Histoire du Parti Communiste français

 

 


Les débuts

Il n'est pas possible de dire qu'à sa fondation la SFIC soit réellement communiste.
Formellement, le Parti regroupe 130/140.000 adhérentEs, mais ce sont des prolétaires amenés par la révolution russe et la haine de la guerre : le parti n'est pas centralisé idéologiquement et politiquement.

Les courants les plus divers coexistent, de manière organisée qui plus est. Anarchistes, anarcho-syndicalistes, droits de l'hommistes, francs-maçons, pacifistes, socialistes, communistes… La mentalité dominante est passive, considérant qu'après avoir accepté les 21 conditions, et encore sans réellement les partager, tout est fait.

Qui plus est, le Parti est organisé de la même manière que les socialistes : fédérations départementales, sections locales… et n'est pas dirigé par les anciens membres du CRRI, incapables d'assumer une politique valable pour des millions de personnes. La direction de la SFIC revient donc à la tendance de Frossard, qui commence à publier des articles où la scission est considérée comme " regrettable ", où l'I.C. est vue comme un élément extérieur et perturbateur, où la discipline est interprétée comme quelque chose de négatif.

Il ne faut donc pas s'étonner si lors de l'insurrection de mars 1921 en Allemagne la " droite " de la SFIC combat les positions révolutionnaires (Brizon parlera " d'insurrection de manches à balai "), et si la NEP en Russie est analysée comme un nécessaire retour au capitalisme.

Logiquement, la gauche bascule dans le jusqu'au boutisme, les Jeunesses Communistes appelant à refuser de joindre l'armée et à la grève générale en opposition à l'intervention de l'armée française contre le mouvement révolutionnaire en Allemagne.

De fait, le construction du Parti est difficile. C'est pourquoi l'I.C. multiplie les directives, appelant à la fondation de cellules dans les entreprises. Et appelle à temporiser.

En pratique, les faiblesses de la SFIC vont se montrer à son premier congrès, à Marseille fin décembre 1921. Trois questions principales sont à l'ordre du jour : celle de la défense nationale, celle des syndicats, et enfin la question agraire.

En ce qui concerne la défense nationale, c'est le début d'une prise de position autre que pacifiste absolu. La question syndicale est par contre l'objet de vives débats : une majorité réformiste se dégage, et attaque même la minorité révolutionnaire à coups de matraques et de revolvers !

En pratique, l'initiative revient à la direction de la CGT, qui exclut des centaines de syndicats et des milliers de syndiqués au nom de la " discipline syndical ". En réaction, en décembre 1921, quatre cents syndicats exclus se réunissent à Paris avec 1100 syndicats de la minorité de la CGT pour examiner la situation, à quoi la CGT réagit par l'exclusion des syndicats de la minorité.
En 1922, au congrès de Saint-Etienne, est en conséquence formée la CGT Unitaire, qui rassemble à peu près 300.000 membres, contre 275.000 à la CGT. Mais les liens avec la SFIC sont complexes, la majorité du Parti refusant la subordination du syndicat, sous l'influence de l'anarcho-syndicalisme.

Les tendances voulant transformer la SFIC en parti syndicaliste sont grandes ; le congrès de Marseille décide qui plus est que tout membre du Parti doit adhérer à un syndicat pour y travailler en tant que communiste. Un programme syndical fut adopté et une commission d'étude syndicale créée.

La question agraire fut prétexte à une série de documents qui seront critiqués par Lénine (" De la thèse du PCF sur la question agraire ", Internationale Communiste n°20, signé " un communiste russe "). Lénine y dit entre autres qu'il " considère comme erronées ces deux affirmations énoncées dans la partie suivante de la thèse : 'la révolution que nous devons faire… sera en quelque sorte une révolution avant terme' ; 'La concentration de la propriété annoncée par les théoriciens du marxisme ne s'est pas produite avec régularité dans l'agriculture'.

Marx n'avait pas des vues simplistes et rigides sur les formes du processus de la concentration de la terre. A preuve le troisième tome du Capital. A preuve l'article écrit par Engels vers 1890 contre le programme agraire français d'alors. Marx ne considérait pas que la révolution du prolétariat fut opportune seulement lorsqu'il serait possible de procéder à l'expropriation du dernier paysan ".
Un dernière question est posée en marge du congrès, celle du " délégué à l'Exécutif ". C'est le début d'une série d'action des éléments droitiers, qui mènent campagne contre la " dictature " dans le parti que serait le centralisme démocratique, ainsi que contre toutes les armées, y compris l'armée rouge. Et, ainsi, au congrès, le délégué de l'I.C. n'est pas réélu au Comité Directeur. Et 5 tendances s'organisent dans le PCF.

