Mumia Abu-Jamal
L'accomplissement
de Carlo
(2001)
La mort par balles toute récente d'un jeune homme de 23
ans, Carlo Giuliani, pris dans les combats de rue à Gênes,
a envoyé des ondes de choc autour du globe.
Giuliani, fils d'un
dirigeant syndicaliste, se trouvait parmi des dizaines de milliers
de manifestants qui furent attaqués, sur les lieux du
tout dernier sommet des représentants politiques et corporatistes
réunis pour assurer la bonne continuation de leur domination
sur l'économie mondiale.
Carlo faisait partie
d'un mouvement en phase ascendante, une mouvance mettant les
jeunes de tant de pays dits du premier monde au diapason des
aspirations d'un grand nombre d'habitants du soi-disant tiers-monde.
C'est ce même
mouvement qui secoua Seattle et fit connaître dans le monde
entier l'acronyme OMC.
Pour s'être
opposé à la domination capitaliste, pour s'être
opposé à l'Empire des Grandes Fortunes, Carlo Giuliani
a été descendu par les tueurs à gages du
grand capital.
Et comme si cela
ne suffisait pas, un fourgon de police a roulé sur son
corps inanimé et blessé.
A travers le massacre
brutal commis par l'Etat sur la personne de Carlo Giuliani, le
message nous est livré que l'anti-globalisation est un
crime contre le capital - qui mérite la peine capitale.
Il ne s'agit là que de la toute dernière escalade
mise en uvre par les forces armées du capital qui
augmentent encore le degré d'intensité de la violence
d'Etat, dans le but d'intimider la lame de fond des anti-globalistes.
Quand un flic a
pointé son arme semi-automatique sur le visage d'un jeune
habitant de Gênes qu'on a étiqueté d'anarchiste,
quand son sang a jailli - ce n'était pas une première.
Le sang de Gênes
coule depuis les rues de Göteborg en Suède où
l'Union Européenne tenait une rencontre au sommet.
C'est là
que la police a tiré à balles réelles sur
les manifestants, laissant trois blessés graves dont un
en état critique.
Aujourd'hui, un
anti-globaliste, qu'on nous présente comme un anarchiste,
a perdu la vie.
Dès que la
nouvelle est tombée, me sont revenus en mémoire
les mots du dramaturge, George Bernard Shaw qui avait lâché
un jour cette boutade : « l'anarchisme est un jeu auquel
la police peut vous battre ».
S'il le pouvait
encore, Shaw, le socialiste ardent, serait peut-être amené
à modifier son commentaire à la lumière
des évènements qui viennent de se dérouler
à Gênes.
Ce qu'il faut surtout
retenir de cette tragique brutalité, c'est la manière
dont les représentants de l'Etat et les médias
qui servent ses besoins de propagande y ont réagi.
Alors que les politiciens
ont unanimement fait preuve d'une langue de serpent, pas une
seule syllabe de critique sincère n'est prononcée
à l'heure qu'il est à l'égard de la police
- vous voyez ce que je veux dire ?
En ce qui concerne
les médias officiels, le travesti de la vérité
fut d'une autre nature.
Presque tous les
communiqués privilégiaient la violence des manifestants
et suggéraient qu'ils manquaient d'informations ou qu'ils
étaient tout simplement stupides de se préoccuper
des problèmes de la pauvreté en Afrique, en Asie,
ou en Amérique Latine.
Passez en revue
cette presse de parti pris acquise aux intérêts
des corporations et posez-vous une seule question toute simple
:
Qu'auraient-ils
écrit si un flic de Gênes avait été
tué par balles et qu'une Land Rover conduite par des anarchistes
avait roulé sur son corps ?
Tous les organes
de presse reliés aux intérêts corporatistes
auraient décrié haut et fort les « sévices
» et la « violence » perpétrés
par les « terroristes » anti-globalistes.
Nous pouvons en
être sûrs.
A la place de quoi
: Silence.
Silence - alors
que les terroristes, ce sont les flics.
Silence - alors
que les assassins, ce sont les flics.
Silence - alors
que les tueurs à gages au service des corporations passent
à l'acte.
Au lieu de cela,
vous entendez les discours bancals de politiciens qui dénoncent
« les assauts contre le processus démocratique »
et ainsi de suite
Mais en quoi le
groupe des G8 est-il démocratique ? Ce groupe, qui s'est
auto-sélectionné, est constitué par sept
nations parmi les plus riches de la planète (plus la Russie).
S'il y a environ
193 nations dans le monde, comment peut-on qualifier de «
démocratique » le fait que 4% d'entre elles édictent
les règles qui régissent le reste de l'économie
mondiale ?
Vu sous un autre
angle : le G8 réunit des représentants du Canada,
du Japon, de l'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Grande-Bretagne,
des Etats-Unis - et de la Russie.
En faisant le compte
de tous les habitants dans chacune de ces nations et en les additionnant,
vous arriveriez à un total de 824 millions de personnes.
Cela fait beaucoup
de monde. Mais il y a plus de 6 milliards d'êtres humains
sur cette Terre !
Comment 14% de la
population mondiale peut-elle se targuer de régir les
vies de 86% qui restent ?
Carlo Giuliani n'était
pas parti « à l'assaut d'un processus démocratique
». Il protestait contre un processus profondément
anti-démocratique.
Il luttait au nom
de la majorité des hommes et des femmes sur cette planète.
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