Sur le mode de production aux Philippines

José Maria Sison

Peu après que j'aie été relâchée temporairement de détention le 30 mars 1982, beaucoup d'amis et de connaissances à l'académie me demandèrent quels étaient les points de vue de mon mari au sujet de nombreuses questions débattues par eux sur le caractère dominant du mode de production aux Philippines.

La plus importante question en discussion peut être exprimée de cette manière : le régime Marcos soutenu par les Etats-Unis a-t-il mené une politique d'industrialisation et par là changé le caractère semi-féodal rétrograde de l'économie ?

J'ai posé cette question, ainsi que d'autres en rapport, à mon mari.

Nous avons eu de longues discussions pendant mes visites hebdomadaires.

Je lui apportais les dernières données économiques disponibles ainsi que des analyses et articles de divers points de vue. Je prenais des notes mentales de ses réponses.

Chaque fois que je revenais de la prison, je les couchais sur papier.

Il me donna la liberté de les écrire à la condition que je sois fidèle aux idées qu'il exprimait.

Grâce à nos nombreuses années de rapports intellectuels et de recherche en commun (depuis 1959), je me sentais à même de mettre en forme cet article de questions - réponses.

Quoiqu'il en soit, de par mes nombreuses obligations (incluant la charge d'enfants et mon engagement public en faveur des prisonniers politiques), je ne pus être en mesure d'en terminer la rédaction finale qu'en juillet 1983.

Le manuscrit de la version finale a été discuté par plusieurs amis, dont la plupart sont de brillants économistes et politologues.

Ils y apportèrent des commentaires et des suggestions qu'ensuite mon mari et moi discutions et prenions en considération pour arriver à cet article dans sa présente forme.

Cet article tente d'offrir une étude d'ensemble et en profondeur du mode de production dans la ruineuse crise économique actuelle.

Julieta L. Sison

1. Voulez-vous décrire les forces de production aux Philippines ? Autant que possible, présentez le niveau de développement des moyens de production et de la masse des producteurs.

Les forces de production aux Philippines sont encore principalement agraires et non-industrielles.

Elles sont retardataires et sous-développées.

Les moyens de production manquent d'une structure en industries de biens de production capitalistes.

Il n'y a pas d'industries lourdes et de base, pas d'industries de machines-outils, pas d'industries des métaux de base ni de chimie, pas d'industries techniques qui vont au delà du traitement superficiel ou de la transformation limitée de produits travaillés à l'étranger.

Même les outils manuels sont importés dans une proportion de 85 pourcent, d'après l'économiste Alejandro Lichauco. Le reste de nos outils manuels sont fabriqués localement à partir de métaux importés.

L'équipement industriel moderne quel qu'il soit, est importé et payé par les gains provenant de l'exportation de matières premières (principalement agricoles : sucre, noix de coco, bois, etc.) et de plus en plus par les emprunts étrangers.

Les impérialistes américains et leurs grands agents compradores ont ainsi parfaitement réussi à empêcher le pays d'acquérir le type d'équipement qui l'industrialiserait de façon étendue et profonde.

Ils ont seulement autorisé quelques industries légères fortement dépendantes de l'équipement importé, des semi-manufactures et des matières premières. La situation est tragique parce que nous avons une base de ressources naturelles étendue et abondante pour faire fonctionner des industries lourdes et de base.

Sous le régime actuel, même l'industrie légère qui sert le marché domestique a été écrasée.

Ce que l'on appelle les industries de substitution d'importations des années cinquante et soixante ont été minées par l'importation de produits finis.

Une extension de ce système est la promotion de ce que l'on appelle les industries orientées vers l'exportation, encore plus dépendantes de l'importation et en fait confinées à un traitement simple et à l'emballage, pour la pénétration du marché local, la circonvention des droits de douane et la réexportation.

La promesse faite par Marcos en 1979 de mener à bien onze projets industriels majeurs n'a pas été matérialisée.

Depuis le début, il était clair que ces projets n'étaient pas autre chose que des velléités d'industrialisation.

Même comme cela, ces projets ont été fortement combattus par ces mêmes intérêts de monopoles étrangers dont Marcos voulait les investissements pour les mettre en oeuvre.

Après quatre années, le résultat consiste en un fondeur de cuivre trop coûteux aux capacités limitées à 30 pourcent de la production de minerai du pays.

Ce fondeur est sous le contrôle et l'exercice des intérêts japonais qui ont leurs propres fondeurs de cuivre à protéger dans leur pays.

En dépit du slogan du «développement économique», la dictature fasciste n'a pas placé l'économie sur la base de la transformation extensive des matières premières qu'elle produit depuis longtemps pour l'exportation.

La masse des exportations philippines reste le sucre brut, le copra, l'huile de noix de coco, le bois, les minerais métalliques, etc.

Les produits primaires comptent pour pratiquement la totalité des revenus des produits exportés, dans lesquels les exportations agricoles rentrent pour 80 pourcent au moins.

Les technocrates du gouvernement prétendent que nous gagnons beaucoup de la réexportation de vêtements, d'électroniques et de ce genre de choses.

Ce n'est pas vrai.

Nous perdons beaucoup avec ces soi-disant exportations manufacturées à cause du coût élevé de l'équipement importé et des matières «premières», de la circonvention des droits de douanes, du prix de transfert, des remises de profit, du rapatriement des capitaux, du service de la dette, des royalties, et de l'infrastructure et des installations spéciales créées pour elles.

La terre cultivée (totalisant 12 millions d'hectares en 1980) est toujours le principal moyen de production du pays.

Elle produit les principales denrées alimentaires pour la population et une certaine quantité de matières premières pour la manufacture légère et l'artisanat locaux, aussi bien que l'écrasante masse des produits en surplus pour l'exportation.

L'utilisation de la technologie moderne (dans son principe, importée) est négligeable.

C'est toujours les bras

des paysans, les outils manuels, la charrue et les animaux de trait qui travaillent la terre dévolue aux cultures vivrières (principalement le riz et le blé) et aux noix de coco, celles-ci formant respectivement 64,6 et 25,8 pourcent du total des terres agricoles.

Dans le contexte philippin, la technologie moderne entraîne la promotion de coûteux inputs agricoles importés (produits chimiques, équipements et installations d'irrigation) qui n'utilisent (dans les années soixante-dix) que quelques centaines de milliers d'hectares.

Le recours à la force animale et aux outils paysans traditionnels est encore largement répandu, même sur les terres consacrées à la canne à sucre, à la banane, à l'ananas et à d'autres nouvelles cultures d'exportation.

C'est sur ces terres, qui ne comprennent pas plus de 7 pourcent de la superficie agricole totale,'que l'on trouve une utilisation relativement plus importante de tracteurs et de produits chimiques.

La terre de la canne à sucre, qui comprend seulement 3,5 pourcent de la terre agricole totale, est toujours travaillée à la main par des paysans et des ouvriers agricoles qui utilisent des outils manuels, plutôt que par des travailleurs utilisant des moissonneuses-batteuses et d'autres machines agricoles.

Pas plus de 4 pourcent (480.000 hectares) de la superficie agricole totale est cultivée par des tracteurs.

Les moissonneuses-batteuses sont encore une exception et constituent une menace explosive dans un contexte d'un travail agricole bon marché et abondant qui ne peut être absorbé ailleurs.

Ainsi en cette année 1983, un petit nombre seulement de propriétaires terriens sur quelques milliers d'hectares (moins que 10.000) ont adopté la moissonneuse-batteuse.

Dans cette décennie, l'augmentation faramineuse des coûts des imputs importés et la chute des prix des exportations agricoles empêche même l'adoption de la technologie pour l'exportation.

Comment la masse effective des producteurs est-elle constituée?

Selon les chiffres de la NEDA, il y aurait 9 millions de paysans et d'ouvriers agricoles formant 52 pourcent de l'emploi ; 2,5 millions d'ouvriers de l'industrie, 14 pourcent ; et 6 millions de travailleurs des services, 34 pourcent en 1979.

Prenons ces chiffres à leur valeur nominale et réinterprétons les.

Notons cependant que 1979 a été pour les emplois non agricoles une année bien meilleure qu'aucune autre de la décennie suivante. Des producteurs directs de marchandises, les paysans et les ouvriers agricoles sont 78 pourcent et les ouvriers industriels 22 pourcent.

Il y a quatre paysans pour chaque travailleur d'industrie.

Si l'on désagrégeait la catégorie des services, la majorité se trouverait être les compléments directs et les pourvoyeurs immédiats de l'agriculture et de la paysannerie. Même dans la construction, l'extraction et l'activité «manufacturière» provinciale, beaucoup de travailleurs non réguliers ont une activité paysanne secondaire.



La plupart des paysans (pauvres et moyens) utilisent les moyens de subsistance supplémentaires suivants : travaux de ferme pour le compte d'autres, pêche, culture forestière et élevage, artisanat, construction ou charpenterie, charriage et petit colportage.

Cependant, les travaux agricoles saisonniers sont pour les autres l'occupation secondaire la plus commune et le principal recours de travail supplémentaire dans les campagnes.



La proportion des travailleurs de l'industrie (dans la fabrication, les mines et les carrières, la construction et les activités secondaires) est encore moins frappante qu'il n'y paraît.

Seulement 74 pourcent de ces travailleurs se trouvent dans ce que l'on peut appeler le secteur de la fabrication, et à son tour, 70 pourcent des travailleurs de la fabrication sont employés dans de petites fabriques et ateliers de réparation employant moins de dix travailleurs et pouvant ainsi difficilement être considérées comme de véritables entreprises de fabrication.

Une minorité seulement de ce que l'on appelle les travailleurs des services (dans les transports, les communications et le stockage, le commerce, les banques et autres services, incluant le gouvernement, le secteur des loisirs, etc.), sans doute pas plus de 30 pourcent, sont des salariés réguliers.

Pour la plupart, ceux-ci sont employés par le gouvernement (un million environ sont des employés civils ou militaires), et par les entreprises multinationales, grandes compradores ou moyennes bourgeoises.

La plupart de ceux que l'on classe dans les services sont en fait sous-employés, n'ont pas d'emploi régulier ou sont au chômage mais erronément inscrits comme pleinement employés dans les statistiques de la NED A.

Beaucoup sont des aidants inutiles de leur propre famille, des gens de maisons, des colporteurs, des serviteurs, des portiers, des balayeurs de rues, des prostituées et autres, qui ne reçoivent pas de salaire régulier.

Dans les années soixante-dix, la proportion de l'emploi industriel aussi bien qu'agricole s'est rétrécie.

L'emploi industriel est passé de 17,6 en 1970 à 14 pourcent en 1979.

L'emploi agricole est passé de 59 pourcent en 1970 à 52 pourcent en 1979.

L'emploi dans le secteur des services, dans l'intervalle, est apparu avoir augmenté de 23,5 pour-cent en 1970 à 34 pourcent en 1979, absorbant sans doute la diminution de l’emploi dans l’industrie et l’agriculture.

Depuis 1980, le chômage a augmenté par sauts et par bonds, spécialement dans l'industrie et le secteur des services.

Le taux de chômage flotte maintenant à plus de 50 pourcent, au moins 25 pourcent au-dessus du taux chronique de 25 pourcent (données établies aussi bien par le Rapport de la mission Bell que par le Rapport Ranis), spécialement si nous prenons en ligne de compte tous les jeunes non scolarisés de dix ans et plus, et les femmes.

Un état aggravé de dépression et de chômage afflige l'ensemble de l'économie.

Certains disent que l'économie des Philippines est déjà industrielle plutôt qu'agraire parce que, par exemple, les chiffres du PNB de 1979 montrent que l'agriculture en représente seulement 27,3 pourcent et est dépassée par l'industrie avec 33,1 pourcent et les services avec 39,7 pourcent.

Ces chiffres sont trompeurs.

Nous devons prendre en considération le contenu fortement importé de la production des secteurs de l'industrie et des services et l'orientation de la consommation de telles importations, et l'absence de développement industriel.

La valeur brute du rendement du secteur des services est gonflé, ce secteur de l'économie est aussi le plus dépendant des importations bien qu'il ne produise pas de marchandises.

La valeur brute du rendement de l'agriculture tend à être sous-évaluée parce que la plus grande partie du produit agricole reste chez les paysans pour leur subsistance et leurs besoins et n'atteint pas le marché.

Pour des raisons de prix de transfert, les multinationales étrangères et les grands compradores surévaluent fortement leurs importations manufacturées et sous-évaluent leurs exportations de matières premières.



Dans leur tentative de maintenir l'illusion du développement industriel, les technocrates gouvernementaux surestiment constamment le PNB entier, survalorisant le rendement brut des secteurs de l'industrie et des services. Même le FMI fut scandalisé par la revendication de la NEDA (Autorité Nationale du Développement Economique) d'avoir un taux de croissance de 4,9 pourcent en 1982, et lui ordonna de diminuer ses chiffres à un niveau plus crédible.

Le chiffre fut finalement abaissé à 2,6 pourcent.

Même ceci est hautement suspect à bien des égards.

On suppose, selon le Premier Ministre Virata, que le PNB philippin est dépendant de l'échange extérieur dans une mesure de 40 pourcent.

Ainsi, le PNB doit être contracté autant que diminuent les recettes d'exportation primaire, les emprunts extérieurs et les autres recettes d'exportation.

Que le PNB augmente ou diminue, cela ne signifie pas un développement quelconque de la base industrielle du pays.

Dans une grande mesure, il reflète les dépenses croissantes pour des produits manufacturés importés, un revenu d'exportation primaire décroissant et un poids de la dette en augmentation.

2. Voulez-vous décrire les rapports de production ?

Autant que faire se peut, présentez les classes socio-économiques en tant qu'elles sont déterminées par la propriété des moyens de production, la position dans l'organisation de la production, et les méthodes d'appropriation du produit.

Voulez-vous mettre en évidence la classe la plus dominante, qui dicte sa loi sur l'ensemble des rapports de production?

Je pense que vous pouvez appliquer sur l'ensemble du mode de production le terme que vous utilisez pour vous référer au caractère dominant des rapports de production.

Est-ce féodal, semi-féodal, semi-capitaliste, en transition vers le capitalisme ou déjà capitaliste ?

Expliquez pourquoi vous n'utilisez pas les autres termes que celui choisi.

Sous les auspices de l'impérialisme américain, la grande bourgeoisie compradore est devenue la classe la plus dominante aux Philippines.

Elle est le porte-drapeau des rapports de production semi-féodaux dominants.

En collaboration avec les monopoles étrangers, elle est aux commandes d'un système de marchandises qui est principalement et essentiellement déterminé par l'échange inégal des exportations de matières premières et des importations de biens manufacturés; et cela offre à la production des matières premières pour l'exportation la plus grande importance stratégique.

La grande bourgeoisie compradore a remplacé la classe des propriétaires terriens comme classe exploiteuse numéro 1 dans les Philippines du XXème siècle.

Certainement, les rapports de production dominants ne peuvent plus être appelés féodaux; bien que le féodalisme est encore un fait important et largement répandu.

Dans un certain sens, nous pouvons parler d'une domination étrangère et féodale.

Mais nous utilisons le terme semi-féodal autant pour décrire le caractère général et fondamental des rapports de production et pour mettre l'accent sur le rôle stratégique de la grande bourgeoisie compradore.

Nous ne pouvons pas appeler capitalistes les rapports de production dominants parce que c'est la grande bourgeoisie compradore plutôt que la bourgeoisie industrielle nationale qui possède sur eux l'hégémonie.

En effet, la grande bourgeoisie commerçante semi-féodale en combinaison avec l'impérialisme américain et le féodalisme empêche le développement industriel capitaliste sous l'égide de la bourgeoisie nationale.

Mais pourquoi utiliser le terme semi-féodal plutôt que semi-capitaliste ou en transition vers le capitalisme?

Le terme semi-féodal souligne le fait que, autant que le système de production local est concerné, la grande bourgeoisie compradore est plus liée historiquement et généralement au féodalisme qu'au développement capitaliste industriel, lequel est bloqué, aussi loin que l'économie reste un apanage de l'impérialisme américain et continue à se situer dans l'orbite du système capitaliste mondial.



