Histoire du bolchévisme
2.De la
révolution de 1905 à la veille de la première
guerre impérialiste
a)La révolution
de 1905 et ses conséquences jusquà la réaction
de 1907
Le 19 septembre (le 2 octobre de notre calendrier) commence à
Moscou une grève dans limprimerie, qui est très
vite soutenue et devient une grève politique.
En un mois la grève devient générale dans
tout le pays, forçant le Tsar à publier un manifeste
le 17 (30) Octobre, autorisant les libertés bourgeoises,
et appelant à la formation dun parlement représentant
les différentes classes sociales.
A côté de cela le régime organisa des pogromes,
ainsi que des bandes armées (« Union du Peuple
Russe », « Union de lArchange Michaël »),
surnommé les « cent-noirs » par
la population, pour attaquer les grévistes.
Une nouvelle forme dorganisation populaire apparut :
les « soviets », immédiatement soutenu
par les Bolchéviks. Le 13 (26) octobre se déroulèrent
les élections pour le Soviet des députés
ouvriers de Saint-Pétersbourg, immédiatement suivi
par celles pour celui de Moscou ; en décembre il
y avait des soviets dans tout le pays.
Des différences notables marquèrent ces élections,
et les pratiques qui sen suivirent. Le soviet de Saint-Pétersbourg
était en effet dominé par les Menchéviks
(guidés par Trotsky), tandis que celui de Moscou était
sous influence bolchévique. Ainsi, au lieu de sallier
les soldats, le soviet de la capitale exigea quon les éloigne,
et refusa larmement populaire. A lopposé,
celui de Moscou organisa un début dinsurrection,
avec quelques milliers de volontaires, principalement bolchéviks.
Le 7 (20) décembre commença ainsi à Moscou
une grève politique, qui échoua à sélargir
(à part pour Kronstadt, Sébastopol, Sormowo, Novossibirsk,
Motowilicha et Krasnojarsk), mais fut marquée par de nombreuses
journées daffrontements armés. Dans les campagnes
également la lutte fut âpre.
Après léchec de linsurrection de décembre
1905, la pression des masses se fit forte pour lunification
de la social-démocratie, qui se « réalisa »
en avril 1906 au 4ème congrès du P.O.SD.R..
Celle-ci ne fut que formelle : les Menchéviks obtinrent
la majorité, mais admirent sous la pression ouvrière
la version léniniste des statuts et de lappartenance
au Parti, du rapport avec le parlement ainsi que les réponses
aux questions organisationnelles. En pratique les deux tendances
gardèrent leurs organisations propres, et les divergences
restaient majeures, notamment en ce qui concerne la question
agraire.
La formation dun second parlement consultatif fut prétexte
à une nouvelle bataille, les Menchéviks voulant
une alliance avec les cadets, les Bolchéviks refusant
dabord dy participer, puis faisant une autocritique
avant dy participer pour y critiquer le régime,
obtenant finalement le soutien de la majorité du Parti.
Le 5ème congrès de mai 1907 marqua la victoire
des positions bolchéviques contre lappel fait par
les menchéviks dun congrès ouvrier rassemblant
toutes les tendances (Socialistes-Révolutionnaires, anarchistes,
marxistes, etc.).
Dans le protocole du 5ème congrès du P.O.S.D.R.
on peut lire que « visiblement la tactique des
bolchéviks est la tactique des prolétaires de la
grande industrie, la tactique des terrains où les oppositions
de classe sont particulièrement claires et où la
lutte de classe est particulièrement accentuée.
Le bolchévisme- cest la tactique des véritables
prolétaires. De lautre côté il nest
pas moins visible que la tactique des Menchéviks est avant
tout une tactique des ouvriers travaillant dans lartisanat
et des semi-prolétaires paysans, une tactique des terrains
où les oppositions de classe ne sont pas claires et où
la lutte de classe est voilée. Le menchévisme-
cest la tactique des éléments semi-bourgeois
du prolétariat ».
