"La prise du pouvoir étatique par la force armée,
le règlement de ce problème par la guerre, est la forme la plus
importante et la plus noble de la révolution.
Mais alors que le principe
reste le même (pour tous les pays), son application par le Parti du prolétariat
trouve son expression de diverses façons selon les conditions variables
qui peuvent se présenter."
Voilà, la conception de Mao Zedong.
L’application de ce principe aux conditions concrètes de l’Inde
est l’une des caractéristiques majeures qui dans notre pays permet
de distinguer les partis révolutionnaires des partis révisionnistes.
Ces derniers, qui représentent toutes les tendances, ont rejeté
la lutte armée en refusant la voie de la guerre populaire prolongée.
Certains partis qui avaient accepté cette voie en théorie n’ont
pas réussi à déclencher ni même à préparer
la lutte armée, invoquant l’excuse que pour l’instant le pays
n’offre pas de situation favorable à la révolution.
Dans un pays semi-féodal et semi-colonial comme l’Inde, caractérisé
par un développement économique, social et politique inégal,
il est impossible d’organiser une révolution à travers tout
le pays au même moment.
Le Parti Communiste d’Inde (marxiste-léniniste)
(People’s War) (Guerre du Peuple), en abrégé le pci(ml)(pw)
adhère fermement au point de vue maoïste.
Selon ce principe il est
possible et nécessaire de déclencher la lutte armée dans
des régions attardées et soigneusement choisies au préalable,
puis de l’étendre progressivement à d’autres régions,
pour en fin de compte s’emparer des villes afin d’achever la victoire
à l’échelle du pays tout entier.
Après avoir analysé les caractéristiques spécifiques
et les données spéciales de l’Inde, notre Parti a choisi
des régions arriérées, stratégiquement importantes
pour pouvoir mener une guerre de guérilla et construire des zones de
guérilla ainsi que des zones d’implantation.
C’est dans cette
perspective que notre Parti a mené la lutte armée ces seize dernières
années, depuis sa formation le 22 avril 1980.
Notre Parti a subi une sévère répression de la part
des forces ennemies et a fait progresser la lutte dans le Nord Telengana et
le Dandakaranya au point de réussir la constitution de zones de guérilla
de premier niveau.
Il a également été à même
de déclencher et de faire progresser la lutte armée dans certaines
autres régions du pays et il a réussi à l’associer
à d’autres formes de lutte.
Aperçu historique
L’Inde est un vaste pays agraire avec une population de 945 millions d’habitants.
C’est un pays à plusieurs nationalités et divisé en
différents Etats, donc chacun a plus ou moins la taille d’un pays
européen. L’impact de la Révolution russe de 1917 a été
considérable sur les mouvements asiatiques qui luttaient pour leur indépendance
en affrontant la domination coloniale.
En conséquence, au cours des années
20, des partis communistes apparaissent dans de nombreux pays d’Asie. Le
Parti Communiste de l’Inde (pci) est fondé en 1925.
Mais bien qu’il
ait joué un rôle actif au cours des luttes contre les Britanniques,
il n’a pas réussi à donner la priorité au mouvement
anti-impérialiste.
En outre, il agissait comme s’il était
une aile du Parti du Congrès (le principal représentant de la
grande bourgeoisie compradore, et des classes des grands propriétaires
terriens), qui avait réussi à détourner le peuple indien
de la lutte de libération nationale proprement dite et est finalement
parvenu à prendre le pouvoir en collusion avec l’impérialisme
britannique.
Le pci, cependant, a mené quelques combats glorieux, comme l’insurrection
armée du Telengana de 1946 à 1951 et la révolte de Tebhaga,
au Bengale.
Bien que le Telengana ait montré la voie de la révolution
indienne, la direction du pci ne témoignait pas d’une compréhension
très nette de la voie, des perspectives, de la stratégie et des
tactiques de la révolution indienne.
Et de fait, le parti abandonne la
lutte armée en 1951 et emprunte la voie parlementaire.
La mort du camarade
Staline et la montée du révisionnisme khrouchtchévien catalysent
internationalement sa transformation en un parti totalement révisionniste.
Le Grand Débat de la fin des années 50 et des années 60
entre le pcc (Chine) et le pcus (Union soviétique) a exercé un
profond impact sur le mouvement communiste indien.
Combiné à d’autres
facteurs, cela a amené entre autres la formation du pci(m).
Mais le pci(m)
refusait également de marquer une rupture complète avec la politique
révisionniste. Le mécontentement des révolutionnaires communistes
purs à l’intérieur du pci(m), en même temps que l’impact
de la Grande Révolution Culturelle et Prolétarienne, débouche
finalement sur l’insurrection de Naxalbari, en 1967.
Le tournant historique
En 1966, la politique des classes dirigeantes indiennes s'est exacerbée
par une crise politique et économique.
Au cours de ces années,
ceux qui tiraient gloire de leur qualité de dirigeants du mouvement communiste
de l’Inde, se chargent d’enjoliver les lignes de conduite de la classe
dirigeante et de garder le peuple soumis à toutes sortes de moyens idéologiques
trompeurs.
Leur opportunisme profondément ancré, leur longue période
de suivisme vis-à-vis du Parti du Congrès, leur loyauté
à Nehru et à sa famille plutôt qu’au marxisme-léninisme
et au peuple, leur attachement à la voie de la paix, etc. déçoivent
profondément les rangs communistes; où ils sont reconnus comme
des agents étrangers à l’intérieur du mouvement communiste.
Les événements qui se déroulent à l’époque
sur le front international - les luttes historiques des marxistes-léninistes
conduits par Mao Zedong contre le révisionnisme moderne dirigé
par les leaders soviétiques, la marche victorieuse des luttes de libération
nationale au Viet-Nam et partout ailleurs, l’insurrection des jeunes en
Europe et en Amérique et la Grande Révolution Culturelle et Prolétarienne
en Chine - activent grandement le ferment idéologico-politique présent
en Inde.
Naxalbari a permis aux communistes d’établir clairement
la différence entre le communisme révolutionnaire et l’opportunisme.
Un tournant de l’histoire a été franchi.
Dans ce petit village du Bengale occidental, des paysans avaient pris les
armes contre les propriétaires terriens et l’Etat.
