L’impérialisme, en tant que capitalisme hyper-développé
et moribond, et les économies sociales du Sud-Est asiatique, en tant
qu’appendices néocoloniaux sous-développés de l’impérialisme,
connaissent tous deux une crise chronique.
Par conséquent, en utilisant l’expression « crise
de 1997 dans le Sud-Est asiatique », je fais référence à
un nouvel effondrement, à un nouveau niveau d’aggravation et de
durcissement de cette crise chronique.
Je propose d’examiner le contexte, le caractère
et l’évolution de la crise ainsi que ses conséquences jusqu’à
ce jour.
Le contexte de la crise
Depuis la grande dépression des années 30, la
bourgeoisie monopoliste et ses hommes politiques au pouvoir avaient opté
pour la caractéristique marquante de la politique keynésienne
: imposer des mesures fiscales en vue de réamorcer l’économie
par le biais de projets de travaux publics, augmenter le pouvoir d’achat
des gens et relancer la demande parmi les consommateurs.
Cette priorité de la politique keynésienne finit
par être perçue, dans un sens plus large, en tant qu’intervention
de l’Etat dans l’utilisation des fonds publics et dans la création
d’emplois en vue de surmonter les conditions de faillite, d’orienter
la production de temps de guerre, de mener le guerre froide, de rebâtir
les économies allemande et japonaise, de réagir au défi
du socialisme et « d’aider au développement » des pays sous-développés.
Au cours des années 70, les décideurs politiques
américains se trouvèrent incapables de résoudre le problème
de la stagflation.
La stagnation découlait des tentatives de résoudre
le problème de l’inflation qui, elle, découlait des tentatives
de résoudre celui de la stagnation.
Après avoir abandonné
l’étalon-or en 1970 et s’être vantés de ce que,
pour garantir leur monnaie, les Etats-Unis disposaient de leur propre capacité
élevée de production, les décideurs politiques américains
n’accordèrent pas toute l’attention requise à la grave
récession de 1974-75, une crise de surproduction issue de la pleine reconstruction
de l’Allemagne et du Japon et de la concurrence économique croissante
entre les impérialistes.
Ils négligèrent le fait qu’après
avoir fait des concessions économiques et fourni des facilités
de marché à leurs alliés en échange de leur soutien
dans la croisade contre le communisme, les Etats-Unis avaient sapé à
la base leur propre capacité industrielle en marchandises commercialisables.
Ils ne tinrent pas compte non plus de l’incessant accroissement de la production
d’armes et des dépenses militaires, y compris tout ce qui était
destiné aux forces militaires à l’étranger et aux
guerres d’agression. Tout cela généra au sein de l’économie
américaine une demande d’inflation des prix.
Le passage d’une ligne politique keynésienne à
une ligne néolibérale trouve son explication dans la position
hostile aux travailleurs et au peuple, position qui soutenait que l’augmentation
des barèmes salariaux et les dépenses sociales du gouvernement
étaient les causes de la stagflation.
Tout en blâmant la classe
ouvrière d’être parasitaire et en surestimant les prétentions
sociales de l’Etat impérialiste, les décideurs politiques
américains cherchèrent à libérer davantage de deniers
publics en faveur de la bourgeoisie monopoliste et, afin de traiter le déséquilibre
de l’économie, ils se dirent plus favorables à des mesures
monétaires qu’à des mesures fiscales.
Le Conseil de la Réserve fédérale des
Etats-Unis, sous la présidence de Volcker, déblaya le terrain
pour que l’administration Reagan adopte officiellement la ligne politique
néolibérale en prescrivant des taux d’intérêt
élevés, lesquels atteignirent 19% durant la période de
1979 à 1982.
Ces taux élevés attirèrent des investissements
étrangers dans les actions et obligations américaines et provoquèrent
des fuites de capitaux à partir de l’Amérique latine et d’autres
pays endettés à l’égard des pays impérialistes
et tout particulièrement des Etats-Unis.
Sous l’administration Reagan, les Etats-Unis utilisèrent
des fonds étrangers afin de financer les dépenses élevées
en biens de consommation et la production accélérée, onéreuse,
d’armements sophistiqués et afin de couvrir les déficits
commerciaux et budgétaires résultants.
Par conséquent,
les Etats-Unis s’endettèrent profondément, au point de devenir
le plus gros débiteur mondial en 1989.
Outre ce passage d’une politique keynésienne à
une ligne néolibérale, les Etats-Unis forcèrent les institutions
multilatérales comme le FMI, la Banque mondiale et le GATT-OMC à
adopter, elles aussi, la ligne néolibérale.
Ces institutions proclamèrent
que les crédits officiels au « développement » alloués
aux pays en voie de développement par les Etats impérialistes
et les institutions multilatérales de prêt devaient diminuer et
que les pays en voie de développement devaient, soit se maintenir à
flot, soit sombrer sous les conditions de la globalisation de l’économie
du « libre marché ».
A cette date, les créanciers impérialistes avaient
déjà surendetté les pays du tiers monde à coups
de prêts, consentis surtout pour la mise en place d’infrastructures
et l’accroissement de la production de matières premières
destinées à l’exportation.
Dans ce climat de crise croissante
de surproduction des matières premières, il était temps
pour les sociétés et banques multilatérales de s’approprier
les ressources naturelles et les affaires commerciales des pays lourdement endettés.
Le FMI dicta des programmes d’ajustements structurels
qui imposèrent des mesures d’austérité, la conversion
de la dette extérieure en parité de rachat d’entreprises
sélectionnées ou en prétentions sur les ressources naturelles
des pays débiteurs, la libre circulation des capitaux, la libéralisation
du commerce et des investissements, la privatisation et la dérégulation,
la conversion des dettes privées non honorées en dettes publiques
et l’imposition, dans les affectations budgétaires des Etats clients,
de la priorité du remboursement de leur dette.
