UNION NATIONALE
AFRICAINE DU ZIMBABWE
(ZANU)
PROGRAMME POLITIQUE
1er août 1972
Introduction
La ZANU fut constituée dans la commune africaine de Highfield à Salisbury, Rhodésie, le 8 août 1963, afin de réorganiser et de mobiliser les masses -les 5 millions d'Africains à cette date- en vue de lutter et d'arracher le pouvoir politique aux 234 000 colons blancs.
Elle se donnait pour but l'indépendance nationale et la
libération nationale par la révolution violente.
Elle cherchait à
unir les Africains derrière une direction engagée vers ces
objectifs.
La fondation de la ZANU a ouvert un nouveau chapitre
dans la juste lutte historique du Peuple du Zimbabwe pour son
indépendance nationale et son auto-détermination.
Des organisations
nationalistes antérieures avaient recherché la libération à travers
des moyens constitutionnels et des meetings de masse.
La ZANU s'est
écartée de cette politique.
Ainsi que le précise le secrétaire
général Robert MUGABE «Nous avons abandonné l'ère du réformisme, nous entrons maintenant
dans celle de la prise du pouvoir»
Il indiquait immédiatement la méthode «Nous sommes nos propres libérateurs par l'affrontement direct.
»
La direction lança immédiatement un mouvement clandestin qui prit pour cible certains éléments du pouvoir blanc en 1964 et un
puissant mouvement pour les libertés donnant naissance au
«Chimurenga» ou guerre de libération en 1966.
En lançant le «Chimurenga», la ZANU continuait la lutte contre le colonialisme, l'impérialisme et la colonisation de peuplement
commencée par nos ancêtres en 1896 et poursuivie sous des formes diverses pendant les 80 dernières années.
Une nouvelle dimension fut ajoutée à cette lutte par la volonté de la minorité d'accéder à l'indépendance vis-à-vis de la Grande Bretagne, formulée par les 234 000 colons étrangers blancs:
La déclaration d'indépendance minoritaire et illégale de novembre 65 avait clairement été prévue par la ZANU car en avril 64 la direction de la ZANU avait appelé tous les Africains à garder la nourriture et le bétail, à aiguiser leurs sagaies et leurs haches en vue d'une lutte prolongée contre les éléments étrangers vivant parmi nous, éléments soutenus par les Britanniques et autres colonialistes et impérialistes occidentaux.
Pendant les 7 dernières années, la ZANU s'est engagée dans une
politique de révolution violente afin de changer complètement et
radicalement le système politique et social.
La Révolution implique un changement systématique ou autrement dit un retournement complet de l'état de choses.
Cela ne veut pas dire remplacer un patron
blanc par un patron noir ou les classes privilégies blanches par
des classes privilégiées noires mais créer une société entièrement nouvelle, et un système dans lequel les classes et les privilèges cessent d'exister .
Ceci suppose que :
a) là où le pouvoir politique est entre les mains d'une minorité
étrangère, qu'il leur soit arraché et remis entre les mains de la
majorité autochtone africaine
b) là où aujourd'hui l'étranger jouit de privilèges économiques et
financiers, ceux-ci soient abrogés et que les droits des
populations autochtones à toutes les ressources naturelles et aux
gains économiques et financiers leur soient restitués et,
c) là où l'exploitation et l'appauvrissement existent aujourd'hui,
existent demain une égalité de fait, la liberté et la justice
sociale.
I-LE ZIMBABWE DANS LE JEU POLITIQUE MONDIAL
La ZANU considère le problème de la colonie de Rhodésie (que nous appellerons Zimbabwe) comme le produit et une partie d'un conflit à l'échelle mondiale entre d'une part, les formes de l'Impérialisme, du Capitalisme et du Colonialisme et d'autre part, les forces progressistes de l'indépendance nationale, du socialisme, de l'auto-détermination et de l'égalité.
La Rhodésie fut colonisée, érigée en colonie de peuplement, à
partir de l'Afrique du Sud, sous l'égide de l'impérialisme et du
capitalisme britanniques.
La politique de l'Empire envers l'Afrique du Sud, tout particulièrement le désir constant de créer une
Fédération Sud-Africaine pro-Britannique, a influencé la politique vis-à-vis de la Rhodésie.
A l'instar des autres peuples opprimés,
nous sommes en face de trois contradictions fondamentales dans
notre pays qui doivent être éliminées et détruites radicalement.
a) la présence d'une population de 234 000 colons blancs qui sont
partie intégrante du capitalisme international et qui cherchent à
exploiter et à opprimer les 5 millions d'Africains autochtones, à
les empêcher d'établir un véritable Etat socialiste.
Ceci fait
partie du conflit à l'échelle mondiale entre le Capitalisme et le
Socialisme.
b) La juxtaposition, et la lutte pour le pouvoir qui en découle,
entre les colons blancs et le peuple africain qui diffèrent par la
couleur, les origines sociales et culturelles, la religion et la
civilisation.
Ces différences ont été accentuées par la pratique de
la politique du développement séparé ou apartheid.
Ceci fait partie
d'un conflit racial global.
c) L'existence d'une double économie -une économie monétaire dans
laquelle les colons jouissent de l'un des niveaux de vie les plus
élevés du monde et une économie de subsistance dans laquelle la
majorité des Africains, qu'ils soient citadins ou ruraux, vivent
dans une pauvreté abjecte, au seuil de la famine.
Ceci fait
également partie du conflit global entre les possédants et les non-
possédants.
Depuis novembre 65, les prétentions des colons blancs d'établir un
Etat blanc indépendant au coeur de l'Afrique ont aiguisé ces
contradictions et conduit les colons au conflit direct et aigu avec
les 5 millions d'Africains qui désirent établir un véritable Etat
socialiste au Zimbabwe, débarrassé du capitalisme, du colonialisme,
du racisme et de l'exploitation sous toutes leurs formes.
La ZANU
est solidaire des autres forces progressistes en Afrique, en Asie,
en Amérique latine et des pays socialistes de l'Europe de l'Est
afin de faire face et de lutter contre les formes de
l'Impérialisme, du Capitalisme et du Colonialisme au Zimbabwe.
Elle
a également cherché et reçu l'aide d'organisations et d'individus
progressistes en Europe occidentale et en Amérique du Nord.
II-LE PARTI ET L'UNITE DU PEUPLE
Le Parti est l'avant-garde de la Révolution.
