Des communistes [d'Allemagne]

Pour le communisme

[Milieu des années 1980]

Nous nous rendons compte que ce document n'est que le début de notre discussion : une discussion qui, la plupart du temps, est limitée à la critique (tout à fait nécessaire). Cette critique toutefois ne restera pas limitée à la critique pure et simple, puisqu'elle est dictée par la volonté de réaliser le changement révolutionnaire.

«LA GUERRE REVOLUTIONNAIRE EST UNE GUERRE POLITIQUE» (Tupamaros)

Avec ce document-ci, nous voulons donner des réflexions et des arguments qui peuvent servir dans la discussion qui, bien qu'elle ne se limite pas au dernier attentat de la RAF, en est quand même le résultat.

La politique et la pratique, qui se sont matérialisées à travers l'attentat contre le Air Base et contre Pimental, ne sont pas le résultat d'une seule erreur, mais plutôt le point culminant (provisoire ?) d'un long développement, auquel non seulement la RAF mais tout le mouvement anti-impérialiste ont pris part.

Depuis un certain temps déjà, la simplification des rapports complexes et multiples (par ex. «le système d'ensemble»), c'est-à-dire l'affadissement de l'analyse politique, le manque de discussions fondées sur les principes marxistes, la perte de vue du processus historique à travers lequel les projets, les luttes et les actions actuelles sont les résultantes de cette politique (ce qui amène à des ruptures dans la continuité des luttes); le subjectivisme et les illusions influencent notre travail et notre lutte politique, nos pensées et nos sentiments.

Est-ce vraiment une évolution logique que ces erreurs se poursuivent aujourd'hui aussi dans la politique de la guérilla ?

Notre discussion doit aboutir à ce qu'on reconnaisse cela et que nous essayions de dépasser cette évolution.

Parce que si on ne le fait pas, les erreurs du passé se produiront fatalement à nouveau et toute la force révolutionnaire ancrée dans la lutte de la guérilla et l'organisation du front anti-impérialiste ne pourrait plus se développer, et à la fin la pratique deviendrait contre-productive face aux objectifs proclamés.

Il faut absolument que nous soyons tout à fait prêts à la critique et à l'autocritique pour qu'aboutissent les discussions présentes et à venir (qui sont essentielles pour le développement du front anti-impérialiste et pour le mouvement révolutionnaire entier).

C'est une attitude que, pour le moment, on ne trouve ni dans les discussions internes du mouvement anti-impérialiste, ni dans les déclarations faites par la RAF ces derniers temps.

Par ce document, on entend élaborer et mettre en discussion les contradictions concernant les thèses/déclarations politiques centrales qui, à présent, déterminent la discussion et la pratique politique du «front».

« La compréhension du changement est : l'élaboration d'un système global avec son noyau ... l'OTAN ... c'est-à-dire le système d'ensemble qui, sous l'hégémonie intangible du capital US, règle les intérêts concourants des sous-ensembles tant nationaux qu'économiques dans la crise globale de l'exploitation capitaliste et s'organise vers l'agression, c'est-à-dire vers la sauvegarde de sa domination » (prisonniers de la RAF, le 10/4 sur les actions de 1981).

Dans la notion du système d'ensemble, comme elle est utilisée ici, les contradictions existantes au sein des forces impérialistes sont tout-à-fait négligées. Il va de soi que l'utilisation de cette notion est justifiée, mais on doit plutôt l'employer comme une définition divergente.

Dans son livre «L'impérialisme, stade suprême du capitalisme», Lénine dit que «la tendance à la monopolisation est la caractéristique principale de l'impérialisme».

Ce qu'il a souligné au moins, c'est que la concurrence est poursuivie à un niveau (du commerce mondial) plus haut précisément par cette monopolisation, puisque les intérêts nationaux peuvent être sauvegardés.