Le glissement politique se fit en direction d’une forme
pire encore de néocolonialisme, se traduisant en une manière ouvertement
plus brutale et plus rapide pour le capital d’exploiter le travail et pour
le capitalisme monopoliste de piller les ressources du prolétariat et
de la population de la planète.
Le principal objectif de la bourgeoisie
monopoliste était de rationaliser, au nom de la « liberté » du
marché, le recours à toute une hiérarchie de sociétés
et d’Etats et ce, en vue de satisfaire les intérêts impérialistes.
En pleine dévastation économique et sociale des
pays du tiers monde – dévastation résultant de la crise de
surproduction des matières premières et du poids écrasant
des dettes de ces mêmes pays du tiers monde – les impérialistes
et leurs propagandistes vantèrent les mérites de ce qu’on
a appelé les quatre tigres asiatiques (Taiwan, la Corée du Sud,
Hongkong et Singapour) : il s’agissait d’exemples remarquables de
réussite et de matière à émulation pour les pays
du tiers monde.
Ce qu’ils ne disaient pas, c’est que ces « vieux
tigres » avaient bénéficié de la protection de l’Etat
pour leurs investissements domestiques et l’adaptation particulière
de leurs exportations à l’important marché américain
de consommation, tout ceci compte tenu de leur position, durant les années
70, sur la ligne de front anticommuniste contre la Chine et la Corée
du Nord.
Dans les années 80, les Etats-Unis et leurs alliés se
mirent à faire les yeux doux à la Chine et aux pays du Sud-Est
asiatique, tels que la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie,
les présentant comme les « nouveaux tigres » de l’Asie.
Alors que le reste du tiers monde pataugeait en tous sens sur
le plan économique, les Etats-Unis battirent le rappel du Japon et des
« tigres » – anciens et nouveaux – en tant que piliers du « miracle
économique » est-asiatique et leurs partenaires les plus actifs dans
leur volonté de faire de l’Est de l’Asie la zone de croissance
par excellence des dernières décennies du 20e siècle
et de la totalité du 21e.
En effet, l’Asie de l’Est constituait un marché
prometteur, représentant un tiers de la population mondiale – soit
2 milliards d’êtres humains, dont 1,5 milliard pour l’Asie du
Nord-Est et 500 millions pour l’Asie du Sud-Est.
Les Etats-Unis considéraient
ce marché comme le complément de leur propre marché et
comme la principale base de la croissance économique qui allait donner
naissance à ce qu’on a appelé « le siècle d’or
» du Pacifique.
Les pays de la région Asie-Pacifique avaient déjà
une part de plus de 50% dans les flux du commerce mondial et on s’attendait
à ce que cette part augmente encore.
La bourgeoisie monopoliste américaine était certaine
de pouvoir faire se développer l’Asie de l’Est et de la dominer,
présumant que le Japon allait respecter les diktats des Etats-Unis dans
le cadre bilatéral du traité de sécurité américano-japonais
ainsi que dans le cadre bilatéral du Groupe des Sept, de l’OCDE,
du FMI, de la Banque mondiale, du GATT-OMC, de la Banque asiatique de développement
et de la Coopération économique de l’Asie-Pacifique (APEC).
L’alliance américano-japonaise était censée maintenir
la Chine et l’Association des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) à
des niveaux inférieurs de développement et dans un stade de soumission
économique.
En imitant les « vieux tigres », les pays agraires de l’Asie
du Sud-Est – et tout particulièrement la Thaïlande, la Malaisie
et l’Indonésie – étaient censés passer d’abord
à la production de produits semi-finis axés sur l’exportation
et à faible valeur ajoutée tels que vêtements, semi-conducteurs,
chaussures, jouets et produits du même genre qui figurent généralement
en tête des exportations traditionnelles agricoles et minérales.
On escomptait que les gains tirés des exportations pourraient être
utilisés pour le développement des industries de base comme l’avaient
fait Taiwan et la Corée du Sud.
Toutefois, sous le régime politique de la globalisation
du « marché libre », le FMI n’allait pas permettre aux Etats de
l’Asie du Sud-Est (contrairement à ce qui s’était produit
dans le cas du Japon, de la Corée du Sud et de Taiwan au cours des précédentes
décennies) d’adopter une politique de développement industriel
et de fournir protection et fonds publics à une telle politique.
En outre, les exportations des produits semi-finis de ces pays
ne disposaient pas d’un marché sûr aux Etats-Unis, alors que
les « vieux tigres » des précédentes décennies en avaient
été assurés à concurrence d’au moins 30%.
En
lieu et place, les « nouveaux tigres » et les « tigres en herbe » comme les
Philippines furent frappés par les restrictions du marché américain
sur leurs exportations de vêtements, en 1994, et sur celles des semi-conducteurs,
en 1996.
En Asie de l’Est, la Chine accueillait la majeure partie
des investissements directs étrangers dans la construction privée
et dans la production de produits semi-finis destinés à l’exportation.
En fait, pour l’année 1995, sur les 25% du total des investissements
directs mondiaux qui allèrent aux « marchés naissants », la Chine
en accueillit plus d’un tiers.
L’éventualité d’une grave crise de
surproduction dans les produits semi-finis destinés à l’exportation
fut très grande, dans la concurrence qui opposa la Chine et l’Asie
du Sud-Est.
Possédant une réserve de main-d’œuvre bien
plus importante et meilleur marché, particulièrement après
la dévaluation de sa monnaie, en 1994, la Chine pouvait remporter aisément
la compétition.
Elle allait écraser ses rivaux du Sud-Est asiatique
avant d’être, elle-même, la proie de problèmes en raison
de sa propre accumulation de production excessive.
Indépendamment de la concurrence avec la Chine et les
autres producteurs exportateurs de produits finis ailleurs dans le monde, les
pays du Sud-Est asiatique souffraient d’un retard distinct dans leurs propres
économies et structures commerciales nationales.
Leurs propres exportations
– matières premières et produits semi-finis – leur assuraient
des rentrées considérablement inférieures à ce qu’ils
dépensaient pour leurs importations.
