DELEGATION DU GUATEMALA

Forces Armées Révolutionnaires

Discours à la Havane août 1967





Le profond contenu populaire et révolutionnaire de cette Conférence, le besoin de forger la plus étroite unité, militante et combative, de toutes les organisations anti-impérialistes, aussi bien au sein de chaque pays qu'à l'échelle continentale, qui se formule à cette magnifique assemblée, témoignent de la transcendance de cette réunion pour nos peuples.

Car cette unité constitue la base du succès de la lutte commune contre l'impérialisme, permet de contribuer à l'effort révolutionnaire mondial et d'élaborer les prémisses fondamentales de notre stratégie commune. Cette stratégie doit approfondir la lutte révolutionnaire dans notre continent jusqu'à ce qu'elle aboutisse à une guerre populaire, seul chemin qui garantit vraiment la montée de nos peuples au pouvoir.

Devant l'accroissement de la violence réactionnaire et impérialiste en Amérique, les dispositions des masses pour la lutte révolutionnaire augmentent aussi.

La lutte armée se projette comme la ligne générale de la révolution en Amérique latine.

Les pays latino-américains ont devant eux la perspective d'une guerre révolutionnaire cruelle, et même dans ceux où la guerre populaire n'est pas encore à l'ordre du jour, celle-ci se présentera inévitablement, au fur et à mesure que les contradictions internes seront plus profondes et que le combat armé se généralisera dans le reste du continent.

L'unité des révolutionnaires est donc nécessaire et vitale.

L'immense tâche qui repose sur nos épaules exige que cette unité et cette solidarité soient une unité et une solidarité actives, qui se manifestent dans la lutte même, dans le combat de plus en plus violent et décidé contre les oligarchies réactionnaires et l'impérialisme.

Sans méconnaître ni nier la valeur des déclarations de solidarité, nous croyons que la solidarité dont nos pays ont besoin doit être plus profonde et plus pratique; elle doit contribuer vraiment au développement de la lutte quotidienne, qui approfondit constamment nos possibilités de lutte et de combat.

Le Guatemala est un petit pays d'Amérique centrale qui a pris la voie de la lutte armée comme voie de la libération, depuis qu'en 1964 l'impérialisme yankee, avec le soutien de la réaction locale, est intervenu militairement pour freiner une révolution démocratique-bourgeoise et imposer un régime de type fasciste.

Dès lors, en se développant, la lutte révolutionnaire des masses est allée des formes élémentaires de la violence à sa systématisation; des luttes de rues à la lutte de guérillas; de la tendance au coup d'état militaire, au développement de la guerre du peuple.

Cet accroissement de la lutte de classes à eu ses sé-quelles de problèmes et de divergences internes, de confusions dans les appréciations politiques, aiguës pendant certaines périodes. Mais de cette situation, le mouvement révolutionnaire est sorti chaque fois plus ferme, chaque fois plus clairvoyant, chaque fois plus convaincu que la voie de la guerre révolutionnaire de notre peuple est la voie correcte, que c'est le vrai chemin pour liquider la domination impérialiste et éliminer définitivement le régime d'exploitation de l'homme par l'homme.

Et bien que cette lutte interne ne soit pas encore terminée, la transformation des vieilles structures, des vieilles conception?, est un fait évident, et la lutte armée révolutionnaire est chaque jour plus ferme, au fur et à mesure que la réalité politique du pays lui donne raison, d'une façon continue et systématique.

Notre mouvement a connu la discussion entre la conception de coup d'état militaire et la conception de guerre révolutionnaire comme solution aux problèmes de notre peuple ; entre les idées de lutte pacifique, légale, semi-légale et illégale et celle de violence révolutionnaire; entre la foi dans la lutte armée comme une forme limitée de violence, visant à ouvrir des possibilités électorales et pacifiques, et la conviction que l'emploi de la violence ne peut être arrêté tant que nos ennemis ne seront pas balayés de la scène politique.

Il a aussi connu la discussion entre les points de vue conciliateurs et les points de vue révolutionnaires, entre l'appréciation schématique des théoriciens et l'appréciation conforme à la réalité; entre le subjectivisme et l'appréciation de la grande vérité de notre situation, entre l'idée du maintien des formes d'organisation inadéquates à la ligne de la guerre révolutionnaire et celle de la création de formes d'organisation que celle-ci exige. Nous avons dû affronter une grande partie des problèmes qui se présentent aujourd'hui au mouvement révolutionnaire à l'échelle continentale.