C'est l'instrument
nécessaire par lequel il faut envisager, engager, mener à bien et
finalement consolider la Révolution.
C'est l'instrument principal
entre les mains du peuple dans son combat pour l'indépendance et la
libération nationale.
Le Parti doit unir le peuple au sein d'une
lutte commune contre un ennemi commun -les colons blancs-.
Le
peuple Africain du Zimbabwe doit s'unir dans la lutte commune, sans
tenir compte des différences idéologiques, religieuses ou
régionales.
L'unité du peuple est absolument nécessaire pour la
poursuite victorieuse du «Chimurenga» et pour la coopération
fraternelle au sein de notre peuple.
Les Africains qui servent les
intérêts des colons, directement ou indirectement, doivent être
persuadés de la folie de leur action ainsi que de la nécessité de
placer l'intérêt national du Zimbabwe bien au dessus de leur propre
intérêt.
Le Parti doit engager tous les peuples opprimés du Zimbabwe non
seulement dans le but commun de lutter contre la domination
étrangère et l'exploitation des colons, mais également dans la
préparation minutieuse du nouvel ordre social.
C'est un instrument
qui permet de déterminer les véritables doléances du peuple et non
pas simplement les désirs des dirigeants ou d'une minorité.
Les
solutions à ces problèmes doivent être trouvées par le peuple lui-
même dans le cadre et à travers les instances du Parti.
Là où le
peuple est engagé dans le travail du Parti, ses problèmes et ses
doléances individuels deviennent les problèmes communs de
l'ensemble du Parti.
La politique de la ZANU vise à unir le peuple du Zimbabwe derrière
un objectif clairement défini et non derrière un individu.
La
politique prend le pas sur la personnalité.
En 1963, la confusion
entre la politique et le culte de la personnalité d'un N'komo a
contribué à la rupture entre ZANU et ZAPU (Union du Peuple Africain
du Zimbabwe).
La ZANU condamne vigoureusement les tendances au
tribalisme, au régionalisme ainsi qu'au culte de la personnalité
qui sont en vigueur parmi certaines personnalités et certaines
organisations locales au Zimbabwe.
La ZANU fut organisée publiquement au Zimbabwe pendant une année
entière avant qu'elle ne soit interdite par le régime des colons le
26-VIII-64.
Bien qu'elle manquât d'argent, de moyens pour
transporter ses agitateurs, que ses dirigeants soient constamment
harcelés et détenus sans jugement, pendant cette année elle s'est
implantée dans tous le pays, elle a organisé le soutien des masses
et commencé un travail clandestin afin de contester la déclaration
unilatérale d'indépendance imminente des colons et réaffirmer la
revendication africaine d'une véritable indépendance nationale.
Durant les 6 dernières années, la ZANU de parti politique
nationaliste, s'est transformée en mouvement révolutionnaire, doté
d'une aile militaire et paramilitaire, fer de lance de la
révolution.
Les cadres militaires de la ZANU cherchent la
participation et l'engagement maximum des masses de notre peuple
dans chacune des phases du «Chimurenga».
Leur rôle est de guider et
d'encourager et d'être les véritables amis du peuple.
Le combattant
pour la liberté doit entrer et sortir de chaque village sachant
qu'il est parmi ses camarades de combat, et avec la confiance en
soi d'un homme qui sait que ses actes sont plus parlants que ses
paroles.
La Direction
Une direction dévouée et engagée est une nécessité importante dans
un parti révolutionnaire.
La Direction doit être issue des ouvriers
et des paysans ainsi que des intellectuels engagés dans les tâches
de la libération nationale, de l'indépendance et de la
reconstruction.
La direction doit travailler sur la base d'un
ensemble clair de principes et d'objectifs clairement énoncés.
Elle
doit conduire et guider le peuple vers la réalisation de ces buts
sans crainte et sans recherche des honneurs ; par son exemple, elle
doit indiquer le mode de vie recherché dans la société socialiste.
La direction doit sans cesse montrer son intégrité, son honnêteté
et son dévouement.
Il doit en émaner l'amour de la patrie et une
conception claire de la nouvelle société.
Toute forme de corruption
trahit la révolution et doit être sanctionnée.
La direction est
responsable de tous ses actes envers le peuple à travers les
institutions du Parti.
Toutes les divergences d'opinion sur la
ligne et l'administration doivent être portées devant les organes
responsables et représentatifs du Parti afin qu'elles y soient
connues, débattues et fassent l'objet d'une décision.
La direction
devra avoir toute autorité exécutoire en ce qui concerne le bon
fonctionnement du Parti et la poursuite de la Révolution.
La ZANU
met l'accent sur la direction et la responsabilité collectives
parmi et entre ceux élus à des postes de responsabilité.
Toutefois
l'autorité législative suprême devra rester parmi les masses du
peuple, qui sont membres de droit du Parti.
Nul ne permettra que le
pouvoir du peuple lui soit usurpé.
Le Rôle du Parti
Nous devons répéter que le Parti est l'avant-garde de la
Révolution.
Il est en outre l'autorité suprême dont toutes les
décisions et les objectifs doivent être réalisés par les divers
organes de la Révolution.
Le Parti peut :
a)Formuler la ligne politique et préparer des programmes d'action.
b)Maintenir et renforcer une claire perspective révolutionnaire.
c)Promouvoir, guider et sauvegarder l'intégrité de la Révolution.
d)Sanctionner les délinquants après une enquête exhaustive.
e)Concevoir une stratégie complète en vue de la réalisation des
objectifs énoncés.
f)Encourager l'éducation politique et élever la conscience
nationale.
g)Coordonner les activités avec celles des mouvements progressistes
en d'autres lieux.
h)Appliquer le socialisme scientifique et le marxisme-léninisme aux
conditions objectives et subjectives du Zimbabwe.
L'autorité suprême de la ZANU demeure le Comité Central dont la
majeure partie des membres se trouve dans les prisons et les camps
de détention de l'ennemi au Zimbabwe.
Après 1965 (déclaration
d'indépendance unilatérrale) ceux des membres du Comité Central qui
se trouvaient à l'étranger ont mis en place un organisme central
extérieur du Parti afin de poursuivre la Révolution et de défier la
déclaration d'indépendance unilatérale par le «Chimurenga» .