Le caractère de dépendance à l’égard
des importations qu’entretenait la stratégie des exportations engendra
une grimpée des déficits commerciaux ainsi que des comptes courants.
L’accroissement du volume des exportations de marchandises à faible
valeur ajoutée engendra un accroissement du volume des importations de
marchandises à haute valeur ajoutée, d’outillage et de produits
intermédiaires ce qui, à son tour, se traduisit par une escalade
dans les déficits commerciaux.
En ce qui concerne les impérialistes et les institutions
financières, la poussée de la globalisation de l’économie
de « libre marché » en Asie de l’Est était censée
transformer les pays de la région en « marchés naissants » (et
non plus en « pays d’industrialisation récente » comme on l’avait
tant claironné naguère).
Ces pays subirent des déficits
commerciaux et/ou des déficits de paiement sans cesse croissants, mais
on leur permit d’emprunter des fonds à l’étranger pour
qu’ils importent des équipements et des composants pour la fabrication
de produits destinés à l’exportation, à la construction
privée, à la fabrication d’articles de luxe pour la classe
supérieure et la classe moyenne supérieure (voitures, appareillage
domestique, ordinateurs, gadgets du secteur télécom et autres
produits du même genre).
Les Etats-Unis et leurs alliés impérialistes
avaient activé la libéralisation des flux de capitaux et du commerce.
L’ampleur sans cesse croissante du commerce et/ou des déficits des
comptes courants était couverte par les rentrées des investissements
étrangers directs et des investissements de portefeuilles spéculatifs.
L’Indonésie et la Malaisie avaient des surplus commerciaux du fait
qu’outre leurs autres exportations, elles exportaient également
leur pétrole. Néanmoins, elles durent faire face à des
déficits croissants de leurs comptes courants.
Les Philippines souffraient, elles aussi, de déficits
commerciaux croissants.
Ils entraient pour une bonne part dans les déficits
de leurs comptes courants, aggravés bien sûr en raison des paiements
du service de la dette extérieure.
La Thaïlande, à l’instar
des Philippines, enregistrait une hausse de son commerce et des déficits
de ses comptes étrangers.
Toutefois, le déficit de ses comptes
courants était bien plus important que celui des Philippines.
Ses réserves
internationales consistaient avant tout en crédits à court terme.
Par conséquent, la Thaïlande devint plus vulnérable en tant
que cible de la spéculation sur les devises.
Les sociétés multinationales étrangères
et les grosses sociétés compradores locales continuèrent
d’année en année à agir en dépit du bon sens,
contractant des emprunts à court terme pour rembourser le service de
la dette et financer des projets à long terme et attirer des investisseurs
à s’engager dans le commerce spéculatif à court terme
d’actions et de produits dérivés.
Les rentrées de
capitaux à court terme gonflèrent la valeur des devises du Sud-Est
asiatique et stimulèrent les importations.
Les gouvernements de l’Asie du Sud-Est avaient été
mis à mal non seulement par un accroissement du commerce et des déficits
des comptes courants mais également par des déficits budgétaires.
Une insuffisance de rentrées d’impôts et taxes poussa ces
gouvernements à liquider des biens d’Etat, ce qui leur permit d’obtenir
des revenus non renouvelables.
Mus par un désespoir constant, ils émirent
des obligations d’Etat ou des bons du trésor nantis de taux d’intérêt
exceptionnellement alléchants, allant jusque 35%. Ils devinrent des cibles
de prédilection pour les spéculateurs.
Les flux totaux de capitaux vers l’Asie de l’Est
pour la seule année 1996 (juste avant le déclenchement de la crise
du Sud-Est asiatique) s’élevaient à 156,8 milliards de dollars
US, c’est-à-dire trois fois plus qu’en 1990. Les trois quarts
au moins de ce montant consistaient en capitaux spéculatifs plutôt
qu’en investissements directs.
Les prêts exceptionnels consentis
par les banques des pays impérialistes à la Chine, la Corée
du Sud, Taiwan, la Malaisie, l’Indochine et les Philippines s’élevaient
à 338,6 milliards de dollars US, soit deux fois plus qu’en 1993
(165,2 milliards de dollars US).
La part du Japon dans le marché des capitaux de l’ensemble
de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud-Est en particulier (spécialement
en Thaïlande, aux Philippines, en Malaisie et en Indonésie) était
respectivement de 35,4 et 43%. Par contre, celle des Etats-Unis n’était
respectivement que de 6,3 et 10,3%. Les pays de l’Union européenne
prenaient le reste à leur compte.
Astucieusement, les Etats-Unis prirent beaucoup moins de risques
dans leurs prêts que le Japon et les pays de l’Union européenne.
Ils se concentrèrent sur la concurrence avec ces mêmes Japon et
pays de l’Union européenne dans la vente de voitures et autres produits
industriels de base et prirent nettement la tête dans la vente d’équipements
de haute technologie, de services financiers, de fournitures militaires, de
divertissements, de produits pharmaceutiques, de denrées alimentaires
et de boissons.
Alors qu’ils encourageaient le Japon et l’Union européenne
à consentir d’énormes prêts aux pays du Sud-Est asiatique,
les Etats-Unis attendirent la fin des fusions financières de 1997-1998
pour être à même de racheter les sociétés en
faillite de leur choix dans l’ensemble de l’Asie de l’Est, y
compris au Japon.
La crise de 1997 dans le Sud-Est asiatique
Le 2 juillet 1997, la crise financière éclata
dans le Sud-Est asiatique et les cours s’effondrèrent lorsque les
responsables thaïlandais dévaluèrent le baht de plus de 15%,
à la suite de toute une semaine de liquidation de la part des spéculateurs
étrangers en devises.
D’autres monnaies du Sud-Est asiatique, dont
le peso philippin, le ringgit malais et la roupie (rupiah) indonésienne,
connurent une terrible baisse. En moins d’un mois, les dévaluations
atteignirent 32%.