La conséquence en est que les conditions des pays individuels évoluent dans des directions plus ou moins divergentes, parce qu'on voit mal comment une aggravation de l'exploitation (c.à.d. l'appauvrissement des uns par les autres) pourrait conduire à l'harmonisation de ces conditions. « plutôt qu'affaiblir les divergences en taux de croissance des composants divers de l'économie mondiale, le capital financier et les trusts les renforcent » (Lénine).

Cela est encore valable, par exemple pour les états de la CEE, du point de vue économique, la RFA est la plus grande force, la France n'a pas su se rattacher économiquement à la RFA, l'Angleterre est encore plus faible.

En plus, la divergence entre les pouvoirs économiques les plus forts (RFA, France, Angleterre) d'une part et des états plus faibles de la périphérie (Irlande, Belgique, Espagne, Portugal, Grèce) d'autre part, s'agrandit.

Les états les plus faibles succombent en plus sous la pression de la concurrence sanglante.

La stratégie réactionnaire pour combattre la crise a des effets largement divergents à cause des conditions divergentes de départ, malgré des mesures similaires contre ceux qui sont exploités, qui entre autre sont reflétées dans «la monopolisation croissante et l'annihilation simultanée de certains secteurs industriels entiers, et qui effectivement résultent dans une harmonisation partielle des conditions du prolétariat européen » (déclaration commune AD/RAF).

Des diminutions dans le domaine social ou des diminutions de salaire ne sont pas les mêmes par exemple en Espagne ou en Belgique qu'ici en RFA.

Pour cette raison, c'est une erreur de parler superficiellement d'une «harmonisation des conditions du prolétariat européen».

Les conditions de vie matérielles (qui d'ailleurs ont toujours été, globalement, un moment important dans l'évolution révolutionnaire, et le sont encore), par exemple de la classe ouvrière en Angleterre et celles de la classe ouvrière en Allemagne se ressemblaient plus dans les années 60 que maintenant.

En outre, la dynamique propre du capitalisme, la pression permanente de la concurrence et de l'efficacité débouche presque «d'elle-même» dans des développements décisifs (automation, licenciements massifs, nouvelles technologies, restructuration, etc...), auxquels ne peuvent pas échapper les pays qui sont liés économiquement.

Cependant, en même temps, ceci crée de nouvelles contradictions de plus en plus fondamentales dans le «système d'ensemble».

Il est absolument nécessaire que nous, la gauche révolutionnaire, comprenions cette dynamique propre et contradictoire du système capitaliste et ses formes d'organisations et stratégies, puisque là aussi il y a des points d'appui et des possibilités, que nous devrions prendre en considération pour les utiliser dans notre pratique.

Le modèle schématique pour expliquer la création prévue d'une «société des deux tiers» ou «d'une attaque contre le prolétariat à l'échelle européenne», n'est qu'une partie de la vérité.

L'appauvrissement massif d'un tiers de la société de la métropole a comme conséquence que ces gens ne consomment pas ou presque pas, ce qui par conséquent aboutit à une diminution du marché européen et l'aggravation des problèmes de vente pour les capitalistes.

Où vont-ils alors se débarrasser de leur merde ?

Peut-être s'approche-t-on de la réflexion, qu'une évolution pareille même du point de vue de l'exploitation capitaliste à un certain moment devient contre-productive, et que d'autres développements se produiraient.

Nous voulons arriver à ce que nous, la résistance révolutionnaire, devrions enfin piger : que ce n'est pas si simple pour la classe dominante d'élaborer des stratégies et des projets, et de les appliquer point par point (ce qui entraîne assez rapidement les visions d'horreur de « l'élimination de l'antagonisme», du «fascisme mondial», etc.), mais plutôt que dans la réalité du capitalisme et ses stratégies de maîtrise de la crise, de nouvelles contradictions apparaissent, par lesquelles les projets impérialistes sont mis en discussion, changés, entravés.

Le manque de synchronisme dans l'évolution capitaliste et la divergence des effets de la crise dans les divers pays européens peuvent mener à des évolutions des luttes de classes divergentes, conduisant à la révolution.

