Ulrike Meinhof
Déclaration
au procès
(1974)
Ce procès est une manuvre dans la stratégie
de conduite psychologique de la guerre que mènent l' "
Office fédéral de police judiciaire ", le
bureau du procureur fédéral et la justice contre
nous, il vise à faire tomber l'intérêt politique
que représente notre procès en Allemagne de l'Ouest
et à cacher la stratégie d'anéantissement
du " procureur fédéral ", ce qui est
une partie de leur programme.
Le but de cette
manuvre est, par le biais de condamnations individuelles,
de présenter de nous une image divisée, et en mettant
au pilori certains d'entre nous, de rompre le contexte politique
d'ensemble qu'ont tous les procès contre les prisonniers
de la R.A.F. (Rote Armee Fraktion-Fraction Armée Rouge)
face à l'opinion publique et de rayer de la mémoire
des hommes, le fait qu'il y a une guérilla urbaine révolutionnaire
en R.F.A. et à Berlin Ouest.
Nous, la R.A.F.,
ne participerons pas à ce procès, nous ne le mènerons
pas.
La lutte anti-impérialiste,
si cela ne doit pas rester un slogan creux, cela signifie : anéantir,
briser, détruire le système de domination impérialiste
sur le plan politique, économique et militaire et aussi
les institutions culturelles qui lui permettent de produire l'homogénéité
des élites dominantes, ainsi que des systèmes de
communication assurant son emprise idéologique.
L'anéantissement
militaire de l'impérialisme veut dire sur le plan international
anéantir les alliances militaires de l'impérialisme
U.S. tout autour du globe, ici : de l'O.T.A.N. et de l'armée
fédérale, cela signifie sur le plan national anéantir
les formations armées de l'appareil d'Etat qui incarnent
le monopole de la violence des classes dominantes et son pouvoir
dans l'Etat, ici : la police, la police des frontières
(Bundesgrenzschutz), les services secrets.
Cela signifie sur
le plan économique : anéantir la structure du pouvoir
des trusts multinationaux, cela signifie sur le plan politique
: anéantir les bureaucraties, organisations, appareils
de pouvoir étatiques, autant que non étatiques
qui dominent le peuple.
La lutte anti-impérialiste
n'est pas, et ne saurait être une lutte de libération
nationale, le socialisme dans un pays.
Aux organisations
transnationales du capital, aux alliances militaires globales
de l'impérialisme U.S., à la coopération
des services secrets, à l'organisation internationale
du capital correspond de notre côté, du côté
du prolétariat, de la lutte des classes révolutionnaires,
des mouvements de libération nationales anti-impérialistes
du tiers monde, de la guérilla urbaine dans les centres
de domination de Timpérialisme, l'internationalisme prolétarien.
" Un peuple
qui en opprime d'autres, ne saurait s'émanciper lui-même
", dit Marx, et il est clair depuis la Commune de Paris,
qu'un peuple vivant dans un Etat impérialiste qui essaie
de se libérer dans le cadre national s'attire la vengeance,
le pouvoir armé ; l'hostilité mortelle des bourgeoisies
de tous les Etats.
Ainsi l'O.T.A.N.
est maintenant en train de mettre sur pied une réserve
d'intervention en cas de troubles internes qui aurait ses bases
en Italie.
Ce qui donne son
importance militaire à la guérilla métropolitaine,
et ici à la R.A.F., aux brigades rouges en Italie, à
la S.L.A. et à d'autres groupes aux U.S.A. c'est le fait
que ses objectifs d'opération dans le cadre de la lutte
de libération des peuples du tiers monde sont à
l'intérieur des lignes, c'est le fait que dans la lutte
solidaire avec les mouvements de libération du tiers
monde elle peut attaquer l'impérialisme sur ses arrières,
d'où il exporte ses troupes, ses armes, ses instructeurs,
sa technologie, ses systèmes de communication et son
fascisme culturel pour opprimer et exploiter les peuples du tiers
monde et pour anéantir les mouvements de libération.