Guidé
par la pensée de Mao Zedong, le camarade Charu Mazumdar avait assuré
la direction des cadres et des paysans de Naxalbari.
Les dirigeants indiens,
avec la collaboration indéfectible, des partis révisionnistes,
ont maté sans la moindre pitié, cette révolte paysanne.
Mais depuis Naxalbari, le mouvement communiste indien et la politique indienne
n’ont plus jamais été les mêmes.
Cette révolte
a servi d’introduction à la politique de la lutte armée et
a provoqué une rupture complète avec la politique révisionniste.
L’appel de Naxalbari n’avait pas été lancé uniquement
dans l’intention de confisquer des terres, mais aussi dans le but de s’emparer
du pouvoir.
Il analysait correctement le caractère de classe de la société
indienne en la définissant comme étant semi-féodale et
semi-coloniale; la révolution était de type néo-démocratique
et la voie à choisir était celle de la guerre populaire prolongée.
Sur cette base, et en optant pour l’idéologie marxiste-léniniste-maoïste
de Mao Zedong, un nouveau parti, le Parti Communiste de l’Inde (marxiste-léniniste)
est fondé le 22 avril 1969.
En mai 1970, a lieu le 8e Congrès
- pour suivre la numérotation du pci et du pci(m) - et un programme,
des statuts et un rapport politique et organisationnel sont adoptés.
Mais, à cause de certaines erreurs tactiques "gauchistes",
le Parti n’est pas capable de faire face à la brutale répression
lancée par l’ennemi contre le mouvement révolutionnaire.
Pendant deux longues années, des milliers de révolutionnaires
sont massacrés, des milliers d’autres emprisonnés et brutalement
torturés, et la direction du parti décimée.
Après
1972, avec le martyre du camarade Charu Mazumdar, le mouvement connaît
une période de désarroi; il se scinde en un certain nombre de
petits groupes dont le fonctionnement est local.
Processus vers la réunification
Après 1972, de petits groupes font des tentatives répétées
en faveur de la réunification.
Trois tendances principales se dégagent:
ceux qui continuent à soutenir l’ancienne ligne ultra-gauchiste
prônant l’annihilation; d’autres qui se laissent glisser vers
la ligne opposée de l’opportunisme de droite et qui en viennent
à compter essentiellement sur la participation aux élections;
d’autres encore, qui cherchent à rectifier les erreurs gauchistes
tout en poursuivant la voie de la guerre populaire prolongée.
C’est
au sein de cette troisième tendance que le pci(ml)(pw) est fondé
en 1980. Le rétablissement de ce centre est effectué sur base
d’une révision autocritique des dix dernières années,
d’une ligne tactique, et du développement d’un vaste mouvement
révolutionnaire dans l’Andhra Pradesh, adoptant la révolution
agraire armée comme tâche principale.
L’autocritique analysait les aspects positifs et négatifs de
la ligne formulée à partir de Naxalbari et sa pratique.
De cette
analyse, le Parti a pu tirer certaines leçons et développer une
ligne tactique.
Les principales caractéristiques positives de Naxalbari et du pci(ml)
étaient les suivantes:
- Son analyse de la société indienne, semi-féodale et
semi-coloniale, était correcte.
- Il soulignait à juste titre que la voie de la révolution
était la révolution agraire armée et, avec tout autant
de clairvoyance, il rejetait la voie parlementaire.
- Il établissait une démarcation très nette entre le
marxisme et le révisionnisme, et il dénonçait clairement
l’URSS en tant que puissance social-impérialiste.
- Il faisait une analyse pertinente de l’Inde en tant que pays à
plusieurs nationalités et il soutenait ouvertement les luttes menées
par les diverses nationalités pour obtenir leur autodétermination.
- Il défendait correctement la Chine socialiste de l’époque
et exposait les desseins expansionnistes des classes dirigeantes indiennes
à l’égard de leurs voisins.
- Il diffusait largement la pensée de Mao Zedong et bâtissait
le Parti selon les principes léninistes.
- Il ne limitait pas l’appel à la révolution armée
à de simples résolutions. Des milliers de jeunes et d’étudiants
furent amenés à se rendre dans les zones rurales, à s’intégrer
à la paysannerie et à l’éveiller à la révolution.
Les imperfections étaient:
- Il avait fait une mauvaise estimation de l’époque et une évaluation
erronée de la situation nationale et internationale - fondamentalement
il surestimait les conditions objectives qui avaient conduit à des
erreurs gauchistes dans le choix de ses tactiques.
- Il évaluait de façon tout aussi erronée les forces
subjectives: il existait une tendance à se lancer sans arrêt
dans des actions sans préparation suffisante de la force subjective.
- Il lançait des appels et des slogans impossibles à appliquer.
- Il niait le besoin de construire des organisations de masse et le besoin
d’adopter des formes variées de lutte.
- Il adoptait des tactiques aventureuses dans les villes.
- Il adoptait des méthodes bureaucratiques dans le fonctionnement
du Parti.
Compte tenu de cette analyse historique concrète, et se basant sur
la force de leur vaste mouvement dans l’Andhra Pradesh, les camarades de
l’Andhra ont pris des initiatives destinées à réorganiser
le centre pour les groupes disséminés de révolutionnaires.
Le 22 avril 1980, se basant sur cette analyse et sur une nouvelle ligne
tactique, le pci(ml)(pw) est constitué.
Il tire son nom de son organe
clandestin, People’s War (Guerre Populaire).
Le nouveau Comité central
est constitué au cours de la lutte simultanée contre des déviations
de gauche et de droite dans les mouvements révolutionnaires.
Répression et résistance
Fin des années 70: vers une nouvelle vague de luttes
populaires
Tout au long des années soixante et compte tenu des éléments
mentionnés ci-dessus, d’importantes sections de jeunes de l’Andhra
Pradesh vont s’inspirer de la politique révolutionnaire.
Des branches
de l’Union Radicale des Etudiants (rsu, Radical Students Union) s’établissent
un peu partout dans les collèges d’Etat et même dans de nombreuses
écoles.
La Ligue Radicale des Jeunes (ryl, Radical Youth League) s’établit
plus tard dans les villages, les villes, les bidonvilles, etc.