La situation en Espagne par exemple est déjà différente de celle des autres pays européens, cette confrontation est plus aiguë.

Nous devons prendre connaissance de toutes ces réalités, si nous voulons élaborer des stratégies politiques réalistes pour notre lutte ici en RFA.

La notion schématique du «sytème d'ensemble» et de «l'harmonisation des conditions» écrase toutes ces divergences nécessaires et empêche de faire des analyses précises.

En même temps, il y a de nouvelles conceptions abstraites et schématiques de la pratique révolutionnaire dans les métropoles qui apparaissent, sur base desquelles l'évolution de la conscience de classe dans un pays ou un autre, ne peut être considérée comme point de départ ou comme objectif pour la pratique révolutionnaire, la seule chose qui compte à ce moment-là, c'est la référence à des «sections de combat du front» dans la guerre des classes internationales.

Il n'est pas encore clair comment ici en RFA, comme partie de la «section ouest-européenne du front» on pourrait créer une force politico-militaire, capable de jouer en effet un rôle dans le rapport des forces internationales.

Ce qui nous a souvent frappé dans divers documents, peu importe qu'ils parviennent de la résistance, de la RAF ou des prisonniers de la RAF, c'est que les exemples de l'évolution du système d'ensemble qui y figurent, concernent toujours et uniquement la répression, par exemple:

«Depuis, les intérêts des Etats-Unis et l'impérialisme comme système d'ensemble se sont levés contre les offensives de la guérilla ici en 77, en Italie en 78, et en 80 contre les luttes des peuples en Turquie» (prisonniers de la RAF, le 10/4 sur les actions en 1981).

Toutefois nous savons que cette réaction commune du capital contre un ennemi commun n'est pas une évolution caractéristique de ces dernières années.

Déjà en 1871, à l'époque de la guerre franco-allemande, la Commune de Paris était brisée par une offensive conjointe de l'état français et allemand.

Après il y a eu la «Sainte Alliance» contre le socialisme international qui s'est créée.

En rappelant cela (il y a beaucoup d'autres exemples à donner), nous n'oublions pas que les états impérialistes se sont toujours et de plus en plus organisés dans la lutte contre les organisations révolutionnaires.

Il est évident pour tous les révolutionnaires d'Europe de l'ouest que la contre-révolution s'organise à un niveau très élevé (législation, justice, propagande et surtout dans les exécutifs) et que l'OTAN joue un rôle très important dans cette évolution.

Cependant ce processus aussi, nous devons l'étudier de différentes façons : après des décennies d'une calme relatif, la lutte politico-militaire pour le communisme s'est développée dans plusieurs pays d'Europe occidentale depuis la fin des années soixante.

Confrontés avec cette évolution des forces révolutionnaires les Etats d'Europe occidentale ont cru nécessaire après peu de temps de devoir coordonner la coopération contre-révolutionnaire le plus largement possible.

Parce que ces Etats ont largement les mêmes intérêts dans la lutte commune contre la guérilla en Europe occidentale, pour eux les contradictions réelles à l'intérieur du capitalisme sont relativement moins importantes dans ce domaine.

Relativement, puisque même dans leur lutte commune contre les organisations et les mouvements révolutionnaires, les états impérialistes ne sont pas un bloc ayant les mêmes intérêts et sans contradictions internes.

Comme nous l'avons déjà dit, ce genre de contradictions d'intérêts des Etats impérialistes en Europe occidentale sont assez rares dans le combat contre la guérilla en Europe occidentale.

Si des contradictions politiques ou économiques se révèlent dans l'évaluation de la lutte contre les organisations/mouvements/Etats révolutionnaires, des déchirures dans le camp impérialiste peuvent être aperçues, des déchirures qui, plutôt qu'être uniquement verbales et propagandistes, ont souvent des effets très concrets sur les attitudes des Etats/gouvernements individuels.