1922 est en conséquence l'année de la " question française " dans l'I.C. Il y a en effet après Marseille 5 tendances organisées en fraction, avec leur propre centre et leur discipline particulière. L'ensemble des membres de la SFIC ne rejoignent pas ces tendances, mais celles-ci donnent le ton.

Elles s'opposent quasiment toutes à la stratégie du Front Unique formulée par l'IC. Voyons d'abord quelles sont ces tendances.

1.La tendance droitière
Ce courant représente les idées socialistes humanistes, pacifistes, petits-bourgeois ; ses leaders sont essentiellement issus des professions intellectuelles (journalistes notamment).
Contre la discipline dans le Parti et favorable à l'anarcho-syndicalisme, ce courant veut la réunification avec les socialistes, prônant en attendant un bloc des gauches.

2.La tendance centriste
Elle est formée de tous ceux et toutes celles qui ont rejoint le Parti par sympathie pour la révolution russe et le communisme ; plein de préjugés et sans expériences, ses partisanEs sont prolétaires et de province pour la plupart. La direction centriste oscille entre discipline et opportunisme.

3.La tendance d'" extrême-gauche "
Elle est composée de droitiers (Daniel Renoult) et d'anarcho-syndicalistes, aidés de quelques jeunes intellectuels donnant un vernis radical. Cette tendance prend quelques positions d'extrême-gauche, mais reste droitière sur la plupart des questions.

4.La tendance de gauche
Ses militants les plus importants viennent du Comité de la IIIème Internationale, et l'ensemble de la JC en fait partie.
Mais elle n'a pas d'idéologie homogène. Les anciens du CRRI sont ainsi très influencés par Trotsky et le menchévisme, d'autres par l'anarcho-syndicalisme, quant au troisième " sous-groupe " il est composé de " nés de la guerre ".
Cette tendance se considère comme le vrai cœur du parti, et demandera de nombreuses fois à l'IC que s'organise une scission vis-à-vis du centre et de la droite, c'est-à-dire d'avec la quasi-totalité du parti.

5.La tendance d'extrême-gauche parisienne
Il s'agit de la prolongation du premier " Parti Communiste " transformé en " Fédération des Soviets ".

Les tendances dominantes sont en pratique opposées au bolchevisme, ainsi qu'aux décisions de l'I.C. Celles-ci, en 1922, avait donné comme consigne la pratique du Front Unique, " moyen le plus efficace de lutte contre le Capital et de mobilisation des masses dans un esprit de classe, moyen de démasquer et d'isoler les chefs réformistes ; c'est un des éléments de la tactique des partis communistes pendant toute la période pré-révolutionnaire ".

Il s'agit de faire en sorte que les masses populaires se mobilisent, et que les partis communistes soient à la tête de ce mouvement. En pratique, l'aile droite de la SFIC s'y oppose, principalement avec des arguments " français " : en France la situation est différente d'ailleurs, il n'y aurait pas de social-démocratie forte qu'il faudrait " bouger ", la SFIO serait faible, etc. L'aile gauche prétexte la nécessité de refuser tout compromis. De fait, ces refus signifient abandonner toute tentative de pénétration du tout nouveau et faible parti communiste dans les pratiques des masses populaires.

L'I.C. critique sévèrement le PCF, qui en février au premier plénum de l'Exécutif de l'I.C., se soumet à la discipline, formellement en fait puisque le Conseil National repousse en avril les décisions prises, considérant que seule le quatrième Congrès mondial pourra décider.

Un premier succès est pourtant obtenu, contre l'anarcho-syndicalisme. Dans la CGT-U, les " syndicalistes communistes " l'emportent sur les " syndicalistes purs " (741 voix contre 406), qui s'étaient liés par un " Pacte ", et dont les principaux membres faisaient partie d'une confrérie franc-maçonne.

C'est un premier pas de taille, puisque l'ouvriérisation du PCF, encore petit-bourgeois, va être accéléré sous les pressions de l'I.C. Celle-ci gère directement le Comité Directeur, proposant des compromis entre les tendances, demandant des expulsions, amenant au fur et à mesure à un processus de bolchevisation.



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