Voilà la
définition stratégique de la guérilla métropolitaine
dans le cadre de l'internationalisme prolétarien : déclencher
la guérilla, la lutte armée, la guerre populaire
dans l'arrière-pays de l'impérialisme, au cours
d'un processus prolongé -
car la révolution
mondiale n'est assurément pas une affaire de quelques
jours, de semaines, de mois, elle ne se fera assurément
pas par quelques soulèvements populaires, n'est assurément
pas un processus court, assurément pas la prise du pouvoir
de l'appareil d'Etat -
comme la conçoivent
les partis révisionistes et les groupes pour la formation
de partis révisionnistes, ou du moins ceux qui prétendent
le concevoir, car ils ne conçoivent rien du tout.
Dans les métropoles,
le concept d'Etat national est devenu une fiction, qui n'est
couverte par rien, ni par la réalité de la classe
dominante, ni par sa politique, ni par la structure du pouvoir.
Elle ne peut même
plus s'appuyer sur les frontières linguistiques depuis
qu'il y a dans les pays riches de l'Europe occidentale,
des millions de travailleurs immigrés.
On assiste plutôt
en Europe à un internationalisme du prolétariat
en voie de formation à travers l'internationalisme du
capital, à travers de nouveaux médias, à
travers la dépendance réciproque du développement
économique, à travers l'élargissement de
la communauté européenne - et les appareils syndicaux
s'appliquent déjà depuis des années à
l'assujettir, le contrôler, l'institutionaliser et l'opprimer.
La fiction de l'Etat
national à laquelle s'aggripent les groupes révisionnistes
avec leur forme d'organisation, correspond à leur fétichisme
légaliste, leur pacifisme, et sa limitation petite-bourgeoise,
leur incapacité de penser de façon dialectique.
La petite bourgeoisie
a toujours été étrangère à
l'internationalisme prolétarien - et sa position de classe
- et sa base de reproduction excluent - que cela soit autrement
- elle pense, agit et s'organise toujours en tant que complément
de la classe dominante.
L'argument selon
lequel les masses ne seraient pas encore assez avancées
ne fait que nous rappeler, à nous R.A.F. et révolutionnaires,
détenus dans l'isolement, dans les bâtiments spéciaux,
dans les sections spéciales, subissant le lavage de cerveau,
en prison ou encore dans l'illégalité les arguments
avancés par les cochons colonialistes en Afrique et en
Asie depuis 70 ans, les noirs, les analphabètes, les esclaves,
les peuples colonisés, torturés, opprimés,
affamés, souffrant sous le joug du colonialisme -
" ne sont pas
encore assez avancés " pour prendre eux-mêmes
en main, en tant qu'êtres humains, leur administration,
l'industrialisation, leur école, leur avenir.
Et dans les prisons
il y a en effet à peine un seul détenu, qui devant
cet espèce de porc d'avocat commis d'office, ne comprenne
pas tout de suite et ne reconnaisse en lui le porc colonialiste,
la classe dominante, le masque, le singe.
Seul un cochon colonialiste
peut avoir l'idée, que les détenus seraient des
" profanes " face à la justice de classe, ce
qui est une insulte au peuple, et relève du mépris
des masses.
Ce sont les sales
phrases de la petite bourgeoisie qui ne craint rien, autant que
la violence prolétarienne, révolutionnaire, libératrice
et par là-même, l'illégalité et la
prison, parce qu'elle craint d'être expropriée du
rôle de domination ridicule et chauviniste que peuvent
jouer les petits bourgeois dans le système impérialiste.
Notre action du
14 mai 1970 est et reste l'action exemplaire de la guérilla
métropolitaine.
Elle contient, a
contenu, tous les éléments pratiques de la stratégie
de la lutte armée anti-impérialiste : ce fut la
libération d'un prisonnier d'entre les mains de l'appareil
d'Etat, ce fut une action de guérilla - l'action d'un
groupe qui s'était armé et devint le noyau politico-militaire
par sa décision de faire cette action.
Ce fut la libération
d'un révolutionnaire, d'un cadre, d'un type dont nous
avions incontestablement besoin, nous qui avions décidé
de nous armer, de construire l'armée rouge, de développer
la guérilla métropolitaine, de mener la lutte anti-impérialiste
plutôt que de continuer tout simplement à en jaser.