Un
Conseil révolutionnaire a été créé et a fait du «Chimurenga» le fer
de lance, de la bataille de Sinoia le 29-IV-66 à ce jour.
Plusieurs
batailles héroïques ont été engagées, de brillantes victoires ont
été gagnées, de nombreux plans tactiques et stratégiques ont été
élaborés.
Le terrain a été dans l'ensemble bien préparé afin de
pousser plus avant le combat.
«Dare re Chimurenga» (Conseil suprême)
En février 1969 eut lieu à Lusaka en Zambie une réunion de
responsables au cours de laquelle le Conseil révolutionnaire a été
remplacé par un nouvel organisme, le «Dare re Chimurenga» ou
Conseil suprême, organe extérieur suprême du Parti.
Les 8 membres
élus du «Dare» ont été chargés de poursuivre la lutte armée et la
révolution amorcée par la ZANU à l'intérieur et continuée par le
Conseil révolutionnaire, d'unir et de libérer les masses du
Zimbabwe et finalement de libérer les membres du Comité Central en
détention actuellement au Zimbabwe de sorte qu'ils puissent
réintégrer leurs justes places en tant que dirigeants de la
nouvelle nation.
Les affaires militaires sont prises en charge par un Conseil
militaire spécialement mis en place.
Il est responsable de
l'organisation et de l'exécution de toutes les opérations
militaires en accord avec la stratégie générale définie par le
«Dare» périodiquement.
L'accent doit être mis sur le fait que la
lutte que nous menons est principalement une lutte d'ordre
politique.
Tous les moyens que nous utilisons sont dirigés vers la
réalisation d'objectifs politiques.
Par conséquent, l'aspect
politique doit à toutes les étapes marquer les stratégies, les
programmes et les opérations militaires.
Le Parti doit commander au
fusil.
Parmi ses nombreuses tâches, le Conseil Militaire doit
éduquer politiquement tous les cadres et s'assurer que les
objectifs politiques de toutes les opérations militaires sont
compris et approuvés par tous les participants.
Le Parti fait porter un lourd fardeau aux cadres politiques qui
préparent le terrain pour la mobilisation, le recrutement et les
opérations militaires.
Leur tâche première est d'élargir la
conscience politique nationale de chaque Zimbabwéen.
Il doit savoir
pourquoi il est opprimé, par qui, dans quel but et ce qu'il peut
faire pour se libérer.
L'une des tâches principales du Parti est de
révéler au peuple Zimbabwéen la nature de son oppression, les
caractères de l'oppresseur, ses faiblesses et ses points forts, où
et comment des coups décisifs peuvent lui être portés.
Les cadres
politiques instruisent un réseau de cellules dans tout le pays dans
cette perspective.
Ils préparent et forment également des gardes
révolutionnaires locaux dont la tâche est de soutenir et de
sauvegarder les gains d'opérations ou de campagnes militaires.
Les
milices locales (home guards) protègent la population civile contre
les représailles et l'oppression de l'ennemi et soutiennent
l'organisation en cellules.
L'unité centrale de l'aile militaire du Parti est formée de
combattants de la liberté ou guérilleros.
Ils constituent sur tous
les fronts le fer de lance de la marche vers les libertés
démocratiques et l'indépendance nationale, car ils éduquent et
orientent le peuple vers le nouvel ordre, ils détruisent
soigneusement et systématiquement les bases du pouvoir des colons.
Ils saisissent toutes les occasions afin de démoraliser et de
harceler les colons.
Mais chaque fois que cela est possible, ils
font comprendre qu'ils combattent un système injuste et non les
blancs en tant que blancs.
Les combattants de la liberté ou guérilleros sont des hommes de
haute valeur issus des familles patriotiques du Zimbabwe.
Certains
d'entre eux ont eu une excellente scolarité et occupé des postes de
responsabilité, tels que instituteurs, employés, etc.
.
au Zimbabwe
avant que ne commence le «Chimurenga».
Les guérilleros doivent bien
comprendre l'idéologie, la politique et les programmes du Parti.
Édificateurs de la nation, ils doivent se conduire de façon
exemplaire lorsqu'ils travaillent parmi les masses.
Ils doivent
constamment montrer des qualités d'aptitude à diriger, de
discipline, d'obéissance et d'amour du peuple.
ZANLA (L'Armée de libération nationale africaine du Zimbabwe)
La ZANLA est l'organisation de la branche militaire de la ZANU.
Tous les combattants de la liberté, les cadres politiques et les
membres de la milice locale appartiennent à la ZANLA.
Les devoirs
et les tâches de la ZANLA ont été indiqués précédemment.
A la tête
de la ZANLA se trouve le Conseil Militaire ; à la tête du Conseil
Militaire, le «Dare re Chimurenga» (Conseil Suprême).
Le président
du Conseil Militaire est membre du «Dare».
La ZANLA constituera le noyau des Forces armées du Zimbabwe.
Elle
sera une force puissante chargée de défendre la nouvelle nation et
de continuer la lutte anti-impérialiste en Afrique.
Elle jouera
également un rôle important en mobilisant et en éduquant les masses
dans les tâches nouvelles du développement économique et de la
construction du pays.
A la différence des armées coloniales qui
restaient à l'écart du peuple, l'armée du Zimbabwe fera partie
intégrante du peuple, de son système social.
Elle sera partie
prenante du processus et du système politique.
Tous les soldats et combattants de la liberté invalides seront pris
en charge part l'Etat.
Ceux qui seront tombés au combat seront
honorés par la nation toute entière.
Les familles de ceux qui ont
servi ou servent la révolution seront prises en charge.
La ZANU
finance déjà un programme social croissant afin d'aider les
familles et les personnes à charge des combattants de la liberté et
des permanents du Parti.
Ce travail se poursuivra et augmentera au
fur et à mesure que la révolution s'intensifiera.
Un Fonds spécial
de Solidarité a été constitué dans ce but.
Ses finances sont
régulièrement contrôlées et vérifiées par des commissaires
indépendants.
Pendant la Révolution et a fortiori après la victoire, la ZANU a
l'intention de protéger les intérêts et les droits des mères et des
enfants partout où cela est possible, en particulier les mères et
les enfants des membres de la ZANLA.
Les problèmes des réfugiés et
des combattants de la liberté sont bien connus, mais ils seront
diminués là où les fonds et les effectifs le permettront.
