Histoire du Parti Communiste français

 

 


Les conséquences de la bolchévisation (1925-1927)

" Abd el-Krim représentait quelque chose qui ne disparaît pas avec lui. Il représentait la révolte des opprimés sur un secteur du monde immense, l'Islam " (Gabriel Péri).

La phase de bolchévisation du PCF n'a pas été sans heurts; la mise en pratique ne s'est pas déroulé partout correctement.

Aussi, à la convocation du Bureau politique de décembre 1925 d'une conférence élargie, les doléances et les critiques des délégués sont nombreuses. Méthodes dictatoriales de la direction, éloignement automatique des anciens cadres, pratiques maladroites dans les syndicats, gauchisme dans l'agitation aboutissant à une " gymnastique révolutionnaire " épuisante…

C'est à nouveau l'I.C. qui va analyser la " question française ". Le PCF est analysé comme ayant de larges survivances anarcho-syndicalistes et sociales-démocrates, tandis que la jeunesse ne s'est pas encore assimilée le marxisme, sans parler de l'absence d'expériences révolutionnaires de la quasi totalité du Parti.
La droite du Parti utilise les survivances idéologiques du passé, profite du gauchisme et des applications mécaniques du bolchévisme pour se renforcer.

Quant aux campagnes, elles sont menées tambour battant de manière gauchiste, sur un rythme épuisant.
Mais la résolution de l'exécutif de l'IC de 1926 considère que malgré quelques fautes gauchistes, " la belle et courageuse campagne du parti et de la CGT-U, la grève historique de 24 heures ont ressuscité les meilleures traditions révolutionnaires de la classe ouvrière française".

Les années 1925, 1926 et 1927 sont donc les années cruciales conséquentes à la bolchévisation. 1925 est tout d'abord marqué par un renforcement de la droite, qui développe ses activités fractionnistes (tracts, brochures, lettres, thèses, etc.).

Deux lettres sont envoyées au Comité Exécutif de l'IC : une de 80 membres, puis une de 250 membres, critiquant la bureaucratisation et le sectarisme du parti.

La droite est composée de trois tendances :
· Un courant individualiste petit-bourgeois philo-trotskyste, conduit par Souvarine ;
· Un courant social-démocrate autour de Dunois (qui rejoindra les socialistes en 1930) et Loriot (philo-socialiste) ;
· Une courant anarcho-syndicaliste (Monatte, Rosmer).
A cela s'ajoute les " mécontents " sympathisant avec la droite.

La droite est en fait le rassemblement des traditions sociales-démocrates et anarcho-syndicalistes, dans leurs formes françaises, et prenant une expression de plus en plus proche du trotskysme.

Ses critiques fondamentales contre le Parti consistent en:
· l'opposition au système des cellules (" une particularité russe ") ;
· le refus du front unique à la base au profit du front unique des chefs (" penser qu'on peut séparer les chefs des masses, c'est de l'utopie pure. On ne fait pas le front unique par dessus la tête des chefs ") ;

· le refus des concepts de fraternisation et de soutien à Abd-El-Krim (" La Maroc aux Marocains oui, mais pas à Abd-El-Krim avec l'aide des communistes français " (Souvarine dans son " bulletin communiste ") ;
· le refus du soutien aux mouvements de masses d'Alsace-Lorraine (" Autant le mot d'ordre du plébiscite alsacien-lorrain eût été juste en 1918, autant il est destiné à tomber dans l'indifférence et le ridicule. Pourquoi pas l'évacuation de Nice, de la Savoie, de la Corse ? " lit-on dans la lettre des 250) ;

· le refus de la subordination des syndicats (" On eût dit que la CGT-U voulait donner raison à ceux qui prétendent que le Parti Communiste est l'avant-garde du prolétariat ").
La droite va diffuser l'idée que le parti est faible, vidé, désorganisé, battu, discrédité ; sa tactique est de " faire le vide devant les décisions du Parti ".

Le PCF réagit donc, et à son 5ème congrès (20-26 juin 1926) les tendances de la droite et celles gauchisantes sont liquidées pour un temps. Les éléments ayant appliqué la ligne de bolchévisation de manière dogmatique seront d'ailleurs exclus en 1927 pour avoir adopté des positions trotskystes (après avoir mis en place la liquidation du courant trotskyste dans le Parti !).