Semi-féodalisme peut être utilisé en un double sens :

1. pour résumer une économie qui est enchaînée par deux forces moribondes - l'impérialisme et le féodalisme ; et

2. pour se référer à la domination de la grande bourgeoisie compradore et au type de production qu'elle promeut (d'abord des matières premières pour l'exportation).



Des termes tels que «semi-capitaliste» ou «en transition vers le capitalisme» occultent la persistance du féodalisme et la position dominante du semi-féodalisme, aussi bien que les tâches fondamentales anti-impérialistes et anti-féodales de la révolution nationale démocratique à l'époque de l'impérialisme moderne et de la révolution prolétarienne.

Les Philippines ne sont pas du tout en voie de devenir pleinement capitalistes.

Aucune illusion ne peut être entretenue à ce propos.

La bourgeoisie nationale est enchaînée par l'impérialisme américain, et par la grande bourgeoisie compradore et la classe des propriétaires terriens.

Elle ne peut être libérée qu'ensemble avec les masses fondamentales du peuple.

Regardons de plus près la grande bourgeoisie compradore. Elle est le principal agent commercial et financier des Etats-Unis et des autres sociétés transnationales.

Au sein des classes exploiteuses locales, elle possède et contrôle les mécanismes commerciaux, financiers et autres les plus importants de ce que l'on appelle le secteur des services, qui ne sont pas les auxiliaires directs des sociétés étrangères.

D'après une étude faite par Doherty, environ soixante grandes familles compradores contrôlent la majorité des grandes banques et de ce que l'on appelle les institutions d'investissement.

Celles-ci sont toutes essentiellement des banques marchandes.

A travers les transactions d'import-export et les opérations de prêts, la grande bourgeoisie compradore amasse la richesse sous forme de profits commerciaux et d'intérêts, et draîne vers elle la plus grande concentration de capitaux venant de la plus-value produite dans le pays.

Avec les firmes multinationales, les firmes des grands compradores donnent les plus hauts salaires à leurs employés en «col blanc».

Mais les profits sont très élevés et le taux d'exploitation est de fait le plus élevé. Les profits ne sont pas seulement tirés de la productivité des employés mais de l'ensemble du système de production et de distribution dans le pays.

Les opérations d'import-export de la grande bourgeoisie compradore, en ce compris la vente de biens importés à des petits marchands, est un phénomène semi-féodal plus que capitaliste: un phénomène plus mercantile qu'industriel.

La grande bourgeoisie compradore et la classe des propriétaires terriens sont de proches alliés.

Beaucoup de grands compradores sont aussi de grands propriétaires de terres.

Ainsi, il est approprié de parler alternativement de la classe des grands compradores-propriétaires terriens.

Cette classe possède de vastes plantations.

Celles-ci sont après tout la source principale des exportations de matières premières. Les grands compradores s'assurent ainsi une base sûre d'approvisionnement et une source d'échange extérieur.

Ils ont été responsables de la pratique semi-féodale de location de journaliers à très bas salaires dans les plantations de sucre et de noix de coco.

Mais ils possèdent également des terres sur lesquelles ils exploitent un grand nombre de fermiers en percevant la rente foncière.

Bien sûr, les grands compradores ont de forts intérêts dans les entreprises qui traitent le sucre et la noix de coco, et dans d'autres grandes sources semblables d'exploitation comme certaines entreprises de transformations légères parmi les plus grandes et les plus profitables.

Mais de la façon la plus caractéristique, ils suivent les monopoles étrangers en s'opposant à l'industrialisation nationale et au développement d'une économie équilibrée.

Ce n'est que de mauvaise grâce et sous la pression d'une forte demande populaire et bourgeoise nationale pour l'industrialisation du pays qu'ils concèdent parfois plus d'attention à des entreprises de fabrication légère dépendantes de l'importation.

Et ils contrôlent les capitaux importés et les entreprises les plus profitables.

Ils donnent même au secteur industriel de l'économie un caractère féodal en empêchant l'installation à large échelle d'industries lourdes et de base.

Par leur position avantageuse, ils peuvent donner à leurs travailleurs de plus hauts salaires que la bourgeoisie nationale.

Mais le taux d'exploitation est bien plus élevé dans leurs entreprises parce que les profits, en rapport avec les salaires, sont bien plus élevés.

Quoiqu'il en soit, par rapport aux travailleurs des pays capitalistes, les salaires de leurs ouvriers sont de loin plus bas.

Le retard féodal ambiant fait naître une grande armée de réserve de travail, la source d'une force de travail bon marché pour les grandes entreprises compradores.

Plus que toute autre classe exploiteuse, les grands compradores contrôlent et utilisent l'Etat comme source de privilèges économiques et comme client important.

Les hauts fonctionnaires du gouvernement utilisent aussi leurs fonctions publiques pour s'insérer dans les opérations des grands compradores.

Ces grands bureaucrates capitalistes sont essentiellement de grands compradores.

Avec la protection de l'Etat fasciste ils tendent à monopoliser les contrats importants et à accumuler rapidement la terre.

Mais ils restent dans les limites de la classe des grands compradores et du système semi-féodal.

Il est juste de concentrer l'attaque sur les multinationales américaines, mais erroné de négliger les grands compradors, spécialement les compradors fascistes.

La plupart des transactions d'import-export passe par les grands compradors.

Même Westinghouse doit passer par la médiation de Disini et de Marcos pour vendre du matériel nucléaire au gouvernement philippin.

C'est une pratique courante d'utiliser les grandes entreprises compradores locales.

Les exportateurs et les importateurs philippins de quelque dimension qu'ils soient utilisent les banques des grands compradors.

La classe des propriétaires fonciers est toujours la classe dominante dans les campagnes des Philippines.

Elle est le support classique des rapports de production féodaux qui y persistent.

De la façon la plus évidente, elle possède de vastes étendues de terre et perçoit la rente sur les lopins assignés à la grande masse des fermiers.

Pour augmenter encore la plus-value qu'elle extrait, elle utilise d'autres méthodes d'exploitation, comme la location d'ouvriers agricoles, l'usure, les opérations marchandes, la location du matériel agricole et des animaux de trait, etc., qui peuvent être appelées des formes semi-féodales d'exploitation.

L'étendue de l'exploitation des grands propriétaires fonciers n'inclut pas seulement les fermiers mais aussi les paysans propriétaires pauvres et moyens et leurs ouvriers agricoles.

Ainsi, la contradiction économique n'oppose pas seulement les propriétaires terriens et les fermiers, mais les propriétaires terriens (ancien et nouveau style) d'une part, et les paysans (pauvres et moyens) et les ouvriers agricoles d'autre part.

Les méthodes semi-féodales d'exploitation accroissent la propriété féodale et les méthodes d'exploitation dont elles procèdent.

Il y a ainsi un rapport circulaire entre le féodal et le semi-féodal, en l'absence d'un développement industriel capitaliste ou socialiste.

Les propriétaires terriens d'ancien style qui perçoivent la rente des fermiers sont bien plus nombreux et possèdent bien plus de terres que les propriétaires de nouveau style qui louent les ouvriers agricoles.

Le féodalisme est un fait indubitable même si nous estimons au bas mot que 40 pourcent de toutes les fermes philippines sont louées.

En l'absence d'une réforme agraire véritable (à l'exception de la réduction de la rente courante et de la campagne anti-usure du mouvement révolutionnaire), prétendre que le taux de location a diminué à 39 pourcent en 1971 est absolument incroyable.

Il n'y a eu aucun développement quel qu'il soit pour réduire les 52 pourcent estimés en 1964.

Ce chiffre devrait être bien plus élevé maintenant, car les quelques ventes signalées de terres aux fermiers depuis lors ont été de loin devancées par l'accumulation de terres par les propriétaires terriens, spécialement sous la dictature fasciste - sans tenir compte de ses grandes prétentions de réforme agraire.

Une étude de Ernesto M. Valencia met en évidence que les estimations des taux de location par des chercheurs vont de 40 pourcent de toutes les fermes en 1979 (Aguirre) à 90 pourcent sur la base d'un échantillon de 14 provincesen 1972 (Ferguson).

La classe des propriétaires fonciers incluant ceux de l'ancien style (dont tous ne sont pas de grands compradores) rassemblait d'abord la somme la plus élevée de plus-value de l'ensemble du pays.

Ensuite, parce que les propriétaires fonciers sont extrêmement dépendant des fabrications importées, une grande partie de la plus-value produite est cédée à la grande bourgeoisie compradore et se transforme en capital pour les opérations d'import-export.

Plus avant encore, les impérialistes empochent leur part propre de la plus-value. Dans ce schéma, les propriétaires terriens sont subordonnés à la grande bourgeoisie compradore.

Des éléments semi-féodaux comme les propriétaires terriens de nouveau style, les paysans riches (la bourgeoisie rurale), les usuriers marchands et ceux qui louent le matériel agricole sont toujours soumis aux conditions féodales dans les régions rurales.

Ils sont incités à utiliser leur revenus de plus-value pour acquérir plus de terres et ne répugnent pas à avoir des fermiers.

Les possibilités pour mener des investissements non-agricoles sont extrêmement limitées.

Ainsi, les nouvelles familles de propriétaires terriens remplacent plus qu'en suffisance les anciennes en voie de désintégration.

La plupart des nouveaux propriétaires fonciers sont des héritiers féodaux de terres.

Un grand nombre d'entre eux confisquent aussi des terres dans les régions frontières aux dépens des paysans pauvres.

L'appropriation de la terre (même de la plus mauvaise terre) autorise la rente foncière absolue, et la rente différentielle n'est prise en considération qu'après cet acte féodal.

Aucun propriétaire foncier n'autorise l'utilisation de sa terre sans le payement de la rente. L'exaction de la rente foncière absolue est un fait de droit féodal fondé sur le monopole de la terre par les propriétaires fonciers.



Les paysans riches et la bourgeoisie rurale ne s'avancent pas sur la «voie royale» du procès de développement capitaliste.

Ils restent tels quels où se transforment en propriétaires fonciers remplaçant les vieilles familles dont les héritiers fragmentent et/ou vendent leurs terres.



Le nombre d'ouvriers agricoles augmente parce que l'accumulation de terres par les plus grands propriétaires devance l'expansion de la terre cultivée et parce que le système marchand détruit l'échange traditionnel et le système d'aide mutuelle des paysans.

Le capitalisme agraire et la mécanisation des fermes sont encore des facteurs mineurs.

Dans l'ensemble, le pays n'est pas encore au stade de développement dans lequel les fermes capitalistes en succession rapide convertissent les paysans en ouvriers agricoles et, partant, les éliminent ou réduisent leur rôle par la mécanisation agricole.

La plupart des ouvriers agricoles sont encore des paysans pauvres. Ils viennent des familles de fermiers pauvres ou de cultivateurs propriétaires qui comblent leurs déficits en vendant leur force de travail.

Dans la plupart des cas, ceux qui louent des ouvriers agricoles réclament d'eux qu'il apportent leurs propres outils manuels.

Quoiqu'il en soit, le nombre croissant d'ouvriers agricoles entre en conflit avec le nombre moindre d'emplois agraires et une moindre quantité de revenus, spécialement à cause de la concentration des récoltes d'exportation, des coûts prohibitifs et des risques de réinstallation.

Les sociétés agroalimentaires des propriétaires fonciers et les étrangères dépossèdent rapidement les pauvres paysans établis dans les marches.



Il y a au moins trois catégories d'ouvriers agricoles :

1. ceux qui sont toujours des paysans pauvres et la couche inférieure des paysans moyens possédant ou affermant de petits lopins, qui possèdent quelques outils simples mais vendent une part de leur force de travail comme ouvriers saisonniers ;

2. ceux qui ont été dépossédés de leurs outils et de leur terre et qui, complètement ou principalement, vendent leur force de travail ; et

3. ceux qui sont en transition vers le chômage complet et la pire forme de paupérisation, et qui doivent en conséquence émigrer vers les régions urbaines pour des travaux marginaux.

La troisième catégorie a considérablement augmenté sous le régime Marcos soutenu par les Etats-Unis.

Contrairement à ce qui s'est passé en Europe au XVème et XVIème siècles quand la phase manufacturière du capitalisme se développa pour transformer les surplus de travail en plus-value, l'entreprise manufacturière aux Philippines a même chuté depuis 1970 et est incapable d'absorber le surplus de travail croissant.

L'augmentation du nombre de travailleurs agricoles sans terre conduit à la révolution et au vagabondage plutôt qu'à un développement capitaliste complet.

Si les Philippines étaient sur le chemin du développement capitaliste industriel, la bourgeoisie pourrait en être le support classique.

Mais le fait est qu'elle est subordonnée tant à la grande bourgeoisie compradore qu'à la classe des propriétaires terriens dans une économie semi-féodale ; et la plus grande part de la plus-value produite se retrouve dans les mains de ces deux classes.

Aujourd'hui, les entrepreneurs moyens forment le noyau de la bourgeoisie nationale.

Ils possèdent et dirigent les entreprises manufacturières légères.

Certaines de ces entreprises s'inscrivent dans le procès principal des matières premières locales et constituent une base stable de la classe.

D'autres entreprises sont dépendantes des capitaux importés et sont plus vulnérables aux mesures monopolistes étrangères.

La bourgeoisie nationale est, à des degrés divers, dépendante de l'équipement importé, des produits manufacturés et semi-manufactures aussi bien que des matières premières, spécialement le combustible.

De telles entreprises, comme celles promues dans les années cinquante ont été soumises à une dure attaque menée à partir du système de pseudo-développement du «développement orienté vers l'exportation», de la libéralisation des importations (réductions et déplacements des droits de douanes et autres restrictions sur les importations de biens manufacturés et semi-manufactures), de la dévaluation, de la lourde taxation et d'autres politiques de ce type dictées par les monopoles étrangers et les grands compradores fascistes.

Ainsi qu'il se doit, les entrepreneurs locaux qui manufacturaient déjà certains produits tendent à protéger ces produits.

Les plus progressistes et ambitieux d'entre eux veulent une industrialisation nationale complète.

Mais il faut plus que l'esprit d'entreprise pour protéger les produits locaux et faire avancer l'industrialisation locale. Se débarrasser de l'ensemble des relations de la production semi-féodale implique la nationalisation du pouvoir politique.

La bourgeoisie nationale tire son profit en extrayant la plus-value de la masse de ses travailleurs.

Il y a une contradiction entre ces deux classes. Mais elles peuvent s'unir pour s'opposer au capitalisme monopoliste étranger.

La bourgeoisie nationale peut s'allier aux ouvriers, aux paysans et à la petite-bourgeoisie urbaine pour en finir avec la domination étrangère et féodale et accomplir une révolution nationale démocratique.



Le fait que les paysans et les ouvriers agricoles continuent à être la majorité des producteurs directs et que les ouvriers industriels sont une minorité qui se réduit encore, montre que l'économie des Philippines est loin d'être capitaliste.

Si la bourgeoisie nationale plutôt que la grande bourgeoisie compradore était la classe dominante, le prolétariat industriel moderne serait en expansion et finirait par constituer la majorité des producteurs directs.

Il devrait alors tendre à une révolution socialiste plutôt qu'à une révolution nationale démocratique.

En tout cas, le prolétariat industriel moderne est la force productive la plus avancée et le porteur de l’idéologie qui guide la révolution philippine.

C'est seulement dans un sens large et vague que nous pouvons parler d'une vaste classe ouvrière en prenant en bloc tous les salariés, comme les travailleurs industriels, agricoles et des services.

Dans le travail syndical, par exemple, nous ne nous limitons pas aux travailleurs industriels. Mais ils sont certainement le noyau de l'ensemble du mouvement syndical.

Dans l'analyse du mode de production, nous pourrions distinguer le prolétariat industriel moderne du reste des salariés si nous avions la possibilité de mesurer correctement l'étendue du développement capitaliste.

Jusqu'ici, la petite bourgeoisie n'a pas encore été discutée.

La petite bourgeoisie urbaine comprend les petits entrepreneurs, les petits marchands et l'ensemble des hommes de métier et techniciens indépendants ou salariés.

La plupart d'entre eux sont employés par le gouvernement réactionnaire et les entreprises impérialistes, grandes compradores et moyennes bourgeoises.

