Histoire du Parti Communiste de Chine

 

 



4.Le développement du socialisme et
la rupture avec le révisionnisme soviétique

a)Le grand bond en avant (1958)

L'année 1958 est une année très importante pour le socialisme en Chine, car c'est le début de développements originaux dans la construction du socialisme. Le 29 août 1958, le Comité Central adopte une " résolution sur l'établissement des communes populaires dans les régions rurales ".

Trois objectifs essentiels motivaient cette résolution :

· réaliser la " collectivisation de la vie ", afin de contribuer au processus de libération de la femme et à la lutte contre l'individualisme (en pratique : création de réfectoires, de blanchisseries, de jardins d'enfants, etc.) ;

· créer une unité entre l'organisation économique et l'organisation politique : les organes exécutifs des districts fusionnent avec ceux des coopératives, la compétence de la commune devenant générale (économique, civile, militaire avec les milices…) ;

· avancer vers le communisme dans le mode de répartition, en passant de " à chacun selon son travail " à " chacun selon ses besoins " : création de services communautaires et extension de leur gratuité, avancée dans l'égalité des salaires, répartition des produits disponibles selon les besoins.

Initialement 740.000 coopératives socialistes furent fusionnées en 24.000 communes, puis finalement en 74.000. Le mouvement des communes urbaines s'arrêta par contre relativement vite en raison de l'impréparation.

Ce mouvement des communes est parallèle au grand bond en avant : une véritable révolution est effectuée dans le mode de pensée concernant la gestion du travail. La création des communes populaires en 1958 fut le plus audacieux et le plus controversé des bonds en avant de la Chine de Mao. Ce fut elle qui déclencha la lutte entre les deux lignes à l'intérieur du pays. La rupture radicale entraînant une mutation dans la mentalité paysanne eut lieu en 1956, quand ont persuada les paysans propriétaires de renoncer à la propriété de la terre, des instruments aratoires et des animaux de trait.

Les conditions qui rendirent ce changement possible sont aux nombres de deux : tout d'abord les pays pauvres et moyens pauvres, majoritaires, ne possédant rien, ne perdaient rien. Deuxièmement, l'éducation que ceux-ci avaient acquise au cours de ces années leur permettait de faire entendre leur voix.

Les paysans moyens et riches ne manquèrent pas de s'opposer à ces mesures. La Révolution Culturelle démontra que des dissensions à cet égard existaient jusqu'aux échelons supérieurs du parti. C'est une des raisons de l'opposition de Mao à la thèse de Liou Shao-chi selon laquelle la lutte des classes disparaîtra une fois consolidé le pouvoir socialiste.

Les communes populaires devaient assumer la gestion des coopératives, les charges de l'administration locale et promouvoir l'industrie de la région. Le passage des équipes d'entraide aux communes populaires révélait la possibilité, pour un peuple motivé, de " forcer la main à l'histoire ". Il n'est pas réaliste de croire qu'on obtint cela par la contrainte. Il n'y aurait jamais eu assez de fusils pour obtenir de plus de 500 millions de paysans qu'ils s'attellent à une tâche qu'ils renâclent. Et de toute façon, les paysans détenaient les fusils !

Les communes étaient organisaient sur trois niveaux : l'équipe, la brigade et la commune.

A chacun de ces niveaux, on élisait régulièrement un comité de direction : " corps dirigeant " au niveau de l'équipe, " comités révolutionnaires " au niveau des brigades et des communes. Le noyau autour duquel s'organisaient toutes les activités était l'équipe : c'était elle qui déterminait les modalités et les objectifs de la mise en valeur des terres, qui fixait le système des normes de travail, qui rémunérait chaque tâche en fonction du nombre de points de travail qui lui était attribué.

Les membres de l' " organe dirigeant " travaillaient aux champs comme tout le monde, leur travail administratif était rémunéré par un certain nombre de points, en fonction de la norme fixée pour cette tâche par les membres de l'équipe.

La brigade correspondait généralement aux coopératives avancées et se chargeait de travaux qui excédaient les possibilités des équipes : certains travaux hydrauliques, l'exploitation de moulins à riz, d'usines alimentaires, d'ateliers de réparation, de machines agricoles, la surveillance des écoles primaires et des petites infirmeries.

