Black Panthers Party







1.Les débuts de l'esclavage et du
mouvement de libération des noirEs

a)les débuts de l'esclavage raciste

C'est en 1518 que la monarchie espagnole réussit pour la première fois à amener des esclaves noirs en Amérique, après avoir massacré les populations indigènes. Beaucoup de noirEs se révoltèrent, s'enfuirent et fondèrent des petites républiques indépendantes dans les zones délaissées par les colons européens.

Le commerce triangulaire, fondé sur la traite des esclaves noirEs d'Afrique vers l'Amérique par les Européens, permit une accélération de l'accumulation primitive du capital, aboutissant à l'industrialisation. Le commerce triangulaire était mené au départ par des marchands portugais et espagnols, puis par des Anglais et des Français.

Les bateaux chargés d'esclaves partaient d'Afrique de l'Ouest pour arriver à Bahia (Brésil), Saint-Domingue, Haiti, Cuba et la Virginie. Les bateaux repartaient après chargés de sucre, de tabac, puis de café et de coton. Le tout était produit par les esclaves enchaînés aux plantations. Les bateaux repartaient après d'Europe vers l'Afrique, chargés de pacotilles puis de produits textiles.

Au milieu du 19ème siècle les Etats du sud des USA produisaient ainsi les 3/4 de la production de coton. Les esclaves noirEs produisaient le produit d'exportation essentielle des USA et la matière première fondamentale pour l'industrie européenne en développement.

Il faut noter que les politiques de colonisation n'auraient pas pu avoir lieu sans la grande offensive patriarcale au 15ème siècle en Europe. La chasse au sorcière a détruit les communautés de femmes, les connaissances féminines quant à l'avortement et la contraception en général, la sexualité lesbienne… Les femmes furent forcées à avoir entre 10 et 20 enfants.

Cette donnée patriarcale faut également savoir qu'au départ il y eut des tentatives de mise en esclavage d'européens. Les Espagnols abandonnèrent très vite au XVIème siècle devant le manque d'"esclaves" potentiels. Les Anglais vendirent eux 90 jeunes femmes aux colons de Virginie, pour des kilos de tabac.

Autre fait important: les noirEs avaient au départ (au 17ème siècle donc) encore la possibilité de se "racheter" ou d'être affranchi, puis d'avoir des propriétés et de voter. Les africainEs n'étaient alors que la minorité des esclaves, composéEs alors en majeure partie d'occidentaux "esclaves à temps partiel" pour ainsi dire. Ces "indentured servants" travaillaient en moyenne 7 années dans les plantations. Selon une loi de 1640, toute femme de chambre blanche qui désobéissait pouvait devenir esclave.

A la fin du 17ème siècle, l'esclavage "changea" de forme, et tous les esclaves étaient noirEs. Le racisme devint alors une forme de domination reconnue et pratiquée à encore plus grande échelle. En 1660 les lois interdirent aux noirEs de posséder des terres, de voter, de se marier avec des blancHEs. A cela s'ajoutent les interdictions d'aller à l'école, de s'organiser, de se rassembler, de travailler dans des postes qualifiés. L'idéologie de la suprématie blanche vint alors justifier la domination et l'exploitation des esclaves.

Au milieu du 19ème siècle les esclaves noirEs - hommes, femmes, enfants à partir de 10 ans - travaillaient à 90% dans l'agriculture. Le fouet était le plus souvent la méthode pour "éduquer" les esclaves, voire la torture. La résistance des femmes noires, utilisant des moyens de contraception afin de limiter les naissances, fut brisée par la violence, les viols. Parfois les femmes noires tuaient leurs propres enfants pour ne pas en faire des esclaves.

Le viol était une méthode institutionnalisée de terrorisme contre les femmes noires, qui n'avaient pas le soutien des hommes noirs. Ces derniers étaient également éduqués de manière chrétienne, c'est-à-dire qu'on leur expliquait que la femme était inférieure, et qu'ils ne devaient pas faire des "travaux de femmes". Les femmes étaient cantonnées dans certains métiers spécifiques (cuisine, santé, ménage…) et le patriarcat des hommes noirs en était renforcé.

A la fin du 18ème siècle, 40% de la population des Etats du Sud des USA étaient des AfricainEs devenuEs esclaves (et seulement 10% dans les Etats du Nord). En 1860 dans les Etats du Sud 1733 familles (formant le 1/3 de la population blanche des Etats du Sud) possédaient chacune au moins une centaine d'esclaves.
En 1830 3777 personnes possédaient des esclaves.

b)la lutte de libération des noirEs
dans les Etats du Sud des USA


Les 300 années d'esclavage des noirEs furent marquées par 250 révoltes des esclaves. Sans compter les incendies, les sabotages, les empoisonnements, les cours de lecture et d'écriture organisés en cachette.

