Qu’entend-on par “crise générale du capitalisme”?
En quoi diffère-t-elle de la crise périodique du XIXe siècle?
La crise générale du capitalisme (CGC) n’est autre
que la crise permanente et universelle du capitalisme à l’ère de l’impérialisme
et de la révolution prolétarienne.
On utilise les termes de “crise générale
du capitalisme” pour décrire le processus de désintégration du système
capitaliste mondial lorsqu’il englobe tous les domaines de l’ordre
bourgeois: économie, politique et idéologie.
Dans son ouvrage intitulé Problèmes
économiques du socialisme en URSS, le camarade Staline a décrit la CGC de la
façon suivante: “La crise générale du capitalisme mondial est-elle uniquement
une crise politique ou n’est-elle qu’une crise économique?
Ni l’une
ni l’autre. C’est une crise générale, c’est-à-dire totale, du
système capitaliste mondial, recouvrant à la fois les domaines économique et
politique.
Et il est clair qu’à la base de cette crise l’on trouve
le déclin de plus en plus marqué du système économique du capitalisme mondial,
d’une part, et la puissance économique croissante des pays qui se sont
libérés du capitalisme - l’URSS, la Chine et les autres démocraties populaires
- d’autre part.”1
Pour mieux comprendre la CGC, il convient de dégager
les origines et de retracer le développement de la crise capitaliste.
Il est bien connu que les crises économiques ont été une caractéristique inhérente
du système capitaliste dès les tout premiers temps de son apparition.
Ceci découle
de la contradiction fondamentale du capitalisme - le caractère social de la
production et l’appropriation privée du produit.
Les efforts du capitaliste
industriel vers l’optimalisation de son profit, par rapport au faible pouvoir
d’achat des travailleurs, sont la cause d’une production chaotique,
débouchant sur une surproduction et sur des crises économiques périodiques.
Engels avait analysé ceci dans son brillant ouvrage intitulé La condition
de la classe ouvrière en Angleterre: “Les conditions anarchiques de la
production et de la répartition modernes des denrées, les conditions de production
qui sont régies par le profit au lieu de l’être par le souci de satisfaire
aux besoins, les conditions sous lesquelles tout un chacun vaque à ses propres
affaires en essayant de s’enrichir - de telles conditions ne peuvent manquer
de déboucher sur de fréquentes périodes de stagnation.
Aux premiers temps de
l’ère du développement industriel, la stagnation se limitait à l’un
ou l’autre secteur de l’industrie par rapport à un marché, mais depuis
la centralisation des activités des concurrents, les ouvriers, privés de travail
dans un secteur particulier de l’industrie, envahissent un autre secteur,
et ils en choisissent de préférence un auquel il est aisé de s’initier.
C’est ainsi que les marchandises qui ne trouvent pas d’acheteur sur
un marché se fraient un chemin dans un autre, et ainsi de suite. En se combinant
progressivement, ces petites crises finissent immanquablement par déboucher
sur des crises à grande échelle.”2
Dans ses Principes du communisme, Engels a également décrit comment, à
l’ère de la concurrence libre, des crises périodiques sont amenées à se
produire après chaque période de cinq à sept ans.
Il explique aussi quelles
sont les raisons de ce genre de crises: “Grâce à la machine à vapeur et
à diverses autres inventions mécaniques, l’industrie à grande échelle s’est
offert le moyen, en un court laps de temps et à peu de frais, d’augmenter
la production à un degré quasi illimité.
La libre concurrence, qui est la contrepartie
essentielle de la production à grande échelle, a revêtu un aspect extrêmement
agressif, et ceci du fait de la facilité avec laquelle on produisait les marchandises.
Un certain nombre de capitalistes se sont rués sur les activités industrielles
et très vite, on a fini par produire plus de marchandises qu’on ne pouvait
en utiliser. Par conséquent, les marchandises fabriquées à la machine ne pouvaient
être vendues, et il s’en est suivi une crise commerciale.
Des usines ont
fermé leurs portes, des propriétaires d’usines ont fait faillite, et les
travailleurs se sont retrouvés sans pain. Les souffrances ont sévi.
Au bout
d’un certain temps, les produits excédentaires ont été vendus, les roues
des usines se sont remises à tourner, les salaires ont augmenté, et progressivement,
les affaires sont redevenues plus animées que jamais.
Mais cette prospérité
n’a guère duré. Une fois de plus, on a produit trop de marchandises, une
autre crise en a découlé qui a suivi le même cours que la précédente.
Tout au
long de ce siècle, la vie industrielle a fluctué entre des périodes de prospérité
et des périodes de crise, des crises similaires se sont produites par intervalles
de cinq à sept ans, amenant avec elles la misère intolérable des ouvriers, une
effervescence révolutionnaire générale, et exposant aux pires dangers l’ordre
tout entier de la société.”
Chaque fois que le capital est confronté à une crise de conversion, c’est-à-dire
à une crise de surproduction et à une chute des taux de profit, on assiste à
des tentatives de surmonter temporairement la crise en réduisant les coûts de
production et en évinçant les capitaux rivaux.
A cette fin, chaque capitaliste
individuel augmente la production de marchandises par le biais d’une amélioration
des moyens de production, et par une exploitation plus intense de la main-d’oeuvre,
de façon à pouvoir atteindre une rentabilité du travail plus élevée que celle
de ses concurrents.
Il s’ensuit que le capital et la production atteignent
des niveaux de concentration et de centralisation toujours plus élevés, ce qui
donne donc naissance à un capital monopoliste bâti sur la ruine des petits capitalistes
et de ceux qui ne sont pas viables.
Dans un même temps, le capital cherche à
étendre le marché en supprimant les rapports de production précapitalistes et
en transformant toute la société en une gigantesque place de marché.
Mais les
marchés nationaux deviennent trop limités et étriqués pour le capital monopoliste
du fait des opportunités offertes à l’expansion illimitée de la production
par les progrès énormes réalisés dans les domaines scientifique et technologique.
Ce qui fait que le capital national, devenu capital monopoliste à cause des
niveaux élevés de concentration et de centralisation, tend à s’emparer
du marché mondial.
Dans le même temps, afin de compenser la tendance à la chute
du taux de profit imputable à la composition organique élevée du capital, le
capital monopoliste vise à intensifier davantage son exploitation des colonies
en même temps que celle de ses propres nationaux.
Cependant, le développement
inégal du capitalisme dans les différents pays fait ressortir les contradictions
entre les impérialistes et demeure la principale cause de la guerre impérialiste.
Du fait du développement du stade impérialiste du capitalisme et de la surenchère
des efforts en vue de réaliser des profits maximaux, toutes les contradictions
et les antagonismes se sont inévitablement intensifiés.
Ils produisent à intervalles
réguliers des explosions sociales majeures telles que des guerres mondiales,
des crises économiques mondiales dévastatrices, l’apparition du fascisme
et la rupture des institutions démocratiques bourgeoises, ainsi que des révolutions
socialistes et nationales-démocratiques.
La CGC est apparue au début de la période de stagnation en 1907, lorsque
toutes les contradictions fondamentales ont commencé à prendre des proportions
plus qu’inquiétantes. Grâce à une étude scientifique des conditions existant
avant la guerre, le camarade Lénine, déjà en 1907, avait mis le doigt sur le
danger d’une guerre mondiale et avait appelé les prolétaires des pays capitalistes
à mettre à profit la crise révolutionnaire qui allait résulter de la guerre,
pour qu'ils dirigent la révolution prolétarienne.
Le Septième Congrès de la Seconde Internationale, qui eut lieu à Stuttgart
en 1907, s’était longuement penché sur le danger d’une guerre mondiale.
La fameuse Résolution de Stuttgart, formulée par Lénine et Rosa Luxemburg, envisageait
que, confronté à une guerre impérialiste, le prolétariat devrait assumer les
tâches suivantes: “S’il apparaît une menace de guerre, il est du devoir
de la classe ouvrière et de ses représentants parlementaires du pays impliqué,
soutenus par les activités de renforcement du Bureau de l'Internationaliste
Socialiste, de concentrer tous leurs efforts afin d’empêcher qu’éclate
la guerre, et ce par tous les moyens qu’ils jugeront les plus efficaces
et qui, naturellement, varient selon le degré atteint par la lutte de classes
et le poids de la situation politique générale.”
“Si la guerre devait quand même éclater, il est de leur devoir d’intervenir
en faveur de son dénouement rapide et de mettre tout en oeuvre afin de tirer
parti de la crise économique et politique provoquée par la guerre pour soulever
les peuples et par là-même hâter l’abolition de la classe capitaliste dominante.”3
Le Huitième Congrès de la Seconde Internationale, tenu à Copenhague en
1910, avait repris le même thème.
La Conférence extraordinaire organisée à Bâle en novembre 1912 dans le
contexte de l’imminence d’une guerre mondiale, avait recommandé aux
travailleurs du monde entier d’adopter une position révolutionnaire contre
la guerre et de mettre à profit la situation afin de faire progresser la révolution.
Bien que la première phase de la CGC ait débuté avec la Première Guerre
mondiale, nous pouvons conclure sans hésiter que déjà en 1907, le capitalisme
est entré dans sa période de crise générale, au moment où la fameuse Résolution
de Stuttgart était formulée dans le contexte du durcissement des tentatives
interimpérialistes en vue de s’assurer l’hégémonie mondiale.Ce durcissement
aggrava la stagnation de l’économie mondiale, et du développement des mouvements
ouvriers et populaires dans les pays impérialistes comme dans les nations réduites
en esclavage.
C'est au cours de cette période qu'est apparu, au sein du Parti bolchevique,
un processus destiné à débarrasser le Parti de ses éléments non-prolétariens
hésitants, de tous ces liquidateurs, centristes et opportunistes de tout poil,
et qu'un Parti d’un type nouveau fut créé en 1912 afin de faire face aux
nouvelles possibilités révolutionnaires offertes par l’imminence de la
guerre.
Les partis qui furent incapables de comprendre la CGC à l’époque
de l’impérialisme et qui traiterènt la crise de la même manière que tout
autre crise périodique des années précédentes - les Bernstein, Kautski, Otto
Bauer, Adler et Cie -, qui croyaient que le capitalisme pouvait sortir de la
crise comme il l’avait fait dans le passé et qui émettaient même la théorie
selon laquelle le capitalisme pouvait résoudre sa crise par des moyens pacifiques,
ces partis finirent par devenir les larbins de l’impérialisme lorsque la
Seconde Guerre mondiale devint effectivement une réalité, et c’est ainsi,
qu’en fin de compte, ils trahirent la révolution.
La CGC signifie que le capitalisme entre dans une période d’explosions
violentes, telles les deux guerres mondiales, les dizaines de guerres locales
et les divers soulèvements populaires à travers le monde que l’on a connus
au XXe siècle. La CGC signifie que le capitalisme entre dans une période de
crise chronique différente de la crise qui éclatait périodiquement tous les
dix ans au cours de l’ère pré-impérialiste.
Auparavant, c’est-à-dire
au cours de la période précédant la CGC, les crises cycliques ont servi à résoudre
les contradictions et à rétablir l’équilibre au sein du système en ayant
recours à des moyens violents et destructeurs.
Selon Marx, ce n’étaient
jamais “que des solutions momentanées et énergiques aux contradictions
existantes, des éruptions violentes, destinées à rétablir pendant quelque temps
l’équilibre perturbé”.4
Ces crises éliminaient les firmes plus petites et moins efficaces, elles
détruisaient une portion du capital afin de sauver ce qu’il en restait:
elles conduisaient à une concentration accrue du capital et on les provoquait
(ces crises) afin d’ouvrir de nouveaux marchés.