La petite bourgeoisie urbaine est la couche la plus basse de la bourgeoisie. En général, elle reçoit un revenu plus élevé et jouit d'une vie plus confortable que les masses exploitées.

Elle peut envoyer ses enfants à l'école et recevoir une formation professionnelle et technique sous une idéologie pro-impérialiste et grande compradore.

Mais par l'approfondissement de la crise de l'économie semi-féodale, elle se trouve de plus en plus exploitée et est attirée par le mouvement révolutionnaire des masses exploitées.

Parmi les économistes réactionnaires, il est de pratique courante de diviser le PNB par la population et de parler de revenu par tête d'habitant.

C'est une pure abstraction qui obscurcit le fait qu'un petit nombre seulement s'approprie la plus-value produite dans la société et que le reste reçoit un revenu de subsistance.

Le PNB inclut les surprofits des entreprises multinationales; les profits et les intérêts de la grande bourgeoisie nationale ainsi que la rente perçue par la classe des propriétaires terriens.

Normalement, quelque 8 pourcent seulement de la population locale reçoivent des salaires, des rémunérations et un profit assez grand pour leur permettre de jouir d'une vie confortable.

Ce qui est laissé pour les quelque 90 pourcent du peuple, à diviser en forme de salaires et de parts de récolte, est si petit qu'ils connaissent une vie de besoins et de misère.

3. En quoi consiste ce soi-disant projet de développement du régime proaméricain de Marcos ?

A-t-il quelque chose à voir avec l'industrialisation? Certains insistent sur le fait que les Etats-Unis ont industrialisé les Philippines depuis 1970 et même avant. Voulez-vous discuter cela ?

Le développement est un terme dont abusent beaucoup les impérialistes et les réactionnaires locaux.

Cela nécessite une clarification.

Développement économique à proprement parler signifie développement industriel pour un pays qui est sous-développé, agraire et semi-féodal.

L'industrialisation est le moteur et le facteur dirigeant du développement économique.

Elle doit être accompagnée d'une réforme agraire véritable ou d'une révolution agraire pour éliminer de la terre les obstacles féodaux et semi-féodaux, pour libérer la plus-value appropriée par les propriétaires terriens et les grands compradores, développer l'agriculture comme source d'alimentation et de matières premières, et créer un grand marché domestique principalement parmi la paysannerie et la classe ouvrière en croissance.

Ce doit être un développement large et équilibré d'industries lourdes, d'industries légères et d'agriculture.



Dans ce sens, les impérialistes américains n'ont pas de projet de développement pour les Philippines.

Ce qu'ils ont est un pseudo-projet de développement qui oppose l'industrialisation et la véritable réforme agraire, et aggrave le sous-développement de l'économie des Philippines.

Le principal résultat de la politique américaine a été de surcharger le pays d'emprunts étrangers et d'y investir directement de sorte que cela facilite la vente par les Etats-Unis de leurs achats de matières premières à des prix en diminution.



Si nous reprenons la politique économique américaine telle qu'elle est décrite à travers les rapports et les recommandations du Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale depuis le début des années soixante (quand les Etats-Unis décidaient d'utiliser la banque américaine d'Export-Import et leurs missions économiques comme canaux indirects de la politique économique qu'ils voulaient dicter), nous découvrons que la ligne de conduite imposée au gouvernement philippin a toujours été le «développement orienté vers l'exportation» et l'opposition à la revendication d'une industrialisation nationale.



Le «développement orienté vers l'exportation» a signifié avant tout la promotion de la production de matières premières pour l'exportation et son équipement en infrastructures, en matières agricoles, de transport, de stockage et autres facilités.

Pour compléter ceci, la production alimentaire a été également promue.

Et augmenter la productivité agricole par des capitaux importés est considéré comme bien plus important que la réforme agraire.

Les Etats-Unis, le Japon et les autres pays capitalistes fournissent l'approvisionnement pour la production et des biens manufacturés pour la consommation.

Le début des années soixante fut une période pendant laquelle les Etats-Unis s'attaquèrent aux entreprises de fabrication légère détenues par des Philippins et à la revendication d'industrialisation de la bourgeoisie nationale et du peuple.

Le contrôle des importations et du commerce extérieur qui avait favorisé et stimulé la croissance des entreprises de fabrication légère pendant les années cinquante a été démantelé.

La détaxation fut l'acte décisif pour abattre ce que les impérialistes américains considéraient être de l'outrecuidance de la part de l'élite philippine.

Le début des années soixante fut ainsi une période pendant laquelle les Etats-Unis offrirent quelques facilités au Japon et à d'autres pays capitalistes dans les Philippines et dans les autres marchés asiatiques.

Ainsi, pour surveiller le partage du marché, la Banque Mondiale devint plus active dans cette partie du monde et la Banque Asiatique de Développement fut créée.

Les pays capitalistes dévastés dans la Deuxième Guerre mondiale avait commencé à «déborder» avec leur production industrielle.

On pensa que le marché philippin pour les fabrication étrangères s'étendrait en même temps que le pays mettrait en oeuvre des programmes de construction d'infrastructures et accroitraît sa capacité de production de matières premières.



On s'attendait à ce que les entreprises dépendantes de l'importation dépérissent et que la protection des droits de douanes soit graduellement réduite et ensuite levée.

Les fabrications importées balayeraient ce que l'on appelle les entreprises de substitution d'importation, ou bien ces entreprises seraient absorbées dans des «joint-ventures» contrôlés par les sociétés multinationales.

Quoiqu'il en soit, la bourgeoisie nationale, à travers ses porte-parole nationalistes au Congrès et dans la presse se montrèrent pour un temps avoir du caractère, non seulement en résistant à l'annihilation économique complète mais aussi en empêchant la promulgation d'une loi d'investissement étranger favorable aux Etats-Unis.



Bien que le Président Macapagal ait rendu aux Etats-Unis un bon service en ouvrant la voie à une détaxation totale en 1962, il aurait été ensuite écarté pour n'avoir pas pu mener à bien une loi d'investissement.

A cette époque, les Etats-Unis étaient anxieux d'empêcher, pendant une décennie entière, la conclusion de l'amendement sur la parité et l'accord Laurel-Langley en 1974.

Ainsi, Marcos aurait reçu la bénédiction pour son remplacement.

Et dans la deuxième moitié des années soixante, il fut à même de promulguer les lois sur les stimulants aux investissements et sur les zones de transformations pour l'exportation.

Un relevé des formes d'investissements effectués par les Etats-Unis et les autres entreprises étrangères à n'importe quel moment depuis le début des années soixante jusqu'à maintenant montrerait qu'ils l'ont été dans le commerce, les banques, les fabrications dépendantes de l'importation, les mines, l'exploration pétrolière et l'agriculture.

Il n'y a pas eu de création d'entreprises lourdes et de base qui auraient pu développer significativement l'industrialisation locale.

Même le projet de Macapagal d'une aciérie intégrée à Iligan a été saboté par les créanciers étrangers japonais, spécialement ceux qui ont des intérêts dans l'acier, et par la présente administration.



Des entreprises orientées vers l'exportation étaient prévues dans la fin des années soixante avec le projet d'installation de la zone de transformation pour l'exportation de Bataan (BEPZ) et le Programme progressif de fabrication automobile (PCMP) ou le programme d'assemblage automobile. Le PCMP était la pièce centrale de cette tentative supposée d'industrialisation.



Avec f échec manifeste du programme d'assemblage automobile à la fin des années soixante-dix, ce fut au tour de la fabrication de produits finis dans l'électronique et dans la confection à être poussée à l'avant-plan.

Depuis la fin des années soixante, ce que l'on appelle la fabrication tournée vers l'exportation a été présentée comme le fer de lance de l'industrialisation.

La fabrication tournée vers l'exportation est un terme sujet à caution.

Il suggère que les Philippines transforment des surplus pour l'exportation.

Et Marcos et ses technocrates osent prétendre que les exportations manufacturées deviennent les plus importants revenus de l'exportation.

Mais en fait, comme il a été montré précédemment, celles-ci sont des réexportations qui ne produisent aucun revenu en dollars pour le pays, si l'on prend en ligne de compte le coût élevé des matières premières importées et de l'équipement, le prix de transfert, les remises de profit, les exceptions douanières et le coût élevé de la construction des infrastructures dans les zones de transformations pour l'exportation.



Le programme de «fabrication automobile» est sans doute la pire des «fabrications tournées vers l'exportation».

Il a seulement été un projet d'importations de pièces démontées et de voitures complètement assemblées pour tourner les barrières douanières, et pour vendre des voitures dans l'ensemble du pays, principalement aux administrations gouvernementales et aux entreprises privées qui ont largement utilisé les emprunts étrangers, autant qu'aux militaires qui ont reçu la part du lion des affectations gouvernementales et pompé une large part des emprunts étrangers déversés dans le pays.



Les «entreprises orientées vers l'exportation» sont extrêmement dépendantes de l'équipement importé, des produits finis, semi-manufactures et des matières premières.

Elles sont simplement un élément de la reproduction de la structure de base des échanges des matières premières philippines avec les entreprises manufacturières étrangères.

Une très grande part des produits de ces pseudo-entreprises de transformation est en fait vendue sur le marché philippin bien au delà des limites fixées par les règlements officiels.



Les Philippines ont été fortement dépendantes de l'exportation des matières premières dont les prix ont été constamment dépréciés pendant que les prix des transformations importées se sont élevés.

Cela a amené un énorme emprunt (de deux milliards de dollars en 1972 à 25 milliards en 1983), afin de rendre possible l'importation de biens de consommation et d'approvisionnement de la transformation légère ; et pour soutenir un programme de dépenses publiques folles à des fins non-industrielles : des routes, des ponts, des ports et des digues, des constructions militaires, du matériel nucléaire, géothermique et hydroélectrique, des complexes culturels, des hôtels de luxe et autres installations touristiques, etc.



C'était la mise en application de la notion néo-keynésienne de la Banque Mondiale sous McNamara, selon laquelle les emprunts des pays en développement et sous-développés comme les Philippines pourraient renflouer les pays capitalistes en récession.



En effet, ces pays ont été à même de vendre de nombreux équipements de construction et des aciéries, du matériel énergétique, des voitures, bateaux et avions, des ordinateurs et autres équipements de bureau, des appareils ménagers, des équipements agricoles et chimiques, de l'armement, etc.

Les sociétés multinationales, les bureaucrates capitalistes et les autres grands compradores ont ainsi créé le désastre.

Les Philippines sont exténuées par l'inflation et la dépression de leurs exportations.

Elles ne peuvent pas payer leurs dettes extérieures sinon en s'exposant à des dettes supplémentaires.



Qu'est-il advenu du «développement orienté vers l'exportation» ?

Le pays est devenu toujours plus dépendant des importations manufacturées.

Le déficit du commerce extérieur des Philippines a continué à augmenter. Le déficit commercial en 1982 était de 2,8 milliards de dollars, le déficit de la balance des payements de 1,135 milliard.

Le sous-développement de l'économie philippine a encore été aggravé.

Le déficit commercial de 1983 est de 1,736 milliard de dollars, celui de la balance des payements de 2,734 milliards.

De 1972 à 1983, les Philippines ont accumulé un déficit commercial total de 16 milliards de dollars.



En 1979, Marcos menaçait de lancer onze grands projets industriels et reconnaissait le manque d'industrialisation sous son gouvernement.

Après quatre années, il n'en a réalisé qu'un seul - une fonderie de cuivre - de capacité limitée, sur-tarifé à travers la médiation corruptrice des bureaucrates capitalistes et, le pire de tout, contrôlé par les intérêts japonais qui ont à protéger leur propres fonderies de cuivre nationales.

La fonderie de cuivre est un projet industriel symbolique qui ne peut pas changer le caractère de l'économie et subira probablement le même sort que le projet d'aciérie à Iligan de Macapagal dans les années soixante.



En tout cas, le «cartel» FMI-Banque Mondiale a déjà enjoint Marcos d'arrêter de parler de projets industriels majeurs et d'en rester à l'artifice du «développement rural» comme celui du Kilusang Kabuhayan at Kaunlaran (KKK).

Il y a toujours eu des fonds pour une infrastructure capitaliste intensive et des projets énergétiques, mais pas pour des projets industriels.

Le manque de capitaux est un argument contre l'industrialisation et, en même temps, pour laisser les investisseurs étrangers dans les zones de profit élevé et rapide de l'économie.



Les réactionnaires ne mènent pas à bien une véritable réforme agraire qui peut accroître le marché domestique, mais ils utilisent le marché limité comme argument contre l'industrialisation.

Ils prononcent des discours sur la nécessité d'un transfert de technologie, mais c'est seulement pour justifier les privilèges des investisseurs étrangers de détenir des entreprises dans le pays sur base du fait qu'ils détiennent la technologie (en ce compris la technologie la plus banale et même la simple apposition de la marque de fabrique).



Il y a aussi beaucoup de beaux discours contre le protectionnisme, en concordance avec les manuels américains.

Mais le but est de rendre acceptable la libéralisation des importations pendant que les exportations philippines sont sujettes à des mesures protectionnistes aux Etats-Unis et dans les autres pays capitalistes.

Marcos et les technocrates sont capables de dire n'importe quoi dans les forums ou les négociations, sauf à affirmer la souveraineté économique et la détermination du peuple philippin à accomplir son développement industriel.



Après tant de discours sur la «banque universelle» liée à l'industrialisation, il apparut que ceux-ci étaient simplement un stratagème pour que les compagnies complices pillent plus encore l'Etat et les banques privées et se transforment ainsi elles-mêmes en leur percepteur.

Avec la Banque Nationale des Philippines et la Banque de Développement des Philippines, la Compagnie Nationale de Développement qui est censée avoir en charge les projets industriels est débordée par des compagnies complices en faillite.



Les Philippines ne peuvent obtenir des emprunts supplémentaires qu'à des conditions de plus en plus onéreuses et sombrer plus profondément dans le piège de la dette.

Les maux fondamentaux de l'économie deviennent ainsi de plus en plus évidents.

Les Philippines sont obligées d'exercer des contraintes fiscales, de libéraliser les importations de bien manufacturés, de diminuer le peso, etc.

La crise de surproduction dans le système capitaliste mondial a démasqué de façon croissante la ligne américaine conséquente d'anti-industrialisation pour les Philippines.



4. Quelle est le motif de la reforme agraire ? Dans quelle mesure concerne-t-elle le problème de la terre ?



Les «Ibon Facts et Figures» (n°75) montrent que seulement 1.684 fermiers sur 1.538 hectares de riz et de blé ont payé complètement leur terre et obtenu les titres de propriété dans le cadre de la «réforme agraire» de Marcos à la fin de 1980.

Le nombre de fermiers devenus cultivateurs propriétaires est seulement de 0,04 pourcent du nombre total estimé des fermiers de toute les terres cultivables et 0,05 de tous les fermiers dans le cadre de la soi-disant «Opération de transfert des terres» (OLT).

Ce nombre insignifiant de propriétaires qui ont amorti totalement leurs terres consiste principalement en ceux qui ne sont pas des fermiers à temps plein ou qui ont des sources de revenus autres que leur ferme, telles que le travail étranger et urbain de quelques membres de leur famille.

Le plus drôle est qu'il faudra à Marcos deux millénaires pour émanciper tous les bénéficiaires de l’OLT envisagée sur les terres à riz et à blé. Et encore, le problème de la terre dans le reste du pays sera devenu plus grave. Bien sûr, cette vue de l'esprit néglige le fait qu'il y a un mouvement révolutionnaire croissant dans tout le pays.



Pour 1980, il y avait 113.704 fermiers sur 184.189 hectares de riz et de blé qui étaient supposés être devenus des «propriétaires par amortissement», c'est-à-dire qui ont commencé à payer pour leur terre en vertu d'un plan d'installation de 15 ans.

Ces fermiers constituent un petit deux pourcent du nombre de fermiers de toutes les terres arables ; et 28 pourcent de tous les fermiers qui recoururent au crédit pour se convertir en «propriétaires par amortissement».