Nous l'avons libéré
parce que nous avions besoin de lui pour ce que nous avions décidé
de faire lutter.
Rien n'a changé
depuis, et je parle ici, je fais une déposition afin de
dire que les flics sont en train d'assassiner Andréas,
je le dis surtout pour que vous nous aidiez à empêcher
cela, vous allez peut être scander alors quelque chose
avec un contenu politique et un sens politique et alors vous
pourriez avoir une idée de solidarité et de lutte
de classe.
L'action a été
exemplaire, parce qu'il s'agit dans la lutte anti-impérialiste,
de libération de prisonniers en général
- de la prison que le système est devenu longtemps pour
toutes les couches exploitées et opprimées du peuple,
sans aucune perspective historique, sans autre avenir que la
mort, la terreur, le fascisme, la barbarie.
Libération
de l'emprisonnement dans la totale aliénation de soi,
de l'état d'exception politique et existentiel ou le peuple
est la proie de l'impérialisme, de la culture de consommation,
des médias, des appareils de contrôle de la classe
dominante, en proie à la dépendance du marché
et à l'appareil d'Etat qui incarne l'aliénation
et la domination de la bourgeoisie sur le peuple.
C'est par la violence,
armés, que nous avons pris ce dont nous avions besoin,
que nous avons exproprié la justice de ce type sur lequel
elle réclame son droit de possession, tout comme elle
réclame de tous les prisonniers et de tous les prolétaires
que nous employions, valorisions, notre force de travail uniquement
au service de la classe dominante- pour les buts du capital.
Or nous sommes décidés
à n'utiliser notre force de travail que pour la lutte
de libération, à ne plus nous vendre sous quelque
chantage que ce soit et à ne plus rien produire qui ne
soit la lutte anti-impérialiste, la politique révolutionnaire,
le contre-pouvoir prolétarien, c'est-à-dire la
contre-violence.
La guérilla
ici, et il n'en n'a pas été autrement au Brésil,
en Uruguay, à Cuba, pour le Che en Bolivie, part toujours
de rien, et la première phrase, celle de sa constitution
est la plus difficile.
On est un groupe
de camarades qui ont décidé d'agir, de quitter
le stade de la léthargie, du radicalisme verbal, d'assemblées,
de réunions, de discussions toujours davantage sans objet
- et de lutter.
Mais out manque
encore.
Il s'avère
que ce ne sont pas uniquement les moyens qui manquent, il s'avère,
et maintenant seulement, quel type d'individu quelqu'un est.
C'est l'individu
métropolitain qui est issu du processus de putréfaction
et des contextes de vies mortels, faux, aliénés
du système : l'usine, le bureau, l'école, l'université,
et les groupes révisionnistes.
Les effets de la
division du travail entre vie professionnelle et vie privée,
de la division entre travail manuel et travail intellectuel,
les processus de travail hiérarchiquement organisés,
toutes ces déformations psychiques de la société
marchande, cette société métropolitaine
passée au stade de putréfaction et de stagnation,
apparaissent.
Mais c'est ce que
nous sommes, c'est de là que nous venons. Nous sommes
l'engeance des procès d'anéantissement et de destruction
de la société métropolitaine, de la guerre
de tous contre tous, de la concurrence, de chacun contre chacun,
du système où régnent la loi de la peur,
de la contrainte, du rendement, le carriérisme, la division
du peuple en hommes et femmes, en jeunes et vieux, en étrangers
et allemands, où régnent les luttes de prestiges.
Et c'est de là
que nous venons de l'isolement, de la maison individuelle de
série, des cages à lapins, des cités en
béton, des banlieues, des cellules de prisons, des recoins
des cellules de prisons, des asiles et sections spéciales.
C'est de là
que nous venons du lavage de cerveau par les médias de
la consommation du châtiment corporel, de l'idéologie
de la non-violence, de la dépression, de la maladie, du
déclassement, de l'humiliation et de l'insulte, de tous
les exploités de l'impérialisme.