Elles menaient donc inévitablement
à la reprise de la production capitaliste à un niveau plus élevé.
Ces crises
cycliques suivaient un cours prévisible - crise, dépression, reprise, prospérité,
dans cet ordre - se répétant tous les dix ans environ.
La période de prospérité
des anciennes crises cycliques menait à l’absorption des sans-emploi et
à une pleine utilisation de la capacité industrielle.
Sous de telles conditions de CGC, cependant, les anciennes crises cycliques
ont subi des modifications et elles éclatent avec une intensité nouvelle. Les
phases de crise et de dépression sont plus longues et ne sont pas nécessairement
suivies d’une reprise et d’une vague de prospérité.
Si c’est
néanmoins le cas, ces dernières, lorsqu’elles se produisent, sont de courte
durée et sont davantage provoquées par certains stimuli externes tels que la
guerre.
En bref, les crises deviennent plus ou moins chroniques, chacune emboîtant
le pas à la précédente.
Les mouvements à la hausse au sein de la crise générale,
c’est-à-dire les reprises et les périodes de prospérité, se font de plus
en plus courts; la dépression devient la caractéristique normale, interrompue
par de brefs mouvements de hausse et de violentes explosions sociales et politiques.
Par exemple, la stagnation qui s’est produite entre 1907 et 1914 n’a
donné naissance à aucune vague de prospérité, mais à une guerre mondiale violente
et sanglante.
La crise qui a succédé à la Première Guerre mondiale s’est
poursuivie pendant deux décennies jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, avec
un bref mouvement de hausse au cours des années de stabilisation temporaire
entre 1924 et 1929. La Grande Dépression n’a été suivie d’aucune vague
de prospérité ni d’aucune reprise réelle, mais n’a pu se terminer
que par une nouvelle guerre mondiale.
Comme l’a fait remarquer le camarade Staline: “La crise économique
qui a éclaté dans les pays capitalistes au cours du second semestre de 1929
a duré jusqu’à la fin de 1933.
Après cette date, la crise a connu une phase
de dépression, et a été suivie ensuite d’une certaine reprise, d’une
certaine tendance à la hausse de l’industrie.
Mais cette tendance à la
hausse de l’industrie ne s’est pas transformée en vague de prospérité,
comme c’est généralement le cas lors d’une période de reprise.
Au
contraire, au cours du second semestre de 1937, une nouvelle crise économique
a débuté, s’emparant tout d’abord des Etats-Unis et ensuite de l’Angleterre,
de la France et d’un certain nombre d’autres pays.”
“Les pays capitalistes se sont donc trouvés confrontés à une nouvelle
crise économique avant même de s’être relevés des ravages de la dernière.”5
Plus révélatrice encore, l’observation d’un économiste bourgeois,
John Kenneth Galbraith: “La Grande Dépression des années trente n’a
jamais connu de fin. Elle a tout simplement disparu dans la grande mobilisation
des années quarante.”6
Engels lui-même a insisté sur la nature changeante de la crise dans sa
lettre à Bebel en 1886: “Nous sommes entrés dans une période beaucoup plus
dangereuse pour l’ancienne société que celle des cycles de dix ans”
et plus loin, “les crises deviennent chroniques.”
Une autre différence importante entre les anciennes crises cycliques et
la CGC, c’est que cette dernière se caractérise par le chômage massif chronique
et la sous-utilisation structurelle de la capacité industrielle, et ce, en dépit
du développement massif de la puissance de production.
En fait, les forces productives se sont développées à un point tel, à la
veille de la Première Guerre mondiale, que, selon une estimation de l’époque,
il était possible de procurer les besoins vitaux à tous les citoyens si chacun
ne travaillait qu’une seule heure par semaine.
Inutile de dire, aujourd’hui,
que seules quelques minutes de travail suffiraient à fournir ces besoins vitaux
à chaque personne de la planète.
Mais, ironiquement, c’est ce développement particulièrement gigantesque
de la capacité de production qui a donné naissance à la crise mondiale, au chômage
généralisé permanent, à l’appauvrissement massif, à la baisse des niveaux
de vie et aux guerres mondiales. Les forces productives sont systématiquement
détruites par le biais des fermetures d’usines, de la sous-utilisation
permanente de la capacité, de la mise hors service de millions d’hectares
de terres fertiles, de la destruction de matières premières, de céréales, de
cheptels entiers et de marchandises manufacturées, pendant que l’on maintient
en permanence des millions de gens à l’inaction et que l’on recourt
inévitablement à la “solution finale” à la crise, c’est-à-dire
aux guerres impérialistes.
Depuis le début de la CGC jusqu’à ce jour, ces caractéristiques se
sont maintenues, bien qu’à des degrés variables selon les époques.
“Même au plus fort de la stabilisation temporaire du capitalisme entre
1924 et 1929, la capacité de production a été constamment sous-utilisée.
En
1928, l’année culminante de la prospérité, le taux d’utilisation de
la capacité aux Etats-Unis était de 82%. Et en 1932, ce même taux d’utilisation
de la capacité était retombé à 42% à peine.”7
Une autre caractéristique étrange de la CGC, c’est que le développement
de la production industrielle s’accompagne d’une chute de l’emploi
dans l’industrie. Par exemple, entre 1919 et 1927, la production dans les
usines américaines avait augmenté de 147 à 170 (sur base 100 en 1914), alors
que l’index de l’emploi passait de 129 à 115 (toujours sur la même
base).
Tandis que la production industrielle augmentait de 20% au cours de la
période de 1924 à 1929, le nombre total de travailleurs salariés diminuait de
2,6%.
Le nombre de travailleurs salariés dans l’industrie avait chuté de
9.039.000 à 8.742.000 aux Etats-Unis entre 1919 et 1929, même si l’index
de la production industrielle, lui, avait grimpé de 84 à 119.
En Grande-Bretagne, entre 1923 et 1928, le nombre d’ouvriers au travail
dans l’industrie avait chuté de 8.368.000 à 7.898.000, alors que l’index
de la production avait grimpé de 88,7 à 96,3.
De sorte que pendant que la production
augmentait de 8,5%, l’emploi, lui, baissait de 5,6%.
Au cours de la Grande Dépression de 1929 à 1932, la productivité de la
main-d’oeuvre (production par homme-heure) s’est accrue de 12% aux
Etats-Unis, et ce, par le biais de la rationalisation, de la hausse des cadences,
etc., tandis que douze millions de personnes restaient au chômage.
Dans le monde
capitaliste dans son ensemble, le nombre total de chômeurs avait atteint le
point culminant de 30 millions en 1933.
Par conséquent, des millions de travailleurs
sont devenus superflus du fait que leur capacité de production était devenue
trop élevée.
La crise sans précédent qui a commencé avec le krach de Wall Street en
octobre 1929 et la dépression qui s’est terminée par la Seconde Guerre
mondiale ont vu la destruction massive de forces productives équivalentes aux
pertes endurées au cours de la Première Guerre mondiale.
En quatre années seulement,
entre 1929 et 1933, 200 milliards d’hommes-heures ont été perdus, ce qui
signifie une perte de 100 millions d’hommes-années, c’est-à-dire l’équivalent
de ce que 10 millions d’hommes peuvent produire en 10 années.
Jusqu’à
la fin de 1933, pas moins de 22 millions de sacs de café ont été brûlés ou jetés
à la mer.
Le gouvernement américain a dépensé entre 7 et 20 dollars de subsides
par acre8 chez les planteurs de coton et ils ont procédé à la destruction de
11 millions d’arpents (soit 44.000 kilomètres carrés de coton ou une fois
et demie la superficie totale de la Belgique!).
En décembre 1931, la production
de cuivre a été limitée à 26% de la capacité des mines.
Au Danemark, on a abattu et brûlé du bétail à raison de 5.000 têtes par
semaine. En vue de cette opération, le gouvernement a décidé la création d’un
fonds spécial de destruction.9
Aux Etats-Unis, environ 160 milliards de dollars en papier monnaie ont
disparu dans l’atmosphère au cours des trois années de 1929 à 1932. Selon
le Bureau américain des Statistiques du travail, les salaires totaux aux Etats-Unis
ont baissé de 17,2 milliards de dollars en 1921 à 6,8 milliards de dollars en
1932.
En 1934, désireux d’expliquer la nature de la crise, le camarade Staline
disait ceci dans son rapport au XVIIe Congrès du Parti: “La crise économique
actuelle, dans les pays capitalistes, se distingue de toutes les crises analogues,
entre autres, par le fait qu'elle est la plus prolongée, qu'elle traîne en longueur.
Si, auparavant, les crises se terminaient au bout d'une ou deux années, la crise
actuelle entre déjà dans sa cinquième année, en faisant d'année en année des
ravages dans l'économie capitaliste dont elle absorbe la graisse amassée au
cours des années précédentes. Rien d'étonnant que cette crise soit la plus pénible
de toutes”10
Donnant les différentes raisons du caractère exceptionnellement prolongé
de la crise, le camarade Staline observait encore: “... la crise industrielle
s'est déchaînée dans le cadre de la crise générale du capitalisme, au moment
où celui-ci n'a déjà plus et ne peut plus avoir, ni dans les principaux Etats,
ni dans les colonies et pays dépendants, la force et la solidité qu'il avait
avant la guerre et avant la Révolution d'Octobre; où l'industrie des pays capitalistes
a hérité de la guerre impérialiste la sous-production chronique des entreprises,
ainsi que des armées de millions de chômeurs, dont elle ne peut plus se défaire.”11
Il expliquait également pourquoi la crise cyclique ne peut opérer de l’ancienne
façon: “Est-ce à dire que nous ayons affaire à une période de transition,
que la crise passe à la dépression ordinaire, qui entraînera un nouvel essor,
un nouvel épanouissement de l'industrie?
Non.
En tout cas, à l'heure présente,
il n'y a pas de données directes et indirectes qui attestent une reprise imminente
de l'industrie dans les pays capitalistes.
Bien plus: tout porte à croire que
de telles données ne peuvent pas même exister, du moins dans un proche avenir.
Elles ne peuvent exister, parce que toutes les conditions défavorables qui empêchent
l'industrie des pays capitalistes de se relever un peu sérieusement continuent
d'agir. Il s'agit de la crise générale du capitalisme qui se prolonge et au
milieu de laquelle se déroule la crise économique.
Il s'agit de la sous-production
chronique des entreprises, d'un chômage massif chronique, de l'interpénétration
de la crise industrielle et de la crise agricole, de l'absence de cette tendance
vers un renouvellement quelque peu sérieux du capital fixe qui annonce habituellement
le début d'un essor, etc.”12
Notre rapport de parti (du PCI-ML) de 1992 résumait comme suit ces caractéristiques
de la CGC: “La principale caractéristique de la crise générale du capitalisme
est que le capitalisme dans son ensemble est enlisé dans une crise permanente
de surproduction, de sous-utilisation de sa capacité, de chômage permanent de
masse et d’inflation.
Cela veut dire que la survie même du capitalisme
dépend de la destruction massive continuelle des forces productives.
Ceci est
réalisé par les guerres mondiales et les guerres régionales, également par la
sous-utilisation des capacités de production.
Cela rend la vaste majorité de
la main-d’oeuvre redondante.
Cela détruit les excédents de marchandises
alors que la majorité des gens dépérissent d’indigence. Dans certains cas
les techniques de pointe sont détruites et on en revient même à des méthodes
de production arriérées afin de réaliser des profits plus substantiels.”
“Par conséquent, le déclenchement de la crise générale du capitalisme
en 1914 a développé davantage encore la condition objective pour une révolution
sociale qui, en fait, était apparue avec le commencement de l’époque impérialiste
même.