La terre qui a été amortie est de 1,5 pourcent de toutes les terres cultivables, 2,7 pourcent de toutes les terres à riz et à blé, et de 25 pourcent de l'ensemble des terres à riz et à blé créditées pour expropriation par la Banque agraire.



Pour 1980, également, plus de 80 pourcent des «propriétaires par amortissement» firent défaut pour 80 pour-cent de la somme totale des payements dus.

Les manquements sont dus au prix élevé de la terre (qui n'est pas moindre que le prix du marché courant et est souvent basé sur des chiffres de production gonflés), aux dettes passées et courantes, aux diverses exactions telles celles pratiqués sous les Samahang Nayon et Masagana 99, les carences des récoltes, les coûts de production et de subsistance en augmentation, et la politique gouvernementale de compression des prix des produits agricoles.

Les fermiers, en ce inclus les «propriétaires par amortissement», vendent maintenant leurs droits de location à cause de leur endettement vis-à-vis des usuriers.



Une façon d'évaluer le poids colossal des «réalisations» de Marcos dans la réforme agraire est de comparer les 1.684 fermiers sur 1.538 hectares (0,9 hectare par fermier, fort loin des 3 hectares irrigués ou des 5 hectares non-irrigués promis par P.D.27) aux 267 entreprises agricoles des compagnies agro-alimentaires qui ont acquis 86.017 hectares dans le même temps sous l'Ordre Général 47.



Le nombre d'hectares acquis par les «propriétaires par amortissement» qui ont réussi, est bien moins élevé en comparaison de l'ensemble de la terre transférée aux fascistes par les propriétaires terriens dépossédés, les cultivateurs propriétaires, les paysans et les minorités.

Le «programme d'infrastructure» la menace d'expropriation sous le programme de «réforme agraire» et le contrôle des banques ont permis aux fascistes d'amasser la terre. Les fascistes achètent la terre à bon marché aux propriétaires terriens déchus et la confisquent aux paysans et aux minorités sur des terres sans titre de propriété.



L'illusion de la réforme agraire est encore conjurée par la conversion formelle de quelques centaines de milliers de fermiers cultivant le riz et le blé en soi-disant locataires à bail qui restent des fermiers dans les régions où il n'y a pas encore de mouvement paysan armé.

Ces locataires à bail sont obligés de payer une rente fixée à 25 pourcent de la récolte annuelle moyenne de trois années de récolte «normales» (les meilleures) qui précèdent l'accord de location à bail.

Les fermiers sont simplement obligés de livrer la rente fixée, sans égard à la récolte effective.

Le système a été imaginé comme une mesure de contre-insurrection.

Mais il a été vaincu de différentes façons par les paysans révolutionnaires.

Dans le vieux système de fermage, le partage habituel de moitié était fondé sur la récolte effective certifiée par des surveillants ou par le propriétaire terrien résidant lui-même.



Les propriétaires fonciers assurent l'exaction d'une rente plus élevée à rencontre des fermiers sous le système d'une rente fixe en décrétant des chiffres falsifiés de production élevée comme base de l'accord de location à bail. Ils sont amenés à agir ainsi par peur qu'ils soient expropriés de leurs terres et que le rapport de la récolte annuelle moyenne soit utilisé comme base du prix de la terre.



Le système de rente fixe est ainsi biaisé aux dépens des fermiers de telle sorte que, lorsqu'une mauvaise récolte survient (ce qui se produit au moins une fois tous les trois ans), ils demandent aux propriétaires terriens de revenir à l'ancien système de partage de la récolte.

Le système de rente fixe a été instauré comme une contre-mesure de l'évaluation de la part de récolte des fermiers opérée à l'insu des propriétaires terriens.



Tous les paysans produisant du riz et du blé de statut pauvre et moyen sont sévèrement victimes de la politique de la dictature fasciste qui consiste en la compression des prix de leurs produits alors que les coûts de production et de subsistance en viennent à augmenter rapidement.

Il y a eu augmentation de la production de riz, mais le revenu des paysans a été réduit par les prix croissants des capitaux importés.

Les petits et moyens cultivateurs propriétaires se sont enfoncés plus profondement dans l'endettement et la faillite. Ils n'en ont pas moins été spoliés par l'Etat et par les grands compradores, les propriétaires terriens, les paysans riches et les usuriers marchands.

Quelques paysans ne semblent avoir bénéficié de Masagana 99 dans les années soixante-dix que parce qu'ils ont évité de rembourser les emprunts.

Les emprunts sont en fait usuriers, en dépit de leur taux d'intérêt supposé bon marché.

En plus de l'intérêt et des charges du service, il y avait aussi le prix largement surfait des approvisionnements, les salaires samahang nayon, l'argent de complaisance versé pour les dépenses qui s'ensuivent, etc.

Quand ceux-ci ont été défalqués ou le payement réclamé, les paysans débiteurs qui tentent de payer leurs emprunts se trouvent eux-mêmes en difficulté financière.



A l'ombre des banques impérialistes et des fournisseurs multinationaux, les compradores fasciste ont été les plus grands prédateurs locaux.

Ils ont surévalué le prix de la construction des installations d'irrigation et d'autres infrastructures pour augmenter leur part.

Ainsi, les coûts de l'irrigation et l'imposition ont rapidement augmentés. Ils ont appâtés les paysans avec les variétés miracles de riz et les engrais importés, dont ils monopolisent le commerce local.

Les prix de ces investissements ont été augmentés brutalement.

Et cependant les prix du riz et du blé sont comprimés par les décrets fascistes.



Les sociétés agro-alimentaires ont attiré des paysans producteurs de riz et de blé à rentrer avec eux dans des entreprises agricoles.

Ces paysans ont été réduits au statut d'ouvriers agricoles et dupés dans les décomptes des revenus et des dépenses.

Des charges excessives sont retenues pour les emprunts, la gestion, les machines, les produits chimiques, l'irrigation, etc.

Les paysans se retrouvent eux-mêmes de plus en plus enfoncés dans l'endettement et la perte des droits de fermage et de propriété au profit de ces sociétés agro-alimentaires.



Les paysans et les ouvriers agricoles dans l'agriculture orientée vers l'exportation ont terriblement souffert des prix dépréciés de leurs récoltes.

Les fermiers sont ici hors de portée de la prétention officielle de la réforme agraire et sont souvent empêchés de cultiver le riz ou le blé.

Les ouvriers agricoles sont les plus grandes victimes des conditions de chômage et de sous-emploi.

Les cultivateurs propriétaires vont à la faillite.

Même les propriétaires terriens déchus et qui ont des difficultés à obtenir des emprunts ou à les rembourser sont contraints de vendre leurs terres à des propriétaires fonciers au pouvoir à des degrés variés de la hiérarchie fasciste.



Dans les régions frontières, les propriétaires fonciers d'ancien et de nouveau style (Philippins et étrangers) obligent les paysans et les minorités nationales à devenir des producteurs sous contrat, des fermiers ou des ouvriers agricoles, ou encore à quitter leur terre par la force.

Baux de pâturage, «palayang bayan», fermes industrielles, cultures intensives, «développement agro-industriel» et campagnes de contre-insurrection sont les prétextes et moyens utilisés pour l'acquisition de grandes terres labourées ou non dans les marches.

Une réinstallation spontanée et une agriculture sauvage ont déjà été stoppées par les propriétaires fonciers comme moyens de subsistance des cultivateurs sans terre.



Le problème de la terre s'est aggravé sous la dictature fasciste. De 1970 à 1980, la terre cultivée s'est encore étendue de 8,9 millions à 12 millions d'hectares.

Le taux annuel de 3,5 pourcent d'expansion des terres cultivées gagne de vitesse le taux de croissance de la population qui est de 2,6 pourcent de 1975à 198O.

Mais le taux d'accumulation de la terre par les propriétaires terriens dépasse continuellement le taux d'expansion des terres cultivées.

On peut s'attendre cependant à ce que le régime réduira drastiquement sur le papier le taux de fermage.

S'il pouvait le faire pour la période 1960-1970, il n'y a pas de raisons qu'il ne le fasse pas encore pour la période 1970-1980, parce que ses prétentions à mener à bien l'ensemble du programme de «réforme agraire» avaient été extrêmement déraisonnables.

Quoiqu'il en soit, l'aggravation du problème de la terre a rendu le terrain bien plus propice à la révolution.

La réforme agraire simulée a seulement exacerbé le problème de la terre bien plus qu'elle ne l’a réduit.



5. Est-ce que la «production orientée vers l'exportation» industrialise le pays et lui permet de dépasser l'échange de type colonial entre matières premières et produits manufacturés étrangers ?

Certains défendent l'idée que c'est effectivement le cas.

Comment les industries dites «orientées vers l'exportation» se comparent-elles aux industries de substitution à l'importation des années 1950 ?



Pour que le pays puisse s'industrialiser, il devra créer des industries lourdes et de base. «La production orientée vers l'exportation» - production automobile, confection, électronique - ne comporte que le traitement partiel et marginal ou le simple assemblage de pièces importées.

On pourrait appeler cela de la pseudo-production. Les travailleurs se limitent à de la manipulation, même pas de la production.

La couture et la broderie, l'assemblage de pièces déjà manufacturées, le garnissage, la cordonnerie et d'autres activités semblables sont des activités artisanales pratiquées de longue date dans le pays.



Seuls quelques dizaines de milliers de travailleurs sont actifs dans les usines.

Un bien plus grand nombre de travaux sont distribués à des femmes pauvres des régions rurales et urbaines, qui travaillent à domicile. Les travailleurs dans leur propre village sont payés aux pièces, à des tarifs encore plus bas.

Les paysannes utilisent le temps libre qui leur reste, après leurs activités agricoles, pour réaliser leurs «manufactures».

Ils reçoivent de petites sommes d'argent et ne calculent aucunement les frais de loyer, d'installation d'usine, d'assurances, d'intérêts, etc. qu'ils permettent ainsi aux multinationales et aux grands compradores de réaliser - en plus du fait qu'ils vendent pour un prix insuffisant leur force de travail.

Il existe une conception erronée affirmant que «les industries orientées vers l'exportation» permettent un transfert de technologies, et encouragent, par conséquent, l'industrialisation.

Mais, justement, les activités de base et centrales sont absentes du pays. Ce ne sont pas les «industries orientées vers l'exportation» qui incitent la Banque Mondiale à décrire des pays comme Taiwan, la Corée du Sud et le Brésil comme étant des «pays nouvellement industrialisés», mais bien certains éléments d'industries lourdes et de base que l'on peut y trouver.



Les Etats-Unis, au moyen de l'équipe FMI-Banque Mondiale, a maintes fois insisté sur le fait que les Philippines devaient se concentrer sur le «développement rural», et non sur des «projets industriels majeurs», même si ceux-ci n'étaient que des éléments limités d'industrialisation, contrôlés par les multinationales, comme le proposait Marcos.

La crise du système capitaliste mondial est telle qu'aucun fonds ne peut être rassemblé pour les réaliser.

Pourquoi les Etats-Unis et les autres grands pays capitalistes industrialiseraient-ils les Philippines, alors qu'ils veulent tous vendre leurs produits industriels à l'étranger, utiliser leurs capacités industrielles inactives et mettre au travail leurs chômeurs ?



Marcos n'ira pas loin au-delà de sa fonderie de cuivre de capacité limitée, contrôlée par les Japonais. Même les «industries orientées vers l'exportation» sont étroitement liées par les mesures protectionnistes des pays capitalistes.

Et les «industries de substitution à l'importation» sont dans une situation pire encore.



Les «industries orientées vers l'exportation» ne peuvent pas industrialiser les Philippines, ni leur permettre de rompre avec l'échange de type colonial entre matières premières et produits manufacturées.

Ces industries facilitent la pénétration aux Philippines des produits manufacturés et encouragent la sur-dépendance du pays envers la production pour l'exportation de matières premières.



Les «industries orientées vers l'exportation» sont des leurres, non seulement pour exploiter de la main d'oeuvre philippine à bon marché, au cours de processus de production intégrant beaucoup de main-d'oeuvre, mais aussi pour contourner les barrières douanières et pénétrer sur les marchés locaux.

Une grande partie des «manufactures» sont vendues sur le marché local.

Le soi-disant programme de production de voitures est un simple prétexte pour éviter de payer des droits douaniers élevés frappant les voitures, en important une certaine proportion de voitures démontées ou complètement assemblées.

L'assemblage des pièces démontées est présenté comme de la production.

Toutes ces voitures sont vendues sur le marché local, à des prix plus élevés que celles qui sont vendues à l'étranger, sous prétexte que la «production» locale est plus coûteuse.



Comparons maintenant les «industries de substitution à l'importation» aux «industries orientées vers l'exportation». Toutes deux sont dépendantes de l'importation d'équipements, de pièces manufacturées et de matières premières, et ne peuvent aboutir à l'industrialisation.

«Les industries orientées vers l'exportation», sont beaucoup plus dépendantes des importations, et ne peuvent, par conséquent, aucunement encourager l'industrialisation locale. Ces industries mettent également en oeuvre un éventail plus étroit de produits, alors que les «industries de substitution à l'importation» comportaient une gamme plus large de produits et plus de transformations, et pourraient facilement s'intégrer aux industries lourdes et de base, si celles-ci étaient créées.



Les «industries orientées vers l'exportation» ne créent beaucoup d'emplois qu'en apparence.

En fait, ils procurent des emplois en usine seulement pour un petit nombre d'ouvriers.

Par contre, les «industries de substitution à l'importation», qui effectuent une large gamme de productions pour le marché local, ont produit beaucoup d'emplois industriels stables, et ont permis aux Philippines d'être classées première en termes de développement dans le Sud-Est asiatique, au cours des années '50 et '60.

Par suite de l'impact négatif du préjugé officiel à rencontre de l'industrie légère, produisant pour le marché local, les Philippines, ainsi que l'Indonésie, sont maintenant tout en bas de l'échelle des pays économiquement à la traîne du Sud-Est asiatique.



Les «industries orientées vers l'exportation» constituent une charge bien plus lourde pour le commerce extérieur. Les coûts d'importation en équipements et en matières premières constituent de 60 à 92 pourcent de la valeur des vêtements et de l'électronique pour la ré-exportation.

Il y a beaucoup de prix de transfert, en plus de la restitution ouverte de profits, de rapatriements de capitaux, des paiements de dettes, de salaires pour les cadres, de royalties, etc. Le gouvernement a été obligé d'accorder des exemptions de droits de douane et a dépensé une grande partie des sommes empruntées pour aménager les zones de production pour l'exportation.



Les Philippines ne gagnent rien grâce au commerce extérieur, mais subissent de lourdes pertes sur la réexportation de vêtements et de fabrications électroniques, contrairement aux affirmations de Marcos et de ses technocrates, qui disent que ces exportations permettent d'effectuer des gains importants.

Ils ne font qu'examiner, de façon unilatérale et non-critique, l'aspect «revenu» de la balance du commerce extérieur concernant ces réexportations.

Les exportations de matières premières traditionnelles sont encore, et de loin, les produits d'exportation qui rapportent le plus. En 1981, on exporta des produits électroniques pour une valeur de 313 millions de dollars, mais le prix des importations de matériaux et d'accessoires fut de 287,7 millions de dollars.

Un gain, par conséquent, de 25 millions de dollars seulement.

Les prix d'importation s'élevaient à 92 pourcent de la valeur exportée.

Ceci, toutefois, ne représente pas encore le gain en commerce extérieur, car de cette somme devront être déduits les profits à restituer, les intérêts sur les prêts, le capital à rapatrier, etc. par les multinationales étrangères.



En 1982, les usines de confection sont supposées avoir exporté pour 450 millions de dollars de vêtements, mais le coût seul des matières premières importées, pour être transformées en vêtements, s'élevait à 350 millions de dollars.

Par conséquent, seuls 100 millions de dollars, 22 pourcent, représentent les gains résultant du commerce extérieur, avant déduction de la dépréciation de l'équipement importé, des profits rapatriés par les propriétaires étrangers des usines de confection, etc.



Les «industries orientées vers l'exportation» sont maintenant en train de disparaître, par suite des réductions de quotas et autres mesures protectionnistes imposées par les pays capitalistes.

Ces industries ferment facilement leurs portes, sans encourir trop de pertes.