De fait, les illusions furent balayées lorsque la seconde
« Duma » fut dissoute, les députés
ouvriers envoyés en Sibérie et que le ministre
du Tsar Stolypine mena la répression contre les masses
populaires, avec une telle ardeur que les potences étaient
surnommées les « cravates de Stolypine ».
Une troisième Duma fut formée, rassemblant 442
députés, dont seulement 18 sociaux-démocrates,
et avec une grande majorité de partisans de labsolutisme.
b)La lutte
idéologique contre le recul : matérialisme contre
empirio-criticisme (1908)
Léchec de 1905 marqua le reflux de la « mode marxiste »,
et la progression du révisionnisme théorique. Ce
révisionnisme théorique se développa dans
différents domaines, et principalement dans celui de la
philosophie, de la connaissance (de la matière et de lexpérience),
de la dialectique.
Lénine publia alors en 1909 louvrage « Matérialisme
et empirio-criticisme », extrêmement fourni
(plus de 400 pages) et difficile daccès, même
pour qui connaît (au préalable) lhistoire
de la philosophie.
Ce travail détaille en effet précisément
les erreurs philosophiques et les révisions théoriques
des tendances petites-bourgeoises du mouvement social-démocrate,
et explique ce quest le matérialisme historique
et le matérialisme dialectique, défendant principalement
Engels.
Le caractère principal des erreurs révisionnistes
consiste à nier la possibilité dune compréhension
générale du monde, et à laffirmation
que lessence véritable de chaque chose restera toujours
caché (ainsi pour les idéalistes ce nest
pas le livre quon tient dans la main, mais un aspect du
livre que lon voit et touche, le caractère « vrai »
du livre étant inatteignable).
La cible principale de Lénine est ainsi « lempirio-criticisme »,
cest-à-dire la démarche philosophique idéaliste
« critique », qui puise son inspiration
dans luvre du philosophe allemand Mach, qui avait
lui-même pour maître Avenarius.
Lempirio-criticisme soppose au matérialisme,
qualifié de « métaphysique »,
mais prétend en même temps réfuter lidéalisme
(de Kant), doù justement les confusions apportées
par cette théorie.
Lénine expose donc la théorie marxiste de la connaissance,
et explique le statut de la pensée, de la conscience,
des sensations et leur rapport avec la matière. Il démontre
que la pensée empirio-criticiste, qui rend absolues les
sensations de chaque individu, et rejette le fait quelles
soient le produit dune matière vivante (lêtre
humain), se réduit à un solipsisme, cest-à-dire
une déification de chaque individu par lui-même.
« La différence entre le matérialisme
et la « doctrine de Mach » se réduit,
par conséquent, en ce qui concerne cette question, à
ce qui suit : le matérialisme, en plein accord avec
les sciences de la nature, considère la matière
comme la donnée première, et la conscience, la
pensée, la sensation comme la donnée seconde, car
la sensation nest liée, dans sa forme la plus nette,
quà des formes supérieures de la matière
(la matière organique), et lon ne peut supposer
« dans les fondements de lédifice même
de la matière » lexistence dune
propriété analogue à la sensation(...).
La doctrine de Mach se place à un point de vue opposé,
idéaliste, et conduit demblée à une
absurdité, car, premièrement, la sensation y est
considérée comme donnée première,
bien quelle ne soit liée quà des processus
déterminés seffectuant au sein dune
matière organisée de façon déterminée ;
en second lieu, son principe fondamental selon lequel les choses
sont des complexes de sensations se trouve infirmé par
lhypothèse de lexistence dautres êtres
vivants et, en général, de « complexes »
autres que le grand Moi donné ».
Lénine prend appui sur les travaux dEngels (lAnti-Dühring,
la dialectique de la nature), et démontre que les arguments
des empirio-criticistes sont les mêmes que ceux avancés
contre les premiers matérialistes (Diderot...) comme contre
Marx et Engels eux-mêmes.