La ligne générale reste sociale-démocrate, réformiste dure. A l'arrivée au pouvoir de Poincaré en 1926, pantin d'un " comité des experts " regroupant les banques, le PCF participe au débat pour relever l'économie, en s'affirmant pour la " stabilisation monétaire " mais au dépens du grand capital.

Ses mots d'ordre sont " le monopole du commerce extérieur, la nationalisation des banques et des monopoles de fait, la conscription des grandes fortunes, l'annulation de toutes les dettes de guerre, le contrôle ouvrier et paysan sur la production et les échanges ", à quoi s'ajoute la " nécessité de travailler à l'avènement du gouvernement ouvrier et paysan ".

Le PCF s'oppose à l'oligarchie financière, mais pratique les erreurs critiquées par l'IC, à savoir rester à la traîne des classes non prolétariennes. Il est incapable de travailler dans les nombreuses mobilisations dues à l'inflation. Si la CGT-U mène un travail politique, ce qui est positif, mais ses effectifs stagnent (512.000 en 1925, 541.825 en 1926) ; le Parti est passif, soutenant les grèves mais ne les organisant pas.

De fait, le PCF " a commis une grave erreur au moment le plus critique de la vie politique française, lors de l'avènement de Poincaré au pouvoir.

Tout d'abord, le Parti ne s'est pas suffisamment rendu compte du caractère du déplacement des forces de classe qui s'est produit.

La transition de la politique d'inflation à la politique de déflation, du gouvernement du " Bloc des gauches ", par plusieurs échelons intermédiaires, à la domination avouée de la grande bourgeoisie, c'est-à-dire à un gouvernement de l'industrie lourde et des banques ; le fait que ce déplacement du pouvoir marque le début de l'offensive de " stabilisation " du grand capital contre la classe ouvrière, n'a pas été suffisamment apprécié par le Parti Communiste.

C'est pourquoi le Parti ayant porté son attention sur les diverses combinaisons parlementaires n'en a pas accordé à la mobilisation des masses de la classe ouvrière et de la petite-bourgeoisie.
Cependant, cette période critique fut le signal d'une effervescence profonde parmi les ouvriers et la petite-bourgeoisie, effervescence qui ne fut pas utilisée par le Parti Communiste, qui fit preuve d'une grande passivité " (Boukharine, au nom du Comité Exécutif de l'I.C., 27 novembre 1926).

Le PCF, à côté de cet échec, arrive à mener une politique internationaliste conséquente, notamment à la grève générale du prolétariat anglais (blocage de l'exportation de charbon vers l'Angleterre, grèves revendicatives en solidarité, à Bordeaux refus e charger des produits pour l'Angleterre, au Havre refus de remplacer les matelots anglais en grève, et enfin grève de 100.000 mineurs sur 300.000 en solidarité).
Il combat avec acharnement les projets militaires de réorganisation de l'armée, avec des succès d'agitation chez les réservistes.

Il arrive également à organiser les chômeurs malgré le manque de préparation (et malgré que l'I.C. ait prévu la crise de nombreux mois auparavant). Ses mots d'ordre : droit au travail pour tous avec garantie de salaire vital, droit syndical et d'asile, salaires égaux et mêmes conditions de travail pour les ouvriers immigrés et français, contrôle de la production, de l'embauchage et du débauchage par les ouvriers ainsi que du salaire et de la réglementation du travail, respect des 8 heures, indemnités pour les chômeurs…

Par la suite, le PCF s'autocritiquera le mot d'ordre de salaire vital (calculé à 25 francs de l'époque, puis 18, puis 16) au profit de la revendication du paiement d'une indemnité de chômage égale au salaire intégral. Il s'autocritiquera également quant au mot d'ordre de " contrôle de la production ", susceptible d'être un mot d'ordre réformiste en période non révolutionnaire (de fait le gaullisme y sera favorable).

Reste deux problèmes majeurs non résolus : la question syndicale, et la continuité du courant de droite. En dehors en effet de l'action de soutien aux colonies, du travail contre l'armée et de la formation de cellules dans les grandes usines, le PCF est sur la pente légaliste et parlementaire.

A la Chambre des députés, la fraction parlementaire communiste ne vote ainsi même pas contre la demande de levée de l'immunité de Cachin ; pire : les militants se rendent volontairement avec leur valise à la prison de la Santé ! !



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