Union Ouvrière Communiste (MLM) de Colombie
La guerre des FARC n'est pas une guerre du
peuple
juin 2008
La guerre qui se vit aujourd'hui en Colombie est une guerre
réactionnaire, et elle le reste, même s'il faut reconnaître que la
guérilla affronte le régime d'Uribe.
Mais le caractère d'une guerre
est déterminé par les intérêts que poursuivent ses protagonistes,
par les objectifs qu'ils suivent et par la classe qu'ils servent,
au-delà de ce qu'ils peuvent dire d'eux-mêmes. Le fait qu'elle soit
armée ou pas n'est pas un discriminant pour définir le caractère
révolutionnaire d'une lutte.
Les FARC ne représentent pas les
intérêts du peuple, et cela depuis longtemps.
Depuis la mort de Manuel Marulanda, d'innombrables conjectures ont
été avancées pour savoir ce que représentait pour cette
organisation la perte de son plus haut chef, et bien sûr beaucoup
d'opinions sont entrées en lice au sujet de l'avenir des FARC.
Marulanda fit partie des fondateurs de cette organisation de
guérilla, apparue en 1964 en réponse à l'escalade de violence qui
avait fait rage au milieu du siècle passé, précisément au moment
de ce qu'on appelle « la violence libérale-conservatrice », une
époque marquée par une intensification de la violence dans les
zones rurales qui a pris place dans le processus général de
décomposition de la paysannerie et de son dépeuplement massif au
profit de l'augmentation de la population des villes.
A ce propos, la revue Contradicción expliquait dans son n°18 qu' «
en 1938, 70% de la population du pays habitait la campagne, contre
30% dans les villes, et pas plus de 15% dans des villes de plus de
10.000 habitants. En 1993, la proportion est totalement opposée :
76% de la population habite les villes contre 24% à la campagne. »
Ce dépopulation des campagnes se fit par le feu et le sang, à la
façon propriétaire terrienne, suivant la voie réactionnaire.
Au milieu de cette violence se dresse le mouvement paysan, dans une
résistance armée qui est repoussée par une artillerie
disproportionnée dans un déluge de feu et de sang.
Rien qu'à Marquetalia, dans les département de Huila, Valle del
Cauca et de Tolima méridionale, 15.000 soldats réguliers sont
postés pour encercler l'insurrection paysanne et achever ces
derniers par le feu et le sang, le tout au nom de la démocratie et
de la défense des institutions. Suite à cela, et avec quelques
paysans armés, surgirent les FARC.
Cela étant, les motifs qui ont provoqué son apparition ont cessé
d'être, depuis déjà des années, la justification de l'existence de
cette organisation.
Ses intérêts sont tout autres : la dispute pour
le contrôle des zones, pour les milliards de bénéfices que donnent la
culture et la commercialisation de la coca et du pavot. Voilà ce
qui met réellement en mouvement cette organisation.
Actuellement,
les belligérants dans cette guerre sont en réalité des factions
bourgeoises et petites-bourgeoises qui se disputent les parts des
bénéfices, chacune avec sa propre armée.
Au sujet de la prise du pouvoir, leur dispute ne concerne en rien
la recherche de la destruction de l'Etat réactionnaire et la
construction du pouvoir ouvrier et paysan.
De fait, les zones contrôlées par les FARC n'ont pas été des
régions où a été instauré un pouvoir populaire directement contrôlé
par les masses armées et organisées. Au contraire, la guérilla est
devenue dans ces zones un fléau qui ne se distingue en rien des
forces militaires et para-militaires.
Les déclarations de Timoleón Jiménez en personne le confirment.
C'est ce chef des FARC qui fut chargé de communiquer la nouvelle de
la mort de Marulanda le 26 mars dernier et de son remplacement par
Alfonso Cano.
Dans son discours, il appelait, non pas à la révolution contre les
institutions réactionnaires et encore moins à l'organisation du
pouvoir ouvrier et paysan. Ses paroles ont rappelé ce que prône du
Népal M. Prachanda et plus près de nous, Chavez.
Timoleón en appelle à la « justice sociale » et à la « souveraineté
nationale », et à une « vraie démocratie ». C'est pourquoi il
demande de fortifier le mouvement bolivarien et le « parti
communiste clandestin ».