La crise du Sud-Est asiatique émit des ondes de choc
à l’échelle mondiale. Le 15 août, la bourse de New
York assista à sa plus importante dégringolade, en une seule journée,
depuis le krach de 1987.
On assista également à des pertes massives
aux bourses de Francfort, de Paris et de Londres.
La bourse de Hongkong chuta
de 15%. La marché japonais des obligations plongea lui aussi.
Sous l’égide du FMI, les banques internationales
et un certain nombre de gouvernements approuvèrent un plan de sauvetage
de 17,2 milliards de dollars US destiné à soutenir le baht thaïlandais.
Ce renflouage, le plus important depuis la crise du peso mexicain en 1995, fut
insuffisant pour stabiliser la devise.
Il fut immédiatement ponctionné
par les prétentions des banques créancières internationales
et les sociétés financières privées et leur incessante
frénésie de spéculations en tous genres sur les devises.
La crise s’étendit rapidement aux « vieux tigres
», dès octobre.
Le dollar de Singapour connut un creux de 40 mois par
rapport au dollar US.
Le won sud-coréen chuta également avec toute
une série de faillites colossales de sociétés commerciales.
A la mi-octobre, les devises du Sud-Est asiatique avaient chuté de plus
de 35%. Des pertes importantes, allant jusqu’à 40% s’étaient
produites dès juillet sur les marchés des valeurs.
La bourse philippine
des valeurs chuta de 41% environ, ce qui se traduisit par une perte de 21 milliards
de dollars US.
Le 24 octobre, le marché des valeurs de Hongkong s’effondra.
Les directions des fonds communs de placement et des fonds de retraite liquidèrent
les actions des grosses sociétés de Hongkong. Le Dow Jones s’effondra,
atteignant un niveau inférieur à celui du krach quelques mois
plus tôt.
En une seule journée, il connut le chute la plus importante
de toute son histoire.
A la fin octobre, la Thaïlande et l’Indonésie
mendièrent un plan de sauvetage auprès du FMI.
Celui-ci promit
un montant de 33 milliards de dollars US pour l’Indonésie et ordonna
au gouvernement indonésien de fermer seize banques insolvables et de
cesser les subsidiations en nourriture et énergie.
En novembre, la crise des devises s’aggrava encore, lorsque
le yen japonais se remit à baisser par rapport au dollar, après
l’effondrement d’une importante société de placement
et d’investissement.
Le won sud-coréen connut lui aussi une dévaluation.
Le gouvernement sud-coréen fut obligé de contracter des emprunts
défavorables auprès des banques et, finalement, alla mendier auprès
du FMI afin d’obtenir un prêt d’urgence d’au moins 20 milliards
de dollars US.
En fin de compte, le FMI organisa un plan total de sauvetage
de 120 milliards de dollars US en Asie du Sud-Est : l’Indonésie
et la Thaïlande reçurent ensemble 63 milliards de dollars US et
la Corée du Sud, 57 milliards.
Les Etats-Unis rejetèrent la proposition
du Japon d’organiser un Fonds monétaire asiatique censé remplacer
le FMI dans le traitement de la crise financière en Asie.
Ils favorisèrent
le recours au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque asiatique
de développement pour l’octroi des fonds de renflouage et ce, afin
d’assurer aux banques et sociétés d’investissement américaines
le remboursement prioritaire et les meilleures occasions de faire des acquisitions
dans la vente à bas prix des actifs asiatiques.
L’évidence nous montre que la crise dans le Sud-Est
asiatique peut être décrite comme une crise des devises et une
crise financière.
Elle se produisit de façon particulièrement
brutale dans un monde de liberté de flux de capitaux et de transactions
privées de devises, à la vitesse électronique de 1.300
milliards de dollars US par jour et en dehors du contrôle des banques
centrales.
Cette crise se caractérisa par une chute vertigineuse des
devises, une mise à sec des réserves internationales, de graves
baisses boursières, des fuites de capitaux et des demandes de plans de
secours auprès du FMI.
Tout cela découlait du caractère fondamental,
des lois internes du mouvement et des problèmes structurels des économies
de l’Asie du Sud-Est.
Il est nécessaire d’étudier cette
crise dans son ensemble et en profondeur, les considérations fragmentaires
et superficielles ne manquant pas pour obscurcir les causes du phénomène.
Le Premier ministre Mahathir de la Malaisie accusa de la crise
George Soros et d’autres manipulateurs de fonds de couverture et adopta
le contrôle de capitaux pour parer à la fuite des effets vers l’étranger.
Les Etats-Unis et le FMI soulignèrent le rôle du « capitalisme
de copinage » pour expliquer la crise et occulter la responsabilité,
bien plus grande, des capitalistes monopolistes étrangers et leur collaboration
avec les grands bureaucrates des classes supérieures des compradores
et des grands propriétaires.
Certes, les grands bureaucrates et leurs supérieurs
et copains économiques parmi les gros compradores et propriétaires
jouèrent un grand rôle dans les causes de la crise financière.
Mais leur rôle ne peut être plus important que celui des Etats impérialistes,
du FMI, de la Banque mondiale, du GATT-OMC et des sociétés et
banques multinationales qui tiennent les économies du Sud-Est asiatiques
prisonnières et déterminent leur rôle dans une division
internationale du travail qui empêche leur développement équilibré.
Les économies du Sud-Est asiatique sont fondamentalement
agraires, avec nombre d’industries diverses dépendant des importations.
Elles sont toujours lourdement dépendantes des exportations de matières
premières (agricoles et minérales) en plus d’une production
semi-finie à faible valeur ajoutée.
En raison du sous-développement,
elles sont également dépendantes vis-à-vis des importations
en tous genres de biens de consommation et d’équipement.
Les revenus
qu’elles tirent des exportations ne suffisent jamais à payer leurs
importations.