Les ailes culturelles,
le rwa (Revolutionary Writers Association - Association des Ecrivains Révolutionnaires)
et le jnm (Jana Natya Mandali - le Groupe de Théâtre Populaire)
jouent désormais un rôle important dans l’éveil des
masses.
Le rwa, avec ses poèmes, ses nouvelles et ses romans, crée
un climat favorable à la révolution parmi les gens instruits et
influence même l’intelligentsia; tandis que la jnm, avec ses chants,
ses danses et ses ballades légendaires, conduit des milliers de gens
à accepter la politique révolutionnaire.
Comme le Parti prend une certaine ampleur, il est possible d'envoyer des
cadres à la campagne pour s’intégrer à la paysannerie,
propager la politique révolutionnaire et organiser les luttes antiféodales.
Au cours des vacances d’été, des milliers d’étudiants,
par groupes de sept à dix, se rendent dans les villages dans le cadre
des campagnes "Allez au village!", afin de propager la politique révolutionnaire,
et de construire les unités des ryl.
En 1978, les efforts aboutissent
à un grand rassemblement paysan dans le district de Karimnagar, dont
le point culminant est une énorme procession de 30.000 personnes dans
le Jagityala Taluka Centre. Le mouvement paysan se répand rapidement
dans les districts de Adilabad, Warangal et Nizamabad.
Des luttes menées
par des étudiants et des jeunes se propagent également à
travers l’Andhra Pradesh au cours des années 1978-80.
1980: un pas vers la forêt
Vu l’importance croissante du mouvement, la répression s’intensifie.
Arrestations en masse, tortures brutales et destruction des biens du peuple
deviennent monnaie courante.
Le Jagityala et les talukas voisines de Siricilla
sont déclarés "zones de troubles" par l’Etat, qui
installe de cette manière une autorité fasciste sur la région.
A ce stade, le Comité de l’Etat d’Andhra Pradesh prend la décision
d’intensifier ces luttes en projetant d’établir une zone de
guérilla dans les districts de Karimnagar, Adilabad, Warangal et Khammam.
Le document Notre ligne tactique avait déjà expliqué qu’une
zone de guérilla est "une zone intermédiaire où les
deux camps en même temps, le régime réactionnaire et les
forces révolutionnaires, sont en lutte pour s’assurer le contrôle
total; alors qu'aucun des deux camps n’est capable d’établir
un régime stable."
Le Projet de Zone de Guérilla expliquait la nécessité
d’envoyer des pelotons dans les forêts. En accord avec cette ligne,
en 1980, le Parti prend la décision d’envoyer un tiers des cadres
dans les forêts.
En 1980-81, un total de sept pelotons pénètre
dans les forêts du Dandakaranya (la vaste ceinture forestière de
l’Inde centrale qui comprend des parties de l’Andhra Pradesh du Maharashtra,
du Madhya Pradesh et de l’Orissa).
Durant la période de 1980-84,
guidées par notre Parti, les luttes paysannes dans le Nord Telengana
et le Dandakaranya prennent une tournure militante.
L’organisation s’étend
progressivement à de nouvelles zones et la conscientisation des masses
atteint de hauts niveaux.
On constitue différentes organisations de masses
parmi les tribus, telles les dakms (Organisation tribale des paysans et des
travailleurs de Dandakaranya) et, plus tard, les kams (Organisation tribale
des femmes révolutionnaires).
La structure organisationnelle de ces organisations
de masse et du Parti se développe et se consolide.
Parallèlement
aux luttes paysannes, les escarmouches avec les propriétaires terriens
se multiplient. En dépit de la répression organisée par
l’Etat, le mouvement s’étend à de nouvelles zones.
Des
modifications indispensables sont apportées à la structure du
Parti et des pelotons au fur et à mesure que le mouvement gagne en importance.
1985-87: la première vague de répression
En 1985, le gouvernement central et celui de l’Etat déclenchent
une guerre non déclarée contre le mouvement.
Pour contrer cette
attaque, le Parti formule ses tactiques de la guerre d’autodéfense
en mai 1985. 1985-1987 représente une période sombre où
le mouvement subit de nombreuses pertes et où l’ennemi prend le
dessus.
Cependant, le Parti est à même de résister aux attaques
de l’ennemi en comptant avant tout sur le peuple opprimé, en consolidant
les pelotons et en organisant des représailles armées contre l’offensive
ennemie.
A la mi-août 1988, la fortune commence à tourner.
Fin
1989, le mouvement de résistance armée finit par prendre le dessus.
Durant cette période, la lutte armée est toujours aussi intense
et la "guerre non déclarée" du gouvernement est battue
en brèche et repoussée. Le mouvement peut donc se retrancher dans
des positions solides.
1990: un bref répit
En 1990, à cause de contradictions au sein des classes dirigeantes et
de pression croissante du mouvement populaire, le nouveau gouvernement du Congrès
en Andhra Pradesh ralentit la répression pendant un moment.
Le Parti
en tire avantage en se concentrant sur la consolidation de ses propres unités,
sur les organisations de masse au niveau des villages, sur les pelotons de défense
des villages, et sur les pelotons armés réguliers; il étend
le mouvement à de nouvelles zones, et dirige les luttes du peuple contre
de nombreux problèmes.
Une foule de rassemblements, de démonstrations
et d’actions de masse militantes ont lieu, bloquant les chemins de fer,
ou perturbant le trafic routier.
Les paysans durcissent leurs exigences afin
d’obtenir de l’électricité pour l’irrigation; la
fourniture appropriée d’engrais et de pesticides non dilués;
l’octroi de prix de base raisonnables pour la canne à sucre, le
tabac, le coton, etc.; l’annulation de la dette des paysans; l’octroi
assuré de crédits auprès des coopératives et des
banques.
La force des rassemblements au niveau de la taluka se situe entre 10.000
à 40.000 personnes, tandis qu’au niveau du district ce nombre dépasse
bien souvent les 100.000 personnes.
Finalement, ce mouvement de masse connaît son apogée lors
de la réunion de la Conférence du Tiers Etat de la Ryatu Coolie
Sangam (rcs: organisation des paysans) de Warangal les 5 et 6 mai 1992: plus
d’un million de personnes sont présentes.