Un bon exemple est le conflit interne au sein de l'OTAN concernant l'intervention militaire des Etats Unis au Nicaragua; les mois précédents, cela a été prouvé à plusieurs reprises (Achille Lauro/Italie, extraditions de palestiniens de Grèce, la Libye).

Même les contrats de 15 milliards de Deutsche Mark entre les entreprises en RFA et l'URSS ont sûrement des effets sur l'attitude du gouvernement en RFA en ce qui concerne une escalade éventuelle contre la Libye.

Pourquoi négliger tout cela ?

D'autant plus que la conséquence du fait qu'il existe des contradictions à l'intérieur des forces impérialistes ne veut pas dire pour les révolutionnaires en RFA et en Europe occidentale que la pratique devrait être orientée vers la découverte et l'exploitation de ces contradictions.

Dans les années 70, la RFA aussi a exploité les contradictions entre les gouvernements capitalistes en Europe occidentale concernant la domination de la RFA dans cette région, dans la campagne contre la «germanisation de l'Europe», qui a été menée à travers toute l'Europe, et qui a permis de gêner considérablement les intentions de la RFA impérialiste.

Aujourd'hui il y a d'autres contradictions à l'intérieur de l'impérialisme, demain d'autres encore se développeront sûrement...

Les négliger serait en faveur des impérialistes, et au détriment des révolutionnaires !

Nous croyons que le «système d'ensemble» et «la simultanéité des luttes anti-impérialistes» à l'intérieur du «front» sont deux notions pareillement «analysées» d'une façon superficielle.

L'effet de la simultanéité des luttes anti-impérialistes est un élément constant de toutes les luttes anti-capitalistes.

C'est une évolution qui s'est produite ces dernières années, une évolution qui est un élément immanent de toutes les luttes contre la bourgeoisie.

Le fascisme des nazis par exemple a été battu par la simultanéité des luttes des partisans yougoslaves, albanais, de la résistance française et hollandaise, norvégienne et polonaise, des luttes des partisans soviétique et de l'armée rouge, etc..

On trouve beaucoup d'exemples pareils dans l'histoire révolutionnaire.

En tout cas, ces exemples ne sont pas les mêmes que ceux de nos camarades de la RAF qui écrivent :

«... leur intégration dans un bloc homogène et contre-révolutionnaire, qu'ils utilisent pour mener les offensives militaires au niveau politique, n'est pas encore complètement achevée ou sauvegardée.

En même temps, les luttes révolutionnaires, même si elles ne se trouvent pas dans la même phase d'évolution ou qu'elles doivent tenir compte des conditions différentes, réagissent dans leurs effets contres ces offensives et entravent leurs objectifs concrets.

Le New Jersey [un destroyer de l'US navy] envoyé au Liban pour y participer à un des plus grands bombardements depuis la guerre du Vietnam, devant apporter une victoire américaine - un fonctionnaire du pentagone disait que le Liban devrait ressembler à la surface de la lune - a été rappelé du Salvador où il avait été posté peu de temps avant, afin de tirer sur la population civile et isoler la guérilla. » (déclaration des prisonniers de la RAF).

Ce qui est soutenu dans cette déclaration voudrait dire : s'il n'y avait pas eu l'escalade au Liban en 1982, qui provoqua le transfert du New Jersey du Salvador au Liban, les Etats Unis auraient opéré une intervention militaire directe et immédiate au Salvador («... pour tirer sur la population civile...»).

Cette assertation n'est non seulement pas justifiée, mais bien au contraire, tous les événements la démentent totalement.

Cette affirmation dément la stratégie US de cette époque-là - le bombardement par le New Jersey a bien eu lieu - et celle de maintenant contre le Salvador, le Nicaragua et toute la région d'Amérique centrale.

Les Etats Unis créent des troupes de contras et des escadrons de la mort, ils leurs procurent des armes, comme aux armées réactionnaires en Amérique centrale, y compris celle du Salvador, ils interviennent contre la guerre du peuple salvadorien, guidant et dirigeant les opérations à l'aide d'instructeurs militaires.