La ZANU tient à l'entière démocratie interne au sein du Parti et de
sa branche militaire.
Sa structure est conçue afin que soit prise
en compte son caractère révolutionnaire et que soit donné suite à
l'objectif fondamental qui est une participation permanente du
peuple aux décisions, à l'élaboration de la ligne politique, ceci à
tous les niveaux de l'organisation du Parti.
Le peuple a le droit
et le devoir de prendre part à l'élaboration des décisions
politiques ou législatives.
Le peuple procède à l'élection des
dirigeants du Parti au niveau de la localité, du district et de la
province ainsi qu'à l'élection indirecte des dirigeants nationaux,
par le canal des délégués au Congrès du Parti.
Les dirigeants
nationaux s'entretiendront périodiquement avec les responsables
locaux de district et de province des questions politiques et des
problèmes administratifs, et ils prendront en considération leurs
avis sur les sujets les plus importants.
Tous les responsables dans toutes les instances du Parti ainsi que
chaque membre doivent connaître la politique, l'idéologie et le
programme du Parti.
De plus, chacun ou chacune doit être digne de
confiance, honnête, dévoué et être prêt à mettre en oeuvre les
directives du Parti, à accepter les décisions majoritaires de ses
instances.
Ils doivent être vigilants, se comporter avec la dignité
et le respect des autres que l'on attend de chaque Zimbabwéen
libre.
Au sein du Parti un noyau d'hommes disciplines et dévoués
pourra être choisi dans chaque district et consulté périodiquement
sur le travail du Parti par les responsables et les instances
supérieures ; on pourra leur confier des tâches particulières ainsi
que l'exigera la situation.
III-NOS TACHES ACTUELLES
La tâche la plus urgente du Parti, des combattants de la liberté et
du peuple, à l'heure actuelle, est d'intensifier la lutte armée au
Zimbabwe afin de libérer notre patrie dans les dix ans à venir.
Le
travail doit être intensifié sur trois fronts ouverts ces dernières
années : (a) le Front politique intérieur (b) Le Front militaire
intérieur et (c) le Front international.
Le travail sur ces fronts
est complémentaire mais le Front intérieur est de loin le plus
important des trois.
Dès 1964, la direction de la ZANU a appelé le peuple du Zimbabwe à
se préparer à une lutte prolongée et à utiliser toutes les
ressources matérielles militaires et disponibles dans leur
entourage immédiat, -des pierres, haches, arcs et flèches, sagaies-
et là où c'est possible des explosifs et des fusils de fabrication
artisanale.
En fait les premières victimes blanches tuées à
Melsetter en 19641e furent avec des armes locales, l'une par une
flèche et l'autre par un couteau de fabrication artisanale.
Il
n'est pas nécessaire d'attendre des armes automatiques modernes
pour participer au «Chimurenga».
Les courageux Mau-Mau au Kenya
n'utilisèrent pas d'armes modernes.
Notre peuple doit apprendre à ne compter que sur soi pour organiser
les forces de libération.
Il ne doit pas attendre qu'un combattant
de la liberté bien entraîné ou un organisateur arrive et lui dise
ce qu'il doit faire.
Chacun doit agir en toute liberté et
indépendance dans sa localité.
Les Zimbabwéens doivent compter sur
leurs propres forces, leurs propres ressources et leurs propres
aptitudes.
En réalité, la libération et l'achèvement de
l'indépendance nationale seraient vains s'ils n'étaient le résultat
d'efforts résolus et d'une capacité d'organisation des Zimbabwéens
eux-mêmes.
Il nous faut compenser la supériorité technologique des
colons en utilisant l'avantage que procurent le nombre et la
connaissance du terrain, afin de construire une organisation de
guérilla supérieure.
La guerre du peuple est invincible.
Les cellules et les organisations du Parti actuelles doivent s'unir
pour susciter une lame de fond de résistance qui affectera tout le
pays et impliquera chaque Africain adulte.
Une résistance de cette
nature a commencé partout, tels que le refus des héroïques
villageois de Tangwena de quitter leur lieu d'habitation
traditionnel, les diverses grèves des ouvriers de Salisbury et
Bulawayo, la grève des étudiants Africains à l'université de
Rhodésie, la décision des Conseils Municipaux de fermer leurs
écoles pour protester contre la Loi sur le droit d'occupation des
terres («Land Tenure Act») ceci dans tout le pays, et bien d'autres
incidents.
Notre tâche est d'élargir le champ et les objectifs des
mouvements de protestation locaux en un vaste mouvement national de
résistance.
Le front militaire intérieur ouvert en 1964 a pris un nouveau
tournant avec la bataille de Sinoia en 1966 lorsque les guerilleros
de la ZANU ont utilisé des armes modernes lors d'un heurt avec les
forces des colons.
L'objectif de ce front est de liquider les
unités militaires rhodésiennes et sud-africaine stationnées au
Zimbabwe et particulièrement dans la vallée du Zambèze où elles
sont prêtes à attaquer des Etats Africains amis.
Sur le front international la ZANU s'est rapprochée des mouvements
et des gouvernements progressistes des pays socialistes de l'Europe
de l'est, d'Asie et d'Afrique et de certains individus et
d'organisations progressistes des pays capitalistes occidentaux.
La
ZANU a en particulier reçu une assistance généreuse et pratique de
la part de gouvernements qui sont anti-impérialistes et
révolutionnaires dans leur conception des affaires internationales.
Le travail diplomatique sur le front international vise à attirer
l'attention sur nos ennemis en portant à la connaissance de tous
les atrocités commises contre une partie de l'humanité -5 millions
de personnes- au Zimbabwe.
Le Parti compte largement sur l'aide
matérielle et financière généreuse qu'il reçoit de temps à autre
des pays et des organisations progressistes et amicales,
particulièrement de l'O.
U.
A.
et de ses instances.
Un courant
constant d'information doit être fourni à ces gouvernements et ces
organisations.
IV-OBJECTIF POLITIQUE
Les principaux objectifs politiques de notre Révolution sont de
créer un Zimbabwe libre, démocratique, indépendant et socialiste et
de liquider la domination politique de l'élément colonial étranger
sur notre société, ainsi que ses tentacules impérialistes et
capitalistes.
Le but est l'indépendance nationale.
Les peuples du
Zimbabwe ont une longue tradition d'autogouvernement et
d'indépendance qui remonte aussi loin que le puissant et glorieux
royaume de Monomotapa, le premier grand souverain des peuples de
langue Shona aux 16e et 17e siècles.
