|   Histoire du Parti Communiste français     Le
            mouvement ouvrier jusqu'en 1914
 
 La France est, avant la première guerre impérialiste
            de 1914-1918, un pays capitaliste développé. Elle
            développe une politique colonialiste et impérialiste
            ; la tendance à la guerre prédomine.
 
 Mais le développement a été très
            rapide, et la classe ouvrière n'a pas su encore s'organiser
            solidement, d'autant plus que la Commune de Paris de 1871 a été
            suivie d'une large répression. Cela d'autant plus que
            des pans entiers de l'économie sont encore arriérés.
            Le processus de concentration des campagnes est loin d'être
            terminé et la petite propriété domine encore
            à la campagne. En 1913, la population rurale de la France
            (y compris les localités de moins de 2.000 habitantEs)
            comptait presque 23 millions de personnes, contre 16.500.000
            à la ville.
 
 Dans l'industrie, il est possible de faire le même constat.
            Il existe bien sûr de grands centres industriels, notamment
            dans l'Est et au Nord. Mais 32% du prolétariat travaille
            dans la petite industrie.
 Cela signifie que beaucoup d'ouvrierEs travaillent dans des petits
            ateliers, et sont travaillés par une mentalité
            corporatiste, extrêmement éloignée de la
            conscience de classe des prolétaires des grands centres
            ouvriers et des grandes usines.
 Ainsi, alors que la bourgeoisie a su comprendre 1871 et solidement
            s'organiser politiquement, la classe ouvrière est faible
            et encore influencé par les idéologies non marxistes,
            largement encore présentes au moment de la Commune.
 
 En fait, " la stagnation, la stabilité relative et
            le parasitisme des formes économiques, le grand nombre
            de petits propriétaires ruraux, développent un
            conservatisme qui se reflète dans la classe ouvrière.
 Un long passé " démocratique
            " parlementaire dans un milieu conservateur a comme résultats
            profondément ancrés dans le mouvement ouvrier un
            régime de sectes révolutionnaires et pseudo-révolutionnaires
            luttant entre elles (guesdisme contre jauressisme, etc
)
            ou limitant leurs sphères d'influence conformément
            au principe de non-immixtion (socialisme et anarcho-syndicalisme).
 L'existence même de chaque groupe paraît à
            ce groupe et particulièrement à sa bureaucratie
            une fin en soi. A cela se joignent des considérations
            inévitables de carriérisme, places de journaliste,
            sièges de député, etc.
 
 Ces habitudes et ces traditions sont encore dans la période
            d'après-guerre très fortes dans le mouvement ouvrier
            français " (Message de L'Internationale Communiste
            au congrès de Paris du PCF, octobre 22).
 
 Les idéologies non marxistes sont ainsi dominantes dans
            le courant socialiste, composé de différentes fractions
            s'unifiant au fur et à mesure du développement
            du capitalisme. Le seul courant de gauche, favorable à
            Marx et Engels et à l'expérience de la Commune
            de Paris, est le " guesdisme ", conduit par Jules Guesde.
 
 Mais ce courant est également traversé de nombreuses
            idéologies hostiles au marxisme : jacobinisme, le blanquisme,
            le lassalisme, c'est-à-dire de doctrines en fait sociales-démocrates.
            Le principal point positif de ce courant est l'exigence de l'organisation
            et le refus de séparer les organisations ouvrières
            du mouvement directement politique. Le guesdisme est le premier
            moment où la classe ouvrière pose la nécessité
            d'un parti et d'un programme.
 Il est le premier dépassement
            de l'anarcho-syndicalisme et du syndicalisme -révolutionnaire.
            Cette exigence se concrétise dans la victoire du guesdisme
            au congrès de Marseille en 1879, qui aboutit à
            la naissance du Parti Ouvrier Français (POF) en 1880.
 Mais ce premier saut qualitatif n'est pas mené jusqu'au
            bout, comme les bolchéviks ont pu le faire en Russie.
 