C'est de là
que nous venons de la prostitution de la bourgeoisie, de l'emprisonnement
dans l'éducation bourgeoise et l'éducation prolétaire,
jusqujà ce que nous ayons compris la détresse de
chacun de nous, comme la nécessité de nous libérer
de l'impérialisme, comme étant la nécessité
de mener la lutte anti-impérialiste.
Que cela dépend
de nous si l'oppression se perpétue, si nous nous prolétarisons,
si nous abandonnons la double vie et luttons.
Que la cause du
peuple, des masses, des O.S., des lumpen, des prisonniers, des
apprentis, des hommes dans les asiles de nuit, des masses les
plus basses dans notre pays et des mouvements de libération
du tiers monde est notre cause autant que notre cause, la lutte
armée anti-impérialiste, est leur cause.
Notre cause est
la cause des masses et inversement, quand bien même celle-ci
ne pourra devenir et ne deviendra réelle qu'au cours d'un
processus prolongé de développement de la guerre
du peuple.
"Il n'y a pas
de raison", écrivait Lénine, en 1916 ; contre
le cochon colonialiste et renégat Kautsky, " de supposer
sérieusement que dans le capitalisme, là majorité
des prolétaires puissent être regroupés dans
une organisation.
Ensuite et c'est
l'essentiel, il ne s'agit pas tant de la quantité des
membres que de la signification objective et réelle de
sa politique.
Cette politique
représente-t-elle les masses ? c'est-à-dire sert-elle
les masses ?
Sert-elle à
la libération des masses du capitalisme ?
Ou bien représente-t-elle
les intérêts de la minorité et la réconciliation
avec le capitalisme ?
Nous ne pouvons
pas prévoir avec précision quelle partie du prolétariat
suit, et suivra les social-chauvinistes et les opportunistes.
C'est dans la lutte
que cela se révélera, cela se décidera en
dernier ressort dans la révolution socialiste.
Si nous voulons
rester des socialistes notre devise est d'aller vers les masses
les plus défavorisées, les masses réelles,
c'est la signification profonde de la lutte contre l'opportunime,
cela en est tout le contenu. "
Nous avons libéré
ce type parce qu'il est un révolutionnaire et il l'a déjà
été à ce moment-là.
Parce qu'il incarnait
déjà ce dont la guérilla, l'offensive politico-militaire
contre l'Etat impérialiste ont besoin, a savoir la volonté
d'agir, la capacité de se définir uniquement et
exclusivement en fonction des buts et les nécessités,
des tâches et du travail qui en découlent.
Parce que dès
le début, lui seul pouvait tenir la discussion ouverte,
le processus d'apprentissage collectif, et pouvait empêcher
et interdire que la discussion ne dégénère
ou ne se termine en luttes pour le pouvoir.
Parce que dès
le début, il n'y avait en lui plus rien de ce qu'est l'impérialisme,
il n'était pas aliéné dans ses relations
avec les autres.
Parce qu'il est
un type qui n'avait en lui plus rien de petit bourgeois, qu'il
a toujours, dans chaque situation, et envers tous et chacun pensé
et agit de manière prolétarienne, désintéressée
et partiale.
La fonction de direction
dans une organisation révolutionnaire est la suivante
: déterminer l'orientation, pouvoir distinguer dans chaque
situation ce qui est essentiel de ce qui est accessoire, ce qui
revient à dire, ne jamais perdre de vue le but : la révolution
et les principes du communisme ; faire preuve de collectivisme
et d'altruisme toujours et à chaque seconde.
Dans le processus
de constitution de la guérilla, c'est-à-dire du
groupe qui a commencé à lutter, il se débarrasse
des représentations des rapports de production bourgeois
qu'il a dans son psychisme, de l'Etat qui est sous sa peau et
dans les rapports de communication déterminés par
la concurrence, car il apprend au cours du développement
de l'action de guérilla à se définir par
rapport aux buts et à prendre pour objet les conditions
de la lutte, car chaque individu apprend dans le procès
du travail collectif justement ceci, s'orienter, penser de manière
prolétarienne, désintépessée, anticapitaliste
et antiimpérialiste.
Nous ne parlons
pas du centralisme-démocratique parce que la guérilla
urbaine ne saurait avoir un appareil centralisé, dans
la métropole qu'est la R.F.A.
