Communiqué
du groupe Barbara Kistler
[ce communiqué
date de fin 1995]
Lors de la campagne des élections
générales de lannée dernière, nous
avons posé une bombe dans le bureau régional du
parti démocrate-chrétien CDU à Sieburg,
le 24 décembre.
Parmi d'autres, Kurt Lamers, porte-parole
du groupe parlementaire CDU aux affaires étrangères,
et Peter Hinze, secrétaire général de la
CDU, y avaient leurs bureaux.
Les médias ont faussement attribué cette action
à la Cellule Anti-Impérialiste (A.I.Z).
Pour cette raison, nous jugeons
nécessaire d'examiner la politique de l'A.I.Z et sur la
base de cette critique, d'entamer une discussion sur les développements
à venir de l'intervention militante.
Ce papier n'est pas uniquement adressé
à l'A.I.Z.
Nous espérons pouvoir faire
avancer le débat sur les buts de l'action militante dans
la lutte de la gauche radicale pour le socialisme.
Bien que nous considérions
au début la ligne de l'A.I.Z comme correcte, et que nous
ayons coordonné notre lutte à la sienne, à
la fois dans le contenu et dans le temps, aujourd'hui nous voyons
que l'A.I.Z donne sur plusieurs points fondamentaux des réponses
qui ne sont pas les nôtres.
L'A.I.Z n'était pas d'accord
avec le cessez-le-feu de la R.A.F en avril 1992 et voyait sa
propre politique comme la continuation de l'ancienne ligne.
De notre côté, nous
voyions l'arrêt opéré par la R.A.F comme
le résultat des vingt années de leur politique.
Cet arrêt était une
condition pour séparer le vrai du faux, une méthode
qui est et reste un aspect fondamental de la lutte révolutionnaire.
L'A.I.Z refuse de reconnaître
cette impasse dans laquelle la R.A.F a abouti, comme s'il n'y
avait eu à aucun moment la nécessité d'un
renouveau.
Ses actions sont un peu plus que
la faible imitation de vingt ans d'expérience armée.
La R.A.F a laissé beaucoup
de possibilités ouvertes pour le prolongement de sa politique,
elle n'a pas été capable de combler les vides de
ses propres contenus politiques, mais n'a pas pour autant cherché
à masquer ses faiblesses, et la faiblesse de la gauche
en général, en continuant tout bonnement sur sa
voie qui avait clairement conduit à l'échec.
"Pour créer une pression politique, nous avons volontairement
inscrit, dans un espace et un temps limité, un danger
de mort potentiel dans les endroits où nous menons nos
actions." (A.I.Z, 13.03.1995)
La responsabilité révolutionnaire
signifie faire porter le danger sur ceux qui sont impliqués
par l'effet politique.
Dans ce sens, les personnes impliquées,
ce sont toutes celles qui ont une position de responsabilité
dans la cible attaquée.
Un danger pour les personnes non-impliquées
doit, dans tous les cas, être évité.
Nous rejetons l'absence de scrupules,
l'idée que "la fin justifie les moyens".
A notre avis, des attaques ciblées
contre des individus, nous ne parlons pas seulement des dommages
collatéraux d'une action, sont hors de question à
l'heure actuelle en Allemagne.
Tous ceux qui en Allemagne interviennent
de façon militante dans les processus sociaux doivent
assumer leur responsabilité pour les répercussions
politiques.
Une mort, même celle de la
personne qui mène l'action, détruirait toutes les
tentatives qui visent à faire sortir la politique militante
des cercle étroits où elle se trouve encore.
Les attaques à Brème
(contre le bureau du parti centriste FDP) et à Wolfsburg
(contre la maison de Volkmar Koehler, ancien secrétaire
d'Etat et actuel président de la Société
d'Amitiés Germano-Marocaines) auraient pu tuer, même
des personnes non-impliquées.
Si quelqu'un avait été
tué dans ces attaques, ni le coût immédiat
(une vie) ni le coût politique n'auraient pu être
justifiés par le bénéfice politique (en
termes d'ancrage) de l'action.
La responsabilité révolutionnaire
signifie toujours examiner le danger auquel on expose les personnes
non-impliquées et faire correspondre les aspects techniques
d'une action à ce danger.
L'A.I.Z n'a pas fait cela, elle
en est arrivé à une position que nous ne pouvons
plus accepter.
Nous critiquons l'attaque contre
la maison de Volkmar Koehler sur les points suivants :
1. des moyens inappropriés
Une bombe peut être un instrument très utile pour
endommager le système logistique d'individus, d'entreprises,
de bureaux gouvernementaux, etc.
Mais, placée en face d'une
maison, cette arme ne devient qu'un pur et simple symbole de
danger de mort.