Cette liberté et cette
indépendance qui ont été volées par le colonialisme et
l'impérialisme britanniques il y a quelques 80 ans doivent être
restaurées et une nouvelle nation doit être créée.
Tout citoyen du Zimbabwe aura le droit d'effectuer un vote libre
pour élire les membres de l'Assemblée Nationale et de toute autre
institution de l'Etat.
La présente Assemblée Nationale sera abolie
et toutes les lois discriminatoires annulées.
Tous les citoyens du
Zimbabwe participeront aux prises de décisions et à l'élaboration
de la politique à travers le Parti, des référendum sur les
principaux choix politiques et par la pratique effective du pouvoir
du peuple sur toutes les institutions de l'Etat.
Le contrôle du
pouvoir d'Etat -le pouvoir législatif, l'administration, la
justice, l'armée et la police- sera assigné aux citoyens du
Zimbabwe comme un tout et exercé par eux de manière continue et
effective à tout moment.
Il ne suffit pas que chaque adulte puisse déposer un bulletin de
vote tous les 5 ans pour un candidat imposé d'en haut par les chefs
du Parti et qu'il ne verra peut-être jamais.
Des mesures devront
être prises pour que la participation de tout le peuple aux
affaires de son gouvernement soit rendue réelle et permanente.
Il y aura une égalité complète entre toutes les personnes, hommes
et femmes.
Les personnes de toute couleur, culture et origine qui
s'identifient avec un Zimbabwe socialiste auront de larges
possibilités de contribuer pleinement au développement du pays et
de réaliser leurs propres aspirations d'êtres humains.
Personne
n'aura le droit d'exploiter les autres citoyens, libres et égaux,
pour son profit ou de recevoir des bénéfices financiers qui ne
proviendraient pas de ses propres efforts.
De larges libertés démocratiques -parole, presse, assemblée,
association, déplacement-, qui ont été retirées au peuple du
Zimbabwe par les colons, seront restaurées et garanties à tous les
citoyens d'un Zimbabwe libre, démocratique, indépendant et
socialiste.
Tous les détenus politiques -et assignés à résidence-
seront relâchés dès que l'occasion se présentera et rendus à leurs
familles.
Les camps de concentration et de détention qui existent
actuellement seront fermés et les bâtiments transformés en centre
de formation des adultes.
V-CONSTRUIRE UNE ÉCONOMIE SOCIALISTE
L'économie d'un Zimbabwe libre, démocratique, indépendant et
socialiste aura pour objectif de satisfaire les besoins
fondamentaux de chaque paysan et ouvrier en tenant compte de ce
dont il a besoin pour vivre heureux et développer pleinement ses
capacités.
Le Zimbabwe est doté de riches ressources naturelles
suffisantes pour une population nombreuse et capables de pourvoir à
ses besoins fondamentaux.
Tous les moyens de production et de
distribution seront placés en totalité entre les mains du peuple du
Zimbabwe.
Le système économique capitaliste actuel, qui exploite
les masses travailleuses au profit de quelques-uns, colons en
Rhodésie et capitalistes en Afrique du Sud, en Grande-Bretagne et
en Amérique, sera aboli.
Une économie vraiment socialiste, comptant sur elle-même, sera
établie et organisée selon les grands principes énoncés par le
Marxisme-Léninisme.
La ZANU a été guidée par ces principes dans sa
politique et par leur application aux conditions concrètes
rencontrées au Zimbabwe, en ayant en tête qu'il ne peut y avoir de
doute quant à la nécessité du contrôle des ouvriers et des paysans
sur les moyens de production et de distribution.
Il y a plusieurs
sortes de socialisme pratiquées en Afrique aujourd'hui mais les
formes les plus proches de l'idéal sont celles qui assureront la
prédominance des intérêts ouvriers-paysans dans la totalité du
système économique du Zimbabwe.
Ce sera une économie auto-
suffisante, pas une extension ou une enclave des économies de
Grande-Bretagne et d'Afrique du Sud ou de l'Occident.
Le plus grand capital des 5 millions d'habitants du Zimbabwe, est
leurs mains nues de travailleurs.
Le travail de l'homme est une
expression de sa personnalité autant qu'un moyen de subvenir à son
existence.
Le travail dans notre pays devra contribuer à
l'épanouissement de la personnalité de chaque Zimbabwéen, en lui
permettant de mener une vie décente.
Il devra être employé à la
production de biens dans les entreprises industrielles et
commerciales dans lesquelles l'ouvrier a une participation et un
intérêt définis.
Dans le système actuel, le travail des Africains est employé pour
le profit des investisseurs capitalistes étrangers et il est de ce
fait aliéné.
Une telle aliénation détruit la personnalité humaine
de l'ouvrier et ne lui permet pas toujours de vivre décemment ou de
développer toutes ses capacités.
De plus, chaque ouvrier individuel est une partie de la communauté
dans laquelle il vit et travaille.
Son travail contribue à la
prospérité et au bien-être de la communauté dans son ensemble.
Une
économie socialiste permettra à chaque ouvrier et à chaque paysan
de fournir la meilleure contribution à son propre développement et
à celui du pays.
Les agences de recrutement, le travail forcé et
toutes les lois répressives sur le travail seront abolies.
L'exploitation et les privilèges de classe ne seront pas admis par
et parmi les citoyens libres du Zimbabwe.
Le pouvoir d'Etat sera
utilisé pour organiser l'économie pour le plus grand profit de tous
les citoyens et empêcher la formation d'une classe privilégiée de
quelque sorte qu'elle soit.
Le système actuel est destiné à créer
des écarts importants entre l'élite et les masses, entre une tribu
et une autre, et à créer la soi-disant classe moyenne africaine.
Un Zimbabwe réellement socialiste supprimera ces écarts sociaux et
économiques et, en même temps, prendra des mesures spécifiques pour
empêcher l'apparition de nouvelles classes.
Un facteur important dans la formation d'une classe est la
détention d'une propriété.
Les valeurs liées à la propriété jouent
un rôle important parmi les valeurs politiques et sociales des
sociétés capitalistes.
Dans le système actuel du Zimbabwe, la
possession d'une propriété et le maintien du prix élevé servent de
barrières politiques, économiques et sociales importantes entre les
colons et les Africains autochtones.