Cette lutte interne vise une solution claire : dans notre pays, on ne peut nullement penser à la possibilité d'atteindre le triomphe révolutionnaire par la « voie pacifique », car ceci équivaudrait à tourner le dos aux intérêts populaires les plus chers et trahir notre cause révolutionnaire.

Dans notre pays, le chemin vers la victoire de la révolution est la voie de la Guerre Revolutionnaire du Peuple, c'est la voie de la lutte de guérillas, la voie qui conduit les masses populaires à la belligérance contre l'ennemi intérieur et extérieur.

Dans notre pays, l'emploi de la violence révolutionnaire ne peut s'arrêter que lorsque nos ennemis auront disparu comme force d'oppression et d'exploitation de masses.

Dans notre pays, la croissance de la lutte révolutionnaire n'est que le reflet naturel de la profonde intensification de l'exploitation dont sont l'objet nos paysans, nos ouvriers et d'autres secteurs de la population, et la réaffirmation de notre conviction de mener la lutte armée jusqu'à la victoire.

Elle n'est que la réponse aux besoins de changer radicalement les conditions de vie misérables des grandes masses.

Nous avons commis des erreurs, propres à tout développement révolutionnaire et nous avons subi des pertes importantes, comme la mort de notre inoubliable commandant Turcios Lima, la mort héroïque du capitaine Rolando Herrera, du poète combattant Otto René Castillo et d'autres patriotes.

Malgré ces pertes, la lutte révolutionnaire au Guatemala se développe et bénéficie de la sympathie et de la vitalité que lui donne le peuple même, qui s'incorpore constamment dans les organisations d'avant-garde, les Forces Armées Rebelles et le Parti guatémaltèque des travailleurs.

Dans la plupart des cas la voie de la libération n'est pas un chemin invariablement droit, sur lequel l'ennemi reçoit des coups continuels tandis que nous demeurons indemnes.

Nous assénons des coups durs à l'ennemi, et nous en recevons en retour.

C'est à l'intensification du combat contre nos ennemis que se distinguent les révolutionnaires conséquents, les révolutionnaires fermes et insoumis.

Nous nous sommes donc engagés dans le développement d'une lutte juste, d'une lutte nécessaire, d'une lutte d'où nous tirons des enseignements de nos erreurs et de nos progrès, mais dans une lutte où l'ennemi apprend, lui aussi, dans laquelle l'ennemi rend sa démagogie plus subtile et gagne en efficacité, accroît son cynisme, sa cruauté et ses méthodes de répression sanguinaire.

Notre lutte armée à commencé lorsque le pays était gouverné par le général Idigoras Fuentes, homme ridicule et mondain.

En mars 1963 un coup d'état imposa une dictature militaire ayant à sa tête Peralta Azurdia.

Il prétendait « imposer l'ordre dans le pays et libérer notre peuple de la pénétration communiste ».

Les efforts de cette clique militaire furent vains car plus elle imposait sa violence contre-révolutionnaire, plus la lutte du peuple devenait puissante et tenace.

C'est alors que fut mis au point le plus grand plan appliqué contre notre peuple. Poussés par le désespoir devant l'essor du mouvement révolutionnaire, ils furent obligés de tramer des manoeuvres politiques et de provoquer des élections pour légaliser la lutte contre les forces révolutionnaires.

C'est ainsi qu'ils ont profité du triomphe de Monténégro, ancien professeur universitaire ayant des antécédents dans les mouvements révolutionnaires de 1944 et 1954, pour mener l'une des campagnes démagogiques les plus subtiles et les plus venimeuses de notre histoire.

Vint ensuite un plan militaire visant à obtenir ce que l'impérialisme a appelé "la pacification du pays".

A la tête de son gouvernement Mendez Monténégro commença par offrir l'amnistie totale aux combattants guérilleros s'ils acceptaient de déposer leurs armes, proposant une alternative civile à la vie politique du pays, cantonnant l'armée, proposant des réformes pseudo-démocratiques, feignant de réprimer la droite traditionnelle.

Quatre mois de démagogie suffirent pour masquer les préparatifs d'un vaste plan de représailles, une offensive criminelle contre les forces du peuple.

Sur la base de nouvelles techniques, de prétendues organisations clandestines ultra-réactioriaires, telles que le « Mouvement Anti-communiste National Organisé» (M.A.N.O.), la « Nouvelle Organisation Anti-communiste » (N.O.A.) et d'autres, déclenchèrent la répression.