Elle n'est pas un
parti, mais une organisation politico-militaire qui développe
sa fonction de direction collectivement à partir de chaque
unité individuelle - le groupe - avec pour tendance la
dissolution dans un processus d'apprentissage collectif au sein
du groupe, le but étant toujours l'orientation autonome
et tactique des militants, de la guérilla, des cadres.
La structure du
groupe est collective, c'est-à-dire les lois du marché,
de la division du travail, de la séparation entre vie
professionnelle et vie privée sont abrogées en
son sein.
Le groupe devient
libre de domination dans le processus de conquête de sa
liberté d'action.
Les structures de
direction autoritaires n'ont aucune base matérielle dans
la guérilla parce qu'entre autre le développement
volontaire de la force productive de chaque individu est la condition
de l'efficacité de la guérilla révolutionnaire
: intervenir avec de faibles forces pour déclencher la
guerre populaire.
Comme Andréas
l'est et l'a été dès le début, à
savoir un révolutionnaire il se trouve dans la ligne de
mire des flics, qui utilisent actuellement, la conduite psychologique
de la guerre, à savoir l'office fédéral
de la police judiciaire, le bureau du procureur fédéral
et la presse de Springer mènent contre nous.
En essayant par
la conduite psychologique de la guerre de détruire l'objet
: à savoir la politique révolutionnaire, la lutte
armée anti-impérialiste et d'anéantir ses
effets sur l'opinion publique en nous présentant comme
une affaire d'individus isolés, ils nous présentent
comme ce qu'eux-mêmes ils sont ;
et présentent
les structures de la R.A.F. comme celles de leur propre domination
à l'image de l'organisation et du fonctionnement de leur
propre appareil de domination.
Comme le Ku Klux
Klan, comme la mafia - dans la mesure où les principes
de domination impérialistes sont le chantage, la dépendance,
la concurrence, la consommation, la séduction, la protection,
la manipulation, la brutalité qui marche sur des cadavres,
etc.
De telles projections
sont possibles parce que chacun vivant dans ce système
est habitué à se voir avec les yeux des autres.
Ce sont les autres
qui déterminent ce que vaut la force de travail, que chacun
est obligé de vendre pour pouvoir vivre, jamais nous-mêmes.
La radio et la télévision
s'adressent à nous, comme s'il y avait une compréhension,
un accord, une parenté entre ces faits sur l'écran
et nous, et il y en a effectivement dans la mesure où
les institutions dont ils sont les employés et celles
pour lesquelles le peuple est obligé de travailler, sont
les mêmes : ce sont les institutions de rimpérialisme.
Le cochon s'adresse
à nous, en tant que ce que nous sommes réduits
à être dans ce système, objets de domination
et d'exploitation, acheteurs et consommateurs, individus guidés
de l'extérieur, ce que la culture de consommation n'a
fait que totaliser.
C'est la maladie
de l'individu métropolitain, le regard de l'extérieur,
la perte de la conscience de soi.
Ce qui donne son
caractère choquant à notre action, c'est que des
gens agissent sans se voir par les yeux des autres, et sans s'en
occuper, que des gens agissent en partant des expériences
réelles, celles qu'ils ont faites eux-mêmes, et
celles du peuple.
Car la guérilla
part des faits qui sont l'expérience vécue du peuple
: l'oppression, l'exploitation, la terreur des médias,
l'insécurité de la vie en dépit de la technologie
extrêmement poussée et l'immense richesse de ce
pays ; les maladies psychiques, les suicides, les brutalités,
les cruautés infligées aux enfants, la misère
des écoles, la misère du logement.
C'est ce qui a rendu
notre action si choquante pour l'impérialisme ; que l'opinion
publique, populaire ait très vite pris la R.A.F., pour
ce qu'elle est - la chose qui est le résultat logique
et dialectique des rapports en vigueur, la praxis qui en tant
qu'expression des rapports réels rend au peuple sa dignité
et redonne un sens à ses luttes, aux révolutions,
aux défaites, et aux efforts, aux révoltes échouées
du passé.
La chose qui rend
au peuple la possibilité d'avoir conscience de son histoire.