Jusqu’à cette époque, les partis révisionnistes
proclamaient à qui voulait l’entendre que nous n’étions
qu’une équipe de terroristes sans soutien parmi la masse.
Le groupe
Vinod Mishra du pci(ml) (maintenant dans le camp du pci-pci(m) ) prétendait
également la même chose.
Mais ces rassemblements gigantesques et
ces luttes de masse ont fait taire la campagne de désinformation des
révisionnistes.
Or, pendant cette période, le Parti se concentre surtout sur la
lutte pour les terres: on entreprend sur une grande échelle l’occupation
des fiefs des grands propriétaires par la paysannerie pauvre et sans
terre.
Les propriétaires terriens qui sont restés dans le Nord
Telengana fuient les villages, où l’autorité féodale
a été quasiment réduite à néant.
1991: seconde vague de répression
En 1991, la répression gouvernementale s’acharne plus violemment
encore sur le mouvement. Jusqu’en 1991, les opérations de police
étaient organisées séparément par les gouvernements
respectifs des Etats.
Mais cette fois, le gouvernement central met sur pied
une "Cellule centrale" qui dépend directement du ministère
de l’Intérieur.
En outre, un Commandement commun des opérations
est instauré pour organiser la guerre d’élimination. En décembre
1991, il envoie précipitamment des bataillons de la bsf (Border Security
Force - Force de sécurité des frontières) et de l’itbp
(Indo-Tibetan Border Police - Police frontalière indo-tibétaine)
au Telengana pour renforcer les effectifs importants qui s’y trouvent déjà
et qui appartiennent aux crpf (Central Reserve Police Force), cisf et apsp.
En mai 1992, le gouvernement de l’Andhra Pradesh décrète
l’interdiction du pci(ml)(pw) et de sept organisations révolutionnaires
de masse qui représentent les fers de lance du mouvement (comprenant
le rsu, le ryl, le rcs, le jnm et le sikasa: les organisations de masse des
étudiants, de la jeunesse, de la paysannerie, du secteur culturel, des
artistes et des travailleurs.
De ce fait, ce qui constitue au début une
guerre non déclarée se transforme désormais en une opération
de contre-insurrection à grande échelle.
Des horreurs massives,
des meurtres dûs à de "faux rendez-vous" et des "redditions"
forcées deviennent les caractéristiques dominantes de la campagne
de suppression.
En dix mois environ, quelque 160 "faux rendez-vous"
sont programmés, tuant près de 200 personnes.
Des milliers d’autres
sont arrêtées et torturées, des maisons sont saccagées,
des récoltes et des propriétés, pour une valeur de plusieurs
milliards de roupies, sont détruites au cours de raids particulièrement
violents effectués par les forces armées de l’Etat.
Au vu de ces nouvelles conditions de répression, les grands rassemblements
de l’année précédente ne sont plus possibles, mais
la paysannerie commence à résister aux forces gouvernementales
en adoptant de nouvelles méthodes.
En dépit du soutien actif de
l’Etat, les propriétaires terriens sont incapables de réoccuper
leurs terres.
Même si les moissons sont récoltées par les
propriétaires, les paysans pauvres s’en emparent.
Les luttes concernant
la cueillette des feuilles de tendu et pour l’obtention de salaires plus
élevés continuent elles aussi.
Les organisations de masse se reforment
elles-mêmes en comités clandestins plus efficaces.
Alors que, dans
le passé, la paysannerie manifestait souvent sa réprobation et
sa douleur en se contentant d’attaquer les propriétés du
gouvernement, dorénavant elle à fait graduellement appel à
la résistance armée de masse.
Sous la direction des pelotons locaux
de défense villageoise (Gram Rakshak Dals ou grd), des détachements
assez importants, comptant entre 50 et 100 personnes, voire plus, organisent
la défense collective et harcèlent les troupes ennemies.
Les pelotons
de la guérilla armée rendent coup pour coup à l’offensive
ennemie grâce à des embuscades dressées contre les véhicules
ennemis, des attaques contre certains commissariats de police ou contre des
avant-postes isolés à l’intérieur des régions,
et en éliminant purement et simplement certains fonctionnaires de la
police qui se sont conduits de façon particulièrement cruelle.
Le peuple soutient avec enthousiasme les pelotons de la guérilla armée
et leur fournit des abris, de la nourriture et un passage sûr au milieu
des raids de la police et des opérations de ratissage et de patrouille.
La résistance armée du peuple reçoit le support actif des
combattants de la guérilla, qui l’orientent vers la constitution
et le développement d’une milice populaire forte.
Les leçons de notre expérience
Lorsqu’il fut décidé en 1980 de développer le Nord
Telengana en zone de guérilla, nous ne disposions pas encore de pelotons
armés de guérilleros.
Ce fut seulement à cette époque
qu’apparut une première forme élémentaire de structure
militaire, populairement connue sous le nom de Système 1 + 2 (chaque
organisateur était accompagné par deux membres du peloton).
En
1985, tous les centres du Nord Telengana avaient adopté le Système
1 + 2. Ce schéma continua à être utilisé au Nord
Telengana jusqu’en 1987.
Entre 1987 et 1989, vu que la répression
gagnait en intensité, ces Sections 1 + 2 se développèrent
pour constituer des pelotons comptant entre cinq et sept membres. Aujourd’hui,
selon le terrain, des pelotons de sept, neuf ou onze membres fonctionnent dans
la zone.
Au Dandakaranya, les pelotons forestiers ont débuté avec
cinq membres et aujourd’hui, ils fonctionnent avec onze membres.
La compétence militaire des pelotons a augmenté de façon
significative, alors qu’elle était absolument nulle au début.
Entre 1980 et 1984, les organisateurs et les pelotons étaient capables
d’isoler et de mettre à genoux les ennemis locaux. Au cours de cette
période, les rencontres avec la police étaient rares.
Mais vu
que les autorités féodales se faisaient régulièrement
écraser, les forces de l’Etat commencèrent à adopter
une attitude de plus en plus agressive.
Depuis 1985, dans le cadre de notre
guerre défensive, des pelotons de guérilla entreprennent des actions
contre des officiers de police ayant fait preuve de cruauté.
Depuis 1987,
nous dressons des embuscades contre les troupes en patrouille.