Par conséquent, elles s’enfoncent de plus en plus
dans l’endettement envers l’étranger et deviennent de plus
en plus soumises aux diktats et à la prise de profit des impérialistes.
Dans des pays comme la Thaïlande, la Malaisie et les Philippines,
les exportations de produits semi-finis comme les semi-conducteurs et les vêtements
peuvent constituer plus de 50% des exportations.
Mais ils sont produits par
des entreprises en mauvais état qui, en fait, récoltent des revenus
nets à l’exportation très bas en raison des frais très
élevés dus à l’importation d’équipements
et de composants pour les manufactures de produits semi-finis.
Les impérialistes ont dicté les termes de la
globalisation du « libre marché » aux Etats clients du Sud-Est asiatique.
A ceux-ci, on a dit de viser un statut de « marché naissant » plutôt
que de réclamer un statut d’« industrialisation récente »
pour leurs économies.
En tant que « marchés naissants », les économies
du Sud-Est asiatique doivent gagner autant qu’elles peuvent à partir
de leur éventail limité d’exportations et faire appel à
des emprunts commerciaux, des investissements directs et des capitaux spéculatifs
pour obtenir les fonds nécessaires au paiement de leurs importations.
De nos jours, les décideurs politiques et propagandistes
impérialistes ne s’intéressent que pour la forme au développement
industriel en tant qu’objectif de tout pays sous-développé.
Le développement de ce genre de pays est laissé à la liberté
d’entreprendre du secteur privé et au marché.
Les impérialistes
découragent bien évidemment le dirigisme des Etats soucieux de
consacrer les ressources financières et autres ressources économiques
au développement industriel.
(Il n’y a que les ONG financées
par des fonds impérialistes et agissant comme arrière-gardes propagandistes
des impérialistes, pour parler d’un « développement économique
durable, respectueux de l’environnement », puisque les impérialistes
eux-mêmes préfèrent parler de globalisation du « libre marché
» plutôt que de « développement ».)
Pour conjurer l’illusion du développement, les
impérialistes (et particulièrement le Japon) ont dégagé
des fonds pour la construction privée (hôtels, terrains de golf,
tours de bureaux, logements à grande échelle et autres projets
similaires), outre les fonds dégagés pour les entreprises de production
de semi-finis.
Quand les économies du Sud-Est asiatique ont connu de
dramatiques déclins de leurs revenus d’exportations ou de grosses
augmentations de leurs déficits commerciaux, toutes ont été
disposées à parler de crédits à court terme pour
des projets privés de construction.
Le boum dans la construction privée
a servi tout un temps, jusqu’en 1997, à masquer le déclin
économique et à stimuler une certaine quantité de cash
flow domestique ainsi que la demande des consommateurs.
C’était une espèce d’« amorçage
» néolibéral, si l’on peut établir une analogie avec
l’amorçage keynésien via les travaux publics. Mais il est
certain que le boum de la construction privée ne se traduisit pas par
des avantages publics puisqu’il était financé par des crédits
à court terme et qu’il servait étroitement les classes supérieures
et moyennes supérieures.
A la fin, il y eut une surproduction d’unités
commerciales et résidentielles, que les riches acheteurs pressentis ne
purent absorber.
Par exemple, Bangkok à elle seule possédait des
unités vacantes, en 1997, représentant plus de 20 milliards de
dollars US.
Les pays du Sud-Est asiatique les plus dévastés
par la crise financière de 1997 furent ceux qui s’ouvrirent le plus
à la libre circulation des capitaux étrangers et qui permirent
aux emprunteurs privés de ramasser des capitaux à court terme
pour se lancer dans la spéculation immobilière et dans les transactions
injustes entre des exportations à faible valeur ajoutée et des
importations manufacturées de valeur plus élevée.
Une grande
partie des importations consistaient en articles de luxe.
La libre circulation des capitaux devait servir, aux yeux des
impérialistes, à accélérer la vente des produits
industriels de base et des biens de consommation et d’équipement
de haute technologie, ainsi qu’à faciliter l’extorsion de profits
plus élevés à partir des « produits » financiers en plus
du crédit commercial habituel.
Elle était, de ce fait, censée
accélérer la sortie de capitaux sous forme de versements de bénéfices
et de service des dettes et maintenir les économies clientes dans une
soumission permanente, sous la menace constante de l’insolvabilité
financière et de la fuite des capitaux.
La politique financière des « marchés naissants
» de l’Asie du Sud-Est permit aux exportateurs étrangers et locaux
d’exporter vers l’étranger les revenus de l’exportation.
Tentant sans cesse de réduire leurs risques, ils préféraient
placer une part croissante de leurs capitaux aux Etats-Unis ou ailleurs, ce
qui aggrava considérablement les déficits commerciaux et les déficits
des comptes courants.
La libre circulation des capitaux sema le désespoir
parmi les économies clientes et les força à recourir au
crédit à court terme pour couvrir les déficits sans cesse
croissants sur le plan du commerce et des comptes courants.
Pour compléter la liste de tous ceux qu’on peut
tenir pour responsables de la crise, il nous faut passer en revue la structure
entière des exploiteurs : les sociétés et banques impérialistes
au-dessus du lot, les classes locales exploiteuses, les réactionnaires
au pouvoir et les petits copains de ces derniers.
Les impérialistes sont-ils imprudents lorsqu’ils
laissent les pays du Sud-Est asiatique poursuivre leur accumulation de déficits,
de dettes si lourdes qu’ils ne pourront jamais espérer les rembourser
complètement et qu’il leur faudra quémander de l’aide
auprès du FMI chaque fois qu’ils connaissent un effondrement économique
et financier ?
Non, les impérialistes ont la tête froide et ils
calculent leur coup de façon à maintenir les économies
clientes du Sud-Est asiatique dans un état de néocolonies et de
métairies endettées.