Il y eut également la communauté "maroon", qui existait depuis 1642 en Floride, et avait été fondé par des noirEs en fuite. Les Indiens Séminoles s'enfuirent là-bas vers 1750, et à partir de 1812 les USA tentèrent de détruire la communauté, qui se transforma en 1816 en "Etat séminole afro-indien". Il s'agissait d'une fédération de villages d'AfricainEs et de Native-Americans, qui résistèrent ensemble à l'armée des USA jusqu'en 1842.

Mais la communauté maroon n'était pas la première "zone libérée":

-en 1598, sur le territoire du Brésil actuel, des AfricainEs fondèrent une république de Palmares, plus grande en taille que la Belgique actuelle. Cette république sut se défendre des attaques néerlandaises et portugaises jusqu'en 1696;

-en 1739 la Jamaïque gagne son indépendance après une révolte conduite par le général Kojo (Cudjoe);

-de 1791 à 1804 c'est Toussaint L'Ouverture qui conduit la révolte à Saint-Domingue / Haiti, avec Christophe et Dessalines, contre les Français. Le but, un Etat noir reconnu par les nations du monde, sera définitivement anéanti en 1844 par l'arrivée de colons espagnols et la séparation de Saint-Domingue de Haiti par l'Espagne et les USA.

Il faut noter ici que Toussaint L'Ouverture est considéré comme le fondateur du nationalisme noir. Il a dépassé le repli isolationniste à la maroon, de la même manière que Tecumseh l'a fait à la même époque pour la "nation rouge".

Le mouvement lancé va s'amplifier: le 7 octobre 1800 1.000 personnes africaines armées et guidées par le général Gabriel Prosser marchent sur la ville de Richmond en Virginie. C'est une date symbole pour les Afro-Américains en lutte pour leur propre nation.

Les blancs répondirent par la répression et l'organisation de milices imposant l'interdiction de sortir entre 6 heures du soir et 6 heures du matin à tous/toutes les noirEs.
Au niveau international c'est en 1807/8 que le trafic d'esclaves fut officiellement interdit, après avoir coûté la vie à plus de 30 millions d'AfricainEs. Mais rien ne changea aux USA. Le mouvement pour l'abolition de l'esclavage ne réussit pas à s'imposer dans la rédaction de la constitution (guerre d'indépendance, 1775-1783).

Le second mouvement abolitionniste, issu d'une révolte en 1831, était confronté à trois problèmes centraux le divisant:
-le rôle de la femme (interdite de présence lors des réunions);
-le soutien ou non au projet de rapatriement demandé par l'American Colonization Society qui veut expulser les noirEs au Libéria;
-la question de la violence.

David Walker, un "affranchi", a formulé théoriquement la dernière question. Voulant au départ une lutte démocratique pour modifier les lois, il se prononcera ensuite pour un gouvernement des noirEs pour les noirEs. Ce second abolitionniste a eu de l'écho dans les classes populaires blanches, elles aussi confronté à la brutalité anti-démocratique du régime.

Le mouvement des femmes, essentiellement petit-bourgeois, s'est lancé comme conséquence des luttes démocratiques des noirEs.
Les noirEs organisèrent également clandestinement des "fuites" vers des zones libérées. Harriet Tubman construisit ainsi un "undeground railroad" (chemin de fer clandestin), avec des passeurs et des bases (les "safe-houses"). Tubman s'était également enfui, et entendait aider les autres à s'enfuir vers les USA du nord et le Canada, où l'esclavage n'existait plus grâce aux réalités industrielles. En 1850 fut en réponse créé une nouvelle loi, le "fugitive slave act", permettant la
traque et les primes pour les esclaves s'étant enfuiEs. Les noirEs organisèrent alors des groupes d'auto-défense.

2.La formation des USA modernes

a)les contradictions nord/sud et la guerre de sécession

Les USA du nord avaient développé une industrie et un secteur bancaire, tandis que les USA du sud s'appuyaient sur une agriculture basée sur l'esclavage. La situation se fit conflictuel au milieu du 19ème siècle. Jusqu'en 1860 en effet le Sud avait nommé tous les présidents, et fournissait surtout leurs matières premières à l'Angleterre.

Les Etats du nord en eurent assez, et durent réagir afin de pouvoir modifier les impôts, le crédit et l'ensemble des politiques. L'objectif principal était d'empêcher les Etats du Sud d'élargir leurs plantations; les USA étaient alors, comme l'Etat d'Israel, un Etat de colons s'élargissant. L'Office of Indian Affairs dépendaient du ministère de la guerre, et la Cour Suprême avait confirmé en 1823 que les terres conquises appartenaient aux USA. Entre 1787 et 1860 les USA passèrent de 13 Etats fondateurs à 33 Etats, de 4 millions de personnes à 31.