Les membres des comités révolutionnaires étaient des ouvriers agricoles à temps complet. Au sommet de la pyramide se trouvait le comité révolutionnaire de la commune qui assumait les tâches débordant les possibilités de la brigade : la gestion d'atelier, de réparations pour les tracteurs et pour le gros matériel, d'usines hydroélectriques, de fabriques d'engrais, etc.

Le comité révolutionnaire exerçait également dans le domaine administratif et militaire ; il était chargé de l'enseignement secondaire et technique et des infirmeries, capables de dispenser des soins chirurgicaux élémentaires. Les membres du comité révolutionnaire communal étaient pratiquement des fonctionnaires de l'administration à temps complet, mais ils étaient tenus de travailler aux champs au moins deux mois par an, pour se prémunir contre le virus bureaucratique. Leur traitement annuel était sujet au même barème que celui appliqué aux autres membres de la commune : travail fourni, attitude envers le travail et les camarades.

La structure de l'exécutif communal avait été conçue pour empêcher l'émergence d'une classe mandarinale : élection démocratique de l'équipe dirigeante, droit de révoquer à n'importe quel moment tout membre jugé incompétent.

On pourrait reprendre la définition des communes populaires formulées dans le numéro de janvier 1972 de la revue Chine en reconstruction :

" Conçue comme l'unité de base de la société socialiste chinoise et du pouvoir politique prolétarien dans les campagnes… la commune populaire est une organisation sociale de type nouveau qui unifie les domaines politique, économique, militaire et culturel. "

Le terme de " pouvoir politique prolétarien " est juste car l'immense majorité de la paysannerie chinoise n'était pas propriétaire, elle ne vivait que de la vente de sa force de travail aux propriétaires terriens. Après la création des coopératives socialistes, les revenus furent distribués au prorata du travail fourni et les paysans assumèrent la gestion de leur propre politique.

En fait, les communes n'étaient pas un saut dans l'inconnu, leur réussite en agriculture en est un témoignage, car pour la première fois de leur vie, les paysans chinois vont pouvoir manger à leur faim et produire des excédents.

A la fin de l'année 1968 le Quotidien du Peuple dira ainsi :
" Le rapide développement de notre économie nationale en 1958 montre le caractère correct de la politique du Parti qui, tout en mettant l'accent sur le développement de l'industrie lourde, veut développer simultanément l'industrie légère, " faire un bond en avant " dans tous les domaines et surtout dans celui de la production de l'acier, développer simultanément l'industrie nationale et l'industrie locale, les grandes, les moyennes et les petites entreprises, employer à la fois les méthodes locales et les méthodes étrangères, comme est correcte également la méthode qui consiste à associer la direction centralisée de la production industrielle aux mouvements de masse, en un mot, la méthode qui consiste à marcher avec ses deux pieds et non seulement avec un pied ou un pied et demi " (Le Quotidien du Peuple, 17 décembre 1958).

Le PCC montre sa capacité à mobiliser les masses, et celles-ci montrent leur capacité à comprendre le sens de la " bataille pour la production ". Mais le mouvement fut grisé par le succès, et une importante quantité de mauvais acier fut produite lorsque la lutte pour l'acier se généralisa au pays tout entier par l'utilisation de petits hauts-fourneaux.

Le " grand bond en avant " est une cible particulière de la propagande impérialiste. Les raisons en sont évidentes : l'impérialisme préfère une Inde dépendante mourant de faim à une Chine socialiste. L'ouvrage " Les forçats de la faim dans la Chine de Mao " (Jasper Becker, L'Esprit Frappeur 1999) considère par exemple qu'il y a eu 30 millions de morts, grugeant en fait les chiffres du taux de natalité. La vérité est bien sûr toute autre. Si famine il y a eu, c'est en raison de la situation générale de la Chine.

Visitant en 1964 la commune populaire de Yang-Ling, dans la province du Shaanxi, l'agronome René Dumont rappelle la situation qui prévalait auparavant :

" En 1929, une famine effroyable a sévi sur la région qui aurait fait mourir 40% de la population de cette commune et obligé nombre de foyers à vendre leurs enfants et leurs terres ; ceux qui ne pouvaient rembourser leurs dettes étaient odieusement battus.
Là-dessus intervinrent les bandits qui volèrent, mirent le feu aux maisons, blessèrent des centaines et tuèrent des dizaines de paysans. La commune est venue à bout de calamités naturelles du même ordre -on dit même supérieures-survenues en 1959-1961. Aussi les vieux, qui peuvent comparer les deux époques, disent que sous la direction Parti-Mao, on peut vaincre les calamités " (René Dumont, Chine surpeuplée, Tiers-Monde affamée. Le Seuil, 1965, p.145).