Par le joug de la dette, ils cherchent à
s’approprier les ressources naturelles et à reprendre les sociétés
en faillite, à poursuivre la baisse des salaires de la main-d’œuvre
locale et, ce faisant, à optimaliser leurs bénéfices et
à maintenir le service de la dette à partir de l’accumulation
sans cesse croissante de la dette extérieure.
Même avant 1997, la vie se dégradait pour toutes
les nations et masses laborieuses du Sud-Est asiatique.
L’illusion d’une
croissance économique perpétuelle fut conjurée par la libre
circulation des capitaux, en particulier des capitaux spéculatifs, et
par la surconsommation évidente de la part des classes supérieures
et moyennes supérieures.
Les types de produits d’exportation assignés aux
pays du Sud-Est asiatique subirent une crise de surproduction de plus en plus
aiguë. La Chine et l’Asie du Sud-Est (sans parler de quelques autres
pays d’ailleurs) tentèrent de s’évincer mutuellement
dans l’exportation des mêmes types de produits semi-finis destinés
à l’exportation.
Depuis la crise de 1997, les pays du Sud-Est asiatique ont
été victimes de taux extrêmement élevés de
chômage et de sous-emploi, de banqueroutes et de réductions de
la production, de baisses dramatiques dans le niveau des revenus pour toute
la population, de hausses draconiennes dans les prix des marchandises de première
nécessité, de dévaluations monétaires permanentes,
du poids écrasant des dettes et d’un démantèlement
des infrastructures et des services sociaux.
Le nombre de personnes qui survivent en dessous du seuil de
pauvreté s’est incroyablement accru. 90% des habitants de l’Asie
du Sud-Est se sont appauvris.
La malnutrition, la maladie et l’analphabétisme
sévissent. Même les couches des classes moyennes qui avaient tiré
parti de l’expansion économique de naguère se sont appauvries,
elles aussi, dans des proportions importantes.
La crise économique et sociale qui règne parmi
les Etats clients de l’Asie du Sud-Est a débouché par la
suite sur une crise politique. Toute la région est devenue le creuset
d’un mécontentement social, de contestations amères parmi
les réactionnaires et de mouvements révolutionnaires armés.
Les Etats clients sont devenus faibles et instables. Chacune
des cliques dirigeantes s’attire la haine du peuple en collectant des impôts
de plus en plus lourds et en récoltant des pots-de-vin dans les économies
en déroute.
Ces cliques font de plus en plus l’objet d’accusations,
sont de plus en plus isolées et haïes par le peuple du fait qu’elles
ne sont que des marionnettes corrompues, spécialisées dans la
tromperie et la répression.
En Indonésie, le régime fasciste militaire de
Suharto, installé de longue date, a été renversé
et ses successeurs sont toujours confrontés à une crise de plus
en plus grave.
Des forces réactionnaires centrifuges, militaires, religieuses
et ethnocentriques tentent de fragmenter l’Indonésie.
Dans un même
temps, le Parti communiste indonésien s’est renforcé en profitant
du 8e Congrès du Parti.
Le mouvement de masse révolutionnaire
gagne constamment en importance et ce, à l’échelle nationale.
Aux Philippines, le mouvement révolutionnaire, sous
la conduite du Parti communiste des Philippines, continue à progresser
dans sa révolution néodémocratique et à prouver
aux peuples du Sud-Est asiatique que mener une guerre populaire et remporter
des victoires est possible, même dans un pays qui subit le carcan de l’impérialisme
américain.
Diverses formes de lutte démocratique ont considérablement
gagné en force, aux Philippines.
Un large front uni de forces patriotiques
et progressistes a renversé le régime d’Estrada et procure
des sueurs froides à l’actuel régime en place.
Les pays du Sud-Est asiatique qui ont amorcé la stratégie
centrée sur les exportations et dépendante des importations, de
même que ceux qui les ont suivis, y compris les pays de l’Indochine,
continuent à souffrir de la crise mondiale de surproduction.
Ils connaissent
une situation de plus en plus pénible, d’autant que l’économie
américaine, elle aussi, s’est retrouvée dans une récession
prolongée et qu’elle a aggravé la dépression mondiale
bien avant même que l’Asie du Sud-Est puisse se relever de la crise
de 1997.
Les conditions de la crise dans l’ensemble de l’Asie
du Sud-Est permettent d’être optimistes au sujet du développement
de toutes sortes de formes de lutte révolutionnaire pour la libération
nationale et la démocratie contre l’impérialisme américain
et les classes des exploiteurs locaux. Dans les prochaines décennies,
l’Asie de l’Est est amenée à devenir le terrain d’une
nouvelle vague puissante du large mouvement anti-impérialiste et de la
révolution prolétarienne mondiale.
Au-delà de la crise de 1997 dans le Sud-Est asiatique
La crise du Sud-Est asiatique s’est répandue comme
une contagion et a gagné la Corée du Sud lors du dernier trimestre
de 1997.
Les mêmes puissances impérialistes, les multinationales,
les banques et les capitalistes de la finance qui furent impliqués dans
la crise du Sud-Est asiatique, opérèrent sur la Corée du
Sud et continuèrent à engendrer une crise en Asie du Nord-Est
et dans l’ensemble de l’Asie de l’Est.
Toutefois, l’économie sud-coréenne possède
un caractère différent des économies de l’Asie du
Sud-Est et elle a sa propre manière caractéristique de connaître
une crise financière.
Elle est industrialisée mais est fortement
dépendante du capital financier japonais.
Elle produit de l’acier
brut, des voitures, des appareils domestiques et de l’électronique
de consommation courante.
Ces produits entrent en rivalité directe avec
les mêmes produits d’exportation venant des Etats-Unis, du Japon
et de l’Union européenne.
Avant la crise de 1997, la crise mondiale de surproduction
dans ces produits sévissait déjà.
La Corée du Sud
avait espéré qu’en contractant d’importants emprunts
auprès des banques et en étendant sa production, elle aurait pu
battre ses concurrents en exportant plus de marchandises à des prix moindres
et, de ce fait, résoudre son problème.