Et Mendez Monténégro et sa clique gouvernementale feignirent de se trouver au milieu d'une violence provenant à la fois de la gauche et de la droite.

Mais cette farce a duré très peu.

Après cinq mois d'état de siège en un an de gouvernement, d'un état de siège qui se prolongeait ces derniers mois, le peuple a pu voir que ces organisations fascistes ne servent que d'écrans à l'armée et au gouvernement pour une répression brutale.

De nos jours, il est évident que ce sont les officiers de l'armée et les hauts fonctionnaires du régime, soigneusement conseillés par l'Agence Centrale de Renseignements, qui dirigent ces organisations, et que ce sont les soldats et les agents secrets habillés en civil qui exécutent ces crimes.

La mascarade est finie.

Le visage ensanglanté du fantoche Mendez Monténégro apparaît.

Non content de cela, l'impérialisme nord-américain a renforcé l'armée gouvernementale avec près de mille « bérets verts », pour combattre nos vaillants guérilleros dans les montagnes de mon pays, en particulier les unités du front guérillero « Edgar Ibarra », dans la Sierra de las Minas.

Nous pensons que les expériences de notre peuple sont utiles à tous les révolutionnaires d'Amérique latine. Au Guatemala l'impérialisme et la réaction essaient d'établir un « plan pilote » pour ['étendre aux autres pays.

Dans ce domaine il compte sur la participation des oligarchies d'Amérique centrale qui, sous la direction du Pentagone, ont créé le « Conseil Centre-Américain de Défense », celui-ci comprend les armées de la région qui sont déjà intervenues dans les opérations contre nos guérilleros.

Il sera renforcé dans la mesure où la lutte augmentera au Guatemala et en Amérique centrale.

D'autant plus que ce conseil est un embryon de la « Force Interaméricaine Permanente » que les impérialistes yankees essaient de mettre sur pied contre les peuples latino-américains.

Au Guatemala le caractère général, collectif et unifié de l'offensive de l'impérialisme nord-américain sur notre continent est évident.

C'est pourquoi nous considérons que, bien que ce soit de notre peuple même et de son avant-garde révolutionnaire que dépendent le développement et le succès de notre lutte, l'aide des peuples frères est non seulement juste mais extrêmement nécessaire.

Nous croyons fermement que la forme la plus efficace de solidarité, c'est l'intensification de la lutte révolutionnaire sur le continent jusqu'à la faire aboutir à la guerre révolutionnaire; elle accélérera le développement et le succès de notre combat.

Comme l'a dit le commandant Turcios : « La solidarité n'est pas seulement un devoir révolutionnaire mais une nécessité historique dans la lutte commune contre l'impérialisme.

C'est la force principale qui nous unit aux peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.

En dehors des affinités culturelles ou historiques que l'on retrouve dans de nombreux cas, ce qui nous rapproche le plus c'est le besoin de lutte coude à coude contre le plus grand ennemi de nos peuples.

C'est de ce rapport fondamental que dépendent tous les autres.

C'est ainsi que nous comprenons le contenu de la solidarité entre les Africains, les Asiatiques et les latino-américains. »

C'est pourquoi, de cette grande tribune des peuples, nous saluons chaleureusement la position internationaliste, généreuse et décidée de la Révolution cubaine sous la direction de son Parti Communiste dirigé par le camarade Fidel Castro.

Nous apprécions pleinement la décision exemplaire de Cuba de faire face aux conséquences qui découlent de son aide à la cause révolutionnaire d'Amérique latine.

Nous saluons également le courageux peuple du Vietnam qui par sa lutte victorieuse contre l'impérialisme yankee, par son héroïsme exemplaire et illimité, offre aux peuples du monde la solidarité la plus efficace.

C'est avec émotion que nous saluons également nos chers frères de combat du Venezuela, de la Colombie et de la Bolivie qui écrivent des pages glorieuses dans cette grande geste pour la seconde et définitive indépendance de notre pays. Nous saluons également tous les révolutionnaires qui, en Amérique latine, luttent fermement contre la domination de l'impérialisme et des oligarchies, en particulier ceux qui son prêts à entreprendre de façon décidée la lutte de guérillas. Nous confirmons ici notre ferme décision de poursuivre la lutte jusqu'à la victoire finale sous notre mot d'ordre : « Vaincre ou Mourir pour le Guatemala ».

Commandant Nestor Valle.