La situation avait en effet toujours été catastrophique jusque là. En 1920-1921, la famine avait par exemple une nouvelle fois sévit en Chine du Nord, suite à la sécheresse des provinces du Jilin, Shandong, Henan, Shanxi, et Shaanxi.

" Les statistiques partielles d'un comité protestant de secours aux victimes estimaient que dans 317 xian (districts) de ces cinq provinces,19 millions de paysans sur 48 millions étaient totalement sinistrés (…). On mangeait les feuilles et les écorces des arbres. On mangeait les animaux de trait, on mettait en gage le matériel agricole, on vendait les enfants à la ville pour le travail ou pour le plaisir " (Jean Chesneaux : La Chine. Tome 2. L'illusoire modernité 1885-1921, Hatier, 1976, p190).

Qu'en est-il dans la Chine socialiste ?

En 1960, Edgar Snow qui visite la Chine à cette époque (Edgar Snow, La Chine en Marche, Robert Laffont, 1966), " Pendant 5 Mois (…) dans dix-neuf grandes villes et 14 des 22 provinces chinoises, j'avais eu plus de 70 entretiens avec des leaders chinois (… ) jusqu'aux jeunes cadres et j'avais pu aussi parler librement avec des soldats, des paysans, des ouvriers, des intellectuels, des avocats, des journalistes, des acteurs, des pédiatres, des nomades, des piroguiers, des prêtres, d'anciens propriétaires terriens, etc. ".

Il raconte : "Je me rends compte qu'il existe un mythe de la " famine générale " qui sévirait en Chine (…). S'il est actuellement aussi répandu, c'est grâce à la propagande de la presse mobilisée dans la guerre froide (...).

Pendant mon séjour en Chine, Look me demanda des informations sur la " famine " : mes investigations furent infructueuses et je fus incapable de photographier des gens mourant de faim, ou mendiant de la nourriture.
Personne n'eut d'ailleurs plus de succès (…) Autant que je sache, aucun voyageur non communiste, ayant séjourné en Chine pendant cette période, n'a apporté la preuve indiscutable d'une telle famine.

Je ne parle pas ici de rationnement alimentaire, ni de restrictions sur le superflu que j'ai maintes fois signalé ; je parle de gens qui meurent de faim, au sens que la plupart d'entre nous donnent au mot " famine " et dont je fut jadis témoin ".

Il poursuit : " Mes affirmations sont corroborées par des informations toutes fraîches en provenance d'observateurs occidentaux ayant séjourné en Chine plus récemment que moi encore. Tel est le cas de Gilbert Etienne, l'économiste suisse, professeur à l'Institut International des Etudes Supérieures de Genève, qui a publié ses impressions dans Le Monde ; de même Clare Mc Dermott, correspondant attitré de l'agence Reuter à Pékin ; ou encore le docteur Armand Forel, membre de l'Assemblée Fédérale Suisse ; à son retour de Chine, en juin 1962 il me fit savoir " qu'il avait été libre de parcourir les rues et qu'il n'avait constaté aucun symptôme de famine, qu'il n'avait rencontré aucun mendiant, aucun enfant sous-alimenté ou rachitique ".

Edgar Snow explique bien que les inondations, la sécheresse et les insectes nuisibles avaient ravagé près d'un tiers des terres cultivées en 1959.
Il nous précise :

" Les restrictions alimentaires n'en sont pas moins réelles. Ce n'est pas un fait nouveau (…). Le fait nouveau est que des millions de gens ne meurent plus de famille, comme c'était le cas pendant les famines chroniques dans les années 20, 30 et 40. Le fait nouveau est qu'un système de rationnement équitable a été imposé pour la première fois en Chine. Il est à peine croyable que le gouvernement chinois (quoique l'histoire puisse au demeurant lui reprocher) ait pu payer en devises des millions de tonnes de céréales dont l'importation avait été rendue nécessaire par le déficit de la récolte de 1960".

b)la critique du social-impérialisme soviétique

Avec le renforcement de la clique de Khrouchtchev en URSS, la lutte idéologique devient de plus en plus forte pour le PCC. Celui-ci refuse déjà la remise en cause de la critique de la clique fasciste de Tito, que Khrouchtchev tente de réhabiliter au niveau international.

