Ulrike Meinhof
La
situation de la RFA
(1976)
la situation de l'allemagne fédérale est la suivante
: grâce à l'énorme potentiel économique
de l'impérialisme ouest-allemand, soumis à la tutelle
du capital américain
- qui contrôle
toutes les industries stratégiques en allemagne fédérale
: l'électronique, la chimie, le pétrole, l'automobile,
la construction mécanique -
c'est le parti social-démocrate
qui organise en europe de l'ouest
le processus
contre-révolutionnaire
dont le modèle
de développement, proposé par la social-démocratie,
est le moteur à deux niveaux : au niveau des crédits,
dépendant directement des conditions politiques, préparant
les investissements de capitaux et imposant par chantage économique
la militarisation de la politique
- comme le dit
brandt dans une lettre à olaf palme
" la stabilité revient à prévoir la
catastrophe afin de l'éviter "
ceci revient à
dire qu'aux états soumis à elle dans la chaîne
impérialiste, l'allemagne fédérale impose
son modèle de fascisme : par le jeu des institutions,
par sa politique anti-insurrectionnelle, par l'organisation de
l'état sur le modèle de la démocratie parlementaire,
et l'exclusion systématique des partis communistes, de
telle sorte que le clan au pouvoir soit toujours et exclusivement
celui du capital u.s.
en europe de l'ouest,
l'ennemi principal c'est les états-unis et l'allemagne
fédérale de la social-démocratie, car elle
seule, de par son histoire et son influence dans l'internationale
socialiste et ses contacts avec les syndicats, dispose de moyens
suffisants pour imposer en europe un nouveau fascisme : des syndicats
et des partis étatisés, encore en contact avec
la base.
c'est ainsi que
toute attaque contre la présence ici du capital américain
s'affronte immédiatement à l'état impérialiste
ou directement à l'armée américaine - ce
dont il a été débattu en 1972 -;
dans tous les cas,
les attaques contre les installations américaines en allemagne
fédérale obligent le gouvernement à montrer
ce qu'il est vraiment - une branche du capital u.s. <- et
dévoilent le statut réel de l'allemagne fédérale
dans le système mondial américain - un territoire
militairement occupé par les états-unis -.
c'est aussi une
ligne de mobilisation.
mais l'essentiel,
c'est que la social-démocratie, ainsi démasquée
par les attaques de petits groupes armés, se retrouve
dans l'impossibilité d'organiser l'europe de l'ouest en
un bloc militaire au service de la stratégie du capital
u.s.
parce que
le fascisme, ainsi
mis à jour mobilisera nécessairement contre l'allemagne
tout ce qui subiste encore à l'étranger de ressentiment
politique, tout ce qui survit de tradition anti-fasciste et dans
tous les groupes, depuis l'extrême-gauche jusqu'aux sociaux-démocrates
et aux gouvernements nationalistes, tout ce qui existe de ressentiment
contre le militarisme et l'impérialisme allemand, contre
sa volonté d'hégémonie, avec justement comme
mot d'ordre :
l'ennemi principal
c'est les états-unis, la première ligne de démarcation,
le premier front de lutte, c'est le conflit nord/sud, avec la
lutte de libération des peuples du tiers-monde, ou, autrement
dit, la lutte armée du prolétariat mondial contre
les u.s.a.
la deuxième
ligne de démarcation est déterminée par
les répercussions dialectiques, sur les métropoles,
des guerres de libération menées à la périphérie
du système, il s'agit là aussi, sur le plan idéologique,
politique, militaire, mais aussi économique (point que
nous ne développerons pas ici), de créer un front
de lutte, un certain combat politico-militaire
processus qui fait que la guérilla dans les métropoles
participe des luttes de libération du tiers-monde, c'est-à-dire
constitue l'avant-garde du prolétariat mondial.
voilà - brièvement
- quelle stratégie nous envisageons à partir de
notre expérience et de ce que nous avons appris ici.
cette stratégie contraint l'état à réagir
avec force aux attaques de petits groupes révolutionnaires
et du même coup le contraint à constituer, à
développer lui-même le deuxième front, à
amorcer lui-même le processus de polarisation, en poursuivant
tous les gens de gauche, dans ce processus, la guérilla
peut être - et nous dirons sera - l'affaire de chacun et
de tous ceux qui prennent politiquement (et non individuellement,
comme la plupart des spontex) conscience de leurs problèmes.
il faudrait ajouter
quelques remarques sur la structure de l'organisation, l'organisation
de la guérilla urbaine luttant sur ce front, mais on laissera
ça de côté ici.
en fait, il faudrait
analyser les visées militaires des états-unis,
quand ils s'appuient sur la social-démocratie : intégration
des appareils chargés de la sécurité intérieure
et extérieure, transformation de l'appareil d'état
et des appareils idéologiques d'état (écoles,
médias et services publics) en un réseau tentaculaire
de renseignements pour la sûreté de l'état,
avec obligation pour tous les fonctionnaires et employés
des services publics de transmettre toute information au service
spécial de la protection de la constitution (c'est le
texte de loi protégeant la constitution en basse saxe);
un seul journal en a fait l'analyse jusqu'à présent,
la frankfurter rundschau).