Leurs usines et leurs équipements sont fragiles et surévalués, afin de faciliter les prix de transfert.

Dans le monde entier, elles ont la réputation d'être des «industries baladeuses», car elles peuvent facilement aller et venir, sans être retenues par des investissements substantiels en capital.



Toutefois, les industries légères produisant pour le marché local connaissent des problèmes encore plus graves.

Elles sont écrasées par la libéralisation des importations, la dévaluation, la privatisation ouverte de prêts étrangers, etc.

Depuis 1979, le nombre d'attaques commerciales impérialistes a rapidement augmenté.

Dans les années '70, de nombreuses industries de substitution à l'importation parvenaient à survivre, tandis qu'affluaient de nombreux prêts venant de l'étranger, et que les multinationales se concentraient sur la vente de matériaux de construction, d'acier de charpente, de véhicules, de centrales produisant de l'énergie, d'ordinateurs, d'outils, etc.

Mais au cours des années 1980, la crise économique et financière du système capitaliste mondial est telle que les bailleurs de fonds étrangers et les sociétés multinationales supportent encore moins bien les soi-disant «industries de substitution à l'importation».



6. Y a-t-il quelque vérité dans ce que certains affirment avec insistance, à savoir que les Etats-Unis et le régime de Marcos réalisent véritablement l'industrialisation et la réforme agraire néocoloniale, dans le but de faire du pays une néo-colonie industrielle moderne et de dissiper le malaise social ?

On proclame que la «production orientée vers l'exportation» transforme le pays en une base industrielle des Etats-Unis et des multinationales.

Certains disent que les Philippines sont déjà un «pays nouvellement industrialisé». D'autres, que c'est déjà un pays capitaliste.

Quelles sont les implications de ces affirmations, en ce qui concerne le mouvement révolutionnaire ?



Comme cela a été illustré par les faits déjà cités, les Etats-Unis et le régime Marcos sont en train de réaliser une politique de contre-industrialisation.

Ce qui se déroule n'est pas une industrialisation néo-coloniale mais une anti-industrialisation néo-coloniale.

L'on ne peut ignorer le fait principal, à savoir que les créditeurs impérialistes (FMI, Banque Mondiale, Asian Development Bank, banques privées), les Etats-Unis et les multinationales poussent à l'importation de produits manufacturés et rendent le pays plus dépendant en ce qui concerne la production de matières premières pour l'exportation.

Ainsi, les Philippines se trouvent surchargées de dettes extérieures, attardées sur des projets non-industriels, orientés vers la consommation.



Le gaspillage d'immenses ressources financières a encore éloigné le pays de la réalisation d'industries lourdes et de base, aggravant son sous-développement.

Ces fonds ont été consacrés à des routes trop onéreuses et de qualité inférieure; des ponts et des ports; des hôtels 5 étoiles, des palais privés et des bureaux et immeubles pour bureaux; des équipements de bureau de luxe, une «armada» de véhicules pour des fonctionnaires du gouvernement; la multiplication d'une bureaucratie centralisée parasitaire et de l'armée, etc.

Ils auraient pu servir à industrialiser le pays de façon complète et approfondie.

En lieu de quoi, les projets réalisés constituent une charge supplémentaire pour le peuple, dans le cadre du sous-développement.



L'exportation impérialiste de surplus de capitaux (investissements directs et prêts) a tourné autour de l'exportation de biens industriels en surplus de toutes sortes, à l'exception des équipements qui nous auraient permis de produire notre propre équipement industriel (biens de production).

La soi-disant production orientée vers l'exportation n'est rien d'autre qu'un faux-semblant de production, d'envergure limitée, laquelle, comme nous l'avons déjà dit, ne saurait industrialiser le pays.

A part le fait dé profiter, dans une certaine mesure, de la main d'oeuvre locale à bon marché, pour des processus de production mineurs, mais utilisant beaucoup de main-d'oeuvre, le but des multinationales qui établissent ce genre d'entreprises est de circonscrire les barrières douanières et d'exploiter le marché local.



La soi-disant production orientée vers l'exportation a également été utilisée depuis quelque temps comme outil de propagande, pour créer l'illusion de l'industrialisation. Jusque dans les années récentes, la «production orientée vers l'exportation», liée à la production se rapportant à la construction (ciment, fabrications métalliques, transformation du bois etc.) était utilisée pour gonfler les indices de production du PNB.

En même temps que le resserrement du crédit étranger, la part de la production et de l'industrie dans son ensemble s'est rétrécie. Sous ce régime, la production et l'industrie dans son ensemble ont effectivement diminué, en termes de produit réel net et d'emplois.



En ce qui concerne les projets industriels qui ont été proposés sérieusement ou non par Marcos, depuis 1979, et par l'ASEAN, depuis 1975, la Banque Mondiale et les multinationales américaines et japonaises leur ont fait systématiquement obstacle.

Malgré l'invitation faite aux monopoles étrangers pour investir dans ces projets et les contrôler, ils ont insisté continuellement sur le fait que le marché local était trop étroit et qu'ils pouvaient le fournir plus qu'efficacement à partir de leurs usines situées ailleurs, principalement dans leur pays d'origine.



Même si l'on avait réalisé les deux projets industriels proposés, ceux-ci n'auraient été rien d'autre que des semblants d'industrialisation, permettant de qualifier les Philippines de «pays nouvellement industrialisé».

Mais l'argument majeur utilisé maintenant contre ces projets par les créditeurs et les multinationales, est que les Philippines ne peuvent pas se les payer et ne peuvent pas obtenir des investissements étrangers et des prêts pour les réaliser.



En ce qui concerne la réforme agraire, le régime proaméricain de Marcos lui-même admet qu'il n'a pas résolu le problème de la terre, bien qu'il se vante d'avoir accompli plus qu'aucun des régimes précédents.

Mais il faut souligner que le régime actuel a aggravé le problème de la terre.

Effectivement, il a fait de plus grandes promesses et de plus grandes proclamations, et de plus importants semblants de réforme agraire qu'aucun régime précédent.

Mais tout ceci est relégué dans l'ombre par le transfert incontrôlé et massif de terres vers un nouvel ensemble de propriétaires terriens au pouvoir.

L'expansion nationale et l'intensification de la guerre du peuple s'appuyant principalement sur les masses paysannes, est la preuve flagrante de l'intolérable aggravation du problème de la terre.

Si une authentique réforme agraire avait été entreprise par le régime, le Parti Communiste des Philippines et la Nouvelle Armée du Peuple n'auraient pas trouvé un terrain si fertile pour la révolution armée.



Il n'y a ni réforme agraire ni industrialisation en cours pour dissiper le malaise social, comme le proclament certains pseudo-révolutionnaires. Ce qui est en cours, en fait, est l'intensification de l'exploitation et de l'oppression fasciste, étrangère et féodale.

La révolution nationale-démocratique des larges masses va de l'avant.



A la fin des années '60, les patriarches Lavaites adoptèrent activement la ligne qui proclamait que l'impérialisme américain avait pris des mesures sérieuses pour industrialiser le pays et effectuer la réforme agraire, à partir des années '50.

Ils adoptèrent cette ligne pour expliquer que «les réformes économiques» inspirées par les Etats-Unis», et non les erreurs des dirigeants Lavaites, avaient causés la défaite du mouvement révolutionnaire armé dans les années '50 ; et pour s'opposer à la ligne révolutionnaire qui étaient en train de se développer fin 1960.



Par la suite, les patriarches trouvèrent un porte-parole crédule, qui s'attela à la tâche de diffuser la ligne affirmant que la lutte armée serait encore plus futile fin 1960 et après, parce que le régime Marcos et les Etats-Unis étaient, soi-disant, encore plus décidés à industrialiser les Philippines et à réaliser la réforme agraire.

Depuis lors, le dit porte-parole ne s'est jamais lassé de ressasser cette ligne, mélangeant de façon brouillonne des données pseudo-marxistes avec des proclamations absurdes de la Banque Mondiale, des multinationales et des technocrates, concernant la «restructuration économique» aux Philippines.



Suite à leur capitulation ouverte devant le régime Marcos en 1974, les Lavaites se sont à tel point embourbés dans leur collaboration avec les fascistes, qu'ils sont devenus encore plus aveugles à des faits aussi évidents que l'opposition du régime pro-américain de Marcos à l’industrialisation et à la réforme agraire ainsi qu'à la croissance cumulative, dans tout le pays, du mouvement révolutionnaire de masse.



Les Lavaites prétendent que les Philippines s'industrialisent déjà et, en même temps, protestent parce que les multinationales possèdent et contrôlent les entreprises et emploient un nombre croissant de travailleurs Philippins.

Après quoi, les Lavaites se consolent mutuellement, en espérant que le prolétariat en développement leur tombera éventuellement dans les bras, et, qu'un jour, ils en remontreront à Marcos et aux Etats-Unis, en retournant subitement le prolétariat contre ces derniers, au cours d'un soulèvement urbain, à la manière de la révolution russe de 1917.

Ils oublient que, en ce qui concerne l'expérience des Bolcheviks et du peuple russe, la lutte se dirigea vers la campagne durant une longue période.



Les mêmes instances Lavaites surestiment «l'industrie orientée vers l'exportation» et les pseudo-réformes agraires, comme cause du progrès et de l'augmentation de l'importance du prolétariat moderne.

Ainsi, même sans la présence symbolique d'industries lourdes et de base, comme à Taiwan ou en Corée du Sud, le porte-parole Lavaite ne s'est pas gêné pour proclamer, surpassant même la Banque Mondiale, que les Philippines sont «un pays nouvellement industrialisé».



Il y a ceux qui proclament que les Philippines sont déjà capitalistes, parce que la classe ouvrière est supposée être déjà majoritaire.

Ils font un amalgame avec tous ceux qui sont classés comme étant des travailleurs industriels, dans les services et dans l'agriculture, obscurcissant les différences importantes entre ces catégories.

Ils ne perçoivent pas que même les travailleurs industriels sont, aux Philippines, rattachés principalement à l'industrie légère, dépendante de l’importation, en l’absence d'industries lourdes et de base.



La ligne à laquelle se tiennent les Lavaites consiste à affirmer qu'une guerre populaire prolongée, s'appuyant principalement sur la paysannerie, est hors de question.

Ils centrent donc tous leurs espoirs sur une classe ouvrière qui est supposée en rapide expansion, suite à un processus imaginaire d'industrialisation.

Mais, malheureusement pour eux, les Lavaites sont honnis par la masse des travailleurs, par suite de leur collaboration avec le régime.



Tous les efforts des Lavaites pour justifier leurs échecs successifs et, pire, leur collaboration avec le régime fasciste, se sont montrés tout à fait inutiles.

Même les théoriciens soviétiques ont paru mal à l'aise et perturbés par le fait que les Lavaites concédaient que les Etats-Unis et le régime Marcos effectuent l'industrialisation du pays, car ceci va à rencontre d'une offre soviétique faite au régime, proposant un «développement non-capitaliste».



7. On dit que «l'industrialisation néo-coloniale» ne saurait être arrêtée, et quelle serait déterminée par une «nouvelle division internationale du travail» (NDIT) et une «internationalisation du capital», qui entraînerait les pays capitalistes à se concentrer sur le développement d'industries à haute technologie, demanderait une grande concentration de capital, transférerait les industries exigeant beaucoup de main-d'oeuvre vers les pays en voie de développement, permettrait ainsi à ces pays de s'industrialiser, et de rompre avec l'échange de type colonial : exportation de matières premières et importation de produits manufacturés.

Comment mettre ceci en relation avec la théorie de Lénine sur l'impérialisme moderne et les faits se produisant dans le système capitaliste mondial actuel ?



Il y a une limite au transfert de processus de production exigeant une forte concentration de main-d'oeuvre vers les pays en voie de développement. Les pays capitalistes ne prennent pas d'eux-mêmes l'initiative de transférer des processus de production exigeant une forte concentration de main-d'oeuvre ou des industries vers les pays en voie de développement, au point d'industrialiser ces pays, et de se priver ainsi de marchés réceptifs de leurs surplus de produits, et de sources de matières premières à bon marché.



Aux Etats-Unis et dans d'autres pays capitalistes, on trouve le processus objectif d'accumulation constante et rapide du capital. Les processus exigeant beaucoup de main d'oeuvre sont en voie d'automatisation.

En même temps, les dirigeants économiques et politiques des pays capitalistes souhaitent, de façon subjective, pouvoir faire face à leur chômage.

C'est pourquoi le transfert des processus de production demandant une forte concentration de main d'oeuvre vers les pays en voie de développement ou les pays sous-développés est extrêmement limité, et ne peut, quels que soient les efforts de l'imagination, mener au développement industriel de ces pays.



Si les pays capitalistes permettaient aux pays en voie de développement de s'industrialiser, la crise de surproduction capitaliste s'aggraverait de façon bien plus accélérée.

La pratique habituelle du capitalisme monopoliste, confronté avec des pertes ou un taux de profit rapidement décroissant, est de réduire la production ou de se débarrasser de ses usines moins performantes, afin de favoriser des unités plus efficaces, plutôt que de permettre aux pays en voie de développement, ou sous-développés, d'acquérir leur propre potentiel industriel.



Le capitalisme monopoliste étranger craint et combat de façon constante toute réduction de leurs marchés d'outre-mer, tout particulièrement parce que leurs industries à technologie développée emploient peu de main-d'oeuvre.



Prenons, par exemple, l'industrie sidérurgique, qui est tellement importante dans le processus de développement. Les Etats-Unis préféreraient immobiliser ou démanteler nombre de leurs usines sidérurgiques que de les voir transplantées vers les pays en voie de développement ou sous-développés.

Les usines sidérurgiques accordées à quelques pays, tels que Taiwan, La Corée du Sud ou le Brésil, le sont en nombre symbolique, et leur capacité de production est limitée, tandis que leur fonctionnement est lié pieds et poings à la nécessité d'être continuellement alimenté par un grand nombre de produits sidérurgiques de base ou spéciaux venant des pays capitalistes, pour une grande gamme de projets de construction.



Un petit nombre de projets symboliques ont été concédés par les Etats-Unis et d'autres pays capitalistes à un très petit nombre de pays en voie de développement uniquement parce que la demande de ces derniers était forte et non par suite de la bonne volonté de ces premières.

Tant qu'ils le peuvent, les pays capitalistes manoeuvrent pour limiter les projets industriels et les lier à la même finalité : extraire un maximum d'avantages pour leurs industries locales.



Les Philippines sont un bon exemple d'un pays sous-développé qui est tenu de n'avoir qu'une industrie légère dépendante des importations.

Et elles ont même été obligées de se retirer d'une grande gamme de productions servant les besoins locaux, et d'opter pour des activités industrielles plus fragiles, produisant quelques marchandises vouées à l'exportation, les multinationales dominantes voulant fournir des produits entièrement finis pour le marché philippin.

Ce point semble échapper à ceux qui proclament qu'il existe une industrialisation néo-coloniale dans ce pays.



L'impérialisme moderne cesserait d'être ce qu'il est s'il avait la volonté d'industrialiser les pays en voie de développement. Le projet principal des impérialistes est toujours de fournir des produits manufacturés aux pays sous-développés et en voie de développement, en échange de matières premières peu coûteuses.

L'exportation de capitaux en surplus sous forme d'investissements directs et indirects, sert l'échange inégal de surplus manufacturés venant des pays capitalistes contre les matières premières des pays en voie de développement.



Les impérialistes dérivent leurs surprofits de l'échange inégal, des investissements et des prêts relevant de cet échange.

Si cet échange est appelé «colonial», c'est qu'il trouve ses origines dans l'époque coloniale.

Cela ne signifie pas que son importance se dissout sous l'impérialisme moderne.

Celui qui utilise le terme «néo-colonialisme» comme synonyme d'impérialisme ne doit pas être amené à conclure erronément que les formes coloniales d'échange ont été remplacées par quelque chose comme «l'industrialisation néo-coloniale».



Les faits, pris dans leur entièreté et leurs déterminants, n'indiquent pas que les pays capitalistes ont entrepris d'initier une «nouvelle division internationale du travail», permettant aux pays en voie de développement de s'industrialiser et d'abandonner leur soumission à la production de matières premières pour l'exportation et l'importation de produits finis.