En fin de compte, les banques
s’alarmèrent des défaillances des sociétés
sud-coréennes et de l’impact de la situation sur la crise financière
en Asie du Sud-Est.
Fournissant la plus grande quantité de fonds à
l’ensemble de l’Asie de l’Est, le Japon fut ballotté par
les ondes de choc en provenance de l’Asie du Sud-Est, puis de la Corée
du Sud.
Frappé par la récession et condamné à la
stagnation pour un bout de temps après la désintégration
de son miracle économique, le Japon fut confronté, en 1990, à
une aggravation croissante de ses problèmes économiques et financiers,
l’Asie du Sud-Est et la Corée du Sud étant incapables de
rembourser les emprunts commerciaux qu’il leur avait consentis.
Le Japon s’affolait aussi de la contraction, dans le Sud-Est
asiatique, du marché des marchandises produites au Japon même et
à l’étranger par des firmes japonaises et sud-coréennes.
Il était encore plus inquiet du fait que les sociétés et
banques monopolistes américaines rachetaient les firmes sud-coréennes
défaillantes ou carrément en faillite et continuaient à
se reconvertir au sein d’une économie japonaise de plus en plus
affaiblie.
Depuis lors, les Etats-Unis ont en effet tiré parti des problèmes
économiques et financiers du Japon et de la Corée du Sud en reprenant
bon nombre des sociétés de ces deux pays.
La Chine a pratiqué des contrôles de capitaux
afin de se protéger de la crise financière et des dévaluations
des monnaies en Asie de l’Est.
On s’attendait à ce qu’elle
dévalue sa monnaie afin de barrer la route à l’avantage aux
exportations attendu chez les pays du Sud-Est asiatique en dévaluant
leurs monnaies propres.
Mais la Chine ne dévalua pas sa monnaie.
Elle était
satisfaite du résultat de sa dévaluation monétaire de 1994
et craignait des conséquences économiques plus graves en Asie
de l’Est et dans l’ensemble du monde capitaliste.
En fait, les dévaluations
monétaires n’aidèrent pas les exportations de l’Asie
du Sud-Est.
Elles relevèrent les coûts des équipements et
composants importés.
Par-dessus tout, la crise mondiale de surproduction
dans les types de marchandises exportées par l’Asie du Sud-Est persista.
L’économie capitaliste mondiale a régressé
depuis 1997.
Mais le phénomène est en partie occulté par
les chiffres de la croissance nominale des Etats-Unis et de l’Europe occidentale
et par l’inclusion de ceux-ci dans les taux de croissance moyens à
l’échelle mondiale.
Ces taux de croissance abstraits cachent aussi
le long délabrement économique de l’ensemble des pays du
tiers monde et des pays en régression de l’ancien bloc soviétique.
Avant que l’Asie de l’Est ait pu se redresser, la
Russie et le Brésil ont plongé dans une crise financière,
respectivement en 1998 et au début 1999, suite à leur incapacité
de payer le service des dettes en souffrance qui s’étaient intensifiées
en raison de leurs déficits commerciaux croissants.
Les crises de la
Russie et du Brésil ont aggravé jusqu’à un certain
point les problèmes de l’Union européenne dus à la
crise de l’Asie de l’Est.
Alors que la crise économique et financière prenait
de l’ampleur, à partir de l’Asie du Sud-Est, pour gagner l’Asie
du Nord-Est en 1997, puis la Russie et le Brésil en 1998 et 1999, les
Etats-Unis tentèrent de soutenir les « marchés naissants » avec
des fonds de renflouage en provenance du FMI, de la Banque mondiale et du G7.
Ils continuèrent à tirer avantage de l’afflux sur leur territoire
de capitaux en provenance de l’Europe, du Japon et des « marchés
naissants » qui avaient fait naufrage.
Les bénéfices élevés, la hausse
de la valeur des actions (particulièrement dans les entreprises spécialisées
dans les technologies de pointe) et les intérêts plus élevés
sur les obligations attirèrent des fonds étrangers aux Etats-Unis
et contribuèrent à subventionner la consommation américaine
ainsi que les déficits commerciaux croissants des Etats-Unis.
Le capital
se surconcentra et se surcentralisa aux Etats-Unis.
Les avoirs étaient
surévalués. Les rapports bénéfice/prix des actions
gonflèrent à coups de centaines, voire de milliers de pour-cent.
Le capital spéculatif grimpa trop haut par rapport au niveau du capital
productif de l’économie réelle.
Les Etats-Unis se vantèrent à tort et à
travers d’avoir développé dans les années 90 une «
nouvelle économie » de haute croissance sans inflation et avec un taux
élevé d’emploi, économie qui chevauchait les crêtes
de la haute technologie.
En l’an 2000, toutefois, la bulle que représentaient
les technologies de pointe américaines explosa et toute la « nouvelle
économie » commença à s’effondrer.
Les Etats-Unis
subirent un coup dur, tant de l’intérieur que de l’extérieur.
De l’intérieur, le processus accéléré
consistant à extraire la plus-value de la classe ouvrière américaine
conduisit à la suraccumulation de capitaux.
Pour maximaliser la production
tout en contrant la chute du taux de profit, la bourgeoisie monopoliste accrut
les capitaux immobilisés (matières premières, équipements
et installations) et réduisit le capital variable destiné aux
salaires.
Les technologies de pointe accrurent leur productivité
sociale tandis que le capital variable destiné au salaire diminuait.
Le problème pour la bourgeoisie monopoliste, c’est qu’en tentant
de maximaliser les profits par l’augmentation des capitaux immobilisés
et la réduction des capitaux variables, elle réduit en fin de
compte le pouvoir d’achat des masses laborieuses et rétrécit
le marché censé accueillir ses marchandises.
Pour accroître le capital au-delà du capital existant
augmenté des profits réalisés dans la vente des marchandises,
la bourgeoisie monopoliste recourut à des emprunts bancaires, des actions,
des obligations de sociétés et des produits dérivés
à la fois pour stimuler la production et spéculer sur l’argent.