Les groupes militants devraient
rejeter ce type d'action symbolique à cause du risque
de mort pour les personnes non-impliquées.
2. la signification de l'attaque
Cette attaque n'avait aucun sens pour les gens, pas plus pour
l'opinion publique que pour la gauche radicale.
De plus elle n'aura pas d'effet
sur la politique de la Société d'Amitiés
Germano-Marocaines, et ne jettera aucune lumière sur les
activités de cette société, en tous cas
pas plus que n'en a dit le communiqué de l'AIZ.
Enfin, cette attaque n'aidera en
aucune façon à développer les forces progressistes
au Maroc.
3. Le communiqué et l'action
Le communiqué est un bon document de recherche sur la
situation au Maroc. Il expose la nature de la Société
d'Amitié et son rôle dans la guerre du gouvernement
contre l'opposition révolutionnaire.
En revanche, le communiqué
ne montre aucune perspective pour des développements possibles
ici ou au Maroc.
La bombe a explosé dans un
vide. Le seul effet obtenu, à part d'avoir endommagé
la maison, fut d'avoir trouvé de nombreux lecteurs pour
le communiqué.
Et, en proclamant un danger de mort
potentiel, l'AIZ a encore augmenté l'intensité
des recherches policières.
Dans le communiqué contre
Koehler, l'AIZ se réfère positivement à
Khadaffi et au Mouvement Islamique.
Celui-là, on peut encore
l'analyser politiquement, par contre il est impossible d'exprimer
une quelconque solidarité avec la Libye.
Une posture seulement anti-impérialiste,
comme c'est le cas pour la Lybie, est insuffisante si elle n'est
pas reliée aux principes fondamentaux d'une politique
émancipatrice.
Par exemple, quand Khadaffi écrit
dans le "Livre Vert" que le rôle de la femme
est défini par la nature et "une femme qui néglige
la maternité a oublié son rôle naturel dans
la vie", cela retire toute possibilté de solidarité.
L' impérialisme signifie
l'exploitation économique et culturelle de vastes portions
du monde par les Etats hautement industrialisés.
Ce sont les valeurs capitalistes
placées dans des continents entiers.
Une lutte anti-impérialiste
qui cherche simplement à s'extraire des conditions impérialistes
n'est pas nécessairement progressiste si elle ne recherche
pas en même temps à se libérer de l'exploitation
et de l'oppression d'une partie de la société par
une autre.
En plus de cela, il y a évidemment
la libération des structures patriarcales.
Il est nécessaire de mesurer
les mouvements et organisations antiimpérialistes en fonction
de leur contenu émancipateur, dans le but de joindre notre
lutte à la leur pour la libération mondiale.
C'est seulement de cette façon
que notre solidarité internationale peut être mise
en pratique.
La situation actuelle de la gauche
se caractérise par la scission et la liquidation.
La plupart des initiatives politiques
ne vont pas au-delà de quelques éléments
de libération subjectifs.
Leur vision de la réalité
sociale en Allemagne est basée sur leur propre niveau
de développement politique.
Les groupes militants et combattants
cherchent de nouvelles voies pour sortir de cet isolement social.
La question de l'ancrage est une
question centrale pour toute politique révolutionnaire.
Cela a à voir avec les perspectives
socialistes qui peuvent former l'alternative au capitalisme pour
de grands secteurs de la population.
Nous devrions voir l'importance
de la faille qui existe entre "ceux d'en-haut qui font ce
qu'ils veulent" et ceux qui se disent "qu'est-ce que
je peux y faire?", pour faire en sorte d'apporter quelque
chose de positif à ces gens qui veulent le changement.
Cette faiblesse objective de la
gauche radicale ne peut être changée que par un
contenu solide et une politique consistante dans la société,
hors du confinement dans la scène-ghetto.
Les groupes qui sont concernés
par les effets de l'ordre social contemporain (groupes de quartier,
groupes qui travaillent avec les sans-logis et les chômeurs,
groupes antiracistes, etc.) peuvent former une base pour la politique
révolutionnaire.
Si on s'accorde sur le fait que
les différentes formes de lutte peuvent et doivent se
relier les unes aux autres, alors les iniatives militantes et
armées ont la capacité de renforcer ces mouvements
et d'augmenter la pression pour leurs revendications.
Ces actions mettent en question
l'omnipotence du capitalisme et causent objectivement un affaiblissement
matériel des capacités de l'Etat, en même
temps qu'elles renforcent les mouvements radicaux.
L'AIZ ne remplit aucun des critères
qui définissent un groupe révolutionnaire.
Pour cette raison, nous leur suggérons
d'abandonner leur projet.
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