La guérilla
permet à chacun de se rendre compte de quel côté
il est, de trouver, de reconnaître où il se trouve
en fin de compte et de déterminer sa place dans la société
de classe et de l'impérialisme.
Car il y en a beaucoup
qui pensent qu'ils sont du côté du peuple, mais
dès qu'il y a des heurts avec la police, dès que
le peuple commence à lutter, ils se sauvent, ils dénoncent
et freinent et se mettent du côté des oppresseurs.
C'est le problème
que Marx a tant de fois formulé : à savoir qu'une
personne n'est pas ce qu'elle croit être, mais quelle est
sa fonction réelle, son rôle dans la société
de classes ; qu'elle est déterminée par ce système
et ses contraintes, si elle n'agit pas par elle-même, si
elle ne lutte pas, si elle ne prend pas les armes.
Par le moyen de
la conduite psychologique de la guerre les flics essaient de
détruire l'image des réalités que la guérilla
a corrigé, c'est-à-dire que :
- ce n'est pas le
peuple qui a besoin, pour exister, des sociétés
par actions et des usines, mais c'est la classe des capitalistes
qui est, elle, dépendante du peuple ;
- ce n'est pas pour
protéger le peuple des " criminels " que la
police fonctionne, mais c'est pour protéger le système,
l'ordre d'exploitation qu'est l'impérialisme des actions
du peuple ;
- la justice a besoin
du peuple pour continuer à agir mais le peuple n'a pas
besoin de cette justice pour vivre ;
- nous n'avons pas
besoin de l'impérialisme pour vivre mais l'impérialisme
lui, a besoin de nous pour exister.
Dans ce but ils
ne font qu'incarner ce qu'ils représentent et ce qu'ils
sont, ce qu'est l'anthropologie du capitalisme, des juges, procureurs,
matons et fascistes : le porc qui se complait dans ses aliénations,
qui ne vit qu'en réprimant, exploitant, torturant des
autres et dont la seule raison et le seul moyen d'exister est
défaire carrière, de faire de la lèche,
d'écraser, d être le concurrent, de vivre aux dépends
des autres.
Par l'exploitation,
la faim, la misère, le dénuement de quelques milliards
d'êtres humains dans le tiers monde et ici même.
La bourgeoisie a
accumulé toute sa haine envers
le peuple, contre nous, et plus particulièrement contre
Andréas en pratiquant la conduite psychologique de la
guerre.
La notion de conduite
psychologique de la guerre inclue celle de " plèbe
", de " rue ", d' " ennemi ".
La bourgeoisie a
reconnu en nous une menace pour elle, la seule menace capable
de la mettre en péril.
La détermination, la résolution à faire
la révolution, à pratiquer la violence révolutionnaire,
à la praxis, révolutionnaire, à l'action
politico-militaire contre le système du pouvoir impérialiste.
Toutes les persécutions
contre la guérilla, contre nous R.A.F., ne sont pas seulement
dirigées contre nous, mais démasquent ceux qui
en sont à l'origine, les dirigent, les produisent, leurs
ambitions, leurs peurs, leurs peaux de salauds.
Se nommer soi-même
avant-garde n'a pas de sens, être avant-garde est une fonction
pour laquelle on ne peut se déclarer comme tel, ou postuler,
c'est une fonction que le peuple donne à la guérilla
par sa propre conscience, dans le processus ou le peuple prend
conscience de lui-même et se dresse
- en se reconnaissant
lui-même -
dans l'action de
guérilla, en découvrant par l'action de la guérilla
sa place dans l'histoire, en faisant de la nécessité,
en soi, de détruire le système, une nécessité
reconnue, pour soi, par l'action de la guérilla, qui a
déjà fait de cette nécessité, la
sienne propre.
Car ceci est la
dialectique de la stratégie des luttes anti-impérialistes,
le fait que dans sa défense, sa réaction, le système,
par l'escalade de la contre-révolution, est amené
à transformer l'état d'exception politique en état
d'exception militaire, se démasquant, apparaissant à
tous comme l'ennemi et amenant par les moyens mêmes de
sa terreur, les masses à prendre position contre lui.