Elle a porté toutes les contradictions de la société vers un point de
rupture; que ce soit la contradiction entre le capital et le travail, celle
entre l’impérialisme et les nations opprimées, ou celle entre les diverses
puissances impérialistes.
Le conflit entre les forces productives et les rapports
de production existants a donc pris une forme explosive, menant dès 1914 déjà
au fascisme, aux guerres mondiales et aux révolutions sociales qui continueront
jusqu’à la victoire finale de la Révolution socialiste mondiale.”
(p 8-9)
Le problème du chômage chronique et de la sous-utilisation de la capacité
dans le monde capitaliste pouvait être résolu temporairement grâce à la Seconde
Guerre mondiale, comme on l’a expliqué plus haut.
La guerre, qui a vu l’implication
de presque tous les pays impérialistes ainsi que la majeure partie du monde
colonial, a détruit les forces productives à un degré inégalé dans les annales
de l’humanité. 50 millions de personnes ont été tuées, et 50 millions d’autres
ont été blessées.
Des biens représentant des milliards de dollars ont été détruits.
Des cités entières, même, comme Nagasaki et Hiroshima, ont été détruites.
Ce
n’est que par le biais de telles destructions massives des forces productives,
par l’incorporation à grande échelle des chômeurs dans les armées et la
conversion de l’industrie civile en industrie destinée à la défense que
l’on a essayé de résoudre la crise des années 1930.
Et pourtant, la guerre a donné naissance à une intense crise révolutionnaire
à l’échelle mondiale et elle a affaibli l’impérialisme dans des proportions
importantes.
La crise révolutionnaire a continué pendant presque une décennie
après la guerre.
La totalité de l’Europe de l’Est, la Corée du Nord,
le Nord-Vietnam et la Chine ont rompu avec le marché du monde capitaliste, aggravant
de ce fait davantage encore la CGC.
Le système colonial de pouvoir direct par
l’impérialisme a commencé à se démanteler très rapidement au cours de la
période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.
Aggravation de la crise générale du capitalisme après la
Seconde Guerre mondiale
A son tour, la Seconde Guerre mondiale, qui était une expression de la CGC,
a profondément aggravé cette crise.
Elle a intensifié toutes les contradictions
fondamentales qui minaient inlassablement la force et la stabilité du capitalisme
dans tous les pays.
Après la guerre, l’aggravation de la CGC s’est
manifestée à travers les développements suivants:
- Terrible affaiblissement de l’impérialisme. Les grands empires
capitalistes d’autrefois - la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Japon,
la France, l’Italie, etc. - étaient dans un état d’épuisement, de
ruine et de dévastation dû à la guerre, confinant presque à la paralysie totale,
pendant un certain temps.
Les Etats-Unis sont devenus les seuls bénéficiaires
de la guerre et, en fait, ils en sont sortis renforcés. L’hégémonie américaine,
même, était un produit de la CGC. Elle pouvait prendre forme, même chancelante,
à cause du profond état de crise auquel étaient confrontés tous les autres
pays capitalistes.
- La désintégration du marché capitaliste mondial et une diminution de
sa sphère d’opération du fait de la formation d’un marché socialiste.
Ceci a été décrit par le camarade Staline comme étant la séquelle économique
la plus importante de la Seconde Guerre mondiale.
- La dépendance croissante des pays capitalistes, particulièrement les Etats-Unis,
vis-à-vis de la production d’armements et de matériel militaire de façon
à absorber les excédents, à résoudre le problème des restrictions du marché
et à augmenter la capacité de production.
Les Etats-Unis, qui étaient la seule
nation à s’être relevée plus forte des cendres de la Seconde Guerre mondiale,
comptabilisaient plus de 60% de toute la production industrielle du monde
capitaliste.
Afin d’avoir une forte emprise sur les marchés et sur les
sources de matières premières, la domination stratégique militaire sur le
monde était indispensable.
Une économie permanente basée sur les armes, c’est-à-dire
une économie de guerre, était donc absolument essentielle pour les Etats-Unis.
D'énormes surplus étaient extraits du reste du monde par l’exportation
de capitaux et de marchandises.
La gigantesque capacité de production dont
ils disposaient grâce à ces surplus devait être orientée vers la production
de munitions, d'où le but de lancer des guerres d’agression.
La guerre
de Corée, la guerre en Indochine et les dizaines de guerres régionales qu’ils
provoquèrent partout dans le monde étaient la conséquence des impératifs économiques
décrits plus haut, en dehors de l’objectif politique, de détruire l’influence
du camp socialiste. Sans ces guerres, sans la permanence de l’économie
de guerre de l’impérialisme américain, ces dernier se seraient écroulés
sous le poids de leurs propres contradictions internes.
Par exemple, le chômage aurait même surpassé les points culminants des années
30. Selon des estimations du Département américain du Commerce, si en 1946
le pays était retourné au niveau de production en vigueur en 1940, l’armée
des chômeurs aurait compté, non pas un million de personnes comme en 1940,
mais 19 millions de personnes.
- L’effondrement de l’ancien système colonial, marqué par l’éclatement
de luttes de libération nationale dans de nombreuses parties du monde colonial
et semi-colonial, comme en Inde, en Indochine, en Birmanie, en Corée, en Indonésie,
en Malaisie, aux Philippines et dans diverses régions d’Afrique.
- Le durcissement de la lutte des pays capitalistes pour le contrôle des
marchés capitalistes mondiaux devenant de plus en plus étriqués. L’hégémonie
de l’impérialisme américain sur le monde capitaliste a commencé par être
sapée à cause du déséquilibre dans le développement des pays capitalistes.
Vers le milieu des années 1950, on a fait des tentatives pour former un seul
marché européen, et six pays d’Europe se sont réunis pour former la CEE
en 1957.
A partir du milieu des années 1960, le Japon aussi a commencé à rogner
sur les parts américaines dans le marché mondial.
Tout ceci a miné vers le
début des années 1970 l’hégémonie économique américaine par rapport aux
autres grandes puissances impérialistes.
- Le grand développement d’après-guerre des forces démocratiques et
socialistes du monde, qui affaiblissent fondamentalement la domination capitaliste
et le système capitaliste dans son ensemble.
Le prestige économique et politique
de l’URSS, de par son rôle prépondérant dans la défaite de l’Allemagne
de Hitler et son relèvement rapide des effets de la guerre; l’établissement
de démocraties populaires révolutionnaires en Allemagne de l’Est, en
Tchécoslovaquie, en Pologne, en Yougoslavie, en Roumanie, en Hongrie, en Bulgarie
et en Albanie; le développement de mouvements puissants de libération nationale
en Chine, en Inde, en Indochine, en Birmanie, en Corée, en Indonésie, en Malaisie,
aux Philippines et dans diverses régions d’Afrique, atteignant leur point
culminant dans la grande révolution chinoise et le développement d’une
classe ouvrière et d’autres mouvements populaires partout dans le monde,
tout cela a porté de lourds coups aux fondations mêmes du capitalisme et a
miné la légitimité propre du système capitaliste.
En résumé, la scène mondiale de l’immédiat après-guerre a été marquée
par trois grandes forces dynamiques: le déclin croissant du capitalisme mondial,
le développement rapide du socialisme mondial et les efforts de l’impérialisme
américain pour maîtriser le monde, efforts intensifiant les contradictions interimpérialistes,
mais, de ce fait affaiblissant l’impérialisme dans son ensemble.
C’est en gardant à l’esprit les développements ci-dessus que
le camarade Staline a conclu que le capitalisme ne pourrait jamais retrouver
une stabilité, même temporaire, comme il le fit durant la période de 1924 à
1929.
Quels étaient alors les facteurs qui ont conduit à la reconstruction du
capitalisme, les facteurs qui ont sauvé le capitalisme? La survie du capitalisme
durant les cinq décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale réfute-t-elle
la théorie de la CGC?
Chaque phénomène doit être étudié, analysé et compris historiquement.
Pour
comprendre les raisons pour lesquelles une prédiction particulière ne s’est
pas transformée en réalité, on doit examiner de près les circonstances historiques
concrètes qui sont apparues.
Sur le passé, nous pouvons affirmer avec certitude
que la déclaration du camarade Staline au sujet des conditions en vigueur en
1951 sont historiquement correctes.
Car, comme on l’a mentionné plus haut,
lorsque le camarade Staline a écrit les lignes ci-dessus, les luttes de libération
nationale faisaient rage et évoluaient avec une rapidité surprenante.
Le camp
socialiste continuait à se renforcer davantage et la crise au sein des pays
impérialistes sévissait au plus haut degré.
Les principaux pays impérialistes
ne s’étaient pas encore rétablis de la destruction qu’ils avaient
subie au cours de la Seconde Guerre mondiale.
La production industrielle dans
la plupart des pays n’avait pas encore rattrapé les niveaux d’avant-guerre.
La désintégration de l’impérialisme et l’avance du socialisme et de
la démocratie nationale étaient clairement à l’ordre du jour.
C’est
à ce stade critique de l’histoire du monde qu’une combinaison de facteurs
a contribué une fois de plus à stabiliser le capitalisme, quelque partielle
et temporaire que cette stabilisation ait pu être.
Ces facteurs sont: la restauration du capitalisme en Union soviétique et
en Europe de l’Est après la mort du camarade Staline et particulièrement
à partir du XXe Congrès du PCUS en 1956; la poursuite de la domination coloniale
via des méthodes néo-coloniales indirectes avec l’aide des bourgeoisies
compradores et des marionnettes politiques dans les pays du tiers-monde, conséquences
de la trahison de la plupart des dirigeants des mouvements de libération nationale;
les nouvelles méthodes adoptées par l’impérialisme pour sortir de la crise,
telles que l’économie de guerre permanente et la militarisation massive;
l’intervention de l’Etat dans l’économie et la transformation
du capitalisme monopoliste en capitalisme monopoliste d’Etat dans tous
les pays impérialistes; des séries de guerres locales et de guerres d’agression
menées par les forces combinées de l’impérialisme; l'importance croissante
de la dette publique, suite à l'application de politiques keynésiennes.
Ces factuers
ont contribué à accorder un répit temporaire à l’économie capitaliste mondiale.
Ils ont permis de reculer l'échéance de la CGC.
Cependant, le keynésianisme,
qui servait d’idéologie économique officielle du monde capitaliste au lendemain
direct de la Seconde Guerre mondiale, a échoué lamentablement dans sa tentative
d’empêcher l’aggravation de la CGC.
Après 18 années de prospérité économique, la plus longue période de prospérité
de l’histoire du capitalisme, ce dernier retomba une fois de plus dans
une stagnation prolongée, et ce dès 1973.
La prospérité, elle-même, avait un
caractère illusoire, car elle était basée sur des guerres, sur un appareil militaire,
sur le financement et la réglementation par l’Etat.
Elle se prolongeait
grâce au gonflement de la dette et à l'accroissement de la spéculation.
Le chômage
et la sous-utilisation de la capacité de production ont d’ailleurs continué
à exercer leurs effets tout au long de cette période de “prospérité économique”.
Tous les facteurs qui ont donné naissance à la CGC avant la Première Guerre
mondiale continuent à agir jusqu’à ce jour, conduisant à une aggravation
des contradictions fondamentales dans le monde.
Malgré l’effondrement de
toutes les bases socialistes établies, les peuples et nations opprimés du monde,
ainsi que le prolétariat mondial, continuent à porter des coups à l’impérialisme
et à progresser vers le socialisme.
Les contradictions parmi les diverses puissances
impérialistes prennent graduellement un caractère antagoniste et mettent de
plus en plus le doigt sur le danger de la fascisation et du déclenchement de
guerres interimpérialistes.