Nos pelotons
résistent à la police et aux troupes de l’Etat grâce
à des raids et à des embuscades mis sur pied avec la coopération
des masses.
Aujourd’hui, les pelotons se déplacent en formation
militaire.
Comme Mao l’avait dit, c’est en faisant la guerre que nous apprenons
la guerre et que nous développons notre connaissance de la science de
la guerre. Les normes de recrutement ont été rehaussées.
La discipline dans les pelotons a été renforcée en les
soumettant à des règlements. En outre, parallèlement à
l’intensification de la résistance armée et à l’augmentation
du nombre de pelotons, le niveau des masses a augmenté lui aussi.
Selon
ce processus, pour la mi-1985, les premiers pelotons de guérilla au Dandakaranya
se sont développés en pelotons relativement mieux entraînés
et mieux armés, avec une plus haute conscience révolutionnaire.
C’est pour défendre les masses contre les ennemis locaux, pour harceler
les forces gouvernementales au niveau local, et pour opérer en tant qu’unités
d’assistance armée aux pelotons de guérilla, que les pelotons
de défense des villages ont été organisés.
Presque 900 personnes, parmi lesquelles des dirigeants du Parti à
différents niveaux, des membres des pelotons, des responsables d’organisations
des masses, et des sympathisants, sont devenus des martyrs au cours de ces 16
dernières années en Andhra Pradesh et au Dandakaranya.
Dans tout
processus de changement, c’est la phase initiale qui requiert le plus de
temps; c’est un fait que beaucoup de sang a été versé,
aussi bien en raison du manque d’expérience que de la supériorité
écrasante des forces ennemies.
Tactiquement parlant, l’ennemi est
très puissant, il possède une armée moderne bien équipée,
dispose de systèmes perfectionnés de transports et de communications.
Par conséquent, nous avons opté pour une guerre de type prolongé
et nous connaîtrons sans doute plusieurs revers avant de remporter la
victoire finale.
L’expérience de ces seize dernières années
nous a appris qu’il est possible de mener la guerre contre l’Etat
indien, quelle que soit sa puissance sur le plan tactique, et d’établir
le pouvoir du peuple en choisissant des zones sous-développées,
en mobilisant les masses autour d’une ligne de masse révolutionnaire
et en frappant l’ennemi au cours d’une guerre de guérilla autodéfensive.
Aujourd’hui, notre Parti est en meilleure position politiquement et
organisationnellement que lorsqu’il avait produit son document sur La zone
de guérilla. A cette époque, le mouvement était confiné
à quelques poches. Aujourd’hui, il y a deux comités de zones
de guérilla qui fonctionnent directement sous l’autorité
du comité central: le comité du Dandakaranya compte environ 8
millions d’habitants et une superficie de 84.116 km2 et le comité
de Nord Telengana 12,2 millions d’habitants pour une superficie de 76.478
km2.
En dehors des deux zones de guérilla ci-dessus, il existe trois
autres régions en phase préparatoire de zone de guérilla:
- La zone orientale, qui couvre les 4 districts de Nord Andhra ainsi que
deux districts d’Orissa, avec une population globale d’environ 18,3
millions d’habitants pour une superficie de 73.841 km2.
- La région du Sud Telengana qui couvre quatre districts pour une
population combinée de 10,9 millions d’habitants et une superficie
de 49.864 km2.
- La région forestière de Nallamala, qui comprend des parties
de huit districts et compte une population d’environ 12 millions d’habitants.
Le Parti s’est attelé à la tâche de renforcer
les pelotons réguliers de guérilla et les pelotons de défense
des villages dans ces régions, consolidant les unités de parti
et les organisation de masse, formant des comités de village consistant
en forces populaires révolutionnaires antiféodales et anti-impérialistes.
Le Parti a également mobilisé les masses en constituant des mouvements
militants sur une grande échelle afin de contrer les offensives ennemies.
Nous croyons fermement que ces trois régions vont bientôt être
transformées en zones de guérilla de plein développement.
Le Parti a commis certaines erreurs dans le passé en ne réussissant
pas à appliquer à fond le slogan tactique "Tout le pouvoir
aux comités de village!" dans le Nord Telengana et le Dankanaranya,
lorsque les conditions pour le faire étaient favorables, c’est-à-dire
à la fin des années 80.
Aujourd’hui, cette erreur a été
rectifiée et des comités de villages ont été constitués
partout où il y a un membre du Parti pour les diriger.
Différents
comités se sont formés sous la direction du comité de village:
comité de développement, comité légal...
C’est
la forme embryonnaire du nouveau pouvoir politique populaire.
Le Parti a commis quelques erreurs dans le passé: il a omis d’avancer
le mot d’ordre tactique: "Tout le pouvoir aux comités de village"
dans le Nord Telengana et Dandakaranya quand les conditions mûrissaient,
à la fin des années 80.
Maintenant nous avons rectifié
cela et partout où il y a un militant du Parti pour les diriger, se forment
des comités de villages. D’autres comités encore ressortent
sous l’autorité du comité de village: comité de développement,
comité légal, etc.
Ces comités constituent la forme embryonnaire
du nouveau pouvoir politique du peuple.
Après avoir établi une forte base rurale pour étayer
le mouvement, le Parti cherche maintenant à établir sa présence
à un niveau regroupant l’ensemble de l’Inde.
Après avoir
mené à bien une énorme somme de travail de base sur les
plans idéologique, politique et organisationnel, le Comité central
organisateur a mis sur pied en novembre 1985 la première Conférence
panindienne, succédant au 8e Congrès de 1970.
Des délégués
de l’Andhra Pradesh, du Dandakaranya et du Nord Telengana, du Tamildanu,
du Karnataka, du Maharashtra, du Haryana et du Bengale occidental ont assisté
à la conférence.
Cette conférence spéciale a adopté
une résolution politique tenant compte des changements qui avaient eu
lieu sur la scène nationale et internationale.
Elle a accepté
également un rapport organisationnel politique qui analysait les principaux
défauts de notre ligne politique et de notre travail d’organisation
depuis 1980.
La Conférence a par ailleurs affiné le programme
originel et les statuts de 1970 et a élu un Comité central.
Organisations de masse, luttes de masse et travail politique
de masse
C’est le peuple qui fait la révolution, et pas simplement le Parti
ou les pelotons.