De fait, il sagit pour Lénine de liquider à
la fois le relativisme sceptique, et le formalisme métaphysique,
et par là de mettre en avant la compréhension matérialiste
dialectique du monde. Car, comme le dit Engels dans lAnti-Dühring :
« La vérité et lerreur, comme
toutes les déterminations de la pensée qui se meuvent
dans des oppositions polaires, nont précisément
de validité absolue que pour un domaine extrêmement
limité, comme nous venons de le voir, et comme M. Dühring
le saurait aussi sil connaissait un peu les premiers éléments
de la dialectique, qui traitent justement de linsuffisance
de toutes les oppositions polaires.
Dès que nous appliquons l'oppositions entre vérité
et erreur en-dehors du domaine étroit que nous avons indiqué
plus haut, elle devient relative et don impropre à lexpression
scientifique exacte ; cependant, si nous tentons de lappliquer
comme absolument valable en dehors de ce domaine, nous échouons
complètement ; les deux pôles de lopposition
se transforment en leur contraire, la vérité devient
erreur, et la vérité erreur ».
Lénine met en avant des recherches scientifiques de son
époque, pour montrer la validité de la thèse
dEngels quant à la dialectique de la nature. Ainsi,
il cite Diner-Dénes, qui « confronte les découvertes
les plus récentes des sciences de la nature et surtout
de la physique (rayons X, rayons Becquerel, radium, etc.) directement
avec lAnti-Dühring dEngels.
A quelle conclusion la donc amené ces confrontations ?
« Des connaissances nouvelles ont été
acquises dans les domaines les plus variés des sciences
de la nature, écrit J. Diner-Dénes ; elles
se ramènent toutes à ce point que voulut faire
ressortir Engels, à savoir que dans la nature il
nexiste pas de contradictions inconciliables, de différences
et de démarcations arbitrairement fixées.
Si nous rencontrons dans la nature des contradictions et des
différences, cest nous seuls qui introduisons dans
la nature leur immutabilité et leur caractère absolu
(...).
Tous les phénomènes naturels sont des mouvements,
et la différence entre eux ne vient que de ce que nous,
les hommes, nous les percevons différemment... Il en est
exactement ainsi que lavait dit Engels. De même que
lhistoire, la nature obéit à la loi dialectique
du mouvement ».
Par ses recherches des erreurs des partisans de Mach, Lénine
saisit la substance de ces erreurs.
« Partis de Feuerbach et mûris dans la lutte
contre les rapetasseurs, il est naturel que Marx et Engels se
soient attachés surtout à parachever la philosophie
matérialiste, cest-à-dire la conception matérialiste
de lhistoire, et non la gnoséologie matérialiste.
Par suite, dans leurs uvres traitant du matérialisme
dialectique, ils insistèrent bien plus sur le côté
dialectique que sur le côté matérialiste ;
traitant du matérialisme historique, ils insistèrent
bien plus sur le côté historique que sur le côté
matérialiste.
Nos disciples de Mach se réclamant du marxisme ont abordé
le marxisme dans une période de lhistoire tout à
fait différente, alors que la philosophie bourgeoise sest
surtout spécialisée dans la gnoséologie
et, sétant assimilé sous une forme unilatérale
et altérée certaines parties constituantes de la
dialectique (le relativisme, par exemple), portait le plus dattention
à la défense ou à la reconstitution de lidéalisme
par en bas, et non de lidéalisme en haut.
Le positivisme en général et la doctrine de Mach
en particulier se sont surtout préoccupés de falsifier
subtilement la gnoséologie, en simulant le matérialisme,
en voilant leur idéalisme sous une terminologie prétendument
matérialiste, et ils nont consacré que fort
peu dattention à la philosophie de lhistoire.
Nos disciples de Mach nont pas compris le marxisme, pour
lavoir abordé en quelque sorte à revers.
Ils ont assimilé -parfois moins assimilé quappris
par cur- la théorie économique et historique
de Marx, sans en avoir compris les fondements, cest-à-dire
le matérialisme philosophique (...).
Une falsification de plus en plus subtile du marxisme, des contrefaçons
de plus en plus subtiles du marxisme par des doctrines antimatérialistes,
voilà ce qui caractérise le révisionnisme
contemporain en économie politique comme dans les problèmes
de tactique et en philosophie en général, tant
en gnoséologie quen sociologie ».