Dans un Zimbabwe libre,
socialiste, indépendant et démocratique, la propriété en tant que
facteur commercial et d'exploitation sera abolie.
La participation
du peuple à toutes les phases du développement de l'économie
nationale sera totale et continue.
Le peuple participera en étant propriétaire et maître des moyens de
production et de distribution qui seront la propriété soit de
l'État soit de coopératives.
De plus, par son contrôle sur le
gouvernement, il aura aussi un contrôle général sur l'économie qui
comprend les entreprises dont l'État est propriétaire, les
coopératives et même le secteur privé tant qu'il subsiste à un
degré important.
Dans chaque entreprise industrielle, commerciale ou agricole, des
commissions communes travailleurs-direction seront créées pour
offrir aux travailleurs une participation entière et empêcher toute
tendance à l'aliénation du travail.
Où cela sera possible, le
principe de la participation aux bénéfices dans le secteur privé
sera introduit à l'intérieur d'un cadre de lois concernant les
accords dans l'industrie.
VI.
LA TERRE ET SON PEUPLE
Toutes les ressources naturelles du Zimbabwe -la terre, les
minéraux, l'eau, la flore et la faune- appartiennent aux citoyens
du Zimbabwe, aujourd'hui et pour toujours.
Cependant, il ne pourra pas y avoir de propriété privée de la terre
et des ressources naturelles car elles appartiennent au peuple.
L'État détiendra la terre en tant que gérant et dépositaire pour
les générations actuelles et futures.
Les latifundia et les grands
domaines capitalistes seront supprimées.
La propriété foncière est
incompatible avec la liberté et l'égalité pour tous.
Les individus
et les groupes de paysans peuvent louer la terre pour une durée
donnée sous des conditions qui assureront l'utilisation maximum de
celle-ci.
Les chefs et leurs groupes qui ont été contraints de
quitter la terre de leurs ancêtres pour céder la place aux colons,
peuvent retourner dans leurs foyers ; les usurpateurs en seront
chassés.
Chaque paysan recevra suffisamment de terre pour satisfaire ses
besoins en nourriture.
La maxime «la terre à ceux qui la
travaillent» sera pleinement appliquée.
Là où cela est possible, la
terre sera mise à la disposition des paysans qui veulent s'engager
dans l'agriculture commerciale.
Les services d'extension des terres
et de recherche seront assurés par l'État.
Il sera de la
responsabilité des paysans de s'organiser et de travailler ensemble
comme ils l'ont toujours fait dans la société traditionnelle.
Il faudrait insister sur le fait que la terre fertile du Zimbabwe
est un patrimoine national donné par Dieu Tout Puissant aux
générations successives de Zimbabwéens.
C'est le devoir impérieux
de chaque utilisateur de la terre et de chaque génération de le
transmettre à la génération suivante dans l'état où ils l'ont
trouvée et même de l'améliorer.
L'érosion du sol, l'abattage
inconsidéré des arbres, les feux de broussailles qui détruisent de
grandes étendues et l'utilisation trop intensive des pâturages
devront être évités à tout prix.
Il faut enseigner à la Nation la
valeur de ce patrimoine et lui apprendre à préserver et à protéger
la faune nationale qui abonde dans nos forêts et rivières.
VII.
EDUQUER LA NATION
Tous les ouvriers et tous les paysans ont droit à une bonne
éducation.
Dans un Zimbabwe libre, démocratique, indépendant et
socialiste, ils auront toute possibilité d'acquérir une éducation à
la mesure de leurs capacités et de leur désir d'apprendre, et en
rapport avec les besoins en maind'oeuvre et les capacités de la
Nation.
Des centres d'éducation pour les adultes et pour la
jeunesse seront établis hors de l'école et là où c'est possible
financés par le gouvernement.
Des efforts seront faits pour
l'éducation physique, à la fois dans et hors de l'école.
Les pratiques discriminatoires de l'actuel système d'éducation dans
lequel les écoles et les hôpitaux connaissent une ségrégation
raciale, où les colons dépensent annuellement seulement 9 livres
pour un enfant africain quand ils en dépensent 103 pour un enfant
européen, où les écoles africaines fonctionnent grâce à des
institutions missionnaires bénévoles tandis que les écoles
européennes sont prises en charge par l'Etat, où l'enseignement
technique est refusé aux enfants africains et où leurs possibilités
d'accès à l'enseignement secondaire sont sévèrement restreintes, ce
système sera aboli car il n'existe que pour produire de la main-
d'oeuvre bon marché pour les entreprises européennes.
Notre but est
d'éduquer le citoyen pour une participation responsable à la vie
économique, politique, culturelle et sociale du pays.
Dans un Zimbabwe libre, socialiste, indépendant et démocratique,
l'État devra prendre en charge l'administration et le financement
de l'éducation.
Un effort sera fait pour l'éducation scientifique
et technique dès l'enseignement primaire et secondaire, pour
fournir aux entreprises industrielles et commerciales d'État une
main-d'oeuvre qualifiée, dans la perspective du développement
général.
L'éducation de la Nation est un processus continu et complexe.
Cela
veut dire changer l'attitude du peuple face aux croyances qu'il a
eues pendant de nombreuses années ou générations.
En fait, un
schéma d'éducation nationale commence déjà à se mettre en place
dans «Chimurenga» elle-même.
Dans les camps, les villages, les grottes, les montagnes, les
champs de maïs et les villes, les guérilleros et les autres membres
de la ZANU et de l'Armée de libération nationale africaine du
Zimbabwe (ZANLA) ont commencé à se rééduquer eux-mêmes sur la
question des besoins de la Nation.
Comme ils sont en contact avec
des ouvriers et des paysans, ils s'efforcent d'élever leur
conscience nationale par l'exemple et l'éducation.
L'ensemble de la
zone d'opération de la guérilla est une vaste école où les besoins
concrets des paysans et des ouvriers sont analysés et où des
solutions sont trouvées.
«Chimurenga» est un projet d'éducation.
Aussitôt que les colons sont délogés d'une région, les guérilleros,
assistés par la milice locale et les cadres politiques, établissent
une école libre et indépendante qui admet immédiatement tous les
enfants de paysans et d'ouvriers de la localité.
Les paysans et les
ouvriers eux-mêmes reçoivent de l'enseignement chez eux ou dans un
centre de formation («dare» ).