Sont ainsi publiés en juin 1958 les textes " Le révisionnisme yougoslave est le produit de la politique impérialiste " et " Le révisionnisme yougoslave répond exactement aux besoins de l'impérialisme US ".

La critique du révisionnisme soviétique ne s'arrêtera pas là, avec notamment en 1959, pour le 80ème anniversaire de la naissance de Staline, un article dans le Quotidien du Peuple saluant la mémoire du grand révolutionnaire " artisan des grands succès remportés par l'Union soviétique depuis 42 ans " et en 1960, publié dans le Drapeau Rouge, le document " Vive le léninisme ".

Le prestige du PCC est tel que le PCUS est obligé d'accepter un compromis au congrès des 81 partis communistes et ouvriers à Moscou. Dans le document final, le PCUS reconnaît que la voie pacifique au socialisme n'est pas universelle ; à l'opposé le PCC est représenté par les révisionnistes Liou Shao-chi et Deng Xiaoping, qui font le même type de compromis avec les positions capitulationnistes du PCUS, affirmant que certaines formes de passage du capitalisme au socialisme pouvaient être pacifiques.

Les dirigeants révisionnistes russes ne se permettent que rarement de critiquer la Chine, utilisant pour cela les " partis communistes " des pays de l'Est, devenus des pays dépendants de la Russie, ou encore le " PC italien ". Et les attaques ne se dirigent qu'indirectement contre le PCC : elles visent le Parti du Travail d'Albanie, qui critique lui le révisionnisme d'un point de vue dogmatique (prétendant défendre unilatéralement Staline).

Le PC de Chine répond lui directement dans une série d'articles publiés dans le Quotidien du Peuple et dans le Drapeau Rouge :
· Prolétaires de tous les pays, unissons-nous contre l'ennemi commun (15 décembre 1962) ;
· Les divergences entre le camarade Togliatti et nous (31 décembre 1962) ;
· Léninisme et révisionnisme moderne (5 janvier 1963) ;
· Unissons-nous sous la bannière des déclarations de Moscou (27 janvier 1963) ;
· D'où proviennent les divergences : réponse à Maurice Thorez (27 février 1963) ;
· Encore une fois sur les divergences entre le camarade Togliatti et nous (4 mars 1963) ;
· Commentaires sur les déclarations du PC des Etats-Unis (8 mars 1963) ;
· Le miroir des révisionnistes (9 mars 1963) ;
· La vérité sur l'alliance de la direction du PCUS avec l'Inde contre la Chine (2 novembre 1963).

L'URSS répond finalement par long texte intitulé "Propositions concernant la ligne générale du mouvement communiste internationale ", que les communistes de Chine rejettent par une lettre en 25 points rejetant totalement le révisionnisme soviétique. Le PCUS répond de manière brutale à cette critique, et le PC de Chine répond tout d'abord par un communiqué le 15 août, puis par une série de textes :

· Les divergences entre la direction du PCUS et nous - leur origine et leur évolution (6 septembre 1963) ;
· Sur la question de Staline (13 septembre 1963) ;
· La Yougoslavie est-elle un pays socialiste (26 septembre 1963) ;
· Des défenseurs du néo-colonialisme (22 octobre 1963) ;
· Deux lignes différentes dans la question de la guerre et de la paix (19 novembre 1963) ;
· Deux politiques de coexistence pacifique diamétralement opposés (12 décembre 1963) ;
· Les dirigeants du PCUS sont les plus grands scissionnistes de notre temps (14 février 1964) ;
· La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev (31 mars 1964) ;
· Le pseudo-communisme de Khrouchtchev et les leçons historiques qu'il donne au monde (14 juillet 1964).
Après l'éviction de Khrouchtchev du pouvoir en URSS, le PCC continuera sa critique contre les nouveaux dirigeants révisionnistes :
· Le triomphe du léninisme (22 avril 1965) ;
· Luttons jusqu'au bout contre le révisionnisme khrouchtchevien (14 juin 1965) ;
· De l'unité d'action de la nouvelle direction du PCUS (11 novembre 1965) ;
· Les dirigeants du PCUS traîtres aux deux déclarations de Moscou (30 décembre 1965).