Le Parti dirige le peuple vers la victoire tandis que l’armée
populaire est la principale organisation qui mène la guerre contre l’ennemi.
Mais sans le support enthousiaste des masses, la victoire est inconcevable.
En Inde, la pensée révisionniste qui règne dans certains
cercles est si profondément enracinée que seuls ceux qui participent
aux élections et qui mettent l’accent sur les luttes légales
sont considérés comme effectuant du travail de masse; tandis que
toute organisation agissant en dehors du cadre légal installé
par les gens au pouvoir est considérée comme une équipe
de "terroristes".
Selon la ligne de pensée révisionniste,
les processions passives, les grèves annoncées de travailleurs,
les grèves de la faim, les rassemblements de routine devant le Parlement,
etc., même s’ils se sont révélés être
une forme inefficace de combat, sont les seules formes concevables du travail
de masse.
Et pour eux, la participation aux élections est la seule forme
de mobilisation politique du peuple.
En fait, au niveau villageois, les masses
doivent être continuellement mobilisées politiquement afin qu’elles
puissent asseoir leur autorité par le biais du comité de village.
La mobilisation du peuple pour la prise du pouvoir est l’aspect le plus
important de la mobilisation politique.
Sans aucun doute, en période
électorale, une vaste mobilisation en faveur du boycott peut aider à
éduquer considérablement les masses sur le caractère des
différents partis politiques, sur le caractère de classe de l’Etat
et sur la nécessité qu’il y a d’écraser ce dernier.
La propagande politique et la mobilisation ont constitué une importante
tâche pour notre Parti depuis son apparition.
En fait, depuis 1978, chaque
fois que des opportunités de légalité se sont présentées,
l’Union Radicale des Etudiants de l’Andhra Pradesh a adhéré
à la campagne "Aller au village".
Pendant les vacances scolaires
du collège, des centaines d’étudiants constituaient entre
eux de petits groupes et allaient en campagne dans les villages, prêchant
la politique de la révolution armée contre l’impérialisme,
le féodalisme et leurs agents.
D’importantes processions ont été
organisées afin de soutenir la commission Mandal en faveur des réserves
destinées aux obc (castes déshéritées), et de lutter
contre les forces fascistes hindouistes, en arrachant la suppression de l’acte
antiterrorisme (tada), contre le fmi et le projet Dunkel et même contre
l’agression américaine en Irak.
Une lutte originale a été
celle menée par 120 camarades de la prison de Warangal qui se sont privés
d’un repas par jour pendant dix jours et ont fait don du montant ainsi
épargné, soit 4174 roupies, aux victimes du tremblement de terre
qui avait frappé le Maharashtra.
Aussi, durant ces six dernières années, le Parti a organisé
des "Journées de travail", au cours desquelles tous les villageois
étaient censés travailler pendant toute une journée pour
le Parti.
Des milliers de villageois ont participé à ces "Journées
de travail" et ont fait don en gros de 2 millions de roupies au Parti chaque
année. D’abord, ces journées avaient été mises
sur pied comme s’il s’agissait d’un festival des masses. Ensuite,
lorsque la police a interdit sans rémission les programmes de ces "Journées
de Travail", on a décidé par la suite de les organiser en
secret.
Depuis 1980, les gens des tribus ont cessé le paiement de tout un
assortiment de taxes et ont commencé à défricher les forêts
et à cultiver les terres ainsi gagnées.
Des centaines de milliers
d’arpents de terres forestières ont été occupés.
On a également réoccupé des terres qui avaient appartenu
à des commerçants ou à des fonctionnaires des forêts.
En 1989, lorsque la répression contre le mouvement s’est quelque
peu ralentie, un grand mouvement paysan s’est constitué afin d’occuper
les terres des grands propriétaires, se basant sur le principe de "la
terre à qui la travaille".
Des milliers de paysans ont mené
activement cette lutte, plantant des drapeaux rouges et occupant les terres
des grands propriétaires.
A partir de 1991, le gouvernement a répliqué
par une répression redoublée, mais il a été incapable
de restaurer l’autorité des propriétaires.
Au cours de la
dernière décennie, sous la direction du Parti, environ cent mille
hectares de terres forestières et d’autres types de terres du gouvernement,
parallèlement avec vingt-cinq mille hectares supplémentaires de
terres reprises aux propriétaires, ont été saisies et occupées
par la paysannerie.
Dans les zones reculées du Dandakaranya, la famine sévit
de façon endémique en raison des absences fréquentes de
pluie et, partant, de récoltes.
Dans ces zones, les villageois sont mobilisés
dans des raids de famine contre les grands propriétaires, les usuriers
et les commerçants.
Les récoltes confisquées sont distribuées
parmi les villageois.
Des suppléments de récoltes, d’argent
et de marchandises sont également distribués.
Dans ces mêmes districts, les dakms ont mené plusieurs luttes
en faveur de l’augmentation des prix de vente des produits forestiers et
ils ont combattu les fraudes des commerçants. Les dakms ont réussi
à augmenter le prix de vente du coton, du tabac, des mahuas, des balais,
des noix forestières, des gommes, etc.
En outre, les deux luttes les plus importantes à l’intérieur
de la zone forestière se sont exercées sur l’augmentation
des taux salariaux pour la cueillette des feuilles de tendu et pour la récolte
du bambou.
Ces luttes ont été les plus militantes et ce sont aussi
celles qui ont connu le plus grand succès; elles ont mis à genoux
le gouvernement et les entrepreneurs et elles ont modifié considérablement
le cours des existences frappées par la pauvreté des gens de ces
tribus.
Au moment où les pelotons sont entrés dans les forêts
en 1980-81, le tarif appliqué à la cueillette de la feuille de
tendu n’était encore que de 3 paise (0,03 roupie) par bouquet. L’année
dernière, les cueilleurs recevaient 120 paise (1,20 roupie) le bouquet.
Pour la cueillette du bambou, les tarifs sont passés de 25 paise par
bouquet en 1982 à plus de 120 paise l’année dernière.
Plusieurs luttes ont également eu lieu dans les diverses prisons
de l’Andhra Pradesh, la plus longue et la plus suivie étant celle
a été livrée entre décembre 1994 et janvier 1995.