Plusieurs écoles indépendantes
existent déjà sur le front de l'intérieur.
Comme la Révolution
remporte des succès, les premières écoles de l'éducation nationale
vont aussi se répandre à travers le pays : le processus continu
d'éducation et de changement a commencé.
Une Université du Zimbabwe sera fondée pour former des hommes et
des femmes qui serviront les paysans et les ouvriers en faisant de
la recherche fondamentale et en appliquant les résultats à la
situation concrète des villages, des villes, des mines et des
usines.
Ce n'est pas pour paresser dans une sinécure en col blanc
que l'on suivra l'enseignement universitaire mais pour aller au
village ou à l'usine apporter des conseils techniques pour le
développement.
VIII-LA NOUVELLE CULTURE DU ZIMBABW
E
Quatre vingt années de colonisation ont dévié les pensées de notre
peuple et ébranlé la confiance qu'il avait en lui-même par un
processus d'aliénation culturelle.
Le théâtre, l'écran, les mass
media, la littérature, l'école et l'église des colons se sont unis
pour créer l'impression fausse que la culture étrangère était bonne
et la nôtre mauvaise.
En conséquence notre riche héritage culturel
a été perdu et parfois méprisé par la jeune génération qui a été
endoctrinée et intoxiquée par les valeurs culturelles occidentales.
Dans un Zimbabwe libre, démocratique, indépendant et socialiste, on
encouragera et aidera le peuple à construire une nouvelle culture
zimbabwéenne à partir de ce que notre héritage et notre histoire
ont donné de meilleur et afin de répondre aux besoins de la
nouvelle société socialiste du 20e siècle.
Nous sommes décidés à
apprendre, de l'expérience accumulée, du raffinement d'esprit, de
la morale et des goûts des autres peuples et des autres cultures
dans le monde et surtout de ceux des autres régions d'Afrique.
Nous
voulons nous servir de ce savoir pour améliorer et enrichir le
nôtre.
Mais notre culture doit partir de notre propre créativité et
aussi rester africaine et autochtone.
La lutte armée va accélérer la libération de notre peuple de la
mentalité coloniale imposée pendant ces 80 dernières années de
gouvernement des colons.
La décolonisation de l'esprit est une
partie de notre lutte aussi nécessaire que l'indépendance politique
et économique totale, pour laquelle nous combattons.
La lutte armée elle-même rééduque les participants, mettant en
lumière les mérites de leur propre système de valeurs et la
faiblesse des valeurs étrangères.
Beaucoup de composants font une
nation, tels qu'une histoire et une culture communes, mais par
dessus tout c'est le combat commun pour un idéal commun et contre
un ennemi commun.
Les tranchées de la guerre ont fait une nation à partir de divers
peuples.
«Chimurenga» constitue une part importante de notre
programme de rééducation pour la décolonisation de l'esprit et pour
la construction de la nation.
Tuer l'ennemi blanc au combat a une
valeur thérapeutique et donne confiance aux acteurs noirs de la
bataille.
L'aspect principal de la nouvelle culture du Zimbabwe sera la
communauté.
Les nouveaux écrans, les nouvelles scènes, mass media,
littérature et écoles mettront en valeur la richesse de notre vie
communautaire et le rôle de l'individu dans celle-ci.
Tout en étant
autonomes les citoyens doivent en même temps être des membres
actifs des communautés prospères et autosuffisantes et doivent
contribuer généreusement à leur bien-être et à leur sécurité.
L'autonomie des individus et des communautés est une pierre
angulaire de notre lutte pour le socialisme.
IX-RENFORCER L'UNITÉ, METTRE L'ACCENT SUR L'ÉGALITÉ, METTRE FIN A
LA DISCRIMINATION RACIALE
Un aspect central du système social actuel est l'odieuse politique
de discrimination raciale ou apartheid.
Un large corps de lois
sépare les Africains des Européens, socialement et culturellement.
I1 isole les éléments européens comme classe privilégiée, régnant
politiquement et économiquement et interdit toute concurrence des
Africains, majoritaires et autochtones.
Les résultats de cette
politique ont été pour l'Africain la domination politique, la
stagnation économique et la dégradation sociale, pour la seule
raison qu'il est africain.
La ségrégation raciale a été la marque
distinctive de la politique des colons depuis 1890 et s'est
renforcée en 1930 quand un gouvernement travailliste en Grande
Bretagne permit la promulgation de la Loi sur le partage des terres
(Land Apportionment Act).
La discrimination raciale peut s'accorder au capitalisme mais elle
est complètement incompatible avec un vrai socialisme.
Un Zimbabwe
libre, démocratique, indépendant et socialiste traitera chaque
personne résidant au Zimbabwe comme un être humain doté de ses
droits et de sa dignité d'homme.
La ségrégation et la
discrimination raciales seront mises hors la loi et ceux qui les
ont pratiquées seront jugées publiquement pour leurs crimes contre
l'humanité comme les dirigeants nazis le furent à Nuremberg.
Dans les zones urbaines, les travailleurs des usines et des bureaux
qui ont été assujettis à des conditions de travail d'esclave
verront leur situation complètement transformée.
Ils posséderont
directement et indirectement les usines dans lesquelles ils
travaillent.
Toute la législation discriminatoire relative au
travail et aux syndicats sera abrogée et toutes les autres
pratiques d'exploitation cesseront.
Un système équitable de rémunérations et de salaires sera établi
ainsi que des retraites pour les travailleurs âgés et des pensions
pour les invalides.
Les personnes qui ne peuvent travailler en
raison de leur vieillesse ou d'un handicap physique seront à la
charge de l'Etat.
Un système de sécurité sociale sera mis en place
pour venir en aide à tous les ouvriers et autres travailleurs et
spécialement aux mères lors de maladies ou à la naissance
d'enfants.
L'accent sera mis sur l'amélioration des conditions de
vie et de travail de tous les ouvriers et autres travailleurs,
leurs familles et enfants «du berceau à la tombe».
Le Zimbabwe ne pourrait être libre, socialiste et démocratique au
vrai sens des mots s'il permettait quelque forme de discrimination
que ce soit, raciale, ethnique ou régionale.
Les divisions raciales
et ethniques actuelles sont l'oeuvre des oppresseurs - les colons.
Elles doivent être supprimées et des mesures doivent être prises
pour assurer une pleine sécurité à tous les groupes tribaux,
régionaux et religieux.