La bourgeoisie a déclenché une offensive contre les prolétariats des pays
impérialistes en jetant de plus en plus de travailleurs à la rue, en supprimant
tous les programmes sociaux et en provoquant un situation d’insécurité
sociale parmi les populations.
Le nombre de chômeurs aujourd’hui dépasse
de beaucoup celui des années 30.
Le taux de chômage, à la mi-95, était de 12%
en France et en Italie, de 15% en Grande-Bretagne, de 13% en Belgique, de 9%
en Allemagne, de 6% aux Etats-Unis et de 23% en Espagne.
A la fin de 1994, il
y avait 36 millions de personnes sans travail dans les pays capitalistes, ce
qui représente 6 millions de plus que les chiffres en vigueur au cours des pires
moments de la Grande Dépression des années 1930.
Plus alarmant encore est le
fait que le capital pousse de plus en plus de gens à la rue, à cause de l’automatisation,
de l’informatisation et du transfert d’industries dans les pays du
tiers-monde répondant à une quête de main-d’oeuvre bon marché, et ce, afin
d’élever la productivité et d’augmenter la compétitivité dans un monde
de concurrence à couteaux tirés.
En outre, du fait de l’exploitation sévère des ressources mondiales
par les compagnies multinationales et transnationales, la crise environnementale
a atteint des proportions alarmantes et a donné libre cours à des mouvements
de protestation à l’échelle mondiale.
L’appauvrissement de la masse, le déclin des niveaux de vie, l’insécurité
sociale, l’augmentation drastique du taux de criminalité, etc., sont devenues
des réalités quotidiennes dans le monde capitaliste. C’est ce que nous
avons déclaré dans notre rapport de parti de 1992:
“La crise économique mondiale prolongée qui sévit depuis 1973 n’a
vu aucun ralentissement dans développement progressif et elle a même engendré
des taux négatifs de croissance, un chômage de masse, une inflation (ou plutôt
‘stagflation’, pour reprendre l’appellation de ce nouveau phénomène
historique de l’après-guerre) ainsi qu’un excès de la capacité industrielle...”
“La crise actuelle dans le système capitaliste mondial, qui sévit
depuis le début des années 1970, est comparable à celle de la Grande Dépression
des années 1930.
Mais elle est plus généralisé et de plus longue durée. Les courts
soubresauts intermédiaires, que l’on a appelés à tort des reprises, n’ont
amené aucune amélioration du chômage massif, ni des taux réels de croissance
ni n’ont remédié à l’inflation. L’accroissement de la dépendance
vis-à-vis de la dette est aujourd’hui la caractéristique de chaque économie
dans un monde où la crise n’a fait que s’étendre dans l’espace
et dans le temps.”
“La différence la plus importante entre la crise économique mondiale
actuelle et celle des années 1930 réside dans le fait que les gouvernements,
au niveau mondial, ont essayé d’appliquer toutes les mesures possibles
contre cette crise et qu’ils ont lamentablement échoué.
En outre, ils sont
plongés jusqu’au cou dans les dettes, ce qui n’était pas le cas dans
les années 1930.”
“L’intervention massive des gouvernements pour sortir de la crise
par le biais d’énormes emprunts et du financement des déficits s’avère
futile.
Par exemple, en 1982, l’Etat a fourni 30% des besoins totaux dans
l’économie des Etats-Unis et du Japon.
En Allemagne et en France, l’Etat
a fourni 46% des exigences et, en Hollande, 60%.
Ils ont épuisé toutes les théories
de l’arsenal du capitalisme, qu’elles soient keynésiennes, ‘socialistes’,
néo-keynésiennes, ou qu’elles préconisent le marché libre.
Par conséquent,
le scénario qui s’en dégage serait encore plus horrible que celui des années
1930. Ceci montre également à quel point étaient fragiles, instables et illusoires
les fondements de la ‘longue période de 18 années de prospérité’ qu’avaient
provoquée la guerre, l’intervention de l’Etat et le développement
de la dette jusqu’en 1973.”
La CGC affecte tous les secteurs de la vie - l’économie, la politique,
l’environnement et l’idéologie, et depuis 1973, elle accentue toutes
les contradictions fondamentales du monde.
Le rapport du parti de 1992 a résumé les développements des deux dernières
décennies dans le contexte de la CGC: “C’est dans le contexte de cette
évolution si pénible de la crise générale du capitalisme que l’on doit
analyser les changements profonds qui se produisent au sein de la politique
mondiale, et tout spécialement dans l’effondrement du statut de super-Etat
de l’Union soviétique et de sa désintégration politique; les développements
en Europe de l’Est et en Chine; l’affaiblissement de la superpuissance
américaine; la naissance d’autres puissances impérialistes; l’agression
impérialiste croissante contre les pays du tiers-monde; le danger d’une
guerre mondiale et la situation révolutionnaire qui gagne en intensité dans
le monde d’aujourd’hui.”
Les différentes phases de la crise générale du capitalisme
Les phases de la CGC ont été mentionnées par le camarade Staline en avril 1952.
On a dit que la première phase avait commencé avec la Première Guerre mondiale
et la seconde phase avec la Seconde Guerre mondiale.
“La crise générale du système capitaliste mondial a commencé lors
de la Première Guerre mondiale, en particulier avec la séparation de l’Union
soviétique vis-à-vis du système capitaliste.
Cela a constitué un premier stade
dans la crise générale. Une seconde phase dans la crise générale s’est
développée lors de la Seconde Guerre mondiale, spécialement après que les démocraties
populaires de l’Europe et de l’Asie se furent retirées du système
capitaliste.
La première crise, au cours de la période de la Première Guerre
mondiale, et la seconde crise, au cours de la période de la Seconde Guerre mondiale,
ne doivent pas être considérées comme des crises séparées et indépendantes,
mais comme des stades successifs du développement de la crise du système capitaliste
mondial.”13
La première phase de la CGC a duré jusqu’en 1923, lorsque la première
fournée de révolutions mondiales a été réprimée et que le capitalisme a été
en mesure de se stabiliser temporairement.
Cela a été correctement signalé dans notre rapport du parti de 1984.
“Après 1917, une vague révolutionnaire s’est poursuivie durant
cinq ou six années environ.
Ensuite, l’impérialisme a eu les coudées plus
franches et a commencé à supprimer les mouvements révolutionnaires dans les
pays capitalistes ainsi que la vague de soulèvements dans les colonies.”
“Par conséquent, une fois que l’impérialisme s’était retrouvé
empêtré dans une crise générale (permanente) et impliqué dans une guerre mondiale,
suite au développement accru de ses contradictions générales, et au moment où
était apparue la première fournée de vagues révolutionnaires dans différents
pays, la première phase de crise permanente de l’impérialisme était passée.”
(p.12)
Après les six années de stabilisation qui se sont écoulées entre la fin
de 1923 et octobre 1929, le monde a été plongé dans une nouvelle crise grave
qui a débouché en une décennie exactement sur la Seconde Guerre mondiale. C’est
donc ainsi qu’a commencé la seconde phase de la CGC.
Au cours de la période
de quinze ans séparant les deux phases, la CGC a continué à sévir et à s’intensifier,
aiguisant par là toutes les contradictions inhérentes du capitalisme.
Au vu de la durée de la seconde phase, on rencontre différentes opinions
parmi les marxistes-léninistes.
La conception générale des marxistes-léninistes au cours des années qui
ont immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale était que la seconde phase
allait continuer jusqu’à l’effondrement total de l’impérialisme.
Comme nous l’avons vu plus tôt, toute stabilisation du capitalisme, quelque
partielle, relative et temporaire qu’elle puisse être, a été réfutée par
le camarade Staline. C’est ce qui a provoqué une grande vague de confusion
quant à la durée de la seconde phase et au commencement de la troisième phase
de la CGC.
Dans notre rapport du parti pour l’année 1984, nous avons mentionné
que le second stade s’était terminé en 1975 et qu’un troisième stade
de la CGC lui avait succédé immédiatement.
“En pratique, une vague révolutionnaire s’est répandue à travers
le monde jusqu’en 1975.
Au lieu d’une seule zone révolutionnaire,
un système socialiste composé de plusieurs zones est apparu.
Par conséquent,
la seconde phase de la CGC, et consécutive à celle-ci, la phase de la seconde
vague de révolutions qui s’était répandue travers le monde, était terminée.”
(p.30)
“Même lorsque l’offensive de la seconde vague de révolution mondiale
a temporairement marqué le pas à partir de 1975, on n’a même pas assisté
à une stabilisation relative du système capitaliste; en fait, parce que la situation
a continué à s’aggraver tout au long de la troisième phase de la crise
générale, et qu’on a assisté à un mûrissement de la situation révolutionnaire,
la vague future de cette troisième fournée de révolutions est en train de bouillonner
profondément partout, et la situation ressemble tout à fait au calme qui précède
la tempête.” (p.64)
Notre conclusion selon laquelle la troisième phase de la CGC avait commencé
en 1975 était basée sur la certitude qu’une troisième Guerre mondiale était
imminente et qu’une telle guerre allait invariablement donner naissance
à une troisième fournée de révolutions.
“Avec l’impérialisme enfoncé jusqu’au cou dans la troisième
phase de la crise générale, et l’arrivée imminente d’une troisième
guerre mondiale désastreuse, nous devons nous efforcer de transformer la défaite
temporaire subie par la révolution socialiste mondiale en victoire et en marche
vers l’avant.
A cette fin, les peuples opprimés de la terre entière devraient
être mobilisés et préparés sous la direction de la classe ouvrière.
C’est
la principale tâche à laquelle chaque parti communiste est confronté de nos
jours.
Si nous pouvons consciemment préparer le parti et le peuple à épauler
cette tâche, alors, au cours de la troisième phase de la crise générale, qui
est amenée à provoquer une troisième fournée toujours plus intense de vague
révolutionnaire, plus aiguë encore que les deux précédentes, nous pourrons obtenir
de grandes victoires correspondant à la grande vague du futur.”(p.73-74)
En anticipant sur la guerre mondiale, nous avons établi les tactiques à
adopter à la fois en cas de présence et en cas d’absence de bases socialistes
capables de tenir compte des expériences des deux guerres mondiales.
Nous avons considéré la fin de la guerre en Indochine et la retraite de
l’impérialisme américain comme l’achèvement de la seconde phase de
la CGC.
Strictement parlant, le Komintern a utilisé le mot phase pour décrire
une crise révolutionnaire à l’échelle du monde, et plus spécialement une
crise révolutionnaire englobant une partie significative du camp impérialiste.
C’est pourquoi, lors de la défaite en 1923 des révolutions qui avaient
éclaté en Europe, on a dit que la première phase de la CGC avait été réalisée,
en dépit du fait que la situation révolutionnaire ainsi que la crise allaient
s’intensifiant dans la plupart des colonies et des semi-colonies, et ce,
même pendant et après la stabilisation temporaire du capitalisme.
Dans ce sens,
on peut estimer que la seconde phase de la CGC s’est terminée vers le milieu
des années 1950, lorsque les pays impérialistes les plus importants se sont
en gros rétablis des ravages de la Seconde Guerre mondiale et lorsque la crise
révolutionnaire dans ces pays s’est tassée.
Ceci a été souligné dans le
rapport du parti de 1992:
“Au milieu des années 1950, toutes les puissances impérialistes importantes
ont surmonté le problème des pénuries et se sont stabilisées avec l’aide
des impérialistes américains.
Après avoir rattrapé les niveaux d’avant-guerre
vers le milieu des années 1950, leurs économies ont commencé à se développer
rapidement pendant la décennie et demie qui a suivi, pour en fin de compte plonger
dans une crise économique mondiale prolongée et ce, à partir des années 1970.