voilà donc,
au niveau des institutions, la stratégie de ce nouveau
fascisme, qui transforme la justice politique en instrument du
système anti-insurrectionnel et met en pièce la
machine du conseil de sécurité de l'état
:
le bureau fédéral
de la police cri-minelle (b.k.a.) et sa section " anti-terroriste
" de bonn, la police des frontières (b.g.s.), les
brigades mobiles d'intervention (m.e.k.); parallèlement
on renforce la police dans les casernes et on unifie les polices
des länder [régions] sous la direction du bureau
fédéral de la police criminelle et on applique
dans la guerre psychologique de nouvelles techniques de répression
élaborées par informatique.
ce projet vise à
créer dans chaque état comme entre les différents
états de l'europe de l'ouest - donc horizontalement et
verticalement - un appareil de renseignements généraux
qui s'infiltre dans les sociétés et intègre
les états sans avoir lui-même sa propre expression
politique, ce qui veut dire en clair, hors de tout contrôle
public et sous commandement du pentagone; machine militaire et
appareil de propagande dans la mesure où dans la guerre
psychologique, ça constitue un appareil de manipulation
totale.
ce système
d'obtention et d'utilisation des renseignements dans la guerre
psychologique est un système clos, dans lequel il est
possible d'effectuer à grande échelle manipulation,
surveillance, quadrillage (et donc de nouvelles formes de manipulation),
les faits sont là pour le prouver.
ce que la gauche
officielle ne veut pas savoir, c'est qu'elle est complètement
fichée par l'ordinateur du bureau criminel fédéral,
- avec tous ses membres, tous ses amis, tous ses sympathisants,
dans la mesure où des carnets d'adresse ont été
saisis pendant l'opération " voyage d'hiver "
[arrestations de sympathisants dans le milieu intellectuel] et
à l'aide de toutes les autres informations, systématiquement
récoltées depuis 66/67.
si le bureau criminel fédéral peut arrêter
394 collectionneurs d'armes en une seule action bien coordonnée,
il peut bien évidemment expédier toute la gauche
officielle dans les stades en une seule action.
la guérilla
urbaine est une tactique qui dévoile la stratégie
en anticipant sur elle, son but est la reconstruction internationale
de la politique prolétarienne - avec pour conséquence
la réaction dans le contexte international.
au niveau de l'élaboration
d'une stratégie révolutionnaire, cela signifie
: comprendre que le gouvernement de chaque état est un
appareil de répression intérieure et qu'au niveau
international, il se détermine en faveur du capital américain
multinational.
le système
des états nationaux soumis à l'impérialisme
américain constitue une ligne de fronts dans la guerre
que l'appareil répressif du capital u.s. mène sur
deux secteurs : sur les points de cristallisation de la ligne
de démarcation pauvres/riches, dans l'opposition nord/sud,
et sur la deuxième ligne de démarcation à
l'intérieur des métropoles, ici pour prévenir
une contre-offensive massive du prolétariat.
et il est important
de constater, d'une part, que l'état réagit à
partir des contraintes que lui impose le mouvement du capital
- le fondement matériel de tout le système -;
il est donc fonction
du capital et, d'autre part, que le capital n'est plus capable
de développer une perspective productive à partir
de ses propres bases
ou, pour employer
un terme de l'économie bourgeoise : iî n'est plus
capable d'innover, s'il ne cesse pas d'être le terrain
des interventions de l'état.
pour quelqu'un comme
schmidt, il est évident que l'état du système
impérialiste reste un colosse aux pieds d'argile tant
que les problèmes économiques de la crise, de l'inflation,
du chômage, bref les problèmes du marché
mondial, n'ont pas été résolus.
l'élément
nouveau, nouveau aussi pour cette sorte de fascisme, c'est qu'il
ne s'agit pas simplement d'assurer la domination et de consolider
le pouvoir du capital et des marchés : l'enjeu est bien
plus la création d'un système d'états capable
de subsister indépendamment de sa base et en dehors des
contraintes de mouvement du capital.
ici l'état
est sujet de la politique, il n'est plus gouverné par
diverses fractions concurrentes du capital, mais il devient l'expression
directe du capital, du seul et unique capital, car sous l'hégémonie
du capital américain aucune autonomie politique ou économique
des capitaux n'est possible en dehors du capital u.s.
il s'agit pour nous
de démontrer quel est le rapport dialectique entre l'intemationaliiêlon
du mouvement du capital et la transformation des états
nationafliÇHorganisés en un nouveau système
fasciste international, le système des états créés
par l'impérialisme américain;
et de démontrer
ainsi que la fonction de l'état national a été
pervertie à partir du moment où l'impérialisme
s'est trouvé dans une position stratégique défensive
depuis sa défaite au viet-nam.
pour nous il s'agit
surtout de montrer ici qu'à partir de la répression
internationale organisée par la réaction la stratégie
révolutionnaire doit être internationale - quand
on dit que l'analyse politico-économique de la situation
coïncide aujourd'hui avec les concepts de l'analyse de marx
cela veut dire concrètement
que la stratégie
du manifeste communiste
" prolétaires
de tous les pays, unissez-vous "
a retrouvé
son ferment organisateur dans la guérilla qui anticipe
sur la reconstruction internationale de la politique prolétarienne,
la forme d'organisation de l'internationalisme prolétarien
dans les métropoles du capital, ce sera la guérilla
urbaine.
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