Il suffit de regarder les faits qui sous-tendent la lutte du Tiers-Monde pour un nouvel ordre économique mondial.

Les dialogues et les confrontations entre le Nord et le Sud deviennent de plus en plus amers.



Et voici que les Lavaites proclament que tout a été réglé, grâce à l'initiative des impérialistes, lesquels, au moyen des multinationales, ont décidés d'industrialiser, soi-disant, les pays en voie de développement, avec un petit nombre d'usines subtilisées aux pays capitalistes.

Le livre «Development Débâcle», de Walden Bello, et d'autres encore, dénoncent clairement le mensonge et l'échec de l'industrialisation promise aux Philippines, grâce à «l'industrialisation orientée vers l'exportation».



Tandis que s'aggrave la crise capitaliste de surproduction, les pays capitalistes et leurs multinationales, directement et à travers leurs banques, imposent aux pays en voie de développement l'abandon de leurs plans de projets industriels, l'abaissement de leurs barrières douanières, des emprunts de plus en plus onéreux, la dévaluation de leur monnaie, etc.

Les pays capitalistes lancent leurs offensives commerciales respectives principalement au détriment des pays sous-développés et en voie de développement.

En même temps, ils imposent des quotas et d'autres mesures protectionnistes à l’encontre des exportations et réexportations des pays sous-développés ou en voie de développement.



Les Lavaites rassemblent toutes sortes d'affirmations éclectiques, et accordent crédit même aux affirmations fausses de la Banque Mondiale et des multinationales, pour appuyer leur ligne, qui affirme que les impérialistes américains et le régime Marcos sont en train d'industrialiser le pays.

Ce faisant, ils jettent par mégarde la théorie soviétique du «développement non-capitaliste» au profit de la théorie de l'industrialisation réalisée par les multinationales.

A cet égard, la seule chose que les Soviétiques peuvent trouver réjouissant chez les Lavaites est leur tentative d'occulter la demande du Tiers-Monde concernant un nouvel ordre économique mondial.



Les Lavaites sont à ce point opposés à la révolution nationale-démocratique, et tellement attachés au régime Marcos, qu'ils ont dégénéré au point de mettre au crédit des Etats-Unis la volonté de développer l'industrialisation du pays, ce qui est tout à fait imaginaire. L'industrialisation aura lieu lorsque le pays et le peuple seront libérés de la domination étrangère et féodale.



L'idée que les pays en voie de développement peuvent être industrialisés grâce au transfert des industries demandant une forte concentration de main d'oeuvre des pays capitalistes est supposée prendre sa source dans l'ouvrage intitulé «La Nouvelle Division Internationale du Travail», produit par les penseurs ouest-allemands Volker Froebel, Jurgen Heinrich et Otto Kreye, de l'Institut Max Planck.

Depuis lors, certains des apologistes des multinationales ont utilisé ce concept pour surévaluer le rôle des multinationales dans la soi-disant industrialisation des pays en voie de développement.

Après quoi, les Lavaites reprirent à leur compte l'idée, la baptisèrent «industrialisation néocoloniale et la mirent en avant comme s'il s'agissait d'une amélioration de la théorie de Lénine concernant l'impérialisme moderne.



L'idée n'est pas vraiment nouvelle. Kautsky et ses disciples dans la Deuxième Internationale acclamaient la domination des impérialistes sur les colonies et les semi-colonies, sous prétexte que ceci permettrait une mission civilisatrice et le développement pacifique des pays dominés vers le capitalisme.

En échange de leurs matières premières, ils étaient supposés acquérir un pouvoir de production industrielle et devenir capitalistes.

Mais, alors, tout comme aujourd'hui, les impérialistes, avec la collaboration des réactionnaires locaux, ont essayé de toutes leurs forces de garder les pays dominés comme sources de matières premières à bon marché, et comme marché lucratif pour leurs produits manufacturés.



Nous sommes toujours dans l'ère de l'impérialisme moderne et de la révolution prolétarienne.

Les points essentiels de la théorie de Lénine sur l'impérialisme moderne sont toujours valables aujourd'hui.

Les conditions fondamentales, desquelles il tira des principes fondamentaux, n'ont pas changé.

Il a correctement présenté l'impérialisme comme étant le stade le plus élevé, le stade final, du capitalisme.

Il s'agit du capitalisme à l'agonie, l'aube de la révolution sociale, tant dans les pays capitalistes que dans les pays sous-développés et en voie de développement.

Le terme «néo-colonialisme» n'est qu'une variante du terme «impérialisme», et ne signifie pas l'industrialisation des pays sous-développés par les monopoles ou les multinationales, car, en fait, aucune industrialisation de ce genre ne se produit actuellement.



8. Que peut-on dire à propos de cette idée : simultanément à la «réforme agraire» du régime pro-américain de Marcos, des mesures de développement rural telles que le programme de riz-miracle, une utilisation accrue d'apports agricoles importés, les systèmes de rentes fixes, l'augmentation rapide du nombre de travailleurs agricoles, l'agriculture corporative et intensive, la diversification des récoltes, les programmes d'élevages d'animaux, la distribution d'emplois aux villageois et le Kilusang Kabuhayan at Kaunlaran (KKK) ont produit comme résultats une progression importante du féodalisme vers le capitalisme ?



En l'absence d'une authentique réforme agraire, détruisant les rapports sociaux féodaux et semi-féodaux, les mesures ne peuvent que bénéficier aux grands compradores et grands propriétaires terriens, aux dépens des paysans et des ouvriers agricoles.

Quelques miettes sont cueillies par les paysans riches et les marchands-usuriers. Ces mesures, en elles-mêmes, ne sauraient représenter un progrès important par rapport au féodalisme et au semi-féodalisme, ou par rapport au caractère globalement semi-féodal de l'économie.



Le programme de riz-miracle a augmenté la productivité des paysans sur quelques centaines de milliers d'hectares, et a élargi le marché pour les produits chimiques agricoles américains.

Mais les paysans ont dû supporter des prix de production plus élevés, surtout pour les éléments importés (engrais, pesticides, installations d'irrigation, etc.).

Ceux-ci ont réduit leur part de la récolte et les ont forcés à contracter des dettes, augmentant leur pauvreté. Les grands compradores semi-féodaux, à la tête desquels se trouve la clique fasciste au pouvoir, ont raflé les plus grands profits commerciaux sur l'importation des capitaux. Les paysans ont encore été pressurés par l'accord de rente fixe et des contrôles de prix sur leurs produits.



Les paysans du Luzon Central, qui ne payèrent pas, ou ne firent que des paiements symboliques pour les prêts Masagana 99 forts usuraires, semblèrent avoir beaucoup bénéficié du programme de riz-miracle.

Mais lorsque Masagana 99 se termina, ils se trouvèrent confrontés à des graves problèmes.

Depuis lors, des propriétaires-cultivateurs sont en train de vendre leurs terres; et les loueurs de terres font de même avec leurs droits de location, par suite des dettes accrues, auxquelles ils ne savent pas faire face.

A la fois les paysans pauvres et les ouvriers agricoles se sont vus, une fois de plus, profondément, enlisés dans les marécages du féodalisme et du semi-féodalisme.



L'accord de rente fixe établi entre le soi-disant locataire et le propriétaire terrien est toujours d'ordre largement féodal. Généralement, la rente fixe est payée en grains, parce que les propriétaires terriens veulent profiler des prix élevés durant les mois «maigres», d'où le système «quedan».

Quoiqu'il en soit, le paiement du loyer foncier par les locataires sous forme de travail, du partage des récoltes ou en espèces est (à ce stade historique) féodal.



L'augmentation rapide des ouvriers agricoles est un phénomène semi-féodal, plutôt que capitaliste; précisément parce qu'il n'y a pas de développement industriel capitaliste à même d'absorber les paysans dépossédés de leurs terres, en même temps que l'accumulation de terres aux mains des propriétaires se poursuit plus rapidement que l'expansion des surfaces de terres arables.

L'augmentation des ouvriers agricoles dans le Luzon Central, et d'autres sites anciennement développés, est dramatique, parce que les zones frontières de réoccupation dans tout le pays sont stabilisées.



On dit que les travailleurs agricoles représentent maintenant 55 pourcent de toute la population agricole et sont numériquement plus importants que les paysans ayant des parcelles délimitées à cultiver.

Nous ne sommes pas sûr de l'exactitude de ce chiffre. Il est difficile de réaliser une étude à l'échelle nationale qui distinguerait les ouvriers agricoles vivant principalement ou totalement de leurs salaires, et les paysans pauvres ou moyens qui augmentent leurs revenus en travaillant comme salariés.

Mais en admettant que ce chiffre soit exact, il ne représente pas pour autant un progrès important du semi-féodalisme vers le capitalisme.

Par ailleurs, il signifie que l'économie semi-féodale éclate sous la pression des travailleurs surnuméraires qu'elle ne peut pas employer. L'orientation qui se dessine va plutôt dans le sens d'un nouveau genre de révolution démocratique que vers le capitalisme.



La concentration des terres aux mains des propriétaires terriens et de riches paysans semi-féodaux continue.

Les capitalistes agricoles étrangers et locaux doivent encore traiter avec les propriétaires terriens locaux.

Toutefois, les propriétaires «nouveau style» prennent l'initiative d'utiliser des procédés capitalistes : prêts sur récoltes, «inputs» agricoles importés, location d'ouvriers agricoles, etc.



De son côté, l'agriculture corporative moderne s'étend rapidement et a eu un impact brutal sur les paysans pauvres, les pionniers et les minorités nationales, qui continuent à se voir déplacées, notamment à Mindanao.

Mais cela ne concerne toujours qu'une partie insignifiante de l'ensemble de la terre cultivée. Toutefois, ce type d'agriculture est bien plus productif et profitable que celui qui n'utilise que la main-d'oeuvre agricole à bon marché et n'emploie pas les machines agricoles et l'équipement modernes.

L'agriculture soi-disant intensive est encore négligeable: elle ne concerne que quelques «vitrines» du Ministère de la réforme agraire.



Les compagnies agro-alimentaires étrangères augmentent les terres qu'elles contrôlent, en établissant des «accords de cultivateurs» avec le National Development Corporation, des propriétaires terriens et des propriétaires-cultivateurs.

Ces corporations prennent l'initiative de développer de nouvelles récoltes pour l'exportation, comme la banane, l'ananas, le caoutchouc, l'huile de palme, la fève de soya à Mindanao.

La culture d'une plus grande variété de récoltes pour les compagnies agro-alimentaires étrangères et les propriétaires locaux renforce le féodalisme et le sémi-féodalisme. D'innombrables propriétaires-cultivateurs par exemple, ont été dépossédés de leurs terres, et transformés en locataires ou en ouvriers agricoles, par suite de l'accumulation rapide de terres entre les mains des fascistes, des propriétaires terriens et des compagnies agro-alimentaires étrangères.



La vente de matériel agricole importé par des grands compradores à des petits marchands est un phénomène plus mercantile qu'industriel, parce que les marchandises viennent du dehors de l'économie et ne sont pas produites par des industries locales.

Les programmes d'élevage du gouvernement réactionnaire sont également de grandes opérations compradores.

Des races étrangères sont importées à un prix excessif et au détriment de l'intérêt public.

lles sont distribuées principalement aux propriétaires terriens.

Toutefois, elles ne représentent qu'une goutte dans la mer par rapport à l'élevage qui s'effectue dans de petites fermes.

Mais même si de grandes fermes d'élevage se développent, leurs propriétaires seront toujours les grands compradores et les propriétaires terriens.



Soit dit en passant, il existe actuellement une campagne pour le retour au carabao en même temps qu'au retour aux engrais organiques (surtout le compost et l'azolla), par suite de la diminution des échanges extérieurs qui permettaient d'importer des équipements agricoles et des produits chimiques.



Les emplois en sous-traitance dans la confection et les entreprises électroniques sont en décroissance.

Contrairement aux affirmations des Lavaites, ceux-ci n'ont pas causé la moindre industrialisation dans les barrios (quartiers pauvres/bidonvilles).

En général, ces travaux n'ont été que des à-côtés pour les paysannes dans leur moments de «loisirs», le salaire aux pièces étant bas.

Il n'est pas vrai que des villages agricoles entiers ont abandonné l'agriculture, pour dépendre totalement ou principalement de ces travaux en sous-traitance.

C'est aussi une exagération de dire que les entreprises de confection à leur sommet, dans les années '70, ont crée 500.000 emplois dans les «barrios», comparés au 15.000 emplois seulement crées dans les usines.



Tout comme l'assemblage de voitures, de camions et de motocyclettes, ainsi que les entreprises de confection et d'électronique, le KKK a également été surestimé par les Lavaites, comme étant une composante de ce qu'ils appellent «industrialisation néo-coloniale», tout particulièrement parce qu'il y a tellement de propagande Marcos autour des liens établis avec les chaînes de magasins à grandes surfaces américaines.

Certains produits KKK (surtout ceux faits à la main) peuvent effectivement être exportés.

Mais cela ne prouve aucunement qu'une industrialisation s'effectue.



Le KKK est essentiellement une astuce propagandiste, face à l'aggravation de la crise économique.

Le KKK est utilisé pour détourner l'attention de la capacité du dictateur fasciste et de ses complices, ainsi que de la banqueroute du régime - toutes choses qui sont impitoyablement mises en évidence par l'inflation rapidement croissante et le chômage massif.



Le KKK fut mis sur pied lorsque les corporations des complices du dictateur étaient en train d'effectuer des razzias sur les soi-disant «fonds de réhabilitation».

Une proportion extrêmement élevée des fonds du KKK sont dépensés pour la propagande et pour payer du personnel administratif inutile et des consultants, qui viennent se superposer sur des projets préétablis de «développement rural», dépendant de ministères et d'autres organisations, autres que le Ministère des «Human Settlements».



Les projets du KKK : agro-sylviculture, culture en milieu marin, recyclage des déchets, industrie à domicile et «industrie légère» (les guillemets sont de nous); des abris, des composants pour les abris et des services.

On attribue tout simplement l'enseigne KKK à de vieux projets.

Pire encore, les militaires et les bureaucrates se servent de plus en plus généreusement en puisant dans le fonds KKK.

Mais ils ne reçoivent que des miettes par rapport à ce qu'engrange le dictateur fasciste.



9. Quelles sont vos opinions concernant ce qui suit :

a) Que le colonialisme espagnol, étant mercantile et appliquant la légalité bourgeoise, a transformé l'agriculture philippine en propriété capitaliste, en éradiquant le communalisme de clan dès le 19ème siècle ;

b) Que les pays capitalistes, ayant beaucoup commercé avec la colonie des Philippines, ont développé l'agriculture capitaliste et ont transformé toute la colonie en une zone d'économie capitaliste, dès le 19ème siècle; c)

Que les Philippines sont capitalistes parce que les produits en surnombre passent par le marché, mais que c'est un capitalisme dépendant, car les produits en surplus aboutissent chez les impérialistes. Chacune de ces notions vient de sources différentes.



Il y a quelque logique à rassembler ces trois concepts en une seule question.

Ils ont une chose en commun.

Ils découlent d'une conception primaire des forces et des rapports de production aux Philippines. La différence fondamentale entre l'économie politique bourgeoise et marxiste est que cette dernière n'est pas obnubilée par les apparences du marché mais commence avec, et se concentre sur le système productif.



Reprenons le premier concept, et passons en revue à la fois l'histoire économique de l'Europe et des Philippines, les interactions entre l'Europe et la colonie philippine; ainsi que le résultat de cette interaction.



Effectivement, la manufacture et le capitalisme mercantile étaient les forces motrices du colonialisme espagnol.

Mais ce colonialisme n'eut pas à appliquer une jurisprudence bourgeoise pour mettre l'agriculture des Philippines sous son contrôle.

Les Philippines furent prises par la force; les conquérants imposèrent par la suite le système de l'»encomienda», à des fins administratives et pour lever des tributs. Ce système est un outil militaro-féodal, avec des racines qui remontent à l'époque de l'esclavage.

