Forces Armées Révolutionnaires de Colombie
Armée du Peuple (FARC-EP)

La lutte du peuple colombien contre la guerre impérialiste

'Tous les peuples du monde qui ont combattu pour la liberté ont fini par exterminer leurs tyrans.' Je veux entamer mon discours avec ces paroles de Simón Bolivar.

Nous célébrons et nous commémorons le 1er Mai, en souvenir et en hommage à la mémoire des travailleurs assassinés il y a 111 ans.

Cette date est devenue celle des travailleurs du monde entier, initiant ainsi toute une tradition du mouvement ouvrier en tant que classe organisée dans la lutte pour ses revendications et pour la construction d’une société nouvelle.
Nous sommes au milieu d’une crise économique et financière internationale. La droite n’a pas l’intention de l’arrêter, elle la tempère à grands frais pour les peuples du monde.

L’économie globalisée est déstabilisée et ses contradictions deviennent de plus en plus évidentes.

Tandis que le secteur financier, le plus improductif mais le plus puissant en ce moment, tente d’achever de piller les nations, des voix s’élèvent du côté du capitalisme et de ses alliés pour réclamer des solutions et des alternatives.

Mais, il faut le dire clairement, leur véritable intention n’est pas de résoudre les problèmes des masses.

Ce qu’ils veulent, c’est changer le modèle mais non le système capitaliste. En dernière instance, ce qu’ils font, c’est défendre leurs intérêts.
On parle d’alternatives, il y en a de nombreuses qui ne sont rien d’autre que des leurres.

Il n’est pas possible de trouver un côté humain ou social au capitalisme qui est, par nature, sauvage, et encore moins aux ‘troisièmes voies’ qui, en bref, sont de la même nature. La seule alternative viable, qui garantit le mieux-être et les droits fondamentaux de la majorité, c’est le socialisme.

La question est la suivante: est-il possible de résoudre les problèmes de la majorité des gens dans ce système?

Et la réponse est non. Il est démontré historiquement que, chaque jour, la distance se creuse entre les riches et les pauvres, notamment à cause de l’utilisation honteuse du développement technique et scientifique.

La barbarie du système réclame et rend possible la construction du socialisme.

Nous, les peuples du monde, nous ne pouvons supporter avec résignation le développement insatiable du capitalisme qui nous enfonce chaque jour davantage dans la misère et renverse les valeurs de nos sociétés.

Le système est en crise, son modèle actuel, le néolibéralisme, aussi.

Il est nécessaire de développer la lutte consciente pour le renverser et construire les sociétés que nos peuples méritent et pour lesquelles ils luttent, celles qui répondent aux intérêts des masses: des sociétés sans exploiteurs ni exploités, des sociétés dignes, justes et souveraines, des sociétés socialistes, socialisme qui analyse réellement la situation particulière de chaque pays, sans modèles, sans moule prédéterminé, sans hégémonisme, en se souvenant des expériences négatives pour ne pas les réitérer et des expériences positives pour les développer.

La construction du socialisme part du développement créatif du marxisme-léninisme.

Notre devoir, en tant que révolutionnaire, est d’approfondir les contradictions à l’intérieur de l’oligarchie nationale et entre celle-ci et l’impérialisme et de construire des alternatives qui permettent à la gauche de progresser dans la crise et d’en sortir, avec le pouvoir ou du moins en s’en rapprochant, en devenant un acteur déterminant dans la société, en réduisant chaque jour davantage l’espace de manœuvre de l’ennemi de classe.

Nous ne nous étendrons pas sur toutes les souffrances de nos peuples, sur les effets de la crise du capitalisme et de son modèle néolibéral, que ne produit que la misère, sans cesse davantage et utilise la violence pour s’installer et réprimer les justes protestations qu’il occasionne.

Est-il correct politiquement et moralement d’aider les oligarchies nationales et les multinationales à atténuer la crise, en en faisant porter le poids par le peuple, sous prétexte qu’il n’y a pas, en ce moment, dans la gauche, le niveau d’organisation requis pour arriver au pouvoir?

Non, c’est un prétexte de la social-démocratie pour ne pas nuire à leurs relations avec le capitalisme et les capitalistes. Le coût de la crise doit être assumé par ceux qui ont bénéficié du modèle.

Notre intérêt n’est pas d’en finir avec le modèle néolibéral, il est d’en finir avec le système, avec le mode de production capitaliste.
S’il est certain qu’il faut développer de larges fronts dans la lutte contre le système et son modèle actuel, ces fronts doivent viser un changement radical des structures.

Nous ne pouvons pas continuer à reculer au nom de la prétendue unité et de la tolérance. Cette attitude a conduit, dans de nombreux cas, à renoncer aux principes, situation présentée un repli dû aux circonstances.

Ce sont les peuples qui construisent l’histoire, ce n’est pas elle qui nous détermine. Cette attitude amène à chercher des solutions dans le cadre du capitalisme et à faire porter par les épaules du peuple des responsabilités qui ne lui reviennent pas.