Les facteurs qui ont conduit à l’expansion économique durant 18 longues
années, ont été épuisés vers le début des années 1970, donnant naissance à une
intensification de la CGC et la rendant encore plus sévère qu’elle ne l’avait
jamais été dans le passé.
L’apparition de l’Union soviétique et de
l’Europe de l’Est en tant que rivaux impérialistes forts du marché
mondial a aussi contribué à l’intensification de la crise générale.”
(p.10)
Dans la plupart des pays du tiers-monde, naturellement, la crise révolutionnaire
s’est poursuivie, étant donné qu’ils étaient opprimés par l’impérialisme,
que ce soit par une domination directe ou indirecte par le biais des méthodes
néo-coloniales.
L’existence d’une situation révolutionnaire dans le
tiers-monde - un trait qui l’a caractérisé tout au long de l’ère impérialiste
- est en soi insuffisante pour déterminer une nouvelle phase de la CGC.
Les
luttes dans les pays du tiers-monde sont amenées à affaiblir l’impérialisme
et à déboucher sur une intensification de la CGC, comme cela s’est produit
au début des années 1970.
La crise économique mondiale dispose de toutes les potentialités pour se
transformer en troisième phase de la CGC, c’est-à-dire en une crise révolutionnaire
intense dans une partie considérable du camp impérialiste.
Comme l’expliquait le rapport du parti en 1992: “La crise économique
qui, depuis 1973, se produit en tant que composante de la crise générale du
capitalisme apparue en 1914, est la plus longue de l’histoire mondiale.
En fait, la crise économique actuelle avait commencé à la fin des années 1960
en Amérique et, en 1973, elle s’était étendue au reste du monde.
Comme
elle a éclaté sous les conditions de la crise générale du capitalisme, lorsqu’il
s’est avéré impossible pour le capitalisme de regagner la force et la stabilité
qu’il avait avant la Première Guerre mondiale et la Révolution d’Octobre,
la crise actuelle n’est pas simplement limitée dans les secteurs de la
production et du commerce.
Elle a aussi affecté le système financier, le secteur
des services, les accords sur la dette, les échanges avec l’étranger, etc.
Elle a également intensifié les contradictions régnant dans les sphères sociales
et politiques.” (p.8)
Il est vrai que les deux stades de la CGC étaient en rapport avec les guerres
mondiales et, en particulier, avec la rupture de certains pays avec le système
capitaliste mondial.
Mais il serait faux de déduire de ceci que les stades de
la CGC devraient invariablement être associés aux guerres mondiales ou avec
la rupture de certains pays avec le système capitaliste mondial.
Sans aucun
doute, une guerre mondiale fournira inévitablement des ouvertures révolutionnaires
pour la prise du pouvoir par le prolétariat en créant une crise révolutionnaire
intense dans les pays impérialistes importants.
Cela conduira, par conséquent,
à une aggravation de la CGC et précipitera l’effondrement du capitalisme.
Le succès des révolutions ne dépend pas simplement de la précipitation d’une
crise révolutionnaire, mais de la question de savoir si oui ou non les partis
révolutionnaires (les forces subjectives) ont été suffisamment entraînées et
nourries de la théorie et des tactiques marxistes-léninistes pour tirer parti
avec succès de la crise révolutionnaire qui se développe dans le sillage de
la guerre.
Les deux stades décrits par Staline ont été des périodes d’intense
crise révolutionnaire et si les forces subjectives avaient été suffisamment
entraînées et préparées, la révolution socialiste mondiale aurait pu aboutir.
Le point essentiel lorsqu’on définit un stade de la CGC est donc l’apparition
d’une crise révolutionnaire à l’échelle mondiale.
La rupture d’un
ou de plusieurs pays avec le système capitaliste mondial, comme cela s’est
produit durant les deux stades au cours des deux guerres mondiales, est une
conséquence, et non une cause, de l’aggravation de la CGC.
Alors qu’un
tel développement mène à une aggravation de la CGC, il est également possible
que la défaite des révolutions dans la plupart des parties du monde, à cause
de plusieurs facteurs historiques (les plus importants étant la faiblesse des
forces subjectives et la force des opportunistes dans les rangs du prolétariat)
puisse donner naissance à un équilibre temporaire dans la balance à l’échelle
mondiale des forces de classes, et à une stabilisation temporaire du capitalisme.
Une crise révolutionnaire de niveau mondial peut se produire non seulement
à partir d’une guerre mondiale, mais aussi d’une grande crise économique
et de l’effondrement et de la ruine, sur le plan financier, de quelques
économies capitalistes majeures.
Quelle que soit la cause, le critère important
pour déterminer si une nouvelle phase de la CGC a commencé ou pas est de définir
si oui ou non une crise révolutionnaire intense à l’échelle mondiale est
apparue et si oui ou non il y a un affaiblissement objectif des mécanismes de
l’Etat dans les pays impérialistes majeurs.
Depuis la fin des années 1980, une crise révolutionnaire a régné dans les
anciens pays du bloc soviétique où le pouvoir d’Etat s’est affaibli
considérablement.
Mais la crise révolutionnaire est principalement confinée
à ces pays et n’a pas acquis le caractère d’une crise révolutionnaire
à l’échelle mondiale.
Si la crise révolutionnaire s’étend à une partie
considérable du reste du monde capitaliste, nous pouvons dire qu’un troisième
et nouveau stade de la CGC a commencé.
A en juger par la cadence à laquelle
la crise économique se déroule à présent, nous pouvons certainement dire que
nous sommes à la veille d’un nouveau stade de la CGC, à la veille d’un
troisième cycle de révolutions.
Que cette situation dure une autre période de
cinq ans ou de dix ans, voilà qui est bien malaisé à prédire.
La stabilisation relative du capitalisme et son impact sur
les luttes révolutionnaires du peuple
Comme nous l’avons vu dans ce qui précède, la première phase de la CGC,
qui a commencé avec la Première Guerre mondiale, a donné naissance à une crise
révolutionnaire de dimension mondiale.
Le monde capitaliste entier a été secoué
par des soulèvements sociaux violents.
En 1917, la Russie s’est scindée
du camp impérialiste et est séparée le premier pays socialiste.
Au cours de
la guerre mondiale, la crise révolutionnaire était si aiguë dans les pays capitalistes
qu’une action révolutionnaire décisive menée par le prolétariat aurait
mené à bien les révolutions dans plusieurs pays d’Europe qui, à leur tour,
se seraient également étendues à d’autres parties du monde.
C’était
de la faute de la trahison des partis social-démocrates dans des pays comme
l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie, l’Autriche, la France, la
Grande-Bretagne, etc., à travers leur slogan de “défense de la patrie”,
que les travailleurs ont été désarmés et n’ont pas été à même de saisir
le pouvoir de l’Etat.
La crise révolutionnaire s’est poursuivie même après la guerre mondiale.
En Europe centrale et de l’Est, il y a eu de sévères pénuries de nourriture
et de matières premières, au cours de l’immédiat après-guerre.
En Allemagne,
l’ancien régime avait été renversé en novembre 1918. L’effondrement
de la machine d’Etat suite à la défaite de l’Allemagne dans la guerre
porta le pouvoir aux mains du prolétariat.
En Italie, les usines avaient été occupées par les travailleurs en septembre
1920. C’était le point culminant de la vague de luttes partielles et de
manifestations qui avaient eu lieu en 1919-1920.
En Autriche, l’ordre bourgeois avait été maintenu et la révolution
des travailleurs anéantie par le parti social-démocrate sous Otto Bauer qui
avait formé un gouvernement de coalition avec les partis bourgeois entre 1918
et 1920.
En Hongrie, une république soviétique fut établie en 1919: elle dura 7
mois.
En Pologne et en Bulgarie aussi, le mouvement révolutionnaire battait son
plein.
Ce fut la défaite des révolutions prolétariennes en Europe, défaite due
principalement à l’attitude traîtresse de la social-démocratie, qui permit
la stabilisation temporaire du capitalisme.
La stabilisation temporaire du capitalisme dans la foulée de la Première
Guerre mondiale a pu s’opérer grâce aux quatre facteurs suivants:
- Le premier a été la guerre civile ouverte et la guerre contre-révolutionnaire
menée contre la Russie, la Terreur Blanche en Hongrie, en Pologne, etc.
La
défaite des révolutions en dehors de la Russie a contribué directement à la
stabilisation du capitalisme.
- Le second facteur a été la social-démocratie et l’accord de concessions
temporaires aux travailleurs.
La social-démocratie a été utilisée comme principale
arme par le capitalisme pour sa propre reconstruction après la Seconde Guerre
mondiale.
Confrontée à la menace des révolutions prolétariennes, auxquelles
la bourgeoisie avait été incapable de s’opposer en un conflit direct,
cette même bourgeoisie a conspiré pour distraire l’attention des travailleurs
en faisant semblant de leur rendre les sièges du pouvoir par la formation
de gouvernements de coalition avec les partis sociaux-démocrates et en accordant
un certain nombre de concessions telles que des augmentations salariales,
des diminutions de la journée de travail, des promesses de nationalisation
et de socialisation, etc.
Toutes ces mesures, naturellement, ont été supprimées
au moment où la bourgeoisie a du la consolider sa mainmise sur l’Etat.
- Le troisième facteur qui a contribué à la reconstruction du capitalisme
a été l’utilisation des colossales réserves du capitalisme américain.
Les prêts et crédits américains versés en Europe pour redresser et reconstruire
l’édifice ébranlé du capitalisme européen.
C’est sur cette base
qu’a eu lieu la restauration de l’or en tant qu’étalon.
- Le quatrième facteur dans la réalisation de la stabilisation partielle
du capitalisme a été l’exploitation encore plus intensive des colonies.
Expliquant le sens de “stabilisation”, le camarade Staline disait:
“La stabilisation est la consolidation d’une position donnée et son
développement ultérieur. Le capitalisme mondial non seulement ne s’est
pas conforté lui-même dans sa position actuelle, il continue à se développer
et se développe encore, étendant sa sphère d’influence et accroissant sa
richesse.
Il est erroné de dire que le capitalisme ne peut se développer, que
la théorie du déclin du capitalisme avancée par Lénine dans son Impérialisme
exclut le développement du capitalisme.
Lénine a complètement prouvé dans son
pamphlet L’impérialisme que la croissance du capitalisme ne supprime pas,
mais qu’elle présuppose et prépare le déclin progressif du capitalisme.”14
Plus loin, Staline faisait encore remarquer: “Les nouvelles caractéristiques
qui se sont révélées dernièrement, et qui ont marqué de leur empreinte la situation
internationale, sont que la révolution en Europe a commencé à refluer, qu’une
certaine accalmie s’est installée, que nous pouvons appeler la stabilisation
temporaire du capitalisme, alors que, dans le même temps, le développement économique
et la puissance politique de l’Union soviétique connaissent un accroissement.”
“Le fait que la révolution en Europe ait commencé à refluer signifie-t-il
que la thèse de Lénine concernant une nouvelle époque, l’époque de la révolution
mondiale, ne s’avère plus valable? Cela signifie-t-il que la révolution
prolétarienne en Occident ait été reportée?”
“Pas du tout. L’époque de la révolution mondiale est un nouveau
stade de la révolution, c’est toute une période stratégique, qui dure depuis
un certain nombre d’années, peut-être même un certain nombre de décennies.
Au cours de cette période, il peut y avoir et il y a certainement des flux et
reflux de la révolution.”15
La stabilisation opérée par le capitalisme n’était cependant que relative,
partielle et temporaire. Elle a servi de base à l’éclatement d’une
crise plus aiguë.