Toutefois ils ont évité et évitent toujours (ce qui ne veut pas dire que cela n'arrivera jamais puisque si la situation évolue dans un certain sens, elle pourrait changer assez brusquement) une intervention militaire de leur propre force d'intervention, ce qu'aurait entraîné automatiquement un bombardement par le New Jersey.

Une autre raison pour laquelle les Etats Unis évitent une intervention militaire ouverte et directe, est l'existence de contradictions dans le camp impérialiste (on parle même d'une rupture éventuelle au sein de l'OTAN); la raison principale cependant doit être cherchée dans l'escalade de la résistance révolutionnaire à travers tout le continent de l'Amérique Latine et Centrale.

Il est clair qu'il y a un effet cumulé des luttes révolutionnaires dans différents pays du monde et non pas d'une manière simpliste comme celle citée plus haut.

Une intervention au Salvador en Amérique Centrale a été empêchée jusqu'à présent suite aux facteurs mentionnés plus haut; des facteurs qui n'existaient pas dans le cas du Liban et qui en tout cas jouent un rôle inférieur dans le contexte des luttes au Liban.

Il n'y a pas de doute que, en 1982, le problème pour l'impérialisme US ne consistait pas dans son faible potentiel militaire, comme la nécessité de transférer le New Jersey nous le laisserait croire.

A notre avis, la situation politique en Amérique Centrale n'est absolument pas comparable à celle du Proche Orient, et en particulier au Liban.

L'évolution révolutionnaire en Amérique centrale est tellement avancée qu'une intervention américaine au Salvador pourrait entraîner au moins un conflit total qui pourrait se propager sur toute la région; tandis qu'au Proche Orient la révolution est faiblement développée.

Quand on dit que les luttes révolutionnaires ont un effet cumulé avec la conséquence automatique qu'une intervention est à exclure, c'est nier les spécificités régionales.

Par conséquent, nous nous demandons à quel point l'affirmation selon laquelle les luttes révolutionnaires... anticipent leurs objectifs concrets, est fondée.

Précisément au Liban cela est hors de question.

Il est vrai que l'objectif à long terme, c'est-à-dire la pacification et le contrôle, n'est pas encore atteint.

Cependant ce qui est atteint c'est l'effondrement total des structures qui avaient été mises en place par les révolutionnaires palestiniens et leurs organisations au cours des années (la vallée de la Bekaa, etc.)...

Nous croyons que le retrait des «troupes multinationales de paix» doit être vue dans le même contexte.

Ils ont dû constater que cette présence militaire directe a réuni toutes les forces au Liban (il est évident que souvent ceci s'est effectué uniquement par les pressions de leurs bases respectives).

Cette unité et l'ampleur des luttes qui en découlaient ont finalement conduit au retrait des troupes.

C'est un succès pour les peuples palestiniens et libanais, qui en aucun cas ne peut être démenti.

Après le retrait des troupes, toutefois, les impérialistes ont créé une nouvelle situation au Liban, dans laquelle les forces révolutionnaires ont été absorbées, dans le conflit avec les intégristes islamiques, les fascistes chrétiens, etc...

On ne peut donc parler d'un échec total ou d'une défaite des impérialistes au Liban.

Pour cette raison, nous demandons aux camarades de la RAF et à certaines parties de la résistance (qui se sont inspirées de plusieurs façons de ces «analyses» qui sont le fondement de la critique et de la discussion) ce qu'ils veulent prouver par ces assertions mensongères.

Nous nous croyons obligés de poser une question pareille car ce qui est faux dans d'importantes parties de ces «analyses», à notre avis n'est plus explicable : nous ne pouvons plus nous défaire de l'impression que ce genre «d'analyses» sert à première vue à donner une sorte de légitimité/nécessité pour une politique militariste.