Un millier de prisonniers environ ont déclenché une grève
simultanée dans les cinq prisons centrales et trois prisons de district
en Andhra Pradesh.
Les exigences politiques comprenaient: la levée de
l’interdiction frappant le pci(ml)(pw) et ses organisations de masse; l’annulation
du tada (Acte antiterrorisme) et le retrait de tous les cas tada; le retrait
de la Central Reserve Police Force et de la Border Security Force de Telengana;
une enquête judiciaire sur tous les meurtres sur "faux rendez-vous";
le retrait de l’Inde de l’Organisation du Commerce Mondial; etc.
Il
y eut quarante-trois autres exigences relatives aux conditions de vie dans les
prisons.
La lutte dans les prisons est significative en ceci qu’elle a
suscité de larges manifestations de soutien de la part du monde extérieur.
Lutte des mineurs houillers du Singareni
Le 1er avril 1995, cent dix mille mineurs appartenant aux houillères
de l’Andhra Pradesh ont déclenché une grève de vingt
jours, exigeant la fixation du cinquième barème salarial qui avait
été suspendu au cours des 45 mois précédents.
La
grève avait été déclenchée en réponse
à un appel lancé par la sajac (Singareni Associations’ Joint
Action Committee - Comité d’Action Uni des Associations du Singareni)
et par le syndicat clandestin sikasa (Singareni Karmika Samakhya). Bien que
l’appel à la grève ait été rejeté par
tous les syndicats nationaux et qu’onait dû faire face à l’usage
intensif de la violence par la police, plus de 90% des travailleurs ont quand
même arrêté le travail, et la production a été
stoppée dans les 57 puits.
Le sikasa organisait les travailleurs depuis 1980.
En 1981, les travailleurs
avaient mené avec succès une grève de 56 jours contre le
cut off eight muster system (système d’astreinte des huit jours,
un système qui prétendait déduire huit journées
de salaire pour chaque jour de grève) et avait forcé la direction
à suspendre son application même.
C’est ainsi qu’en 1989
également le sikasa a mené une grève marathon de 40 jours
au cours de laquelle plus de 70.000 mineurs ont participé à la
mise en application du quatrième barème salarial.
En outre, le
sikasa a également livré avec succès de nombreuses batailles
en faveur du logement, des facilités d’éducation, des commodités
de l’existence, en faveur de meilleures mesures de sécurité
sur les lieux de travail, et aussi contre les lignes de conduite économiques
dictées par le fmi.
Dans cette lutte, tous les dirigeants du sajac ont été arrêtés
le 15 avril.
Le 16, le Singareni a observé un arrêt total de travail
exigeant la libération des gens arrêtés.
Comme la grève
se poursuivait, les livraisons de charbon vers tout le Sud de l’Inde ont
cessé, immobilisant d’importantes centrales de production d’énergie
ainsi que des usines chimiques et de fabrication d’engrais.
Les gens de
l’Andhra Pradesh sont descendus dans la rue pour offrir leur soutien total
aux mineurs en grève.
La pression publique a forcé le gouvernement
de l’Etat à relaxer les mineurs arrêtés.
En fin de
compte, vu l’ampleur de cette pression, le gouvernement central a bien
été obligé de se soumettre aux exigences des travailleurs
et de signer le cinquième accord sur les barèmes salariaux du
charbon le 28 avril. Mais, comme en octobre, l’accord n’avait toujours
pas été mis en application, les mineurs se sont à nouveau
mis en grève du 16 octobre au 14 novembre 1995.
Les travailleurs du Singareni ont montré la voie de la lutte non
seulement aux mineurs du pays entier, mais à la classe ouvrière
indienne dans son ensemble.
Les luttes du Singareni ont indiqué clairement
la banqueroute des syndicats révisionnistes et jeté la lumière
sur leur rôle en tant qu’agents de la direction et de la classe dirigeante
au sein du mouvement de la classe ouvrière.
Vers un front uni révolutionnaire
Afin de renverser l’ennemi et d’établir une démocratie
populaire, il est absolument nécessaire de construire un front révolutionnaire
uni sous direction prolétarienne en unifiant toutes les forces démocratiques
qui peuvent l’être, et en rassemblant toutes les classes et toutes
les couches de la population, tous les partis, groupes et individus qui s’opposent
aux trois ennemis du peuple indien. C’est l’alliance du prolétariat
et de la paysannerie qui forme la base de ce front.
Tout en donnant de l’importance à la construction de front
rassemblant des individus et des groupes à l’échelle des
villages, notre Parti a mis sur pied des forums unis et a entrepris des programmes
associés d’action au niveau des districts et de l’Etat là
où nous sommes forts.
Il a aussi pris l’initiative de former des
fronts d’étudiants, d’écrivains et d’artistes culturels
à travers toute l’Inde.
Mais c’est le front uni au niveau des
villages qui fournit les forces vives réelles du front sur le plan national.
En Inde, un aspect important du front uni sera de se joindre à toutes
les diverses nationalités qui mènent la lutte armée pour
leur autodétermination.
Bien que notre Parti ait soutenu toutes les luttes
nationalistes dès le départ, aucun front uni entre les divers
mouvements nationalistes et les mouvements révolutionnaires n’a
encore pris forme.
Ce n’est que lorsqu’un tel front uni sera mis sur
pied que les deux mouvements pourront vaincre leur ennemi commun par une action
combinée.
Des tactiques peuvent également être mises sur
pied pour faire face au gouvernement central de façon plus homogène.
Il faut qu’on se montre extrêmement prudent, à la fois
contre les déviations de gauche et de droite, lorsqu’on construit
le front révolutionnaire uni.
En Inde, l’expérience sur ce
plan a été de cesser la lutte armée au nom de la construction
d’un front uni à base large en collaboration avec d’autres
forces démocratiques ou en refusant de prendre la moindre initiative
pour former un front uni avec d’autres forces combattantes, en prétextant
du fait qu’elles sont sous contrôle non-prolétarien.
C’est
le point de vue de notre Parti: il convient que la tâche de faire progresser
la lutte armée et celle de constituer un front uni soient inséparablement
associées l’une à l’autre.
Notre Parti est actuellement
en train de tenter d’unifier toutes les forces menant la lutte armée
contre l’Etat indien.
