d'Allemagne et de France, avec à leur tête la classe ouvrière de ces deux pays, rendront impossible la réalisation des plans criminels des brigands impérialistes qui préparent une nouvelle et plus sanglante guerre mondiale.

C'est pourquoi les représentants de la C.G.T. et de la F.D.G.B. appellent tous les syndiqués, tous les travailleurs, les mères, les femmes et les jeunes à devenir d'ardents combattants pour; la réalisation des tâches que ces organisations se sont fixées en commun et qui correspondent aux intérêts vitaux des peuples de France et d'Allemagne.

Ils les invitent à renforcer les liens d'amitié et de solidarité entre les travailleurs français et allemands.

Ils affirment leur certitude qu'en unissant leurs forces, dans une amitié sincère et mutuelle, les travailleurs réussiront à mettre en échec les plans des instigateurs de guerre.

VIVE L'AMITIÉ ENTRE LES CLASSES OUVRIÈRES ALLEMANDE ET FRANÇAISE.

VIVE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE.

VIVE LA FÉDÉRATION SYNDICALE MONDIALE.

VIVE LA PAIX.

BERLIN, le 15 Juin 1950.

Pour la Confédération Générale du Travail,

Signé :
Benoît FRACHON
Alain LE LEAP
Olga TOURNADE
Lucien JAYAT

Pour la Fédération des Syndicats Libres allemands,

Signé :
Herbert WARNKE
A. STARCK
Friedel MALTER
H. SCHLIMME