Par le fait que :

- le potentiel militaire de l'impérialisme serait proportionnel aux effets cumulés des luttes

- la globalité du combat est réduite à ses aspects militaires

- globalement une toute nouvelle phase dans l'évolution des luttes internationales et leurs effets cumulés est mentionnée (avec comme conséquence l'inversion des critères d'action révolutionnaire, cf. un des documents de préparation pour le congrès qui fait référence aux attentats des fascistes contre les soldats US)

- la réorganisation totale du système capitaliste et de l'impérialisme est représentée comme une évolution qui seule est soumise à la solution militaire («économie de guerre»)

- le niveau politique des stratégies impérialistes et la capacité d'intégration de l'impérialisme (au moins dans les métropoles) sont complètement négligés et même niés (cf. la déclaration des prisonniers de la RAF à propos de 77)

- la totalité du «système d'ensemble» est largement surestimée et les contradictions internes de l'impérialisme sont présentées comme inexistantes.

Par ces faits-là, on donne l'impression que l'on sait combattre la guerre impérialiste et tout son système uniquement à «son niveau», c'est-à-dire au niveau militaire.

C'est une illusion avec des conséquences dévastatrices.

«...la force, avec laquelle les impérialistes mènent la guerre à tous les niveaux et sur tous les fronts, est liée à leur objectif : comme une bataille finale et décisive, parce que comme après la défaite au Vietnam, ils estiment qu'ils peuvent s'assurer de leur pouvoir uniquement par l'élimination totale de l'antagonisme...» (prisonniers de la RAF sur 77)

Comment arrivet-on à une pareille évaluation, pour nous, c'est un mystère; depuis Marx nous savons que l'essence du capitalisme fait que celui-ci produit son propre antagonisme.

Ceux qui sont exploités aussi appartiennent à l'exploitation et à travers une situation d'exploitation, la résistance contre cette situation est à chaque instant organisée/développée de nouveau ... par ce fait, c'est une contradiction de dire que l'impérialisme serait capable d'éliminer son antagonisme, peu importe ce qu'on veut dire par cela, dire que l'impérialisme en a la volonté mais pas la capacité dans ce contexte ne fait preuve d'aucune originalité et n'est pas important.

Par conséquent, pour nous, il ne doit pas s'agir de gagner un genre de «bataille finale»; mais plutôt de soutenir la révolution dans nos propres pays (comme partie du processus de la révolution mondiale).

Pour nous, la question «si des révolutions nationales sont possibles» n'a pas de sens, pour les communistes, cette question est sans importance à tous les niveaux !

Ce qui est important, c'est que nous puissions constituer une force uniquement par la révolutionnarisation de notre réalité et de notre présent, c'est-à-dire sur base de nos luttes et conditions nationales: une force qui permettra de jouer un rôle révolutionnaire sur le plan national et international.

Pour cette raison nous pensons que la question de la possibilité d'une «révolution nationale» est dévoyante et fausse, et nous voulons proposer que les camarades ici présents commencent une discussion (ici et chez eux) afin de déterminer si on ne ferait pas mieux d'éviter des discussions sur des orientations et vers des questions qui ne nous font pas avancer.

Malheureusement, nous n'avons reçu les documents de travail pour le congrès que quelques jours à l'avance, ce qui fait que nous n'avons pas pu les étudier en profondeur.

Nous avons eu le même problème avec la préparation entière du congrès.

Un délai trop court, le manque de discussion dans un contexte plus large, tout cela a empêché une coopération constructive dans cette phase de l'élaboration du front anti-impérialiste.

Nous avons une perception complètement différente de la lutte pour «l'unité» et pour «le rassemblement» et nous espérons (pour nous et pour d'autres encore) que des enseignements à tous les niveaux seront tirés pour l'avenir.

A ce point-ci nous ne pouvons que nous limiter à exposer les points les plus importants dans les documents de travail, et en particulier les sujets que nous voulons aborder dans les groupes de travail.