A partir de l’expérience décrite plus haut avec les
luttes de masse, nous pouvons voir que ces luttes ont connu du succès
lorsqu’elles ont été associées à la lutte armée
et que les mobilisations maximales de masse se sont produites dans les zones
où la lutte armée a été très intense.
Dans
des pays comme l’Inde, la principale forme de lutte est la lutte armée;
mais d’autres formes de luttes des masses et d’organisations de masse
sont indispensables.
Les organisations de masse et les luttes de masse sont
la préparation à la lutte armée avant que celle-ci soit
déclenchée, et elles la serviront ensuite, directement ou indirectement.
La question du boycott des élections
Il est prouvé depuis longtemps que le Parlement et les assemblées
en Inde sont des organisations artificielles qui sabordent les aspirations démocratiques
du peuple.
Il ne s’agit pas que de cela, comme les enseignants marxistes
l’ont montré, mais la question d’utiliser les organisations
parlementaires comme arme tactique dans toute organisation surgit seulement
lorsqu’il n’existe pas de situation révolutionnaire, c’est-à-dire
au stade où nous sommes précisément en train de préparer
la révolution.
Mais, en Inde, la situation révolutionnaire est
excellente, et dans la voie de la guerre du peuple prolongée, la lutte
armée figure au programme depuis le commencement.
Par conséquent,
aujourd’hui, nous ne pouvons croire que l’utilisation des organisations
parlementaires est nécessaire ou utile pour faire progresser la lutte
révolutionnaire en Inde.
En outre, dans l’Inde d'aujourd’hui, le Parlement est considéré
comme une supercherie et une fraude même selon les standards bourgeois.
Tout un éventail de tromperies au nom des réformes électorales
est utilisé par l’Etat pour enjoliver le Parlement et les assemblées
de façon qu’ils entretiennent la confiance du peuple à leur
égard.
Les formes traditionnelles, pacifiques et légales de mobilisation
ont tellement fait la preuve de leur impuissance et de leur inutilité,
que les masses opprimées se sont systématiquement détournées
des révisionnistes pour se diriger vers les alternatives révolutionnaires,
les alternatives de lutte des nationalités, les alternatives de caste
ou même l’alternative fasciste qui se donne des allures militantes.
Dans une telle situation, utiliser l’alternative parlementaire signifie
susciter des illusions parmi le peuple sur l’utilité des organisations
parlementaires et revient par conséquent à détourner le
peuple de la voie de la lutte révolutionnaire.
Un bon exemple en est le prétendu pci(ml) de Vinod Mishra.
Après
avoir construit une large base de masse pour le parti parmi la paysannerie de
Bhojpur, le mouvement aurait pu aller de l’avant afin d’établir
l’autorité de la paysannerie dans le village, et la région
aurait pu progresser vers l’établissement d’une zone de guérilla.
Mais ce parti a conduit le peuple de Bhojpur dans la direction de la porcherie
parlementaire. D’autres groupes, comme le pci(ml)(Janashakti) et le pci(ml)(Pranibagchi),
qui ont participé à chacune des élections en invoquant
la tactique qui prétend qu'il n'y a pas de situation révolutionnaire
dans le pays, ont également abandonné la tâche consistant
à intensifier la lutte de classe et à combattre l’Etat indien.
Bien qu’ils ne soient pas devenus des révisionnistes complets comme
le groupe de Vinod Mishra, leur ligne est cependant celle de l’opportunisme
de droite.
En résumé, la participation aux élections ou leur
boycott est une question de tactique.
En Inde, le boycott des élections
sera la tactique la plus efficace si l'on désire faire progresser la
lutte de classe.
Dans le dernier quart de siècle d’expérience
acquise depuis Naxalbari, tous les groupes marxistes-léninistes qui se
sont tournés vers la participation aux élections se sont révélés
incapables de combattre les forces armées de l’Etat, et s’enlisent
aujourd’hui dans les processus des luttes légales.
La plupart de
ces groupes stagnent, s’enfonçant de plus en plus dans le bourbier
de l’opportunisme de droite.
Mais ces partis qui ont fait progresser la
lutte de classe en boycottant les élections ont réussi à
développer de puissants mouvements révolutionnaires.
Faire progresser la révolution indienne en tant que
composante de la révolution mondiale
La présente révolution indienne est une part importante d’un
mouvement anti-impérialiste de portée mondiale qui cherche à
établir un nouvel ordre socialiste.
L’Inde est un pays très
vaste avec une très forte population.
Une cassure dans la chaîne
impérialiste dans un pays comme l’Inde va se répercuter dans
tout le système impérialiste. Mais ceci ne sera pas possible sans
la solidarité du mouvement international de la classe ouvrière.
L’unité des deux courants de la révolution mondiale,
à savoir les révolutions néo-démocratiques dans
les pays arriérés et les révolutions socialistes dans les
pays capitalistes développés, jettera les bases de la destruction
complète de l’impérialisme.
Avec cette perspective à l’esprit, notre Parti est déterminé
à travailler pour l’unité du mouvement révolutionnaire
en Inde avec les mouvements anti-impérialistes existant aujourd’hui
dans d’autres parties du monde.
Aujourd’hui, l’impérialisme est empêtré dans
la plus sévère crise générale de son histoire d’après-guerre.
L’effondrement de l’Union soviétique en tant que superpuissance
et l’affaiblissement de la superpuissance américaine ont montré
que même les superpuissances impérialistes ne sont que des tigres
de papier en face de la résistance.
Des centaines de milliers de personnes à travers le monde ont perdu
la vie en manifestant leur opposition à l’exploitation et à
l’oppression impérialistes.
Le pci(ml)(pw) salue les martyrs héroïques
du Pérou, des Philippines, du Kampuchéa, de la Colombie, du Mexique,
du Kurdistan et d’autres pays d’Asie, en Afrique et en Amérique
latine, qui sont tombés au cours de la lutte pour la libération
du joug des l’impérialisme et du féodalisme.
Nous saluons
les martyrs qui sont tombés au sein des mouvements révolutionnaires
en Europe, en Amérique du Nord et au Japon.
Nous nous engageons à mettre tout en oeuvre pour accomplir les rêves
et les aspirations de tous ces martyrs.
5 avril 1996