Il appelle en outre à lutter pour « la
paix démocratique et la quiétude qui nous ont été volées par
l'oligarchie depuis 66 ans ». Et pour faire un témoignage de
circonstance, un pétard mouillé à la Chavez, il affirme que son
objectif est « la Nouvelle Colombie, la patrie de la grande
Amérique Latine et du socialisme. »
En fin de compte, il ne s'agit que d'un programme démocratico-
bourgeois, qui pardonne au capitalisme d'exister.
Revenons à Manuel Mirulanda : son poids dans l'histoire des FARC
venait du fait qu'il était un des ses fondateurs et qu'il
représentait la glorieuse résistance paysanne des années 1950-60;
mais c'est hélas un mouvement qui a cessé d'être important dans le
programme des FARC pour ne devenir qu'un souvenir de leurs débuts
en tant que mouvement de résistance.
Son rôle en tant que chef politique, dirigeant idéologique ou comme
commandant direct de la guerre n'avait pas grand poids en réalité,
ou s'il a pu avoir une influence, ce fut dans la lutte interne dans
laquelle se débat la direction : une lutte qui ne concerne que la
question de comment agir face aux accords avec le gouvernement et
celle du rôle que doit jouer leur lutte armée dans le cadre de cet
agenda de négociations.
Là, dans cette dispute, ne sont pas en jeu les intérêts du
prolétariat, ni ceux de la paysannerie.
En plus de ce qui vient d'être dit, la guerre des FARC est un appui
pour le maintien du régime d'Uribe et contribue à la diabolisation
de la lutte des masses.
« Insulte! » diront les uns, « blasphème! » diront les autres. Mais
justement, s'il y a un trophée qui a pu maintenir Uribe au pouvoir,
c'est bien la « lutte contre le terrorisme » : et telle fut sa
consigne de campagne.
Qui plus est, il s'est servi de sa lutte
contre les FARC pour pouvoir attaquer comme « fariano » (suppôt des
FARC) toute personne qui élève la voix contre le gouvernement. Des
dirigeants ouvriers et paysans, syndicalistes, étudiants,
manifestations, grèves : tout cela est devenu un objectif militaire
pour le régime.
Cela ne serait pas condamnable si la guerre des FARC était la
guerre du peuple.
Les masses n'ont jamais blâmé les organisations
révolutionnaires pour ce type de ruse des réactionnaires, y
compris parce que dans beaucoup de cas les masses sont les
gardiennes et protectrices des révolutionnaires, comme cela a eu
lieu à la glorieuse époque du Parti Communiste de Colombie
(marxiste-léniniste) ou près d'ici l'interpénétration profonde qu'a
eu le Parti Communiste du Pérou avec les masses ou avec les 10
années de guerre populaire au Népal.
Mais le cas des FARC est fort différent.
Cette organisation ne
représente pas les intérêts du peuple et ne lutte pas pour eux, et
le rapport forcé qu'elle a avec la mobilisation et ses lutteurs est
une charge que le peuple ne supporte pas de gaieté de coeur.
La guerre du peuple est autre chose, les masses au fur et à mesure
élèvent leur degré de lutte et de mobilisation, d'organisation et
de combativité dans une lutte ininterrompue qui par moments adopte
des formes violentes, mais qui n'arrive pas encore au niveau des
affrontements militaires soutenus.
Dans la guerre du peuple il y a la lutte de résistance pour freiner
la politique réactionnaire et affameuse des classes dominantes
aujourd'hui représentées par le régime d'Uribe Vélez.
C'est une lutte qui porte en son sein le germe de la conscience et
qui la rapproche - grâce au travail soutenu des communistes - du
niveau de la lutte politique pour la destruction de l'Etat
bourgeois et son remplacement par l'Etat ouvrier et paysan pour en
finir avec toute forme d'exploitation et d'oppression.
Mais pour arriver à cela, il faut le détachement de direction le
plus important: le Parti.
Une authentique organisation
révolutionnaire qui dirige toute la lutte des masses et qui mène le
prolétariat à jouer son rôle d'avant-garde dans le soulèvement
contre la bourgeoisie et l'impérialisme.
Telle est la véritable lutte des masses, qui aura très possiblement
à s'expliquer avec ces organisations qui adoptent la pose
révolutionnaire, mais qui n'ayant aucun programme révolutionnaire
conséquent, finiront leur course à l'état de guérisseurs du
système et d'opposants farouches à la révolution.
|
|