A chaque conquête les native indians furent repoussé vers l'Ouest. Puis au Sud il y eut l'expansionnisme au dépens du Mexique: furent fondés les Etats du Nouveau Mexique, de Californie, du Texas. Des parties des Etats du Nevada, d'Utah, du Colorado et de l'Arizona ont également été prises au Mexique. La lutte armée contre l'occupation, forte notamment en 1890 avec "Las Gorras Blancas" regroupant 1500 personnes, dure jusqu'à aujourd'hui .

La tension entre le Nord et le Sud fut partiellement résorbée avec le compromis Clay, donnant à chaque Etat le droit ou non de pratiquer l'esclavage traditionnel. Mais en 1854 lorsque le Kansas voulut abolir l'esclavage 3000 soldats du Missouri intervinrent et brûlèrent les habitations des noirEs, et détruisirent en mai 1856 totalement la ville de Lawrence. Deux partis furent alors fondés: le parti républicain défendait les intérêts des industriels du nord, le parti démocrate les intérêts du sud. Puis une guérilla de blancHEs et de noirEs écrasa en 1856 l'intervention pro-esclavage.

La guérilla se développa sous la conduite de John Brown qui tenta de fonder un Etat noir, mais elle sera elle-même écrasée par les troupes US. La date de la pendaison de John Brown fut considérée dans des dizaines de villes comme une date de deuil pour les noirEs.

Lorsqu'en 1861 un président républicain fut élu (Lincoln), 11 Etats du sud firent sécession et fondèrent les CSA (Confederate States of America), dont le gouvernement provisoire fut reconnu par les Français et les Anglais. Les Etats du nord déclarèrent alors la guerre, disposant de 22 millions de personnes et d'une industrie forte, alors que le sud n'avait que 5 millions de blancs et 4 millions de noirEs en opposition à l'esclavage. Parmi les 2,1millions de soldats de l'armée nordiste, 180.000 étaient noirs.

Dans la vallée du Mississippi et en Caroline du Sud les noirEs occupèrent les plantations et les gérèrent eux/elles-mêmes. Après la victoire la situation fut très tendue, et Lincoln assassiné en 1865. Les deux thèses quant à son meurtrier expliquent bien la situation: soit il s'agit d'un sudiste radical, soit d'un membre des républicains radicaux, partisans de la légalisation du pouvoir noir dans les plantations occupées. Le nouveau président, Andrew Johnson, ancien propriétaire d'esclaves, organisa une amnistie générale, une politique de réconciliation générale, et une lutte armée pour récupérer les terres occupées. Mais le rêve de la New Afrika s'est réalisé et ne quittera plus le cœur des nationalistes noirEs.

b)le nouvel apartheid (1850-1914)

Beaucoup de blancHEs au sud n'acceptèrent pas la fin de l'esclavage suite à la défaite face au nord, en 1867 les républicains accordèrent le droit de vote aux hommes noirs pour empêcher l'arrivée au pouvoir des démocrates. Aux groupes violents de "vigilantes" succéda alors le Ku Klux Klan, pratiquant un terrorisme organisé pour empêcher aux noirs de voter.

L'esclavage n'avait été de plus aboli que formellement. Les esclaves libérés dépendaient toujours de leurs anciens propriétaires en raison de "contrats" de dettes. Les "arrangements", où les noirEs louaient des terres un certain prix, se révélèrent être des pièges forçant au travail pour rembourser les dettes.

Les "black codes" empêchaient les noirEs de vivre correctement: des amendes et la prison étaient le lot s'ils/elles pêchaient, n'avaient pas leurs papiers, chassaient, portaient une arme… Et la mort était le lot de ceux et celles accuséEs de vol par un ou plusieurs blancs.

Comme l'a analyse Marx, la lutte entre le nord et le sud se fondaient sur deux manières d'exploiter: l'esclavage tout court ou l'esclavage salarié. D'ailleurs en 1870 les lois de Jim Crow instaurèrent la ségrégation raciale, la séparation des noirEs et des blancHEs dans les transports en commun, l'exclusion des noirEs des écoles, théâtres, restaurants réservéEs aux blancHEs.

Le mode de scrutin fut modifié, "cassant" le vote des blancs pauvres et des noirs en raison du niveau d'étude demandé et des sommes à payer pour pouvoir voter. La cour suprême des USA accepta ses lois selon le principe du "separate but equal".
Au niveau économique, le capital du nord avala très vite le sud, contrôlant les chemins de fer, les ports, l'agriculture, etc. La crise économique fut le lot des noirEs, et elle fut telle avec les "locations" de terre qu'il fut renoncé à les poursuivre, notamment à cause de la résistance violente aux shérifs qui dura de la fin des années 1860 jusqu'aux années 1890.