Marighella :
" Le principe
de base de la stratégie révolutionnaire dans la
situation de crise politique permanente est de développer
aussi bien dans les villes que dans les campagnes une telle quantité
d'actions révolutionnaires que l'ennemi soit obligé
à transformer la situation politique du pays en une situation
militaire, de cette façon l'insatisfaction s'étendra
à toutes les couches du peuple, et les seuls responsables
pour tous les méfaits seront les militaires. "
Et A.P. Puyan, un
camarade iranien :
" ... du fait
de l'oppression de la violence contre- révolutionnaire
renforcée contre les combattants de la résistance,
toutes les couches et classes oppressées seront encore
plus massivement réprimées.
De ce fait les classes
dirigeantes augmentent les contradictions entre les classes opprimées
et elles-mêmes, et en créant un tel climat, la conscience
politique des masses fait un grand bon en avant ".
Marx :
" Le progrès révolutionnaire se fait par là
création d'une contre-révolution puissante et unifiée,
par la création d'un ennemi qui amènera le parti
de l'insurrection à atteindre par la lutte la maturité
qui fera de lui le véritable parti révolutionnaire.
"
Si en été
1972, les flics ont décrétés la mobilisation
générale contre nous, avec 150000 hommes, en faisant
participer la population à la chasse à l'homme
par la télévision, en utilisant l'intervention
du chancelier fédéral, en centralisant tout le
pouvoir policier entre les mains de la police fédérale
(Bundeskriminalamt) à cette époque déjà,
un groupe de révolutionnaires, numériquement faible,
mettait toutes les forces personnelles et matérielles,
à l'intérieur de l'Etat, en branle et, il devenait
matériellement possible de voir que la stratégie
de la lutte anti-impérialiste, la destruction, la défaite
de la puissance armée était :
JUSTE, POSSIBLE,
ETAIT REALISTE ET REALISABLE.
- Qu'il dépend
de nous si l'oppression se perpétue et également
de nous qu'elle soit détruite.
- Que l'impérialisme
ait vu tactiquement un monstre mangeurs d'hommes mais vu stratégique-ment,
un tigre de papier.
Aujourd'hui les porcs sont en train d'assassiner Andréas.
Nous autres prisonniers,
membres de la R.A.F. et d'autres groupes anti-impérialistes
commençons aujourd'hui une grève de la faim.
La poursuite-liquidation
des flics contre la R.A.F. et leur conduite psychologique de
la guerre contre nous s'expriment aujourd'hui par le fait que
la plupart d'entre nous sont emprisonnés dans l'isolement
depuis des années, cela signifie détention-liquidation.
Mais nous sommes
décidés à ne pas nous arrêter, à
penser à lutter, nous sommes décidés à
faire tomber la pierre que l'impérialisme a levé
contre nous sur ses propres pieds.
Les flics sont en train d'assassiner Andréas - comme ils
l'avaient déjà essayer en lui supprimant l'eau
au cours de la grève de la faim au cours de l'été
1973.
A cette époque
l'opinion publique et les avocats crurent qu'après quelques
jours il aurait de nouveau de l'eau - en réalité
le propre médecin de la prison de Schwalstadt lui
déclarait alors qu'après neuf journées
passées sans rien boire et il disait " vous êtes
mort dans dix heures ou vous buvez du lait ".
Le ministre de la
" justice " du land de Hessen Hempfler venait de temps
en temps se rendre compte et le corps des médecins de
prison était en réunion pendant ce temps au ministère
de la " justice " à Wiesbaden.
Il existe un décret
déclarant qu'en Hesse les grèves de la faim doivent
être brisées par la privation forcée de liquide,
les plaintes déposées pour tentative de meurtre
par le porc-médecin ont été rejetée.
Nous déclarons
maintenant que si les flics réalisaient effectivement
leurs intentions et leurs plans en coupant l'eau à Andréas,
tous les grévistes de la faim emprisonnés de la
R.A.F. réagiront immédiatement en refusant de prendre
toute forme de liquide, il en sera de même si un quelconque
des prisonniers grévistes est privé de liquide
quel que soit le lieu et la personne qui fasse l'objet de cette
tentative de meurtre.
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