Des sociétés géantes et des opérateurs véreux
poussèrent la folie jusqu’à rassembler des capitaux fictifs
et à procéder à toutes sortes d’expansions réelles
ou imaginaires de même qu’à des fusions spéculatives
aux Etats-Unis et partout dans le monde.
Durant les années 90, les Etats-Unis bâtirent
un monde illusoire de prospérité illimitée pour le peuple
américain tout entier en se vantant d’un gros revenu par habitant.
Par quels moyens ?
La liquidation des emplois réguliers et leur remplacement
par des emplois à temps partiel, l’encouragement de la surconsommation
par le biais du crédit à la consommation et la conversion de 40%
de la population américaine en investisseurs à la petite semaine
sur le marché des valeurs.
Mais, aux Etats-Unis mêmes, la maximalisation des profits
et la réduction des barèmes salariaux débouchèrent
finalement sur une crise de surproduction en rapport avec la réduction
du pouvoir d’achat de la population.
Les stocks invendus provoquèrent
des réductions dans la production, des licenciements et des faillites.
En dehors des Etats-Unis, la contraction du marché mondial
due à la crise de surproduction et aux fusions financières se
traduisit par des fuites de capitaux, principalement en direction des Etats-Unis
et ce, jusqu’au début de l’année 2000.
Mais, en fin
de compte, la situation aux Etats-Unis fut lourdement aggravée par la
réduction des exportations et l’accroissement des déficits
commerciaux.
La réduction des exportations en provenance des Etats-Unis
résulta en outre en une diminution des commandes d’exportations
en provenance d’autres pays.
Par conséquent, on peut dire qu’un
cercle vicieux a pour effet de contracter le marché mondial et ce, à
un taux cumulatif.
Depuis mars 2000, le marché boursier américain
a plongé – l’indice NASDAQ des technologies de pointe dégringolant
plus rapidement encore que le Dow Jones.
Des milliers de milliards de dollars
se sont évaporés, spécialement dans les transactions concernant
les actions des firmes de haute technologie.
Depuis octobre 2000, la production
industrielle a également baissé.
Depuis plus de deux ans déjà,
les Etats-Unis sont en récession. Le taux de chômage a atteint
5,7%.
La contraction du marché américain eut pour conséquences
l’aggravation de la récession prolongée du Japon et la stagnation
de l’Europe.
Même dans de tels pays développés, de
plus en plus de gens se sont appauvris en raison des licenciements massifs et
de la réduction des revenus réels.
L’écrasante majorité
des pays, spécialement ceux qui exportent des matières premières
et des produits semi-finis, ont été plongés dans une condition
de dépression économique permanente.
Ils sont ravagés par
un chômage massif, des dévaluations abruptes de leur monnaie, des
hausses de prix frappant les marchandises de première nécessité
et la perte de leurs services sociaux de base.
Depuis l’adoption de la ligne politique néolibérale,
on assiste à une réaction en chaîne de crises de plus en
plus graves : la crise de la dette en Amérique latine et dans le reste
du tiers monde qui débuta en 1982, le krach boursier d’octobre 1987,
l’éclatement de la bulle de prospérité japonaise en
1990, la dégringolade du peso mexicain en 1994, la crise de l’Asie
de l’Est en 1997, les crises de la Russie et du Brésil en 1997 et
1998, le krach prolongé de la « nouvelle économie » américaine
depuis 2000 et les banqueroutes de l’Argentine et de la Turquie en 2001-2002.
L’actuelle crise économique et financière
des Etats-Unis a des conséquences étendues.
Elle porte à
de nouvelles profondeurs la crise chronique de surproduction, récurrente
et de plus en plus grave, et la crise financière chronique du système
capitaliste mondial.
L’administration Bush ne propose aucune solution aux Etats-Unis
et à la crise capitaliste mondiale si ce n’est l’aggravation
de cette même crise en renforçant la prétendue globalisation
du « libre marché » par d’importantes exonérations d’impôts
pour les sociétés géantes ainsi que des dépenses
et une production militaires croissantes.
Les Etats-Unis nous rebattent les oreilles avec leur « guerre
contre le terrorisme ».
Ils stimulent les interventions et agressions militaires
de façon unilatérale ou en collaboration avec les autres Etats
impérialistes et les Etats clients.
Ils constituent la puissance terroriste
numéro un de la planète mais adoptent le déguisement de
la lutte contre le terrorisme en menant des attaques brutales contre les peuples
révolutionnaires, les mouvements de libération nationale et les
pays qui veulent affirmer leur indépendance.
Sous la pression de la crise de surproduction et des effondrements
financiers, le masque de la « libre entreprise » est tombé de la face
du capitalisme monopoliste américain. Les Etats-Unis sont devenus avides
de reprendre à leur compte les avoirs étrangers et sont devenus
de plus en plus protectionnistes face aux concurrents étrangers dans
le marketing des produits agricoles et industriels.
Jusqu’à présent, les Etats-Unis ont été
à même de mobiliser et commander les autres puissances impérialistes
contre les peuples et nations opprimés et contre les pays ou Etats désireux
d’affirmer leur indépendance nationale.
Mais les autres puissances
impérialistes sont de plus en plus conscientes et amères de voir
les Etats-Unis s’arroger la part du lion des butins de guerre.
Du fait de l’aggravation de la crise frappant les Etats-Unis
et l’économie capitaliste mondiale, la lutte pour le repartage du
monde entre les impérialistes est amenée à s’intensifier
et à engendrer d’autres guerres encore.
Mais la classe ouvrière
va, elle-même, intensifier la lutte de classes contre la bourgeoisie monopoliste
et transformer la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire
dans le but d’instaurer le socialisme.
Les peuples et nations mèneront
des guerres de libération nationale contre les guerres impérialistes
d’agression et établiront des démocraties populaires et le
socialisme.