Tout ce bavardage à propose de la jurisprudence bourgeoise appliquée à l'agriculture philippine au 19ème siècle, pour la rendre capitaliste, n'a pas de sens.



Il faut souligner le fait que, jusqu'à nos jours, la jurisprudence bourgeoise aux Philippines établit et protège des droits féodaux, plus particulièrement dans le domaine de la terre.

La terre aux mains de propriétaires est une base économique qui perdure dans l'économie philippine de nos jours.

Mais les droits de propriété féodaux des propriétaires terriens sont soutenus par la bourgeoisie, de crainte que, si on les attaque, ce soit tout le concept de propriété privée qui serait mis en danger.



Au 16ème siècle, le communalisme de clan n'était pas généralisé aux Philippines. La majorité écrasante des autochtones avait développé un certain degré de civilisation, dépassant de loin la condition primitive de communalisme de clan, et fondamentalement plus évoluée que la condition barbare tribale.

Les phénomènes tribaux étaient seulement présents sous forme de vestiges. Parmi les éléments de civilisation, l'on pouvait noter l'alphabétisme, l'usage des métaux et l'existence de classes.



Pour au moins 80 pourcent d'entre eux, les autochtones vivaient dans des communautés locales, comptant de 300 à 20.000 personnes, le long de la côte, des grandes rivières et des lacs.

Ils connaissaient la culture du riz à sec et sur terrain immergé.

Ils pratiquaient un artisanat bien développé, qui comprenait le travail des métaux, le tissage du coton et du chanvre, et la fabrication de grands bateaux, à même de transporter de 50 (caracoa) à 300 (joanga) personnes.

Le caracoa était employé couramment pour le commerce et la guerre.

Les familles régnantes et une partie des hommes libres étaient propriétaires de la plupart des outils en métal, des rizières immergées et des esclaves ; ils s'appropriaient toute la production des esclaves ; recevaient des loyers des serfs ou des semi-esclaves ; et contrôlaient l’usage des terres communales.

La production excédentaire de la société était suffisante pour stimuler le commerce entre les communautés et les îles, ainsi qu'avec les pays avoisinants, la Chine et les pays du Sud-Est asiatique.



Le commerce avec la Chine est le plus révélateur. Les autochtones échangeaient du riz, du coton, de la cire d'abeille, des bois durs, des carapaces de tortues, des perles et de l'or, en échange de fer, de cuivre, de bronze, de filets de pêche, de soie et de porcelaine.

Le paradigme barangay «autocontenu» des historiens précédents est extrêmement trompeur.

Nous en avons découvert l'aspect erroné en lisant attentivement les chroniques espagnoles, et grâce à l'évaluation de preuves archéologiques, anthropologiques et préhistoriques. Nous ne devons pas confondre les autochtones civilisés avec ceux qui n'avaient pas dépassé le communalisme de clan (Aetas) et le communalisme tribal (la plupart des communautés des hautes terres).

Ceux-ci étaient en minorité, même au 16ème siècle.



Au 16ème, 17ème et 18ème siècle, des méthodes militaro-féodales d'exploitation, telles que la levée de tributs, la réquisition, la conscription militaire et pour le travail furent appliquées principalement afin d'extraire des produits en surplus pour les colonisateurs.

C'était de la pure rapine.



Tandis que le clergé, certains conquistadores laïcs et des chefs locaux développaient des pratiques féodales telles que l'accumulation de terres privées, la levée de loyers, les monopoles commerciaux, les taxes sur les marchands, les dîmes religieuses etc., l'esclavage persista et se développa jusqu'à son abolition. Il faut dire, toutefois, que l'esclavage n'atteignit jamais les proportions qu'il connut dans les Amériques.

Là, des Africains furent l'objet de commerce, destinés à devenir des esclaves sur les plantations. Les esclaves dans les Philippines, au cours des deux premiers siècles de la domination coloniale, comprenaient ceux qui avaient le statut d'esclave dans les temps pré-coloniaux, ceux qui furent faits prisonniers au cours d'expéditions militaires contre les Moros et les tribus des hautes terres, et ceux que l'on avait mis en prison pour s'être sauvés pour échapper à la conscription militaire et du travail.

Ces esclaves étaient utilisés comme rameurs sur les gallions et des bateaux militaires ou même comme travailleurs permanents pour les travaux publics, ainsi que comme domestiques dans les maisons et les champs.



Durant toute la colonisation espagnole, la plus grande partie des biens en surplus qui allaient aux colonisateurs et leurs contre-maîtres locaux furent produits par le système féodal.

Au cours du 19ème siècle, le féodalisme se développa pleinement et parvint à maturité grâce au stimulus du commerce extérieur avec les pays capitalistes, qui avaient un besoin grandissant de récoltes commerciales-industrielles.



Nous pouvons passer au deuxième concept.

Il est faux de dire que l'agriculture philippine et l'ensemble de l'économie devinrent capitalistes au cours du 19ème siècle, simplement à cause du stimulus extérieur fourni par les pays capitalistes.

Au contraire, le féodalisme se développa comme jamais auparavant, dans tout le pays. L'augmentation des ventes de récoltes agricoles aux pays capitalistes stimula la production locale de ces récoltes, tout comme la spécialisation agricole et le commerce local.

L'effet généralisé fut d'inciter les propriétaires ecclésiastiques et les nombreux propriétaires autochtones et mestizos à accumuler des terres et demander des loyers plus élevés. Dans tout le pays, le système féodal parvenant à maturité dominait encore, par rapport à des éléments semi-féodaux, tels que le système marchand et les grands compradores.



Qu'ils louent des terres à des sous-propriétaires autochtones ou qu'ils engagent des managers étrangers, comme ils le firent par la suite, les ecclésiastiques se lancèrent dans une orgie d'accaparement arbitraire des terres et d'augmentation de la rente foncière.

L'encouragement donné par le commerce extérieur à l'exploitation féodale poussa le peuple à la révolution.

Il est bien clair que la révolution éclata le plus violemment dans les régions où existaient des propriétés ecclésiastiques.



Voyons maintenant le troisième concept.

Lorsqu'on présente le mode de production, on ne commence pas par le marché.

Sinon, on risque d'être induit en erreur, et d'insister sur le fait qu'il n'y a jamais eu d'autre mode de production que le capitalisme.



Par exemple, même dans un mode de production esclavagiste, la production des esclaves, et les esclaves eux-mêmes, sont échangés, c'est-à-dire qu'ils passent par le marché.

Dans les sociétés féodales, les propriétaires, eux aussi, ont affaire avec les marchands. La question-clé n'est pas de savoir comment le surproduit est échangé, mais comment il est produit et arraché aux producteurs réels.

Le mode de production esclavagiste est ainsi nommé parce que la majeure partie du surproduit est élaborée par des esclaves, plutôt que par des serfs ou d'autres classes de la société.



Tout le surproduit de l'actuelle économie semi-féodale ne revient pas aux impérialistes.

Les propriétaires terriens, les grands compradores et les impérialistes reçoivent chacuns leurs parts respectives.

Les impérialistes dérivent leurs profits de l'échange inégal, l'investissement direct et les prêts; et tiennent les rênes permettant de modeler les formes de production et d'échange en fonction de leurs intérêts.

Le mode de production philippin est dans l'orbite du capitalisme mondial et en dépend.

Mais dans son mode d'existence particulier et distinct, il est semi-féodal et non capitaliste.

Le terme «capitalisme dépendant» peut produire plus de confusion que de clarté.



10. Dans quel sens peut-on dire que le féodalisme est la base sociale de l'impérialisme ?

Certains insistent sur le fait que le féodalisme n'est pas, et n'a jamais été, la base sociale de l'impérialisme dans ce pays.

Ils disent que l'impérialisme est tellement fort qu'il n'a pas besoin du féodalisme.

Ils confondent la destruction du féodalisme par le capitalisme au cours du développement des pays capitalistes, et l'utilisation du féodalisme par l'impérialisme moderne, à l'avantage de ce dernier, dans les colonies et les semi-colonies.



Aux Philippines, l'impérialisme américain s'est appuyé sur le féodalisme, historiquement et actuellement, dans différentes sphères : économique, politique et culturelle. Ce n'est pas à cause de sa faiblesse que l'impérialisme américain utilise le féodalisme, mais par suite de sa ruse et de sa force.

L'intérêt principal de l'impérialisme américain n'est pas de développer et d'industrialiser les Philippines, pour en faire un concurrent capitaliste de plus, mais bien de les garder comme fournisseurs de matières premières et comme marché pour les produits manufacturés américains en utilisant les propriétaires terriens et les grands compradores, qui sont aussi, pour la plupart d'entre eux, de grands propriétaires terriens.



Dans la sphère économique, les propriétaires terriens sont chargés de la production de récoltes dont les impérialistes ont besoin, et qui forment le gros des exportations.

Tous les propriétaires, à travers la production de récoltes de base et pour l'exportation s'emparent de la plus grande partie de la plus-value et l'utilisent pour acquérir les biens manufacturés américains pour la consommation.

Ils gaspillent ce qui aurait pu être des ressources à investir et bloquent l'industrialisation des Philippines.

Ils parasitent la terre et maintiennent l'arriération des Philippines et sa vulnérabilité à la domination impérialiste.



En politique, les dirigeants politiques réactionnaires du niveau des maires municipaux jusqu'à celui du président, sont, en général, des propriétaires terriens.

Il serait certainement stupide que des politiciens américains viennent reprendre les fonctions de leurs exécutants locaux.

Il n'y a certainement aucun risque que cela se produise aux Philippines.

Il en va de même sur le plan de l'économie. Ce serait bien bête de la part des Américains de vouloir supplanter les propriétaires terriens dans les régions ou le féodalisme et le semi-féodalisme est fermement établi.

Les compagnies agro-alimentaires américaines ont toujours préféré s'installer dans des zones frontières, aux dépens des pionniers et des minorités nationales.

Ils aiment également établir des «accords agricoles» avec l'Etat, les propriétaires terriens et les propriétaires-cultivateurs.

Jusqu'à présent, la classe des propriétaires terriens aux Philippines a tenu bon dans tout le pays, et n'a certainement pas cédé le pas aux capitalistes locaux.



En ce qui concerne la culture, la culture bourgeoise et impérialiste américaine se superpose à la culture féodale, produite par le colonialisme espagnol et l'Eglise catholique.

L'impérialisme américain n'ose pas effacer et remplacer la culture féodale, qui subsiste encore largement. Il préfère la chevaucher et l'utiliser, exactement comme il le fait avec l'économie des propriétaires terriens.



C'est Lénine qui a souligné que l'impérialisme moderne s'allie avec le féodalisme dans les colonies et les semi-colonies.

Il ne faut pas confondre la bourgeoisie industrielle moderne, qui a détruit l'économie féodale dans les pays capitalistes, avec le capitalisme monopoliste, qui s'impose sur les économies arriérées des colonies et des semi-colonies.

L'impérialisme américain a encouragé le développement du semi-féodalisme et de la grande bourgeoisie compradore, mais pas au point de faire des Philippines une néo-colonie industrialisée moderne ou un pays capitaliste industrialisé.

Il est aussi malvenu de citer Marx et Lénine en ce qui concerne la bourgeoisie industrielle moderne au 19ème siècle en Angleterre et au début du 20ème siècle en Russie, et de suggérer qu'une pareille bourgeoisie se trouve déjà aux postes de commande de l'économie des Philippines. La bourgeoisie au pouvoir est la grande bourgeoisie compradore.

Et le noyau de la bourgeoisie industrielle moderne aux Philippines est encore soumis à la grande bourgeoisie compradore et à la classe des propriétaires terriens, et ne possède pas encore une base locale dans les industries lourdes et de base pour les industries légères qu'elle développe.



Les Lavaites sèment la confusion.

Parfois, ils admettent l'évidente domination impérialiste dans le pays.

D'autres fois, lorsqu'ils veulent qualifier le pays de capitaliste, ils affirment qu'une bourgeoisie industrielle moderne dirige déjà le pays.



Le premier qui attaqua publiquement la formule «le féodalisme est la base sociale de l'impérialisme aux Philippines» fut le Dr. Jésus Lava, Sr., en 1970.

Il énuméra une série d'activités financées et dirigées par les Etats-Unis, et appela celles-ci la base sociale de l'impérialisme américain aux Philippines.

Même des économistes néo-classiques éclairés comprennent que l'impérialisme étranger et le goulot d'étranglement féodal dans l'économie sont des obstacles à la croissance du capitalisme dans ce pays.

Les révolutionnaires prolétariens comprennent que s'ils arrivent à vaincre la classe des propriétaires terriens à la campagne, l’impérialisme et les grands compradores n'auront aucune base pour se maintenir dans le pays, si ce n'est quelques enclaves dans les villes, où ils ne seraient pas à même de se maintenir longtemps.



Il y a ceux qui se joignent aux Lavaites pour dire que la formule «le féodalisme est la base sociale de l'impérialisme» est inapplicable aux Philippines simplement parce qu'elle est tirée de Mao (ou «dérivée» - un terme péjoratif pour ces génies «originaux»).

Ils ne savent pas que même Mao ne saurait prétendre à l'originalité en ce qui concerne ce principe de base.



L'impérialisme moderne a été observé et vécu par tant de personnes dans les colonies et semi-colonies.

Pourquoi des peuples entiers, ou leurs intellectuels et dirigeants, ne parviendraient-ils pas à certaines formulations communes ?

Ce qui serait regrettable, c'est que ces formulations ne soient pas étayées par des faits et des analyses.



Les marxistes cesseraient-ils d'être des marxistes parce qu'ils tirent des principes directeurs de base de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao et Ho ?

Aucun progrès théorique ne peut s'effectuer sans que l'on éclaire et mette à l'épreuve des idées préalablement données, en même temps que l'on se livre à l'analyse concrète d'une situation concrète.

La formulation en question affirme qu'il existe une ressemblance générale entre les conditions féodales et semi-féodales dans la Chine pré-socialiste et les Philippines d'aujourd'hui.

Les Philippines, bien sûr, présentent de nombreuses particularités différentes de celle de l'ancienne Chine.

11. Voulez-vous discuter plus avant le caractère de classe de la clique dominante de Marcos ?

Certains Lavaites proclament qu'elle représente «l'ascendance de la bourgeoisie réformiste nationale sur les seigneurs féodaux et les compradores».

D'autres personnes disent que cette clique a encouragé le développement du capitalisme et de l'industrie, en utilisant l'Etat pour rassembler des ressources d'une importance exceptionnelle, afin de les réinvestir.

Ces affirmations sont-elles véridiques ? Que pouvons-nous encore attendre de cette clique ?

Y a-t-il la moindre chance qu'elle adopte l'alternative nationaliste bourgeoise ?



L'affirmation que la clique au pouvoir de Marcos représente l'ascendant qu'aurait une bourgeoisie nationale sur les grands propriétaires terriens et compradores ne concorde pas avec les faits.

La clique de Marcos est la partie extrême des grands compradores et propriétaires et s'empare de la part du lion de la richesse de ces classes grâce à son pouvoir autocratique.



Marcos conspira avec l'impérialisme américain en 1972, précisément pour attaquer avec une violence sans borne le mouvement anti-impérialiste du peuple qui se développait et pour annuler les décisions patriotiques de la Cour Suprême d'alors, concernant les cas de Quasha et le Luzteveco.

Même avant la déclaration de la loi martiale en 1972, la clique au pouvoir de Marcos avait poussé à l'adoption de lois d'investissement permettant aux Etats-Unis d'éviter l'abrogation du «Parity Agreement» et du «Laurel-Langley Agreement», afin de perpétuer les «droits paritaires», au moyen d'un «traitement national» des investissments étrangers.



Marcos a été le premier de sa clique à utiliser ses pouvoirs autocratiques, pour reprendre des secteurs entier des grandes affaires compradores et des entreprises les plus importantes.

Lui et sa clique sont devenus le secteur dominant de la grande bourgeoisie compradore.

Dans le cadre de la soumission à l'impérialisme américain, ce secteur dominant est devenu le groupe le plus riche - et le plus réactionnaire - de la grande bourgeoisie compradore.