Lénine conclut ainsi ce grand classique :
« Le marxiste doit aborder lappréciation
de lempirio-criticisme en partant de quatre points de vue.
Il est, en premier lieu et par-dessus tout, nécessaire
de comparer les fondements théoriques de cette philosophie
et du matérialisme dialectique.
Cette comparaison, à laquelle nous avons consacré
nos trois premiers chapitres, montre dans toute la série
des problèmes de gnoséologie, le caractère
foncièrement réactionnaire de lempirio-criticisme
qui dissimule, sous des artifices, termes et subterfuges nouveaux,
les vieilles erreurs de lidéalisme et de lagnosticisme.
Une ignorance absolue du matérialisme philosophique en
général et de la méthode dialectique de
Marx et Engels permet seule de parler de « fusion »
de lempirio-criticisme et du marxisme.
Il est, en second lieu, nécessaire de situer lempirio-criticisme,
école toute minuscule de philosophes spécialistes,
parmi les autres écoles philosophiques contemporaines.
Partis de Kant, Mach et Avenarius sont allés non au matérialisme,
mais en sens inverse, à Hume et Berkeley. Croyant « épurer
lexpérience » en général,
Avénarius na en fait en réalité quépurer
lagnosticisme en le débarrassant du kantisme. Toute
lécole de Mach et dAvenarius, étroitement
unie à lune des écoles idéalistes
les plus réactionnaires, école dite des immanentistes,
va de plus en plus nettement à lidéalisme.
Il faut, en troisième lieu, tenir compte de la liaison
certaine de la doctrine de Mach avec une école dans une
branche des sciences modernes.
Limmense majorité des savants en général
et des spécialistes de la physique en particulier se rallient
sans réserve au matérialisme. La minorité
des nouveaux physiciens, influencés par les graves contrecoups
des grandes découvertes de ces dernières années
sur les vieilles théories,- influencés de même
par la crise de la physique moderne qui a révélé
nettement la relativité de nos connaissances,- ont glissé,
faute de connaître la dialectique, par le relativisme à
lidéalisme.
Lidéalisme physique en vogue se réduit à
un engouement tout aussi réactionnaire et tout aussi éphémère
que lidéalisme des physiologistes naguère
encore à la mode.
Il est impossible, en quatrième lieu, de ne pas discerner
derrière la scolastique gnoséologique de lempirio-criticisme,
la lutte des partis en philosophie, lutte qui traduit en dernière
analyse les tendances et lidéologie des classes
ennemies de la société contemporaine.
La philosophie moderne est tout aussi imprégnée
de lesprit de parti que celle dil y a deux mille
ans. Quelles que soient les nouvelles étiquettes dont
usent les pédants et les charlatans ou la médiocre
impartialité dont on se sert pour dissimuler le fond de
la question, le matérialisme et lidéalisme
sont bien des partis aux prises.
Lidéalisme nest quune forme subtile
et raffinée du fidéisme qui, demeuré dans
sa toute-puissance, dispose de très vastes organisations
et, tirant profit des moindres flottements de la pensée
philosophique, continue incessamment son action sur les masses.
Le rôle objectif, le rôle de classe de lempirio-criticisme
se réduit entièrement à servir les fidéistes
dans leur lutte contre le matérialisme en général
et contre le matérialisme historique en particulier ».
c) la
lutte contre la dictature et la formation du POSDR [bolchévik] (1908-1912)
La répression de Stolypine a amené le mouvement
révolutionnaire non pas à la défaite, mais
à subir une inflexion. Ce dautant plus que le principal
allié de la classe ouvrière, la paysannerie, subit
une évolution importante.
La loi faite par Stolypine autorisant la vente de terres aboutit
à la formation dune forte classe koulak, et amène
de 1906 à 1915 plus de 2 millions de familles à
quitter les communautés agricoles.
Dans le nouveau contexte, les bolchéviks furent obligés
de changer de tactique, et de passer à la défensive.
Il sagit de relier travail légal de masse et activité
illégale des cadres, pour résister à loffensive
contre-révolutionnaire, et préparer le « nouveau
1905 » prédit par Lénine.