EFFET CUMULE DES LUTTES PARTOUT DANS LE MONDE

Il est essentiellement vrai (bien que cela ne soit pas une affirmation originale et nouvelle) que les luttes/évolutions révolutionnaires peuvent briser les forces de l'impérialisme et par cela limiter la capacité impérialiste à mener une intervention/escalade militaire.

Il est certain que certains critères doivent être remplis pour que, objectivement et subjectivement, on puisse parler d'un effet cumulé.

Ce n'est pas parce qu'il y a des luttes dans diverses régions simultanément, qu'il y a un effet cumulé.

C'est la question de l'identité politique qui est déterminante dans ce contexte.

Donc, contre qui se dirigent les luttes ET quel est l'objectif, quelle est la position de classe, quels sont les objectifs sociaux, contre quel ennemi ET envers quelles conceptions; on ne peut faire de distinction entre ces questions qui constituent l'identité politique des luttes.

Ce n'est qu'à ce moment là que l'on peut parler d'un «effet objectivement anti-impérialiste» (référence par exemple à la discussion sur le détournement TWA : à quoi est-ce qu'il a servi?)

Selon ce critère on ne peut pas mettre ensemble des luttes d'une identité politique tout à fait différente, et de dire s'il pourrait y avoir une relation entre elles.

On n'a qu'à discuter cela entre nous (discussion de 1982 sur les attentats des fascistes contre des soldats US).

En ce qui concerne «l'effet cumulé», il y a aussi la question de l'état de l'évolution de la révolution dans les diverses régions, et si elle est vraiment bien ancrée.

Donc, à quel point le processus révolutionnaire dans sa phase d'évolution présente et sa force explosive en perspective peut représenter un danger pour l'impérialisme.

C'est précisément en relation avec cette question que nous sommes confrontés avec nous-mêmes.

Si on part de ce qui est juste dans «l'effet cumulé des luttes», on devrait poser la question d'une façon autocritique, comment ici dans les métropoles de la RFA pouvons-nous devenir assez forts pour pouvoir remplir nos prétentions internationales (et correctes), plutôt que nous livrer à des illusions.

Seulement, en essayant de trouver une réponse POLITIQUE à cette question, nous serons capables d'en trouver la réponse pratique, c'est-à-dire aussi : d'être un facteur pertinent dans les rapports de force internationaux.

A ce point-là, on ne peut plus éluder la question de savoir si les actions d'août (Pimental et Air Base) peuvent constituer une nouvelle voie et une nouvelle orientation pour le processus révolutionnaire ou si elles constituent plutôt un mal pour ce processus. Nous croyons que c'est un mal.

La référence à une évolution mondiale des luttes ne nous rapproche pas de notre objectif, tant que nous ne saurons pas relier les conditions NATIONALES ET INTERNATIONALES dans la stratégie du front anti-impérialiste.

C'est précisément cette orientation que la politique de la RAF a prise dès le début.. Et elle est toujours justifiée !

Nous ne pouvons pas comprendre que, dans les documents de travail pour le congrès, il y ait des analyses de plusieurs pages sur la situation internationale et sur l'élaboration de la résistance ici jusqu'en été 85, et que la seule mention de la question essentielle pour nous, pour toute l'évolution future ici (aussi parce que cela concerne le front anti-impérialiste entier, chaque politique et pratique révolutionnaire) après six mois, consiste en :«...on a des problèmes à déterminer exactement où l'escalade et la polarisation au plus profond de la société doit nous mener...»; et qu'en même temps la critique sur les actions se réduit au problème de liaison et de la relation entre la guérilla et la résistance.

Il y a une contradiction absolue entre les rapports avec lesquels les camarades discutent sur la situation internationale et les stratégies des classes dominantes, et les rapports avec lesquels, ici dans les métropoles de la RFA, on discute des effets politiques de la nouvelle orientation, de la nouvelle voie sur la situation dans les métropoles de la RFA.

Nous voulons aborder cela pendant les discussion dans le groupe de travail.