Faisant remarquer la nature temporaire de la stabilisation capitaliste
et comment elle conduira inévitablement au durcissement de toutes les contradictions
fondamentales, le camarade Staline écrivait:
“La stabilisation sous le capitalisme, tout en renforçant temporairement
le capital, conduit en même temps inévitablement à une aggravation des contradictions
du capitalisme: a) entre les groupes impérialistes des divers pays; b) entre
les travailleurs et les capitalistes de chaque pays; c) entre l’impérialisme
et les peuples de tous les pays coloniaux.”16
“Le VIe Congrès du Komintern en 1928 a également expliqué ceci en
ces termes: L’intensification de tous les antagonismes internationaux (...)
va inévitablement conduire - via les développements ultérieurs des contradictions
de la stabilisation capitaliste - à une précarité accrue de la stabilisation
capitaliste et à la sévère intensification de la crise générale du capitalisme.”17
C’est en mars 1925 que le Komintern a formulé pour la première fois
l’affirmation selon laquelle le capitalisme était en phase de “stabilisation
partielle, relative et temporaire”.
A cette époque, les Etats-Unis entraient
dans une période de prospérité industrielle et on assistait à une reprise considérable
en France et en Grande-Bretagne.
En Allemagne, la clé de la situation européenne,
l’industrie reprenait et la situation financière s’améliorait, surtout
grâce au plan américain de Dawes, avec ses subsides se chiffrant à quelque 800
millions de marks-or.
Dans l’analyse du Komintern, la reprise du capitalisme n’était
que partielle et ne pouvait pas durer.
Elle concluait que l’Europe traversait
une période d’accalmie située entre deux vagues révolutionnaires et qu’il
ne pouvait y avoir de reprise permanente du capitalisme dans la période de crise
générale et de révolution prolétarienne.
L’économiste marxiste-léniniste russe Varga, dans son rapport au Ve
Congrès du Komintern en 1925, expliquait comment la CGC était en train de faire
éclater le système.
A l’époque, les Etats-Unis se trouvaient au point culminant
de leur prospérité.
Varga avait scientifiquement prédit que la vague de prospérité
allait immanquablement faire place à une crise économique plus profonde.
La
prévision s’était avérée exacte moins de 5 ans plus tard avec le krach
de Wall Street en 1929.
Le Ve Congrès faisait également ressortir que les capitalistes pratiquaient
à la fois une politique de terrorisme et de distribution parcimonieuse de concessions
de moindre importance, du fait de leur état de faiblesse et de leur incapacité
de gouverner comme par le passé.
Les social-démocrates, les opportunistes et autres réactionnaires dans
le monde entier tendirent en vain à interpréter la formulation ci-dessus comme
un aveu du Komintern selon lequel la révolution était morte.
Ils affirmaient
que le système capitaliste s’était remis de la crise de l’après-guerre
et que le vague de prospérité économique allait durer pour toujours.
Même à l’intérieur du Komintern, il n’existait pas un accord
unanime quant à la formulation de la “stabilisation”.
Certains comme
Zinoviev pensaient que la stabilisation du capitalisme écartait la possibilité
d’une révolution immédiate et que les partis communistes ne pouvaient adopter
des tactiques révolutionnaires.
Réfutant cela, le camarade Staline dit dans son discours au Plénum commun
du comité central et de la commission centrale de contrôle du PCUS, en août
1927: “Zinoviev pense qu’une fois qu’il y a stabilisation, la
cause de la révolution est perdue.
Il ne comprend pas que la crise du capitalisme
et la préparation de son sort se développent comme une résultante de la stabilisation.
N’est-ce pas un fait que le capitalisme a récemment perfectionné et nationalisé
sa technique et qu’il a produit une masse considérable de marchandises
qui n'arrivent pas à être vendues?
N’est-ce pas un fait que les gouvernements
capitalistes adoptent de plus en plus des caractéristiques fascistes, attaquent
la classe ouvrière et renforcent temporairement leurs propres positions?
Ces
fait impliquent-ils que la stabilisation soit devenue durable?
Bien sûr que
non! Au contraire, ce sont des faits qui tendent à aggraver la crise présente
du capitalisme mondial, crise considérablement plus profonde que la crise qui
a précédé la dernière guerre impérialiste.”
“Le fait même que les gouvernements capitalistes sont en train d’adopter
des caractéristiques fascistes tend à aggraver la situation interne dans les
pays capitalistes et donne naissance à l’action révolutionnaire par les
travailleurs (Vienne, Grande-Bretagne).”
“Le fait même que le capitalisme rationalise sa technique et qu’il
produit une quantité considérable de marchandises que le marché ne peut absorber,
ce fait même tend à intensifier à l’intérieur même du camp capitaliste
la lutte pour les marchés et pour les domaines propices à l’exportation
de capitaux et conduit à la création des conditions favorables à une nouvelle
guerre, à une nouvelle redistribution du monde.”18
Cette remarquable prédiction du camarade Staline s’est confirmée avec
un effet dévastateur deux années plus tard seulement, lorsque le monde entier
a été plongé dans la crise économique la plus catastrophique, celle qui éclata
en 1929, qui conduisit à une crise révolutionnaire dans le monde entier.
Prévoyant une telle crise, le camarade Staline avait encouragé les révolutionnaires
communistes en Europe et dans d’autres pays capitalistes pour qu’ils
réorganisent leurs partis et qu’ils les bolchevisent en préparation de
la crise.
Au cours de la période de stabilisation partielle et relative, la
tâche des partis communistes dans les pays impérialistes ne consistait pas à
s’endormir dans l’inaction et dans un glissement rétrograde vers les
tactiques prérévolutionnaires, mais de se préparer eux-mêmes à la nouvelle crise
révolutionnaire qui menaçait: “La nouvelle caractéristique spécifique de
la position actuelle des partis communistes des pays capitalistes est que la
période du flux de la marée révolutionnaire a fait place à une période de reflux,
une période d’accalmie.
La tâche consiste à tirer parti de la période d’accalmie
que nous subissons pour renforcer les partis communistes, les bolcheviser, les
transformer en véritables partis de masse en s’appuyant sur les syndicats,
pour rallier les éléments travaillistes au sein des classes non prolétariennes,
avant tout parmi la paysannerie, autour du prolétariat, et enfin, pour éduquer
les prolétaires dans l’esprit de la révolution et de la dictature du prolétariat.”19
En ce qui concerne les pays coloniaux, Staline concluait en mai 1925 qu’ils
étaient au seuil de leur 1905 et qu’une relative stabilisation du capitalisme
n’avait abouti qu’à une augmentation en nombre et en force du prolétariat
dans ces pays, et que la crise révolutionnaire se développait: “... du
fait de l’augmentation des exportations de capitaux des pays développés
vers les pays arriérés, augmentation encouragée par la stabilisation du capitalisme,
le capitalisme dans les pays coloniaux se développe et continuera à se développer
à un taux rapide, en démantelant les anciennes conditions politiques et sociales
et en en installant de nouvelles;”
“... le prolétariat dans ces pays se développe et va continuer à le
faire dans des proportions rapides;”
“... le mouvement ouvrier révolutionnaire et la crise révolutionnaire
dans les colonies se développent et continueront à se développer.”20
En ce qui concerne les tâches immédiates des partis communistes dans les
colonies et semi-colonies au cours de la période de stabilisation partielle,
il faisait remarquer: “Par conséquent, la tâche des éléments communistes
dans les pays coloniaux est de s’associer avec les éléments révolutionnaires
de la bourgeoisie et par-dessus tout avec la paysannerie, contre le bloc de
l’impérialisme et les éléments compromettants de ‘leur propre’
bourgeoisie, afin de mener, sous la direction du prolétariat, une lutte essentiellement
révolutionnaire pour la libération du joug de l’impérialisme.”
“Il s’ensuit une seule conclusion: un certain nombre de pays
coloniaux sont actuellement en vue de leur 1905.”
“La tâche est d’unir les éléments progressistes des travailleurs
dans les pays coloniaux en un seul parti communiste qui sera capable de diriger
la révolution occupée à se développer.”21
En fait, au cours de la période de stabilisation partielle, il n’y
a pas eu reflux du mouvement révolutionnaire dans les colonies et semi-colonies,
et cela contraste avec ce qui s’est passé dans les pays capitalistes occidentaux.
Car la stabilisation elle-même s’opéra en grande partie par le biais d’une
exploitation plus intense des colonies et des semi-colonies.
Les peuples oppressés
résistèrent, naturellement.
En Chine, sous la direction du PCC, plusieurs soulèvements populaires ont
eu lieu durant la période même de stabilisation relative du capitalisme.
En
Inde, en Egypte, en Indonésie, en Indochine et partout ailleurs, l’on a
assisté à une poussée des mouvements populaires, le plus remarquable parmi ceux-ci
étant l’insurrection indonésienne de 1926.
Dans la toute première année de stabilisation relative, un mouvement massif
de grève balaya l’Egypte et la Tunisie.
La révolte du Rif au Maroc s’était
poursuivie jusqu’en 1926, et des poches isolées de résistance armée contre
les colonialistes français et espagnols tinrent bon jusqu’au début des
années 1930. En Libye, la guerre de libération contre les colonialistes ltaliens,
commencée en 1911, s’était poursuivie avec de brèves interruptions jusqu’en
1932.
On a également assisté à des insurrections en Somalie italienne, au Tchad,
au Moyen-Congo, au Cameroun français et en Angola, ainsi qu’à des grèves
en Sierra Leone, au Mozambique et à Madagascar, pour ne mentionner que quelques-uns
des événements révolutionaires qui eurent lieu en Afrique tropicale durant la
stabilisation relative du capitalisme.
La stabilisation relative et temporaire du capitalisme est donc à mettre
en parallèle avec l’équilibre relatif et temporaire des rapports de force
de classe et, par conséquent, avec une baisse de régime temporaire du mouvement
révolutionnaire dans les pays capitalistes.
En aucune façon, elle n’implique
une accalmie du mouvement révolutionnaire dans les colonies et les semi-colonies.
Lors de son Sixième Congrès en 1928, lorsque le capitalisme était à l’apogée
de sa prospérité, le Komintern expliquait les raisons qui pouvaient détruire
le système impérialiste mondial: “Le système impérialiste mondial, et avec
celui-ci la stabilisation partielle du capitalisme, se corrode pour diverses
raisons: tout d’abord, les antagonismes entre les Etats impérialistes;
deuxièmement, la lutte croissante d’importantes masses dans les pays coloniaux;
troisièmement, l’action du prolétariat révolutionnaire dans les patries
de l’impérialisme; et enfin, l’hégémonie exercée sur tout le mouvement
révolutionnaire mondial par la dictature du prolétariat en URSS.
La révolution
internationale est occupée à se développer. Contre cette révolution, l’impérialisme
rassemble ses forces. Des expéditions contre les colonies, une nouvelle guerre
mondiale ou une campagne contre l’URSS, sont des problèmes qui figurent
maintenant à l’avant-plan dans la politique de l’impérialisme. Ceci
doit déboucher sur la mise en action de toutes les forces de la révolution internationale
et doit concourir à la faillite inévitable du capitalisme.”22
La brillante analyse marxiste réalisée par le Sixième Congrès (avec à sa
base le camarade Staline), qui prévoyait un accroissement des crises économiques,
de grandes luttes de classe, des guerres impérialistes et des révolutions, a
été confirmée de façon dévastatrice avec le développement de la grande crise
économique de 1929, la victoire du fascisme hitlérien en 1933, l’éclatement
de la Seconde Guerre mondiale en 1939 et la série de révolutions prolétariennes
qui se sont produites dans le sillage de la guerre mondiale.