En résumé, en agissant ainsi, nous travaillons pour l’ennemi de classe, pour l’impérialisme et les oligarchies nationales, en utilisant comme prétexte l’unité et la tolérance.

Nous venons de commémorer les 150 ans de la publication du Manifeste Communiste, outil élaboré par Marx et Engels, pour que nous, exploités du monde, nous ayons un guide théorique dans la lutte contre la domination et pour la construction du socialisme, pour que le monde n’ait pas qu’à l’interpréter mais à le transformer.

La vision marxiste-léniniste du monde acquiert chaque jour plus de vigueur et de rayonnement, beaucoup plus que s’imaginent les ‘collaborateurs’ de tous les pays.

La lutte des classes continue d’être le moteur de l’histoire.

Nous subissons toujours les rigueurs de la progression mondiale de la droite et de ses acolytes, une progression due à la chute du socialisme en Europe de l’Est.

Mais il semble bien que le courant se renverse et chaque jour, davantage de ceux qui participent aux luttes sociales et populaires se rendent compte que ce qui a échoué, ce n’est pas le marxisme-léninisme en tant que théorie, ni le socialisme comme proposition d’organisation sociale, de mode de production, mais une forme de construction et de développement de celui-ci.

Bien sûr, dans certaines analyses, on trouve encore des éléments qui justifient le modèle actuel, comme par exemple l’emploi ouvert, l’économie informelle — qui masquent le chômage —, l’économie de marché et les traités de libre échange — qui ne bénéficient qu’aux pays développés —, des courants à l’intérieur des partis politiques de gauche qui nient les principes d’organisation léniniste — base fondamentale pour construire l’organisation politique qui sous-tend le changement révolutionnaire —, des alternatives au néolibéralisme au lieu de la révolution socialiste, etc.

Malgré cela, les voix qui s’élèvent pour réclamer le développement du marxisme-léninisme, en partant de l’analyse et de l’interprétation de la société, pour proposer des changements profonds et réels, c’est-à-dire des changements révolutionnaires, bénéficient de plus d’attention et de crédit.

Tel est le rôle qui revient aux organisations, mouvements et partis de gauche, le développement de la conscience populaire, en la dotant de théories politiques et organisationnelles pour avancer efficacement dans la voie de la construction socialiste, dans la voie de la révolution.

Nous soutenons qu’il est nécessaire de combiner simultanément toutes les formes de lutte des masses, en accord avec les conditions concrètes de chaque pays et avec l’analyse faite par les révolutionnaires à la lumière du marxisme-léninisme.

De nos jours, on commet fréquemment l’erreur d’accorder une valeur absolue à la voie électorale et parlementaire, en oubliant les autres formes d’expression des masses.

Les doutes sont grands et de nombreuses interrogations surgissent

Est-il possible, dans ce système corrompu et manipulé par les oligarchies nationales et par l’impérialisme, d’accéder au pouvoir réel par la voie électorale?

Ne nous sommes-nous pas laissés avoir, en nous engageant dans une prétendue participation aux gouvernements qui, en dernière instance, n’aboutit à rien si ce n’est à légitimer ces gouvernements par une participation des forces de gauche?
Les prétendus ‘partis qui ont du succès’, qui ont un grand potentiel électoral — ou du moins le prétendent — mais qui perdent toujours les élections, représentent-ils réellement les peuples, les majorités nationales et leurs intérêts, avec leurs actions gouvernementales, leurs alliances et leur accommodement au système?

Voulons-nous, luttons-nous pour le pouvoir pour le peuple ou aspirons-nous seulement à participer commodément au gouvernement?

Nous, révolutionnaires, ne pouvons développer comme stratégie une double politique, nos déclarations doivent être claires et transparentes envers nos peuples, envers les majorités nationales, qui sont en définitive notre force.

L’objectif de toute notre action est la prise du pouvoir, en union avec ces peuples, ces majorités nationales, pour répondre à leurs intérêts, sentiments, volontés et nécessités, pour transformer réellement la société, en recourant à toutes les formes et voies possibles et nécessaires.

Les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie — Armée du Peuple (FARC-EP) ont vu le jour en mai 1964, comme réponse d’un groupe de paysans à l’agression de l’Etat contre eux, lors d’une opération militaire planifiée et dirigée par le Pentagone et appelée Latin American Security Operation (LASO) ou encore Operación Marquetalia.

48 paysans — 46 hommes et 2 femmes —, des travailleurs de la terre victimes de violences antérieures, ont été accusés d’être des agents du ‘communisme international, ce qui les a convertis en ‘objectif militaire’.

Depuis lors, nous en sommes venus à la conclusion qu’il est nécessaire de rechercher une issue politique au grave conflit social et armé que vit notre peuple.

Nombreuses ont été les propositions pour y parvenir, mais toujours nous avons rencontré une réponse militaire à la quête de la paix, tant désirée par la majorité des Colombiens.

Dans leur parcours historique, les FARC-EP se sont consolidées comme une organisation politico-militaire à l’orientation clairement marxiste-léniniste, comme peuple en armes, avec 60 Fronts et des structures urbaines, présentes sur tout le territoire national, organisés en sept blocs de fronts.