La critique effectuée par le PCC est radicale. Pour lui les choses sont claires :

" Le nouveau groupe dirigeant du Parti Communiste de l'Union Soviétique pratique le révisionnisme khrouchtchevien sans Khrouchtchev. Sa ligne consiste à défendre la domination impérialiste et colonialiste dans le monde capitaliste et à pratiquer la restauration du capitalisme dans le monde socialiste " (Déclaration du comité central du PCC, 1966, In : Jean-Emile Vidal, Où va la Chine ?, Editions Sociales 1967. Cet ouvrage défend le point de vue de l'URSS révisionniste.).

Par la suite les révisionnistes ont aménagé l'Etat socialiste soviétique selon leurs intérêts. Cette bourgeoisie contrôle ce qui est désormais un capitalisme d'Etat :
" De la couche privilégiée, bourgeoise, en Union soviétique, a émergé une classe de capitalistes monopolistiques et bureaucratiques " (Léninisme ou social-impérialisme? The China Reader n° 4 - 1966-1972, vintage books, New York, p.456).

" Les nouveaux tsars révisionnistes soviétiques ont restauré la vieille politique tsariste de l'oppression nationale... et transformé l'Union soviétique à nouveau en une " prison des nations " " (China Reader, p.458).

Les communistes développent le thème des nouveaux tsars, qui forme la clique au pouvoir.
" Elle pille à sa guise, sans pitié, et opprime sauvagement les peuples de certains pays d'Europe orientale (...). L'appétit de cette clique est plus dévorant que celui des tsars " (A bas les nouveaux tsars!, Ed. en Langues Etrangères, Pékin, 1969, p.4).

" La clique des renégats révisionnistes soviétiques a complètement revêtu la défroque des tsars, dans le vain espoir de rediviser le monde en collusion avec l'impérialisme américain et d'établir son hégémonie mondiale de social-impérialisme....

En Asie, non contente d'avoir transformé la République populaire de Mongolie en colonie, encore cherche-t-elle à envahir et occuper davantage le territoire chinois. Au Moyen-Orient et dans le Sud-Asiatique, elle s'évertue à étendre son influence coloniale " (A bas les nouveaux tsars!, Ed. en Langues Etrangères, Pékin, 1969, p.29).

L'URSS n'est plus socialiste, il est à l'opposé parlé du " social-impérialisme russe " : social en paroles, impérialiste dans les faits. Les pays socialistes de l'Est deviennent en quelque sorte des colonies, les révolutionnaires y sont liquidés et les partis au pouvoir rassemblent la bourgeoisie bureaucratique vendue au social-impérialisme russe.

Ce sont ces mêmes bourgeoisies qui lors de l'écroulement de l'URSS se vendront aux impérialismes occidentaux, troquant leurs postes de " directeurs ", " managers " pour celui de " capitalistes ". Les anciens dirigeants des " partis communistes " vendus à l'URSS sont toujours au pouvoir, ce sont eux les " anciens communistes " soi-disant reconvertis.

Le PCC avait bien vu le néo-colonialisme soviétique et la lutte des peuples et nations des pays de l'Est pour s'en défaire. Lors de l'invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 le PCC dira ainsi :

" Que les chars soviétiques soient entrés à Prague, voilà qui, loin de représenter la force du social-impérialisme, est au contraire le signe que son empire néo-colonial commence à s'effondrer ".

Mao Zedong dira par conséquent que :
" En URSS aujourd'hui, c'est la dictature de la bourgeoisie, la dictature de la grande bourgeoisie, c'est une dictature de type fasciste allemand, une dictature hitlérienne ".

c)Equilibre et déséquilibre (1959-1964)

Autant l'effort pour l'accumulation est grande de 1959 à 1961, autant par la suite l'effort est mis sur un processus d'équilibration. La période de 1961 à 1964 est ainsi nommée période de " réajustement, de consolidation et de complètement ". Le mot d'ordre consiste en le suivant : " Prendre l'agriculture comme base et l'industrie comme facteur dirigeant ".