La fin de siècle fut alors caractérisé par une grande augmentation de la brutalité et des actions violentes contre les noirEs. Face aux lynchages et aux viols se formèrent des clubs de femmes noires, qui firent une conférence nationale à Boston en 1895. Elles luttèrent notamment contre l'exposition universelle de Chicago de 1893, diffusant la brochure "pourquoi l'Amérique de couleur n'est-elle pas représentée" et menant des marches contre la ségrégation.

Les USA continuaient également leur expansion: annexion des Philippines, de Hawaii, de Guam et d'autres îles du Pacifique, de Puerto-Rico, puis contrôle de Cuba, Panama, la république dominicaine, le Nicaragua, Haiti. Au niveau intérieur tout fut fait pour intégrer de force les réserves indiennes dans le tout américain.

En 1874 par exemple les peuples Lakota et Black Hills durent défendre leurs territoires militairement depuis qu'on y avait découvert de l'or.
Les années suivant 1914 vont en empirant pour la nation rouge: à partir de 1934 les USA imposèrent des gouvernements de tribu, devant être reconnus officiellement; ceci cassant les structures historiques où étaient présentes beaucoup de femmes et possédant des perspectives sociales refusant les classes. En 1953 la politique de la "termination" cessa toute aide et imposa des impôts. Les réserves, déjà contrôlées et pillées, perdirent alors beaucoup de monde partant gagner sa vie dans les villes.

c)Le passage à la forme impérialiste
et la résistance noire organisée (1914-1960)

Les années allant de 1900 à 1914 sont celles de l'éducation pour des afro-américainEs qu'on avait volontairement laisséEs dans l'analphabétisme avant et après l'esclavage. De nombreux groupes organisés se formèrent, comme le NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) en 1905, qui passera de 330 membres en 1912 à presque 100.000 en 1919.

Ou encore l'UNIA (Universal Negro Improvement Association), fondée par Marcus Garvey et rassemblant jusqu'à 5 millions de personnes. Garvey défendait l'idée d'une nation noire où vivrait tous/toutes les noirEs du monde entier. Il fonda la compagnie maritime "black star line", et était le partisan d'un capitalisme noir indépendant des blancHEs.
Dans le même esprit fut fondé la "Nation of Islam" (NOI) en 1930, conduite depuis 1934 par Elijah Muhammad. Leurs membres sont également connus sous le nom de "black muslims".

Partisans d'un capitalisme noir dans les Etats du Sud et d'un Islam noir extrêmement puritain.

Plus intéressant est la formation du CPUSA (Parti Communiste des USA) en 1919, que rejoignirent les membres dirigeants de l'ABB (African Blood Brotherhood), anciens membres de l'UNIA partisans d'un Etat noir aux USA et de l'auto-défense armée contre les lynchages.

Le CPUSA organisa l'ANLC (American Negro Labour Congress) pour les noirEs excluEs du syndicat l'AFL (American Federation of Labour). Puis, sous l'impulsion de Staline, le CPUSA et l'Internationale Communiste considéra que les noirEs des Etats du Sud formaient une nation opprimée. Les communistes devaient en ce sens soutenir la lutte démocratique-nationaliste pour l'indépendance de cette nation (il faut noter que les trotskystes rejettent cette analyse).

Lors de la montée du fascisme le CPUSA mena une politique de "front populaire" et mis entre parenthèses les revendications sociales pour que les USA entrent dans la seconde guerre mondiale. A la mort de Staline le CPUSA devint révisionniste et se transforma en parti social-démocrate/social-fasciste (allant accuser les Black Panthers d'être des "fascistes noirs").

Traitons de l'aspect économique maintenant. La guerre de 1914 fit se cesser l'immigration européenne, et pour la première fois des noirEs furent embauchéEs dans les industries du nord, passant de 550.000 en 1910 à 910.000 en 1920, avec un autre grand boom en 1945/47. La main d'œuvre noire devint l'armée industrielle de réserve, le sous-prolétariat de ce qui était désormais la première puissance impérialiste.

Dans les années suivant la crise de 1929, les noirEs organisèrent de grands mouvements de lutte, étant les premierEs touchéEs avec les femmes, les Native Americans, les Chicanos, les Puerto-Ricains. Le nombre de noirEs dans les syndicats passa de 100.000 à 500.000 (puis 1,25 millions en 1945), dans le Parti Communiste des USA de 1.000 à 5.000. Mais la situation des femmes n'avança pas, beaucoup tombaient dans une nouvelle forme d'esclavage. Sur les 100.000 femmes de ménage noires de New York de 1934, 350 étaient syndiquées. En 1960 35% des travailleuses noires étaient employées de maison, 20% étaient balayeuses, repasseuses…