Notre lutte est juste parce que nous sommes les interprètes d’un pays intimidé par le terrorisme d’Etat, parce que le système, le régime et les différents gouvernements colombiens et l’impérialisme n’ont pas laissé d’autre option pour la lutte politique.

Preuve claire et douloureuse de ceci: les plus de 4.000 membres de l’Union Patriotique et du Parti Communiste colombien et les milliers de combattants des luttes populaires et sociales assassinés par le terrorisme d’Etat et ses groupes paramilitaires pendant les douze dernières années, alors qu’ils menaient une lutte politique légale. C’est pourquoi nous sommes l’opposition politique armée au régime.

Nous luttons pour la construction d’une nouvelle Colombie, tolérante, et pour la paix, la pleine démocratie, la dignité, la souveraineté et la justice sociale, c’est-à-dire pour le socialisme, ce qui résume toutes nos propositions.

Malgré les espoirs créés par l’installation des dialogues de la paix, le 7 janvier dernier, nous n’avons pas réussi à avancer dans la construction des voies qui devraient nous conduire à réaliser ce vieux désir et ce droit des Colombiens.

L’impérialisme et ses représentants nationaux ne renoncent pas à leur acharnement de massacrer la population pour maintenir leur domination et leur système, recourant au terrorisme d’Etat, aux groupes paramilitaires et à la criminalisation de la protestation sociale.

C’est la raison du gel des dialogues, jusqu’à ce que le gouvernement d’Andrés Pastrana montre clairement des résultats dans l’arrêt de cette politique et de ces pratiques.
Comme base de discussion à la table de négociation, nous avons présenté notre proposition d’un gouvernement de Reconstruction et de Réconciliation nationale, approuvée par la 8e Conférence Nationale des Guérilleros en 1993, que nous avons discutée avec des millions de Colombiens et qui a été prise en considération, comme premier pas vers la solution politique de la guerre que nous connaissons depuis plus de 50 ans.

Nous voulons établir des conversations face au pays et avec la participation du pays.

La démobilisation et le désarmement sont des thèmes qui ne sont pas soumis à la discussion.

Les armes seront la seule garantie valable pour la mise en œuvre d’éventuels accords et, au cas où ces accords se mettent en œuvre, elles perdront leur vigueur et seront gardées aux mains du peuple colombien et de ses organisations.

On veut discréditer notre lutte en nous associant au narcotrafic et au terrorisme, des thèmes à propos desquels notre position a toujours été parfaitement en accord avec nos principes et notre morale.

Nous n’avons aucune relation avec le narcotrafic ni avec les narcotrafiquants. Le monde entier connaît la relation entre le noyau dirigeant des partis traditionnels — Parti Libéral et Conservateur — et les narcotrafiquants, qui financent leurs campagnes électorales et qui paient ainsi l’impunité pour leurs délits.

Le narcotrafic est un problème pour la Colombie et pour toute l’humanité.

C’est ainsi qu’il faut le voir. Nos propositions incluent ce phénomène, qui n’est certes pas le problème principal dont souffre notre peuple.

A propos du terrorisme, nous avons maintenu historiquement notre position de condamnation, indépendamment de son origine.

En Colombie, le terrorisme est pratiqué par l’Etat, le régime et les différents gouvernements qui massacrent la population, qui légalisent les groupes paramilitaires agissant sous leur tutelle et protection et qui couvrent la guerre sale qu’ils mènent sous le couvert de l’impunité et de la corruption

Les conditions de guerre que connaît notre peuple, les niveaux de violence patronnés par les gouvernements des Etats-Unis et de Colombie, les menaces claires d’intervention directe de l’impérialisme américain dans notre pays et les réactions inconsidérées d’un de nos commandants sont quelques-unes des raisons qui expliquent, sans jamais les justifier, la mort de trois spécialistes de l’environnement et militants du mouvement pour les droits des peuples indigènes.

Ce fait déplorable est utilisé de manière éhontée et immorale par le Département d’Etat qui prétend maintenant être le défenseur de citoyens qu’il persécutait pour leurs activités ‘dérangeantes’.

Comme notre lutte s’oppose à cet Etat terroriste et à l’impérialisme oppresseur, nous ne reconnaissons pas ses lois ni son intégrité morale et éthique pour juger nos combattants qui répondront de leurs actes en accord avec nos normes internes.

Il est nécessaire que la communauté internationale sache, qu’elle s’informe de la réalité de notre patrie et qu’elle développe la solidarité nécessaire.

En Colombie, il y a une guerre dans laquelle le peuple et ses organisations luttent pour leurs droits fondamentaux, pour la libération nationale, pour construire une société nouvelle, sans exploités ni exploiteurs.

Contre l’impérialisme. Pour la patrie!

Contre l’oligarchie. Pour le peuple!

Jusqu’à la victoire finale.

Nous sommes les FARC — EP.

Nous ouvrons le chemin vers la nouvelle Colombie.

1 mai 1999