Il y a trente-deux ans, en mai l964, l6.000 unités
de l’armée officielle de Colombie ont délogé par le
feu et par le sang les paysans de la région de Marquetalia (Tolima) sous
le prétexte d’en finir avec les républiques indépendantes.
Ce fut une nouvelle étape dans la guérilla de résistance,
guérilla qui continue à s’étendre à ce jour.
A cette époque, on a tenté d’engager
des dialogues pour trouver des solutions pacifiques à la situation.
Mais
les militaristes de toujours, empêtrés dans le gouvernement et
son appareil de guerre, ont demandé de l’aide, un budget et la liberté
de mouvement pour liquider, par les armes, le "foyer communiste de Marquetalia".
Pour eux, ce qui se passait là n’était que subversion, idées
étrangères et banditisme qu’il fallait éliminer.
Il
s’agissait de "l’ennemi intérieur" qui, depuis le
9 avril l948, "tentait de créer le chaos pour s’emparer du
pouvoir".
Avec cette philosophie, cette conception de l’Etat, les
différents gouvernements ont tenté, depuis 1948, de liquider l’opposition
politique et la protestation des citoyens.
Ils ont stimulé et justifié
la politique criminelle de l’"ennemi intérieur", une politique
qui laisse les mains libres aux forces armées pour poursuivre la "sale
guerre" en assassinant, torturant et opprimant tous ceux qui se posent
en ennemis du régime.
Au nom des institutions, de la démocratie et de
la civilisation occidentale, le sang de milliers de ses fils a ainsi été
versé sur le sol colombien.
On a assassiné, on a torturé,
on a fait disparaître des ouvriers, des paysans, des intellectuels, des
étudiants, des journalistes, des médecins, des syndicalistes,
des dirigeants politiques, des chômeurs, des femmes, des professionnels,
dans une course éhontée contre le progrès et la coexistence
des citoyens.
C’est contre toutes ces horreurs, contre toutes ces
injustices que nous, les hommes et les femmes qui formons les FARC-EP, nous
sommes dressés, semant l’espoir à coups de feu parce que
l’Etat de Colombie ne nous a pas laissé le choix.
Marquetalia a été la confirmation que, pour
atteindre l’objectif de la coexistence démocratique dans notre pays,
il était nécessaire de s’organiser et de prendre les armes,
contre tant d’indignité des gouvernements libéraux et conservateurs.
C’est pour cela que le bastion essentiel de l’opposition politique
contre le régime des oligarchies, se trouve aujourd’hui dans les
montagnes et pratique la guérilla.
Les tentatives de solution politique
au conflit, les appels à la paix, ont été vains.
Ces dernières
années, deux générations entières de dirigeants
populaires ont été massacrées par l’appareil armé
de l’Etat qui n’a eu cesse de liquider ceux qui, sans défense,
manifestaient leurs aspirations au changement et aux transformations sociales.
C’est pour cela que la lutte de guérilla révolutionnaire
continue d’être un puissant instrument de lutte pour obtenir les
changements démocratiques dans notre pays.
L’Etat colombien a créé une machine
de guerre criminelle qui bénéficie du soutien idéologique
des États-Unis.
Avec des principes antinationaux, il alimente, par des
haines fratricides, les différences entre compatriotes.
Protégée
par une puissante cuirasse d’impunité qu’on a nommée
"la loi militaire", le silence concernant ses activités meurtrières
lui est garanti.
Cette machine de guerre est au service d’une politique
socio-économique oligarchique, ce qui veut dire antipopulaire et antipatriotique,
antinationale, origine de tant d’injustice sociale et du transfert de nos
ressources naturelles aux transnationales impérialistes.
Tant de guerre
et tant de violence contre le peuple, depuis tant d’années, ont
comme but principal d’imposer en Colombie les règles des monopoles
et de l’oligarchie, pour voler encore plus sans que personne ne s’y
oppose.
C’est contre tant de violence militaire, politique,
économique, sociale et morale que nous avons pris les armes et nous sommes
soulevés.