Cette inflexion du mouvement social-démocrate ne fut pas
compris par certains, et il se forma un courant partisan de lillégalisme
absolu. Les « otzowistes » réclamèrent
le rappel (en russe : Otsyw) des députés sociaux-démocrates
et appelèrent à rejeter tout travail dans les organismes
de masse légaux. Kamenev était un des partisans
des otzowistes.
A côté des liquidateurs otzowistes, il y avait bien
sûr les menchéviks, qui prônaient eux la légalisation
absolue et à tout prix du mouvement social-démocrate.
Si le refus de cette option était claire pour Lénine
et ses partisans, il lui était nécessaire de mettre
en garde contre le liquidationnisme « voilé »,
celui de Trotsky, qui prônait la conciliation entre toutes
les tendances social-démocrates.
« Sa conciliation, cest la conciliation avec
des personnes, avec une coterie, et non pas avec une ligne daction,
avec une idéologie politique déterminée.
Cest en cela que consiste la profonde différence
entre le « conciliationnisme » de Trotsky
et consorts (qui, en dernière analyse, profite surtout
aux liquidateurs et aux extrémistes et qui est dautant
plus dangereux pour le Parti quil se couvre plus habilement
de déclamations en faveur du Parti et contre les fractions)
et lesprit de parti véritable, qui cherche à
épurer le Parti de la tendance liquidatrice et de lotzowisme ».
Lénine est très dur avec Trotsky, accusé
de louvoyer éternellement entre Menchéviks et Bolchéviks,
de gommer le caractère idéologique des conflits.
« Trotsky et ses pareils- les « trotskystes et
les conciliateurs » -sont plus dangereux que nimporte
quel liquidateur, car les liquidateurs convaincus exposent franchement
leur point de vue, tandis que Messieurs Trotsky et Cie trompent
les ouvriers, dissimulent le mal et font de telle sorte qu'il
devient impossible de le découvrir et de s'en guérir.
Tous ceux qui soutiennent le groupe de Trotsky soutiennent une
politique de mensonge et de tromperie à légard
des ouvriers, une politique dissimulant le liquidationnisme ».
De fait, la critique de Lénine savérera juste,
et Trotsky rassemblera les liquidateurs et les otzowistes, aidé
en pratique notamment par Kamenev, Zinoviev et Rykow.
Lénine définira ainsi le parcours de Trotsky :
« Les vieux militants marxistes russes connaissent
bien Trotsky et il est inutile de leur en parler.
Mais la jeune génération ouvrière ne le
connaît pas et il faut lui en parler, car cest là
une figure typique pour les cinq groupes étrangers qui
flottent entre les liquidateurs et le Parti.
Au temps de la vieille Iskra (1901-1903), ces éléments
hésitants qui allaient continuellement des économistes
aux iskristes et vice-versa, avaient été surnommé
les « voltigeurs ».
Nous entendons par « liquidationnisme »
un courant idéologique qui a la même source que
le menchévisme et léconomisme, qui sest
développé au cours des dernières années
et dont lhistoire est intimement liée à la
politique et à lidéologie de la bourgeoisie
libérale.
Les « voltigeurs » se proclament au-dessus
des fractions, pour la simple raison quils empruntent leurs
idées, tantôt à une fraction, tantôt
à une autre. De 1901 à 1903, Trotsky fut un iskriste
fougueux et, au congrès de 1903, il fut, selon Riazanov,
la « trique de Lénine ».
Vers la fin de 1903, il devient menchévik enragé,
cest-à-dire abandonne les iskristes pour les économistes
et déclare quil y a un abîme entre lancienne
[encore bolchévique] et la nouvelle [devenue menchévique]
Iskra.
En 1904-1905, il séloigne des menchéviks,
sans pouvoir toutefois de fixer, tantôt collaborant avec
Martynov (économiste), tantôt proclamant la doctrine
ultra-gauche de la « révolution permanente ».
En 1906-1907, il se rapproche des bolchéviks et se déclare
solidaire de la position de Rosa Luxembourg.
