Histoire du Parti Communiste français
La
rectification et le renouveau :
classe contre classe ! (1927-1930)
" Le communisme, voilà l'ennemi ! " (Albert
Sarrault, ministre de l'Intérieur de l'Etat français,
22 avril 1927, qui ajoutera : " L'insurrection coloniale,
la perte ou l'abandon par la France de ses colonies, est l'un
des articles essentiels du programme de la déchéance
française ").
A partir de 1927-1928 apparaissent en France les traits caractéristiques
dite de la " troisième période " ; le
capitalisme français achève ses restructurations
d'après-guerre et accélère son développement.
La rationalisation de la production va directement à l'encontre
de la classe ouvrière.
L'Etat intervient de plus en plus pour aider les grands monopoles.
Le coût de la vie augmente, appauvrissant les couches populaires.
A l'opposé, la petite-bourgeoisie, satisfaite de la stabilisation
du franc, est à la remorque de la grande bourgeoisie.
Un nouvel essor révolutionnaire se dessine donc, avec
des grèves de plus en plus nombreuses.
Année Grèves Grévistes
1927 443 120.000
1928 943 222.000
1929 1.000 439.000
1930 (dix premiers mois) 1.627 533.000
Les grèves se déroulent
de plus en plus dans les grands centres industriels ; une radicalisation
se développe. Le 23 août 1927 lors de la manifestation
de soutien à Sacco et Vanzetti 80.000 prolétaires
débordent la police pendant des heures entières.
L'I.C. tente une nouvelle fois de redresser le PCF, qui dérive
de plus en plus, notamment à l'approche des élections
parlementaires de 1928. Le présidium de l'I.C. envoie
par exemple le 2 avril une longue lettre de critique au Comité
Central du PCF.
L'I.C. accuse le PCF de déformation
opportuniste de la stratégie de front unique, et dénonce
les " accords circonstanciels " avec les partis et
organisations de la gauche de la bourgeoisie.
Au lieu de cela, il faut que le PCF travaille " à
faire sortir la vie politique parlementaire de l'ornière
traditionnelle, en dominant la lutte politique, la lutte électorale
de l'année prochaine par de vastes mouvements de lutte
de classe ".
En septembre l'I.C. envoie une lettre critiquant le PCF pour
ses fautes en ce qui concerne son attitude face à la répression.
Le PCF a en effet abandonné le principe des manifestations
non autorisées, et subit même l'affront de capituler
face à la manifestation de l'American Legion à
Paris en raison de la non-préparation de groupes de combat.
L'I.C. va appeler le PCF à se redresser à partir
de la stratégie de lutte de " classe contre classe
", formulé au 9ème Plénum (février
1928) et au 6ème Congrès (juillet - août
1928).
Elle part du principe que l'on est entré dans la "
troisième période " dont nous avons parlé,
celle de la crise finale du capitalisme, caractérisée
par une radicalisation des luttes et un renforcement du front
de la réaction, notamment par la fascisation des partis
sociaux-démocrates.
Il s'agit pour le PCF non pas de suivre la ligne " les rouges
contre les blancs ", mais de développer une ligne
de front " classe contre classe ". L'acceptation ou
le refus d'un programme minimum décidera du soutien ou
non du PCF.
La proposition au parti socialiste
précise : " le Parti Communiste présentant
partout un candidat au premier tour, nous vous proposons de décider,
avant le premier tour et pour toutes les circonscriptions, que
les candidats socialistes et communistes se désisteront
mutuellement pour réaliser au second tour le bloc des
travailleurs contre le bloc des exploiteurs ".
Mais là encore la politique est mal menée ; la
stratégie de lutte " classe contre classe "
est comprise comme une tactique.
Et, qui plus est, le PCF ne met jamais en avant que c'est lui
qui doit être au centre des initiatives, il se laisse déborder
par l'aile gauche de la social-démocratie (notamment le
journal L'Etincelle).
Or, " la soi-disante gauche
socialiste s'est révélée, au cours de cette
période, non comme une opposition irréductible,
fidèle aux principes fondamentaux du socialisme, mais
davantage comme un groupe s'efforçant de retenir, par
sa démagogie, les ouvriers sous l'influence du Parti Socialiste
et comme une barrière les empêchant de passer au
Parti Communiste " (Exécutif de l'I.C., février
1928).
Le PCF n'arrive pas à créer le front unique avec
les ouvriers socialistes ; il ne saisit le problème que
par en haut. Or, l'I.C. a bien affirmé que la stratégie
" classe contre classe " modifie la forme, mais nullement
le contenu principal de la tactique du front unique. Le renforcement
de la lutte contre la social-démocratie déplace
le centre de gravité du front unique vers la base, mais
il ne diminue nullement, augmente même encore, le devoir
des communistes de faire la distinction entre les ouvriers social-démocrates,
qui se trompent en toute sincérité, d'une part,
et les leaders social-démocrates vils serviteurs de l'impérialisme,
d'autre part ".