De grands changements historiques se sont produits dans la situation mondiale
et dans l’équilibre des forces au niveau des classes dans la période qui
a suivi la Seconde Guerre mondiale. La désintégration de l’unique marché
mondial qui recouvrait tous les secteurs et l’apparition d’un nouveau
marché mondial socialiste parallèle; la fin de l’ancien système colonial
de domination impérialiste directe; la ruine et la dévastation, conduisant à
une paralysie virtuelle, des économies de toutes les puissances impérialistes
hostiles à l’URSS, etc., ont été des changements momentanés qui ont donné
naissance à une nouvelle situation mondiale.
La sphère d’exploitation des
ressources mondiales par les pays impérialistes principaux s’est rétrécie
au cours des années qui ont immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale.
Ces développements avaient conduit Staline à la conclusion qu’il ne pouvait
à nouveau y avoir de stabilité relative du capitalisme au cours du déroulement
de la CGC.
Il faisait remarquer dans ses Problèmes économiques du socialisme
en URSS en février 1952 ce qui suit: “Le résultat économique le plus important
de la Seconde Guerre mondiale, avec ses répercussions sur l'économie, a été
la désagrégation du marché mondial, unique, universel.
Ce qui a déterminé l'aggravation
ultérieure de la crise générale du système capitaliste mondial.”
“Mais il s'ensuit que la sphère d'exploitation des ressources mondiales
par les principaux pays capitalistes (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France) n'ira
pas en s'élargissant mais en se rétrécissant, que les conditions de débouché
sur le marché mondial s'aggraveront pour ces pays et que la sous-production
des entreprises y augmentera.
C'est en cela que consiste précisément l'aggravation
de la crise générale du système capitaliste mondial, à la suite de la désagrégation
du marché mondial.”
“C'est ce que constatent les capitalistes, car il est difficile pour
eux de ne pas ressentir la perte de marchés tels que l'URSS et la Chine.
Ils
s'attachent à remédier à ces difficultés par le ‘plan Marshall’, par
la guerre en Corée, par la course aux armements, par la militarisation de l'industrie.
Mais cela ressemble fort au noyé qui s'accroche à un brin de paille.”
“Devant cette situation, deux problèmes se posent aux économistes:
- Peut-on affirmer que la thèse bien connue de Staline sur la stabilité relative
des marchés en période de crise générale du capitalisme, thèse formulée à
la veille de la Seconde Guerre mondiale, soit toujours valable?
- Peut-on affirmer que la thèse bien connue, formulée par Lénine au printemps
1916, selon laquelle, malgré sa putréfaction, dans l'ensemble le capitalisme
se développe infiniment plus vite qu'auparavant, soit toujours valable?”
“Je pense qu'on ne saurait l'affirmer. Etant donné les nouvelles conditions
dues à la Seconde Guerre mondiale, il faut considérer les deux thèses comme
n'étant plus valables.”23
Ces lignes du camarade Staline ont engendré beaucoup de controverses et
ont servi de sujet à de nombreuses discussions parmi les marxistes-léninistes.
Certains ont considéré ces lignes comme étant littéralement la synthèse finale
de la situation au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Une vue dogmatique
a prévalu et prévaut toujours parmi certains partis marxistes-léninistes selon
laquelle la production dans le monde capitaliste dans l’ensemble n’atteindra
jamais son point culminant d’avant la guerre à cause du rétrécissement
de la sphère d’exploitation des ressources mondiales par les pays capitalistes
les plus importants, rétrécissement résultant de la perte, dans le sillage de
la Seconde Guerre mondiale, de vastes marchés de premier plan comme la Chine
et l’Europe de l’Est.
De là provient le fait qu’ils ne reconnaissent
même pas une stabilisation partielle et temporaire du capitalisme après la Seconde
Guerre mondiale et qu’ils pensent qu’il ne peut y avoir de développement
du capitalisme dans sa phase de déclin consécutive à la Seconde Guerre mondiale.
Ils refusent de voir les changements qui ont pris place après le décès du camarade
Staline: les importantes augmentations de la production qui ont eu lieu dans
virtuellement chaque pays capitaliste; le rôle de l’hégémonie américaine,
quelque branlante qu’elle puisse avoir été, en fournissant une stabilité
temporaire au monde capitaliste dans son ensemble jusqu’au début des années
1970; un marché entre les diverses puissances impérialistes sous l’hégémonie
des Etats-Unis - une trève temporaire - afin de combattre et de contenir la
progression du “spectre” du communisme; le recours aux guerres régionales
qui n’en finissent pas; la course aux armements, les guerres d’agression
contre la Corée, le Vienam, le Laos, le Cambodge, etc., et la guerre froide
contre les Etats capitalistes bureaucratiques dégénérés de l’URSS et de
l’Europe de l’Est; tout cela, en créant une demande constante de moyens
de consommation et, plus grave, de moyens de destruction, a aidé le capitalisme
à surmonter partiellement et temporairement sa crise (on estime que les pertes
en forces productives dues aux guerres régionales après la Seconde Guerre mondiale
excèdent de loin les pertes encourues durant la Seconde Guerre elle-même); le
rôle de l’Etat en créant une demande effective dans quasiment chaque pays
du monde au lendemain de la Seconde Guerre mondiale; le rôle de la dette auprès
des consommateurs individuels, des entreprises et de chaque gouvernement pour
gonfler artificiellement la production en créant une demande pour les produits;
le développement de la spéculation, des services et des secteurs non productifs
pour résoudre les problèmes d’excédents de fabrication; l’échec du
prolétariat de n’avoir pu réaliser la Nouvelle Révolution Démocratique
dans les colonies et les semi-colonies et, par conséquent, l’apparition
et la consolidation de régimes fantoches ou compradores dans presque tous les
pays du tiers-monde, en conséquence de quoi l’impérialisme continue de
sucer le sang des peuples du tiers-monde via des méthodes néo-coloniales, et,
finalement, la dégénérescence du camp socialiste lui-même après le décès du
camarade Staline et sa réintégration graduelle dans un marché mondial unique.
Chacun de ces facteurs joua un rôle dans la mise sur pied d’une stabilisation
partielle, temporaire et relative du capitalisme à partir du milieu des années
1950 jusqu’en 1973.
Durant cette période, il y a eu une accalmie générale des mouvements révolutionnaires
dans les pays capitalistes (hormis une vague de révoltes estudiantines à la
fin des années 1960).
Mais, dans les colonies et les semi-colonies, les mouvements
révolutionnaires ont continué à subir des coups durs durant cette période, exactement
comme durant la période de la stabilisation partielle de 1924 à 1929.
La guerre
d’agression des Etats-Unis contre l’Indochine, et spécialement la
guerre du Vietnam, a connu une défaite ignominieuse des mains du peuple héroïque.
Le peuple cubain a rejeté le joug de l’impérialisme en 1959.
En 1968, l’impérialisme a été forcé de mettre fin à une domination
coloniale directe dans environ quarante pays d’Afrique.
Résumons: alors que la stabilisation relative du capitalisme a des implications
directes sur les luttes dans les pays impérialistes, débouchant sur une accalmie
temporaire dans le mouvement révolutionnaire, elle n’exerce pas le même
impact sur les luttes des pays du tiers-monde.
On ne devrait cependant pas perdre
de vue qu’une intensification de la CGC, un durcissement de la contradiction
inter-impérialiste et la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie
dans les pays impérialistes joueront un rôle en tant que facteur favorable aux
révolutions dans les pays du tiers-monde.
L’intensification des contradictions entre les diverses puissances
impérialistes et particulièrement la rivalité aiguë et la contestation entre
les deux superpuissances pour l’hégémonie mondiale, combinées avec le début
d’une longue période de crise économique mondiale qui a commencé au début
des années 1970, ont créé des conditions favorables pour les mouvements révolutionnaires,
non seulement dans les pays du tiers-monde, mais également dans les pays capitalistes
eux-mêmes.
La fin de la guerre froide et l’effondrement de la superpuissance
soviétique a encore accentué les contradictions inter-impérialistes dans les
années 1990.
La crise actuelle dans l’économie mondiale qui a lieu sous
les conditions de la CGC ne permet pas au capitalisme de se stabiliser dans
un futur immédiat. Au contraire, elle est amenée à durcir davantage encore les
contradictions fondamentales au sein du monde actuel.
Mais nous devrions garder
à l’esprit l’observation du camarade Lénine selon laquelle il n’existe
pas pour le capitalisme quelque chose qui ressemble à une situation absolument
désespérée.
Situation révolutionnaire et crise révolutionnaire
Dans la littérature marxiste, nous découvrons souvent que ces deux expressions
- situation révolutionnaire et crise révolutionnaire - sont parfois utilisées
l’une pour l’autre.
Comme cela peut provoquer certaines confusions,
il vaut mieux opérer une distinction entre les deux.
Lénine a défini l’impérialisme comme la veille de la révolution socialiste.
Cela signifie qu’avec l’avènement de l’impérialisme, les conditions
objectives pour le socialisme ont mûri et qu’il était du devoir du prolétariat
de former et de développer des partis communistes partout, de se lier avec les
larges masses du peuple et de préparer le peuple à une prise révolutionnaire
du pouvoir au cours des périodes de crise révolutionnaire.
Une situation révolutionnaire
est apparue dans le monde avec l’avènement de l’impérialisme et le
début de la CGC.
Alors que, dans les colonies et semi-colonies et les pays dépendants,
la situation peut être utilisée pour mener une lutte armée prolongée contre
l’impérialisme et ses collaborateurs indigènes, dans les pays impérialistes,
il est du devoir des partis communistes d’étendre leur base parmi les masses
laborieuses et de préparer eux-mêmes, politiquement, idéologiquement et sur
le plan organisationnel, le prolétariat et le peuple d’une façon révolutionnaire
dans le but de s’emparer du pouvoir politique lorsque les conditions objectives
transforment la situation révolutionnaire en une crise révolutionnaire, soit
à la suite d’une guerre mondiale, soit d’une grande crise économique,
soit encore à la suite d’une crise provoquée par les coups sévères infligés
à l’impérialisme par les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique
latine.
Une crise révolutionnaire signifie non seulement que le peuple est dans
un état de fermentation générale et de mécontentement et qu’il refuse de
vivre de l’ancienne façon, mais elle présuppose également un extrême affaiblissement
de la machine étatique.
Dans de telles circonstances de crises économiques,
politiques et sociales, d’affaiblissement général du pouvoir étatique de
la bourgeoisie et d’une perte de leur légitimité aux yeux du peuple, le
parti, s’il est suffisamment organisé et entraîné selon une ligne révolutionnaire,
peut prendre le pouvoir. Une telle crise révolutionnaire existait en Russie,
en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Pologne, en Bulgarie et
dans d'autres pays au cours de la première phase de la CGC pendant et après
la Première Guerre mondiale jusqu’en 1923.
Une telle crise révolutionnaire
existait dans les pays d’Europe dans la seconde phase de la CGC pendant
et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale et s’est poursuivie jusqu’au
milieu des années 1950. Une telle crise existe aujourd’hui en Russie et
dans les diverses républiques de l’ancienne Union soviétique et les pays
de l’Europe de l’Est.
Mais l’existence de la crise révolutionnaire est une condition nécessaire,
mais pas suffisante, pour la victoire de la révolution.
L’existence d’un
parti révolutionnaire de masse du prolétariat qui soit bien entraîné et capable
d’utiliser avec savoir-faire la crise révolutionnaire grâce à une tactique
révolutionnaire correcte est une condition impérative pour la progression victorieuse
de la révolution.
Comme Lénine l’avait fait remarquer lors du Second Congrès
du Komintern en 1920, il n’y a pas de situation absolument désespérée pour
la bourgeoisie. La bourgeoisie trouve toujours un manière de se sortir de chaque
crise si le prolétariat n’agit pas de façon décisive pour s’emparer
du pouvoir via des moyens révolutionnaires, quelque excellente que puisse être
la crise révolutionnaire.