A lépoque de la dislocation, après de longues
années de tergiversations, il évolue de nouveau
vers la droite, et en août 1912, fait bloc avec les liquidateurs.
Maintenant, il abandonne de nouveau ces derniers, tout en répétant
au fond leurs idées.
De tels types sont caractéristiques, en tant que débris
des groupements et formations historiques de la dernière
période, alors que la masse ouvrière russe était
encore en léthargie et que chaque groupe pouvait soffrir
le luxe de se présenter comme un courant, une fraction,
« une puissance » négociant son
union avec une autre.
Il faut que la jeune génération sache avec qui
elle a affaire, lorsque certaines personnes élèvent
des prétentions incroyables et ne veulent tenir compte
ni des décisions par lesquelles le Parti a déterminé,
en 1908, son attitude à légard du « liquidationnisme »,
ni de lexpérience du mouvement ouvrier russe contemporain,
qui a, en fait, réalisé lunité de
la majorité sur la base de la reconnaissance intégrale
de ces décisions ».
Pour faire contrepoids au « bloc daoût »
rassemblant les liquidateurs et les otzowistes, Lénine
et les Bolchéviks sallièrent avec une petite
partie des menchéviks organisée autour de Plékhanov
et favorable au maintien des structures clandestines du Parti.
Cela fut un succès total, les bolchéviks gagnant
de plus en plus dinfluence dans lensemble du mouvement
social-démocrate et sorganisant solidement dans
les masses par la combinaison des activités légales
et illégales, notamment dans les congrès des médecins
du travail, des universités, des femmes et celui des opposants
à lalcool.
Toute cette évolution aboutit à la nécessité
dune rupture totale avec lopportunisme.
Comme lexplique le « précis dhistoire
du P.C.U.S. [bolchévik] », « Que
faire ? » avait été la préparation
idéologique de ce saut qualitatif, « Un pas
en avant, deux pas en arrière » la préparation
organisationnelle, « Deux tactiques de la social-démocratie
dans la révolution démocratique » la
préparation politique, « Matérialisme
et empirio-criticisme » la préparation théorique.
A la 6ème conférence panrusse du Parti en janvier
1912 à Prague est alors élu un comité central
pour ce qui sappelle désormais le P.O.S.D.R. [bolchévik],
ainsi quun bureau russe pour le comité central guidant
le travail pratique en Russie (Staline, Sverdlov, tous deux nommés
en leur absence en raison de leur condamnation à lexil
en Sibérie, Spandarian, Ordjonikidse, Kalinine).
d)le développement
du POSDR [bolchévik] (1912-1913)
Le 4 (17) avril 1912 lEtat tsariste répondit à
une grave dans des mines de Sibérie (exploitées
par une société britannique) par le feu, faisant
500 morts.
Des grèves politiques sensuivirent, rassemblant
300.000 personnes. Ce fut le signe de la reprise du mouvement
populaire, confirmant les thèses des Bolchéviks
et infirmant celles des Menchéviks. Ces derniers eurent
comme activité le rassemblent de pétitions, qui
neurent que 1.300 signatures, et qui sont à comparer
avec le formidable impact de la propagande bolchévique.
Les Bolchéviks lancèrent en effet le 22 avril (5
mai) 1912 le journal « Pravda » (Vérité),
qui à cause des nombreuses interdictions prit les noms
successifs de « Sa Pravdu » (Pour la vérité),
« Putj Pravdy » (La voie de la vérité),
« Trudowaja Pravda » (La vérité
ouvrière). Le tirage fut de 40.000 exemplaires, alors
que celui du journal menchévik « Lutsch »
était de 15-16.000.
La « Pravda » diffusait lactualité
de la classe ouvrière, les réponses aux besoins
des campagnes, les mesures politiques et organisationnelles nécessaires
pour avancer. Et lors des élections de 1912 pour la Duma,
les Bolchéviks réussirent grâce à
lorganisation de grèves de permettre aux ouvriers
de voter pour leurs propres candidats, dont 6 sur 9 seront du
POSDR [bolchévik].