D’autres Colombiens sont arrivés à la
même conclusion. Ainsi, avec l’Armée de libération
nationale (ELN) et l’Armée populaire de libération (EPL),
nous portons bien haut l’idéal de l’unité et de la paix,
à l’intérieur de la Coordination de guérilla Simon
Bolivar CGSB qui, fidèle à son nom, coordonne les trois forces
à travers les difficultés propres à l’unité,
et que nous considérons stratégique pour les intérêts
du peuple colombien.
Nous avons toujours cru que cette profonde crise de notre
société pouvait être surmontée politiquement si,
avec sincérité, réalisme et volonté, nous choisissons
ensemble le chemin pour avancer vers la solution de tels conflits, guidant la
Colombie vers la justice sociale, la coexistence démocratique, la souveraineté
nationale selon les critères moraux de dignité, de solidarité
et de transparence.
Dès le premier jour de ce gouvernement, nous avons
clairement indiqué notre disposition au dialogue sur des solutions politiques
à la crise, désir que nous répétons aujourd’hui.
La Colombie ne peut supporter plus longtemps cette situation de confrontation
permanente, son destin ne peut être celui de la guerre civile.
Pour empêcher toute négociation de paix, les
ennemis des solutions politiques ont toujours dressé des obstacles.
Nous confirmons notre volonté de trouver la voie
d’une solution politique au conflit social et armé, mais nous répétons
aussi notre détermination inébranlable de poursuivre la lutte
pour une patrie nouvelle, connaissant la justice sociale et la démocratie,
la souveraineté nationale et l’indépendance.
Rien ne nous
fera reculer dans la poursuite de la dignité et du respect que nous défendons
depuis trente-deux ans à Marquetalia, et qui ont déjà coûté
tant de souffrances et de luttes à notre peuple.
Les FARC ont proposé à tous les Colombiens
une plate-forme pour un gouvernement de reconstruction et de réconciliation
nationale, une plate-forme en dix points qui, à notre avis, englobent
la problématique nationale et les points de discussion essentiels pour
la construction d’un pays nouveau.
Un des membres du secrétariat
national sera désigné pour coordonner, avec tous les mécontents,
la formation d’un mouvement populaire ample et massif.
Celui-ci pourra
compter sur l’appui total de tous les fronts des FARC pour combattre l’oligarchie
dans la clandestinité ou ouvertement, si les conditions le permettent.
L’Etat capitaliste, constitué des oligarchies
du bipartisme qui a gouverné le pays depuis plus de l50 ans, traverse
une crise profonde.
C’est la crise du système de gouvernement, du
régime politique, des institutions, des trois pouvoirs, exécutif,
législatif et judiciaire, des forces de sécurité et de
défense nationale.
C’est la crise des partis au gouvernement, libéral
et conservateur.
Le système de gouvernement est un échec: exploitation,
corruption, politisation, terrorisme d’Etat meurtrier, militarisation,
absence de libertés et d’investissements sociaux, transfert des
richesses naturelles et de la souveraineté à l’impérialisme.
La crise qui secoue le pays est globale.
Elle s’exprime
dans la politique, l’économie, l’éthique, la morale,
les valeurs et les principes que toute nation souveraine doit avoir pour défendre
les intérêts de la patrie.
Ce n’est pas la crise du gouvernement Samper.
Il s’agit
d’une fracture entre tous les fondements de l’Etat et elle requiert
des solutions totales.
De ce fait, il ne suffit pas de changer les personnes.
Il faut, avant tout, un changement de politique, de comportement, de volonté
et d’intérêts, pour que le but suprême soit la défense
de la patrie, de ses hommes et de ses femmes, de ses frontières et de
ses ressources naturelles, sans l’immiscion grossière et brutale
de l’impérialisme dans nos affaires internes.
Aucune solution ne sortira de palabres politiques.
Il faut
des changements profonds.
A cet effet, nous proposons une rencontre des Colombiens
pour élaborer un accord de coexistence démocratique, de justice
sociale et d’autodétermination.
Cet accord sera soumis à
une consultation populaire libre de manipulations.
Sur ces bases, sera formé
un nouveau gouvernement capable de réconcilier la population et de reconstruire
la Colombie.