 Le guesdisme n'est pas le bolchévisme, Jules Guesde reste
            un social-patriote et l'échec amène la prédominance
            de deux tendances dans le mouvement ouvrier.
 
 Tout d'abord, l'anarchisme, avec la pratique du terrorisme individuel
            (1890-1894) puis avec l'anarcho-syndicalisme, qui refuse toute
            politique. Georges Sorel est le théoricien intermédiaire
            entre ces deux théories.
 
 Lors du Congrès d'Amiens de la CGT en 1906, la motion
            votée précise ainsi que " la CGT groupe, en
            dehors de toute école politique, tous les travailleurs
            conscients de la lutte à mener pour la disparition du
            salariat et du patronat ". Mais la CGT ne représente
            que 5% du prolétariat et les sections des zones industrielles
            restent socialistes.
 
 Ensuite, le réformisme. Après une campagne électorale
            menée de manière dogmatique et perdue, les éléments
            réformistes quittèrent en 1881 le POF et, dans
            le cadre de la démoralisation et du réformisme
            municipal, développèrent leur idéologie.
 
 Naquit ainsi la théorie du " possibilisme ",
            expliquant que la révolution se fera légalement,
            progressivement, en gagnant pas à pas ce qui est possible
            de l'être.
 Arrivèrent ensuite les " socialistes indépendants
            " : Millerand, Viviani, Briand, Jaurès, qui refusent
            un parti " rigide " et un programme " dogmatique
            ". C'est le refus de la nécessité du parti
            de la guerre de classe.
 
 Jean Jaurès dira ainsi :
 " Dans notre France moderne, qu'est-ce donc que la République
            ? C'est un grand acte de confiance. Instituer la République
            c'est proclamer que des millions d'hommes auront tracé
            eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu'ils
            sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et
            l'ordre ; qu'ils sauront se combattre sans se déchirer,
            que leurs divisions n'iront pas jusqu'à une fureur chronique
            de la guerre civile et qu'ils ne chercheront jamais dans une
            dictature même passagère une trêve funeste
            et un lâche repos " (Jean Jaurès, discours
            à la jeunesse).
 
 En pratique, à partir de 1891, Millerand travaillera à
            unifier toutes les composantes de l'aile droite du mouvement
            socialiste à partir d'une programmatique réformiste.
            En 1896 il fait approuver par les socialistes " la conquête
            des pouvoirs publics par le suffrage universel " et entre
            en juin 1899 dans le ministère Waldeck-Rousseau (où
            se trouvait en même temps Gallifet, le bourreau de la Commune
            de Paris).
 
 En 1900 on peut dire qu'il existe 6 fractions :
 
 · Le Parti Ouvrier Français, rassemblant les guesdistes;
 · Le Parti Socialiste Révolutionnaire, rassemblant
            les blanquistes ;
 · L'Alliance Communiste ;
 · La Fédération des Travailleurs Socialistes,
            rassemblant les possibilistes ;
 · Le Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire,
            rassemblant les Allemanistes ;
 · Les Indépendants.
 
 En 1901 c'est la fusion des fractions. Les trois premières
            fractions, qui forment l'aile gauche, se fondent en un Parti
            Socialiste de France.
 Les trois autres, formant l'aile droite, fondent le Parti Socialiste
            Français.
 
 En 1905, c'est l'unification en la S.F.I.O. (Section Française
            de l'Internationale Ouvrière), qui prend immédiatement
            une orientation réformiste.
 Le ton général est donné par Jaurès,
            qui fait puiser l'idéologie socialiste dans la tradition
            des " immortels principes de 1789 ", et considère
            la République, pourtant fondée sur les ruines de
            la Commune, comme démocratique.
 
 L'histoire du mouvement ouvrier en France jusqu'en 1914 confirme
            la thèse de Lénine :" Anarchisme et réformisme,
            ces deux monstruosités du mouvement ouvrier, se complètent
            l'une l'autre ".
 
 
 
  Histoire du Parti Communiste
            français : le sommaire
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