En s'engageant dans de lourds emprunts, à des fins non-productives et non-industrielles, ayant, par conséquent, de vastes fonds à manipuler, l'élite fasciste est rapidement devenue l'agent commercial et financier n° 1 des Etats-Unis et des sociétés multinationales.

Parmi les grands compradores, les entreprises «amies» ont bénéficié le plus des emprunts d'Etat et des garanties pour des emprunts, pour l'importation de biens destinés à la consommation, l'énergie, le tourisme et des programmes similaires.



Les corporations «amies», dirigées par les Benedictos, les Disinis, les Silverios, les Cuencas, les Cojuangcos, Romualdezes, Tans, Dees et autres marionnettes philippines et Kuomingtang, sont essentiellement des entités grandes compradores, jouant le rôle d'agents pour les Etats-Unis et les multinationales.

Ils s'occupent d'une variété étourdissante d'affaires, aucune d'entre elles n'ayant trait à l'industrie lourde ou de base.



Leurs affaires comprennent des banques, des sociétés d'investissement, des assurances, des entreprises de commerce, des entreprises agricoles, la construction, la spéculation foncière, des hôtels, des mines, des entreprises forestières, des plantations, des industries légères dépendantes de l'importation, la confection, l'électronique, l'assemblage de voitures, les engrais, les transports maritimes, l'électricité, le téléphone, les mass média, des maisons de jeu (jai-alai et casinos) et ainsi de suite.

L'avantage des «compères» sur leurs concurrents grands compradores est le fait du pouvoir du seigneur autocratique.

Toutes sortes de «trucs», typiques du pire capitalisme bureaucratique, ont été utilisés en faveur de la nouvelle oligarchie. Des prêts ou des garanties de prêts ont été faits avec peu, ou pas, de nantissement.

Des décrets secrets et des instructions informelles ont été promulguées, pour accorder des privilèges spéciaux.

Des taxes spéciales sont imposées au peuple, que l'on traite ensuite comme des fonds privés.

Les clients de sociétés de services sont obligés d'acheter des parts et de payer des charges spéciales qui vont sans cesse en augmentant.

Des paiements privés permanents sont tolérés.

Des marchandises sont monopolisées et offertes à des prix surfaits, après quoi on dit au peuple qu'il bénéficié de prix «subsidiés»ou «socialisés».



Des vieux projets «de façade» tels que la fonderie de cuivre et les usines de traitement chimique de la coco (après 17 ans de règne de Marcos) ne changent pas le caractère anti-industriel des grands compradores fascistes.

Ces projets ne sont que symboliques, et ont été minés, dès le début, par la corruption et le contrôle exercés par des bailleurs de fonds et des investisseurs étrangers.

L'aspect «de façade» de ces projets ne diffère en rien de ce que nous constatons dans le domaine de la pseudo-réforme agraire.



La politique économique et financière du pays est, plus que jamais, dictée par les banques impérialistes et les multinationales américaines.

Aujourd'hui Marcos ne saurait même pas faire semblant d'appuyer l’industrialisation.

On lui dit de se concentrer sur le «développement rural» et d'écraser encore plus la bourgeoisie nationale et le peuple tout entier par une taxation accrue, la dévaluation, la libéralisation de l'importation, l'inflation et ainsi de suite.



Les fascistes ne sont pas seulement devenus les compradores les plus importants du pays - ils sont également les plus grands propriétaires terriens.

Ils ont accumulé de vastes propriétés et usines de transformation pour la canne à sucre, la noix de coco, les bananes, le riz, le coton et d'autres produits agricoles pour l'exportation.

Ils ont utilisé les banques, pour reprendre les terres des propriétaires terriens qui n'ont pas le pouvoir et même celles des propriétaires-cultivateurs.

Ils ont utilisé de nombreux prétextes - domaines agro-industriels, zones de transformation pour l'exportation, sylviculture, contre-insurrection, location de prairies, pour s'emparer des terres des colons pauvres et des minorités nationales.



Tandis que la crise économique s'aggrave dans le pays et à l'étranger, et que l'obtention de prêts devient de plus en plus difficile et onéreuse, beaucoup d'entreprises «amies» se sont écroulées, et des institutions financières et étatiques sont obligées s'assumer le remboursement des immenses emprunts non-remboursés de ces entreprises faillies.

Les fascistes ont-ils subis des pertes personnelles au cours de ce processus ?

Non !

Pour échafauder leurs «pyramides de bulles», ils ont reçu des prêts avec peu ou pas de nantissements, ont gonflé les prix des marchandises et des services pour lesquels les sociétés ont payé et se sont livrés à la «comptabilité créatrice».



Les fascistes n'ont aucunement contribué à l’industrialisation des Philippines.

Au contraire, ils ont aggravé le sous-développement de l'économie.

Ils ont hypothéqué le pays et l'ont vendu à l'encan.

De concert avec les impérialistes, ils l'ont pillé et en ont extrait une énorme quantité de richesses sociales.

Les fascistes dominants cachent leurs butins à l'étranger, sous forme de comptes en banque secrets, de bien immobiliers de choix, d'actions de grande valeur, de fonds d'investissement, de lingots d'or, de bijoux et de collections d'art.



Y a-t-il la moindre chance que les bandes de grands compradores-propriétaires terriens adoptent l'alternative nationale bourgeoise ?

Rien n'indique qu'ils vont changer leur nature sociale.

Marcos fait parfois semblant de se plaindre au sujet de dictats économiques «politiquement in-avalables» de son maître impérialiste.

Mais il le fait uniquement pour rehausser son statut de marionnette.

Il a toujours été constant dans l'assurance qu'il donnait à l'impérialisme américain de continuer à servir les intérêts des Etats-Unis, et d'opprimer le peuple.

Il y a eu des cas dans les pays semi-féodaux, où des capitalistes bureaucratiques passèrent d'une position de grands compradores à une position nationaliste bourgeoise.

Mais, jusqu'à présent, Marcos n'a montré aucun désir, ou aucune aptitude, de faire de même.

Le temps joue contre lui. La crise politique et économique s'aggrave tellement rapidement, qu'il rejoindra bientôt la place qui lui est assignée, aux côtés de Tchang-Kai-Chek, Ngo Dinh Diem, Lon Nol, le Shah d'Iran et Somoza.



Les Lavaites ont à ce point dégénéré, au cours de leur collaboration avec les fascistes, qu'ils séparent arbitrairement Marcos de l'impérialisme américain, et le présente comme étant nationaliste bourgeois.

Ils s'emberlificotent par conséquent dans des déclarations extrêmement confuses et auto-contradictoires.

Dans un vain effort pour augmenter la confusion du peuple, les Lavaites proclament que les révolutionnaires attaquent Marcos, et lui seul.

Ils disent cela depuis la fin des années 1960.

Ils doivent être littéralement sourds et aveugles ; ou ils s'auto-illusionnent tellement qu'ils peuvent ignorer l'identification du tandem Etats-Unis - Marcos comme étant l'ennemi, ainsi que la défense de la ligne nationale-démocratique contre l'impérialisme américain, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique.



12. Voulez-vous parler de la crise économique aux Philippines ? Est-ce que les forces productives dépassent les rapports de production semi-féodaux ?

Comment se développe la lutte des classes, aussi bien au niveau de la production qu'au niveau de la superstructure ? Pouvez-vous parler des perspectives de changement révolutionnaire ?



Le mode de production semi-féodal aux Philippines est en crise constante ou chronique.

Du 19ème siècle, il hérite la crise d'un féodalisme pourrissant, qui n'a pas été résolu par l'ancienne révolution démocratique, par suite de l'intervention et de la conquête de l'impérialisme américain.



Il semblait que l'impérialisme américain était en train de briser le féodalisme durant la première décennie du siècle, tandis que les domaines ecclésiastiques étaient achetés, les terres ouvertes au peuplement, et que le recensement en 1903 montrait que le pourcentage de locataires chutait de son sommet, au 19ème siècle, à seulement 18 %.

Mais les domaines ecclésiastiques tombèrent sous la domination des propriétaires terriens et non des paysans.

De plus, les terres des pionniers étaient toujours reprises par les propriétaires terriens.

De décennie en décennie, le nombre de locataires de terres augmentait.



Le capitalisme monopolistique américain a sauvegardé le féodalisme et s'y est superposé, brisant l'artisanat local et gênant le développement d'une industrie locale importante.

Il a imposé au féodalisme l'échange inégal de produits d'importation manufacturés et d'exportation de matières premières, qui ont permis à la grande bourgeoisie compradore d'être plus dominante que la classe des propriétaires terriens, au sein de l'économie semi-féodale qui s'en est suivie.



Ce mode de production est affecté de façon durable non seulement par la vieille crise non-résolue du féodalisme, mais aussi par celle du système capitaliste mondial, tout particulièrement de l'impérialisme, qui est le capitalisme moribond, constamment en crise.

Le peuple philippin, tout particulièrement les ouvriers et les paysans, ploient sans cesse sous le joug de l'exploitation étrangère et féodale.



La crise chronique de l’économie va de palier en palier, par suite de facteurs internes et externes.

Les forces productives se sont développées de façon déséquilibrée. Et les firmes monopolistes étrangères, de concert avec les classes exploiteuses locales, ont volé aux masses laborieuses les surproduits, maintenant les masses à des niveaux sans cesse plus bas de subsistance et d'appauvrissement.



Le taux de l'expansion des terres cultivées a surpassé celui de l'augmentation de la population, de décennie en décennie, principalement à cause du rétablissement spontané des paysans et de la mise en exploitation de nouvelles terres.

Mais le taux d'accumulation des terres entre les mains des propriétaires s'est accru encore plus vite.

Aujourd'hui, les zones frontières ont pratiquement été fermées à de nouvelles occupations.

Les paysans pionniers et même des minorités nationales sont spoliés de leurs fermes et de leurs terres ancestrales.



Dans les anciennes et les nouvelles exploitations, les paysans sont en train d'être prolétarisés (privés de leurs terres et de leurs outils), et pourtant, il n'y a pas d'industrialisation susceptible d'absorber le surplus croissant de main d'oeuvre.

Trop de gens entrent en compétition pour du travail agricole saisonnier et ils se déversent dans les villes, où ils entrent en compétition, à nouveau, pour des travaux occasionnels.

Le chômage est en augmentation.



Le problème de la terre est devenu plus aigu que jamais. Par conséquent, la révolution des paysans et des travailleurs agricoles contre la classe des propriétaires terriens éclate à l'échelle nationale.

Portée par la force de l'armée paysanne et des autres organisations du peuple, la campagne actuellement en cours pour la réduction des fermages et l'élimination de l'usure mènera inévitablement à la confiscation des terres des propriétaires et à leur distribution gratuite à ceux qui les travaillent.



Le féodalisme est encore le principal problème socio-économique.

Il concerne la vaste majorité paysanne du peuple. La plus grande partie du surproduit est extorquée à cette classe, pour être partagée entre les exploiteurs.

En même temps que les capitalistes monopolistes étrangers, il faut se débarrasser du féodalisme, afin de libérer les forces productives du pays.



En fait de «développement industriel», l'impérialisme américain a promu les usines de transformation agricole, les entreprises extractives, le conditionnement très limité des matières premières locales, les fabrications «de substitution à l'importation», dépendantes de l'importation, pour la consommation locale (dans les années '50) et, plus récemment, les «industries orientées vers l'exportation», encore plus dépendantes des importations, pour la réexportation et la pénétration sur le marché local.

Actuellement, les ressources financières se sont engagées principalement et rapidement dans la construction, les services, le transport et les communications, les services touristiques, l'armée, les sections les moins utiles de la bureaucratie, etc.

Tous ces secteurs exigent de fortes importations et détournent des ressources qui pourraient être utilisées pour le véritable développement de la capacité productive du pays.



Tandis que l'impérialisme américain et le régime bavardent à propos du «développement orienté vers l'exportation»,l'économie des Philippines s'est éloignée encore plus de l'industrialisation et est devenue encore plus dépendante de l’échange inégal entre exportation de matières premières et importation de produits manufacturés.

Le pourcentage d'emplois industriels, surtout dans les usines, par rapport à l'emploi total, a encore diminué.



Le problème du chômage et du sous-emploi est devenu très grave, tant dans les régions rurales qu'urbaines. Le chômage a continué à s'élever au-dessus du taux chronique de 25 %.

L'exportation de main d'oeuvre à bon marché, qualifiée et non qualifiée, et l'émigration de professionnels et de techniciens possédant une importante formation, témoigne de l'incapacité de l'économie à absorber une main d'oeuvre en augmentation.



La dette extérieure s'est accrue de façon spectaculaire, pour subvenir à des projets et des activités non-productifs, pour couvrir le déficit commercial qui augmente rapidement, et le remboursement de l'accumulation de dettes envers l'étranger.

Cette dette est utilisée pour renforcer le contrôle des banques et des entreprises étrangères sur l'économie philippine.



Les Philippines sont maintenant obligées d'accorder plus de privilèges à des investisseurs étrangers en échange de conditions de nationalité de longue durée, d'augmenter la libéralisation de l'importation, de réaliser une dévaluation importante du peso, d'augmenter le poids des impôts payés par le peuple, etc.



Les sociétés multinationales ne doivent pas faire de nouveaux investissements pour augmenter le nombre d'entreprises leur appartenant.

Elles peuvent choisir de transformer tout simplement les prêts étrangers, et les fournitures qui ne peuvent pas être payées par les hommes d'affaires locaux, en capital de reprise.



Le schéma impérialiste, toutefois, est contradictoire et auto-destructeur.

Les Etats-Unis et les multinationales veulent perpétuer les Philippines comme source de matières premières à bon marché, un marché pour leurs produits finis et un champ pour des investissements directs et indirects, effectués à des fins non-industrielles. Ils continuent d'extraire des surprofits.

Leur pillage incite le peuple à se révolter.



L'aggravation de l'exploitation étrangère et féodale est telle qu'elle pressure maintenant non seulement les masses laborieuses et les paysans, mais aussi la petite bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie nationale, et les incite tous à se révolter.

Même parmi les grands compradores et propriétaires terriens, il y a des conflits, tandis que la clique au pouvoir essaie de s'emparer de tous les avantages économiques et financiers.



La lutte qui se déroule entre les classes exploiteuses et exploitées au niveau de la production, est reflétée et concentrée dans la superstructure.

L'Etat est utilisé par la classe dominante, ou plus spécifiquement, la clique dominante, pour opprimer le peuple et imposer la continuation de leur exploitation économique.

De son côté, le peuple s'est soulevé, pour lutter pour ses droits et ses intérêts.

Etant la force la plus progressiste, la classe ouvrière construit son parti révolutionnaire, une armée paysanne s'appuyant sur les paysans et un front uni qui regroupe toutes les classes patriotiques et progressistes, y compris la petite-bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie nationale.



Le parti révolutionnaire du prolétariat applique la théorie universelle du marxisme-léninisme aux conditions concrètes des Philippines et cherche à diriger et à s'unir avec le peuple tout entier.

Le programme de la révolution nationale-démocratique est proclamé et mis en oeuvre pour débarrasser le pays de la domination étrangère et féodale.



La lutte de classe est entreprise non seulement dans la sphère économique, à la base de la société semi-féodale des Philippines, mais également dans les sphères politiques et culturelles de la superstructure.

C'est dans la sphère politique que se livrent les combats les plus décisifs. Tandis que la classe dominante utilise la contre-révolution armée pour maintenir les rapports de production, la classe ouvrière, les paysans et le reste du peuple accomplissent la révolution armée, pour détruire les rapports de production existants et libérer les forces productives.



C'est lorsque l'impérialisme américain accentue son intervention et se lance dans l'agression, que le caractère national de la lutte semble submerger son caractère de classe. Mais les deux sont inséparables.

Même lorsque la lutte nationale est plus évidente, la lutte des classes la sous-tend.



Dans la révolution nationale-démocratique, l'activité de libération nationale est dirigée contre l'impérialisme américain et l'activité démocratique contre la dictature fasciste et le féodalisme.

La révolution agraire est la façon la plus effective de réaliser la démocratie et de mobiliser le maximum de forces populaires pour vaincre l'impérialisme américain et la dictature fasciste.



(Etude publiée dans New Philippine Review, Vol. I, n° 1 et 2,1984)