Le Comité Central dira à ce sujet :

" Compte tenu des sérieuses calamités naturelles qui ont affecté la production agricole pendant deux années consécutives, la nation tout entière doit, en 1961, se concentrer sur le renforcement du front de l'agriculture, appliquer à fond la politique qui consiste à faire de l'agriculture la base de l'économie nationale et à faire que le Parti et le peuple déploient de grands efforts pour l'agriculture et la production de grains, renforcer le soutien de tous les métiers et de toutes les professions à l'agriculture…
Dans les zones rurales, il faut consolider les communes populaires et l'économie rurale, adopter des mesures effectives en vue de prendre exactement soin de la vie des communes " (9ème sessions du Comité Central du PCC, Pékin 14-18 janvier 1961).

De fait les intempéries, les plus fortes du siècle, causeront d'énormes dommages à l'agriculture. Le PCC va également mettre l'accent sur les déviationnistes de droite qui s'opposent aux communes et au grand bond en avant. Ce refus de la confiance dans les masses va s'exprimer au travers d'une véritable ligne oppositionnelle dans le parti, dirigée par les révisionnistes Peng Teh-huai (ministre de la défense nationale), Chang Wen-t'ien (un vétéran) et Chou Hsiao-chou.

Mao Zedong ira jusqu'à parler au bureau politique de la possible nécessité de refaire une armée rouge si la direction de l'armée de libération s'oppose aux masses. Les dirigeants de la clique antiparti seront renvoyés à la base, et le révisionnisme devient un thème d'importance au 10ème plénum du huitième comité central, dont la résolution dit ainsi :

" Nous ne devons jamais oublier que cette lutte de classe est compliquée, tortueuse, qu'elle a des hauts et des bas et qu'elle est quelquefois très aiguë. Cette lutte de classe trouve inévitablement son expression au sein du Parti.
La pression provenant de l'impérialisme étranger et l'existence des influences bourgeoises à l'intérieur du pays constituent la source sociale des idées révisionnistes dans le Parti. En même temps que nous luttons contre les ennemis de classe intérieurs et étrangers, nous devons rester vigilants et nous opposer résolument, en temps utile, aux différentes tendances idéologiques qui se manifestent au sein du Parti ".

Le premier ministre Chou En-mai constatera par la suite au sujet de cette époque que :

" A l'époque, nombre de gens se mirent à prêcher fébrilement sur le plan intérieur l'extension des parcelles individuelles, l'élargissement du marché libre, la multiplication des petites entreprises disposant librement de leurs bénéfices et supportant leurs propres pertes, la fixation d'un quota de production par foyer paysan, l'" activité individuelle " (le retour à l'économie individuelle), la " libéralisation ", la " remise en cause des justes conclusions ", ainsi que le capitulationnisme dans le domaine du front uni et sur le plan international, la fin de la lutte contre l'impérialisme, la réaction et le révisionnisme moderne, ainsi que la réduction de l'aide à la lutte révolutionnaire des peuples.

Ces gens-là opposèrent leurs concepts bourgeois ou révisionnistes à la ligne générale de notre édification socialiste et à la ligne générale de notre politique extérieure " (Rapport des 21 et 22 décembre 1964 à la troisième assemblée nationale).

Il résume alors le point de vue révolutionnaire :
" Dans notre société socialiste, les propriétaires fonciers, la bourgeoisie et les autres classes exploiteuses, bien que renversés, resteront forts et vigoureux pendant une période relativement longue. Nous ne devons en aucun cas les sous-estimer.

Entre-temps, de nouveaux éléments bourgeois, de nouveaux intellectuels bourgeois, d'autres exploiteurs ne cesseront d'apparaître dans la société, dans les organismes du Parti et de l'Etat, dans les organisations économiques et dans les secteurs de la culture et de l'enseignement.
Ces nouveaux éléments bourgeois et autres exploiteurs sont toujours à la recherche de protecteurs et d'agents dans les organismes dirigeants des échelons supérieurs. Les nouveaux et les anciens éléments bourgeois et les autres exploiteurs s'allient invariablement pour combattre le socialisme " (Ibidem).

Mao Zedong résumera ainsi l'analyse révolutionnaire :
" Alors (si nous oublions l'existence de classes et la lutte des classes) il se passerait peu de temps, peut-être quelques années ou une décennie, tout au plus quelques décennies, avant qu'une restauration contre-révolutionnaire n'ait inévitablement lieu à l'échelle nationale, que le parti marxiste-léniniste ne devienne un parti révisionniste, un parti fasciste et que toute la Chine ne change de couleur ".


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