Comme on le dit dans les documents de travail pour le congrès, il ne s'agit pas de la conception bornée de la «révolution nationale». Le problème réel est falsifié.

Indépendamment de la pertinence éventuelle de la question si une «révolution nationale» dans les métropoles est encore possible, il est clair que nous devons élaborer les forces pour une évolution révolutionnaire ici sur base de la situation et des conditions en RFA.

Dans les discussions sur «le système d'ensemble impérialiste» aussi, on est confronté aux mêmes questions, si on veut se pencher d'une manière conséquente sur les résultats des analyses.

Dans les déclarations et les textes des prisonniers, de la guérilla et de la résistance, et dans les premiers documents pour le congrès, le «système d'ensemble impérialiste» est considéré comme un bloc monolithique.

Le fait que le système capitaliste produise chaque fois à nouveau de nombreuses contradictions à travers sa dynamique propre - des contradictions qui ont des effets à tous les niveaux - le fait qu'il existe des contradictions nationales, historiques, etc. au sein des pouvoirs impérialistes, a été largement négligé, omis ou considéré comme non pertinent ou enfin ces contradictions ne sont considérées comme pertinentes que pour les impérialistes.

On réduit l'impérialisme à sa stratégie qui serait uniquement orientée vers des solutions militaires, on prétend que l'impérialisme ne serait plus capable d'imposer ses intérêts par des mécanismes politiques.

La conséquence de pareilles analyses schématiques (et fausses) est la conception que le temps est venu pour les révolutionnaires dans les métropoles de lutter contre l'impérialisme US uniquement sur le plan militaire (stratégie contre leur stratégie).

Donc : Air Base et Pimental.

Une «analyse» pareille est la base politique pour le passage d'une stratégie révolutionnaire à une stratégie militariste.

Dans les documents plus récents pour le congrès, on parle du système d'ensemble impérialiste à plusieurs reprises comme un système dont la force ne consiste plus qu'en une stratégie militaire.

Cela commence avec la constatation « qu'il y a une différence entre ce que les impérialistes disent et ce qu'ils peuvent réaliser dans certaines circonstances » (ce qui nous épargnerait sûrement des citations opprimantes de Schulz et Weinberger), et que « le rapport de force est toujours déterminé dans des luttes concrètes, et que donc cette attitude dure n'est pas définitive...» ou encore qu'« à chaque moment les impérialistes doivent étudier si le dommage politique, les conséquences à court ou à long terme d'une action de représailles militaires, d'une intervention ou de la réalisation d'un projet dans les centres n'est pas plus grand que les bénéfices...».

Ces constatations se rapprochent déjà plus de la réalité.

Ce qui nous importe, c'est que ces contradictions internes de l'impérialisme ou les limites politiques et économiques avec lesquelles il est confronté, ou les liens entre les stratégies militaires et répressives et les effets politiques, forment tous les domaines dans lesquels nous, les forces révolutionnaires, devons/pouvons aboutir à des résultats.

Nous ne voulons pas instaurer une politique qui ne s'oriente que vers les contradictions individuelles, il devient clair que, pour donner un exemple, le domaine des limites politiques de l'impérialisme est un domaine qui est important pour les forces révolutionnaires ou, à travers des effets politiques de notre action, la mobilisation, le travail de tous les jours, nous pourrions arriver à une victoire.

C'est dans ce sens-là que nous interprétons le mot d'ordre des Tupamaros : «LA GUERRE REVOLUTIONNAIRE EST UNE GUERRE POLITIQUE». C'est cela la rigueur de la guerre dans les métropoles, dans notre interprétation.

Cependant, ce qui nous frappe dans les documents de travail pour le congrès, c'est qu'aussi en ce qui concerne le «système d'ensemble», les conséquenes des constatations qui se sont différenciées entre-temps ne soient pas tirées, ou ne soient pas utilisées comme critères dans la discussion sur les actions d'août.

Même si cela était, cela aboutirait forcément à des contradictions, c'est là que nous arrêtons nos réflexions.