“Il n'existe pas de situation absolument sans issue. La bourgeoisie
se conduit comme un forban sans vergogne qui a perdu la tête; elle commet bêtise
sur bêtise, aggravant la situation et hâtant sa propre perte.
C'est un fait.
Mais il n'est pas possible de prouver qu'il n'y a absolument aucune chance qu'elle
endorme une minorité d'exploités à l'aide de petites concessions, qu'elle réprime
un mouvement ou une insurrection d'une partie des opprimés et des exploités.
Tenter d'en prouver à l'avance l'impossibilité absolue serait pur pédantisme,
verbiage ou jeu d'esprit.
Dans cette question et dans des questions analogues,
seule la pratique peut fournir la preuve réelle.
Le régime bourgeois traverse
dans le monde entier une profonde crise révolutionnaire.
Il faut démontrer maintenant,
par l'action pratique des partis révolutionnaires, qu'ils possèdent suffisamment
de conscience, d'organisation, de liens avec les masses exploitées, d'esprit
de décision et de savoir-faire pour exploiter cette crise au profit d'une révolution
victorieuse.”24
Que l’existence d’une crise révolutionnaire en elle-même ne garantisse
pas la victoire de la révolution a été brillamment mis en évidence par la camarade
Staline dans son rapport au XVIIe Congrès en 1934: “Certains camarades
pensent que, dès l'instant où il y a crise révolutionnaire, la bourgeoisie doit
se trouver inévitablement dans une situation sans issue; que sa fin est par
conséquent prédéterminée, que la victoire de la révolution est, par cela même,
assurée, et qu'il ne leur reste donc qu'à attendre la chute de la bourgeoisie
et à rédiger des résolutions triomphales.
C'est là une grave erreur. La victoire
de la révolution ne vient jamais d'elle-même.
Il faut la préparer et la conquérir.
Or, seul peut la préparer et la conquérir un fort parti prolétarien révolutionnaire.
Il est des moments où la situation est révolutionnaire, où le pouvoir de la
bourgeoisie est ébranlé jusque dans ses fondements, mais où pourtant la victoire
de la révolution n'arrive pas, parce qu'il n'y a pas de parti révolutionnaire
du prolétariat, de parti ayant assez de force et d'autorité pour entraîner à
sa suite les masses et prendre le pouvoir.
Il serait déraisonnable de croire
que des cas pareils ne puissent se produire.”25
Il est également nécessaire de reprendre une fois de plus les mots les
plus souvent cités de Lénine dans lesquels il décrit une situation révolutionnaire
et les conditions nécessaires au succès de la révolution: “Pour un marxiste,
il est hors de doute que la révolution est impossible sans une situation révolutionnaire,
mais toute situation révolutionnaire n'aboutit pas à la révolution.
Quels sont,
d'une façon générale, les indices d'une situation révolutionnaire?
Nous sommes
certains de ne pas nous tromper en indiquant les trois principaux indices que
voici:
1. Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination
sous une forme inchangée; crise du sommet, crise de la politique de la classe
dominante, et qui crée une fissure par laquelle le mécontentement et l'indignation
des classes opprimées se fraient un chemin.
Pour que la révolution éclate, il
ne suffit pas, habituellement, que la base ne veuille plus vivre comme auparavant,
mais il importe encore que le sommet ne le puisse plus.
2. Aggravation, plus
qu'à l'ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées.
3. Accentuation
marquée, pour les raisons indiquées plus haut, de l'activité des masses qui
se laissent tranquillement piller dans les périodes pacifiques, mais qui, en
période orageuse, sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par
le sommet lui-même, vers une action historique indépendante.”
“Sans ces changements objectifs, indépendants de la volonté non seulement
de tels ou tels groupes et partis, mais encore de telles ou telles classes,
la révolution est, en règle générale, impossible.
C'est l'ensemble de ces changements
objectifs qui constitue une situation révolutionnaire.
On a connu cette situation
en 1905 en Russie et à toutes les époques de révolutions en Occident; mais elle
a existé aussi dans les années 60 du siècle dernier en Allemagne, de même qu'en
1859-1861 et 1879-1880 en Russie, bien qu'il n'y ait pas eu de révolutions à
ces moments-là.
Pourquoi?
Parce que la révolution ne surgit pas de toute situation
révolutionnaire, mais seulement dans le cas où, à tous les changements objectifs
ci-dessus énumérés, vient s'ajouter un changement subjectif, à savoir: la capacité,
en ce qui concerne la classe révolutionnaire, de mener des actions révolutionnaires
de masse assez vigoureuses pour briser complètement (ou partiellement) l'ancien
gouvernement, qui ne tombera jamais, même à l'époque des crises, si on ne le
fait choir.”26
Dans la citation qui précède, les mots “situation révolutionnaire”
impliquent en fait une crise révolutionnaire.
La crise révolutionaire qui prévalait
en Russie en 1905 se développa à partir de la situation révolutionnaire qui
commençait à mûrir à partir de 1901 et éclata avec les manifestations d’étudiants.
Comme la situation se transformait en crise en 1905, la prolétariat russe fit
une tentative décisive de coup d’Etat par insurrection armée. L’échec
de l’insurrection conduisit à une décennie de régression et d’accalmie
relative dans le mouvement révolutionnaire.
La Première Guerre mondiale une
fois de plus provoqua une crise révolutionnaire en Russie et plus tard dans
le reste de l’Europe. Le processus de transformation d’une situation
révolutionnaire en crise révolutionnaire peut être compris à partir des lignes
suivantes écrites pendant la guerre, en 1915, par le camarade Lénine: “Il
ne fait pas l'ombre d'un doute que l'Europe de 1915 connaît une situation révolutionnaire,
de même que la Russie en 1901.
Nous ne pouvons savoir si la première bataille
décisive du prolétariat contre la bourgeoisie se produira dans quatre ans, dans
deux ans ou dans dix ans ou plus, et si une seconde bataille décisive ne se
produira encore dix ans plus tard.
Mais nous savons fermement et affirmons en
toute certitude que, maintenant, notre devoir impérieux et immédiat est de soutenir
l'effervescence naissante et les manifestations qui ont déjà commencé.
En Allemagne,
la foule a sifflé Scheidemann; dans beaucoup de pays, la foule a manifesté contre
la cherté de la vie.”
“Nous sommes, sans aucun doute, à la veille de la révolution socialiste.
(...) Pas plus que nous ne savions en 1901 que la veille de la première révolution
russe durerait encore quatre ans, nous ne sommes pas plus renseignés aujourd'hui.
La révolution peut consister, et consistera probablement, en des luttes qui
s'étendront sur de longues années et qui comprendront plusieurs périodes d'assauts,
entrecoupés de convulsions contre-révolutionnaires du régime bourgeois.
Dans
la situation politique actuelle, le tout est de savoir s'il faut utiliser la
situation révolutionnaire existante pour soutenir et développer les mouvements
révolutionnaires.
Oui ou non.
C'est sur cette question que se divisent aujourd'hui,
politiquement, les social-chauvins et les internationalistes révolutionnaires.”27
Nous trouvons donc que dans l’Europe de 1915 la situation révolutionnaire
se développait rapidement en une crise révolutionnaire.
C’était le devoir
du prolétariat de s’engager dans des actions militantes et de se lancer
dans les préparatifs d’une insurrection armée de façon à frapper au moment
opportun.
Il n’y avait qu’en Russie que le prolétariat pouvait s’emparer
du pouvoir en utilisant la crise révolutionnaire qui se développait à partir
de la guerre. Dans le reste de l’Europe, la trahison de la social-démocratie
conduisit à la défaite des révolutions.
Alors que tel était le cas dans les pays capitalistes, dans les pays du
tiers-monde par contre, une situation révolutionnaire a existé dès les tout
premiers moments où ils se sont retrouvés sous l’oppression de l’impérialisme.
A cause des caractéristiques spécifiques en vigueur dans la plupart de ces pays
du tiers-monde, il est possible de mener la lutte armée ou la guerre populaire
prolongée dès les tout premiers moments et de s’emparer du pouvoir à l’échelle
régionale.
La crise révolutionnaire dans ces pays va hâter l’établissement
de zones libérées et la conquête de villes si le prolétariat est bien préparé.
Une crise révolutionnaire dans les pays du tiers-monde peut apparaître à la
fois par le biais d’une intensification des crises économique, sociale
et politique dues aux modifications encourues par les conditions objectives
dans les pays concernés telles que l’implication dans des guerres extérieures,
des guerres civiles parmi les factions des classes dirigeantes, un effondrement
financier, etc., ou à cause d’un changement de l’équilibre général
des forces au niveau des classes amené par une intensification de la lutte de
classe, par l’établissement de plusieurs zones de guérilla et de régions
libérées.
Les forces révolutionnaires dans les pays du tiers-monde peuvent donc
créer une crise révolutionnaire en approfondissant en permanence et en élargissant
les zones de lutte armée.
Cet article paru sous le titre "On general crisis of capitalism" dans le numéro
de juillet-décembre 1995 de People's War (p.39-72).People's War est la revue
théorique du Parti Communiste de l'Inde (marxiste-léniniste), une des organisations
communistes indiennes.
Notes
1 Staline Joseph, Selected Writings, Vol.II, p.330.
2 Engels Friedrich, La condition de la classe ouvrière en Angleterre, p.143-144.
3 Foster William Z., History of Three Internationals, Vol.I, p.223.
4 Marx Karl, Capital, Vol.III, p.292.
5 Staline Joseph, Selected Writings, Vol.II, p.2.
6 Galbraith, J.K., Le capitalisme américain, p.69.
7 Baran Paul A., Sweezy Paul M., Monopoly Capital, p.242.
8 1 acre = 40 ares = 0,4 ha.
9 Dutt, R.P., Fascism and Social Revolution.
10 Staline Joseph, Rapport présenté au XVIIe congrès du parti sur l'activité
du comité central du parti communiste (bolchevik) de l'URSS, 26 janvier 1934,
repris dans Les questions du léninisme, Editions de Pékin, 1977, p.685.
11 Staline Joseph, Ibid, p.686.
12 Staline Joseph, Ibid, p.691.
13 Staline Joseph, Selected Writings, Vol.II, p.329-330.
14 Staline Joseph, On the Opposition, p.192-193.
15 Staline Joseph, Ibid., p.189-190.
16 Staline Joseph, Ibid., p.194.
17 Foster William Z., History of Three Internationals, p.89.
18 Staline Joseph, On the Opposition, p.808-809.
19 Staline Joseph, Ibid., p.199.
20 Staline Joseph, Ibid., p.204.
21 Staline Joseph, Ibid., p.205.
22 Foster William Z., op. cit., p.85-86.
23 Staline Joseph, Les problèmes économiques du socialisme en URSS, Editions
de Pékin, 1971, p. 30 et 32-33.
24 Lénine, Rapport sur la situation internationale et les tâches fondamentales
de l'Internationale communiste, 19 juillet 1920, dans Oeuvres complètes, Tome
XXXI, p.233-234.
25 Staline Joseph, Rapport présenté au XVIIe congrès du parti sur l'activité
du comité central du parti communiste (bolchevik) de l'URSS, 26 janvier 1934,
repris dans Les questions du léninisme, Editions de Pékin, 1977, p.699.
26 Lénine, La faillite de la IIe Internationale, dans Oeuvres complètes, Tome
XXI, p.216-217.
27 Lénine, Des internationalistes authentiques: Kautsky, Axelrod, Martov, dans
Oeuvres complètes, Tome XXI, p.413-414.