Le mouvement populaire ne cessait de grandir. Entre 725.000 et
un million de prolétaires seront en grève en 1912,
ce qui revient aux chiffres dun million douvriers
en grève en 1906 et de 740.000 en 1907. En 1913 les chiffres
seront
compris entre 861.000 et 1.272.000, et lors des six premiers
mois de 1914 les grévistes auront été 1,5
million !
3.De lopposition
à la guerre impérialiste à la révolution
et la guerre civile (1914-1920)
a) lopposition à la guerre (1914-1916)
Les Bolchéviks furent clairement les seuls, en Russie
comme en Europe, à avoir une interprétation correcte
de la guerre, et à assumer une position politique conséquente.
Sous limpulsion de Lénine fut mis en avant le principe
de la « transformation de la guerre impérialiste
en guerre civile », à lopposé
du social-chauvinisme des Menchéviks, des socialistes
occidentaux et des anarchistes, qui dopposants à
la guerre avant que celle-ci néclatent se transformèrent
en chauvins professionnels celle-ci déclarée.
Les parlementaires bolchéviks, à lexception
de Kamenev qui se dédouana en affirmant ne pas être
daccord avec le Parti et en appelant un menchévik
comme témoin (!), menèrent lopposition à
la guerre et furent arrêtés. Les cellules du Parti
organisèrent clandestinement leurs activités afin
de pouvoir mener lagitation et la propagande sans succomber
face à la répression.
Lénine remet alors en avant la critique de la « révolution
permanente » de Trotsky.
« Déterminer les rapports des classes dans
la révolution prochaine, tel est le principal problème
du parti révolutionnaire... Trotsky résout ce problème
de façon erronée dans Naché Slovo. Il répète
sa théorie de 1905, sans se donner la peine de réfléchir
aux raisons pour lesquelles la vie, dix années durant,
a passé outre à sa magnifique théorie.
La théorie originale de Trotsky emprunte aux bolchéviks
lappel à la lutte révolutionnaire décisive
et à la conquête du pouvoir politique par le prolétariat
et, aux menchéviks, la « négation »
du rôle de la paysannerie.
La paysannerie, paraît-il, sest divisée, différenciée
et est devenue de moins en moins apte à jouer un rôle
révolutionnaire ; en Russie, une révolution
« nationale » est impossible, « nous
vivons à lépoque de limpérialisme »,
or, « limpérialisme oppose non la nation
bourgeoise à lancien régime, mais le prolétariat
à la nation bourgeoise ».
Voilà un exemple amusant de la façon dont on peut
jongler avec le mot « impérialisme ».
Si, en Russie, le prolétariat soppose déjà
à la « nation bourgeoise », il sensuit
que la Russie est à la veille de la révolution
socialiste. Alors le mot dordre « Confiscation
des propriétés terriennes » (répété
par Trotsky en 1915) est faux et il faut parler non pas de « louvrier
révolutionnaire », mais du « gouvernement
socialiste ouvrier ».
A quel degré de confusion arrive Trotsky, on peut le voir
par la phrase dans laquelle il dit que le prolétariat
entraînera également les masses populaires non prolétariennes ! !
Trotsky na pas songé que, si le prolétariat
parvient à entraîner les masses non prolétariennes
des campagnes à la confiscation des propriétés
terriennes et à renverser la monarchie, ce sera là
précisément le parachèvement de la « révolution
nationale bourgeoise » en Russie, la dictature démocratique
révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie.
Les dix années qui se sont écoulées de 1905
à 1915 ont démontré lexistence de
deux lignes de classe dans la révolution russe. La différenciation
de la paysannerie a renforcé la lutte de classe dans les
campagnes, réveillé de nombreux éléments
indifférents à la vie politique, rapproché
le prolétariat rural du prolétariat des villes
(les bolchéviks, depuis 1906, nont cessé
de réclamer lorganisation spéciale du prolétariat
rural et ont inséré cette revendication dans la
résolution du congrès menchévik de Stockholm).