Le PCF accepte avec beaucoup de complications de suivre cette
ligne ; l'influence social-démocrate est grande, il est
difficile pour beaucoup de militantEs de comprendre la notion
de social-fascisme.
Le Comité Central du PCF
constatera que " depuis plus d'un an, des divergences profondes
sur les problèmes essentiels ont divisé le bureau
politique et le Comité Central.
Les divergences qui se sont produites
sur les questions de l'imminence de la guerre et du rôle
de l'impérialisme français, sur la question de
la répression, de l'attitude à l'égard des
partis de " gauche ", et en particulier de la social-démocratie,
de la conduite des luttes économiques du prolétariat,
ont montré qu'il ne s'agissait pas d'erreurs occasionnelles
et temporaires de quelques camarades, sur une ou plusieurs questions
isolées, mais ces divergences on fait surgir, au contraire,
et de plus en plus nettement, deux lignes politiques conséquentes
et deux groupements qui ont de plus en plus tendance à
se cristalliser l'un et l'autre à l'intérieur même
de la direction du PCF.
Le Parti doit donc choisir entre deux lignes politiques qui s'excluent
l'une l'autre, et entre lesquelles aucun compromis ne peut trouver
place " (Résolution du CC, réunion du 2-6
novembre 1928).
Les résultats sont donc sans appel: le PCF recueille au
premier tour 1.070.000 voix, soit 200.000 de plus, dont beaucoup
dans les régions industrielles de province, dans des bastions
socialistes. Mais, au second tour, le front unique étant
incompris par les militants ainsi que par les masses, le PCF
s'écroule au second tour, n'obtenant plus que 56% des
voix du premier tour (80% dans les 81 circonscriptions les plus
importantes).
Le même problème se montre aux élections
municipales de mai 1929, où le PCF progresse mais sans
former le front unique.
La mauvaise application de la stratégie " classe
contre classe " n'en a donc pas moins des résultats
concrets. En plus de l'impact électoral, la stratégie
porte en plus ses fruits au niveau culturel. En 1929, les philosophes
Henri Lefebvre, Georges Friedmann, Georges Politzer et le romancier
Paul Nizan fondent la Revue marxiste. En décembre 1932
c'est la création de l'Association des Ecrivains et Artistes
Révolutionnaires, avec Barbusse, Gide, Malraux, R. Rolland,
Vaillant-Couturier.
Il y aura également des réticences, notamment de
Breton (qui collaborera avec Trotsky) et d'Eluard (qui fera amende
honorable), exclus pour avoir approuvé un article de la
revue " le surréalisme au service de la révolution
" affirmant qu'un " vent de crétinisme souffle
sur l'URSS ".
Mais le PCF s'impose réellement dans cette période
comme le Parti de classe rejetant la démocratie bourgeoisie.
Le 6ème congrès du PCF (mars-avril 1929) marque
une compréhension nette de cet état de fait, avec
d'un côté un renforcement indéniable du PCF
comme parti communiste de type bolchévik, et de l'autre
un déviationnisme tendanciel : " le fait que celui-ci
[le danger droitier] n'a pas trouvé de théoriciens
franchement avoués dans les cercles de direction, le fait
que plus que jamais l'opportunisme a pris partout une forme masquée
et une allure sinueuse, loin de prouver que ce danger n'est pas
la tendance principale dans notre Parti, montre seulement que
ce vaste danger diffus et latent n'est pas encore cristallisé
et que, par conséquent, de résistances plus nettes
et plus âpres encore à la ligne du 6ème congrès
mondial sont à prévoir dans le proche avenir.
Etant donné, d'autre part, la faiblesse idéologique
de nos cadres, en particulier des cadres membres du Parti dans
le mouvement syndical, la lutte contre la droite et pour le redressement
du Parti, loin de cesser après la clôture de la
discussion, devra prendre des formes nouvelles ".
Le 10ème Plénum de l'IC (Juillet 1929) remettra
l'accent dessus : " Sans une épuration des partis
communistes des éléments opportunistes, ouverts
ou cachés, sans avoir vaincu les conceptions qui préconisent
la conciliation avec eux, les partis communistes ne pourront
pas aller de l'avant victorieusement sur la voie de la réalisation
des tâches nouvelles soulevées par la lutte de classes
aiguë dans cette étape nouvelle du mouvement ouvrier
".
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français : le sommaire
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