Les ouvriers, les fonctionnaires et les
autres travailleurs des villes seront promus et payés selon leurs
capacités, sans aucune référence à leur origine tribale ou
régionale.
Les organisations tribales et les partis politiques
basés sur le tribalisme seront bannis.
Toutefois les minorités
nationales ou tribales seront libres de développer des activités
culturelles et de célébrer des fêtes tribales pourvu que cela reste
compatible avec l'objectif de l'unité nationale.
Notre unité nationale sera basée sur une lutte commune, sur le
projet commun de construire un Zimbabwe socialiste, démocratique,
indépendant et libre et sur la volonté de combattre contre les
exploiteurs de toute couleur et de toute race, ainsi que contre les
impérialistes et leurs agents qui ont ravalé notre peuple au rang
d'esclaves pendant la plus grande partie de ce siècle.
X-AFFAIRES INTERNATIONALES ET PAN-AFRICAINES
La politique étrangère de la ZANU est déterminée par deux principes
essentiels : combattre l'impérialisme et s'unir avec toutes les
forces progressistes dans le monde.
Les ennemis que nous combattons
sont à la fois locaux et internationaux.
Il ne serait pas logique
de combattre les tentacules de l'impérialisme en Afrique australe
et de soutenir l'impérialisme au Moyen-orient, Asie du sud-est ou
en Amérique latine.
Les forces progressistes sont engagées dans un conflit global
titanesque avec l'impérialisme et le capitalisme.
La ZANU s'est
jetée de tout son poids au côté des forces progressistes et doit
combattre partout les forces opposées.
Notre pays, et les problèmes auxquels il a dû faire face, sont le
produit direct de la politique de l'impérialisme britannique.
Depuis le jour où Cecil John Rhodes -le principal colonisateur
britannique du 19e siècle- envoya la colonne de pionniers occuper
les Rhodésies jusqu'à la déclaration d'indépendance de lan Smith en
1965, la force motrice qui a poussé la colonisation européenne a
été la recherche des bénéfices financiers -terre, or et autres
minéraux.
La Grande Bretagne a financé et soutenu ces hommes -les parents et
les proches- pour qu'ils gouvernent la Rhodésie pour son compte.
La
farce des sanctions économiques obligatoires, des palabres sans fin
sur le Tiger et le Fearless ont été un écran de fumée pour cacher
les vrais desseins de l'impérialisme britannique : conserver les
richesses rhodésiennes et sud-africaines dans le trésor
britannique.
L'éventuelle vente d'armes à l'Afrique du Sud annoncée par la
Grande Bretagne en juillet 1970 et les investissements records du
capital britannique en Afrique du Sud -ils atteignent maintenant 1
milliard de Livres sterling- sont une preuve, s'il en est besoin,
que l'Afrique australe est une enclave de l'impérialisme et du
capitalisme britanniques.
En conséquence, la ZANU a adopté une
attitude particulièrement hostile à l'égard de l'impérialisme
britannique, cause principale de la situation où a été placé notre
peuple.
La ZANU est un parti pan-africaniste.
Elle considère le continent
africain et ses peuples comme une unité gigantesque de peuples
opprimés.
L'élément commun n'est peut-être ni la couleur, ni les
coutumes, ni les opinions des quarante gouvernements de
l'Organisation de l'Unité Africaine mais c'est bien l'état
d'oppression collective dans lequel nous avons été placés depuis
les siècles de l'esclavage organisé.
La ZANU s'engage à apporter
tout son soutien à la recherche en cours d'une authentique unité
basée sur une politique et une idéologie clairement définies.
La ZANU soutient la politique d'unité africaine de la charte de
l'Organisation de l'Unité Africaine.
Un gouvernement de la ZANU
explorerait toutes les possibilités de coopération culturelle et
économiques avec d'autres Etats africains et chercherait à se
joindre à d'authentiques unions politiques ou regroupements
régionaux avec d'autres États africains.
Pendant la lutte de libération nationale, il est nécessaire pour
les dirigeants, les combattants et membres du Parti de maintenir
des relations les plus étroites possibles avec les États africains
limitrophes de l'Afrique australe et de collaborer avec d'autres
mouvements de libération de l'Afrique australe.
Les membres et les
combattants de la ZANU qui se trouvent dans des États africains
amicaux ont le devoir de maintenir des relations cordiales et
amicales avec tous les citoyens des pays hôtes et de faire preuve
de respect pour les institutions et les coutumes de ces pays.
Les
Zimbabwéens vivant ou étudiant outre-mer sont encouragés à rentrer
au pays et à se joindre à la lutte.
La ZANU a la charge de réaliser l'indépendance nationale par la
lutte armée.
Elle désapprouve la politique de collaboration avec
les États blancs racistes d'Afrique australe préconisée par la
République du Malawi.
Tout en approuvant les motivations implicites
des signataires du Manifeste de Lusaka, la ZANU rejette son
approche du problème et réaffirme sa foi dans la lutte armée.
Notre but est de fonder un Zimbabwe libre, démocratique,
indépendant et socialiste.
Sur la scène internationale, nous
collaborerons pleinement avec les mouvements et gouvernements
progressistes pour instaurer la paix, aussi longtemps que ceux-ci
reconnaîtront l'indépendance et l'intégrité territoriale du
Zimbabwe.
Plus généralement, la ZANU coopérera avec d'autres
gouvernements d'Afrique et d'ailleurs, qui peuvent avoir des
systèmes sociaux différents, dans la mesure où ils soutiennent la
juste lutte pour notre indépendance nationale et n'aident pas nos
ennemis -les colons de quelque manière que ce soit.
CONCLUSION
C'est l'intention déclarée de la ZANU de transformer la Rhodésie en
un Zimbabwe libre, démocratique, indépendant et socialiste dans la
présente décade.
Le programme esquissé ci-dessus devra être mis en
pratique dans les années 70.
La tâche de commencer cette glorieuse
révolution a déjà été prise en main mais les efforts coordonnés de
tous les Zimbabwéens sont nécessaires pour qu'elle soit menée à son
terme avec rapidité et efficacité.
Nous avons la capacité ! Nous avons la détermination ! Nous avons
les hommes ! Nous avons l'organisation ! Nous n'avons besoin que
d'aide matérielle et morale pour remporter la victoire.
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