Mais lantagonisme de la « paysannerie »
et des Markov-Romanov-Khvostov est allé grandissant, a
revêtu une forme aiguë. Cest là une vérité
éclatante, que Trotsky, même avec des milliers de
phrases et des dizaines darticles, ne parviendra pas à
réfuter. Trotsky aide en fait les politiciens ouvriers
libéraux de Russie, qui par « négation »
du rôle de la paysannerie, entendent le refus de pousser
les paysans à la révolution.
Or, cest là maintenant quest le point capital.
Le prolétariat lutte et luttera stoïquement pour
la conquête du pouvoir, pour la République, pour
la confiscation des terres, cest-à-dire pour entraîner
la paysannerie et utiliser en entier sa force révolutionnaire,
pour faire participer les « masses populaires »
non prolétariennes à la libération de la
Russie bourgeoise de limpérialisme féodal-militaire
(cest-à-dire du tsarisme).
Et cette libération de la Russie bourgeoise du tsarisme,
du pouvoir des propriétaires fonciers, le prolétariat
la mettre immédiatement à profit non pour aider
les paysans aisés dans leur lutte contre les travailleurs
ruraux , mais pour accomplir la révolution sociale
en union avec le prolétariat dEurope ».
b)Février
et Octobre 1917
Sur le front, larmée russe était mal équipée
et ne tenait pas la route face à larmée allemande.
Lannée 1917 fut lapogée des manques
en fournitures militaires, en vivres et en matières premières.
Dès janvier des grèves avaient éclaté
dans différentes villes, dont Moscou où 1/3 des
ouvriers avaient cessé le travail. Les grèves se
succédèrent, jusquau 7 mars où la
plupart des usines de tournaient plus, et le 8 mars où
les bolchéviks organisèrent des manifestations
à Pétrograd pour la journée internationale
de la femme. Le 9 mars 200.000 ouvriers défilèrent
dans Pétrograd, le 10 fut marqué par toute une
série daffrontements où ressortaient les
mots dordre contre le Tsar et contre la guerre.
Le 11 eurent lieu de nombreux affrontements armés. La
quatrième compagnie du bataillon de réserve de
Pavlosk ouvrit ainsi le feu, mais sur les policiers en train
de tirer sur les ouvriers ! Le bureau du Parti à
Pétrograd, avec Molotov à sa tête, appela
au soulèvement armé contre le régime et
à la formation dun gouvernement révolutionnaire
provisoire.
Le 12 les troupes de Pétrograd refusent de tirer sur la
foule, et en une journée le nombre de soldats mutins passe
de 10.000 à 60.000.
La révolution de février (de mars en fait dans
notre calendrier) avait vaincu, et des soviets se formèrent
immédiatement dans tout le pays. Mais, par léloignement
des principaux leaders bolchéviks (Lénine étant
dans lémigration, Staline et Sverdlov en exil sibérien)
et la centralité de laction des bolchéviks
sur les masses, les socialistes-révolutionnaires et les
menchéviks se mirent sur les devants de la scène
politique officielle, et formèrent un gouvernement provisoire.
Le P.O.S.D.R. [bolchévik], qui comptait plus de 40.000
membres rompus à lillégalité, se réorganisa
alors, dans le cadre de la légalité nouvelle. Les
ensembles des organes du Parti furent alors élus par la
base, ce qui nalla pas sans problèmes concernant
lunité du parti ; diverses fraction apparurent,
notamment celle autour de Rikov, Bubnov et Nogin, favorable au
gouvernement provisoire.
Celui-ci avait à sa tête le socialiste-révolutionnaire
Kérenski et était composé des partis bourgeois
et populistes. Il existait alors objectivement un double-pouvoir :
le gouvernement dun côté, les soviets de lautre.
Soviets qui firent échouer le gouvernement dans sa tentative
de maintenir la monarchie.
La situation fut alors bouleversé par larrivée
le 3 (16) avril 1917 de Lénine, de retour dexil.
Celui-ci snoba les représentants menchéviks présents
à la gare de Pétrograd et tint immédiatement
un discours en faveur de la révolution socialiste. Il
mit en avant de nombreuses thèses, principalement la nécessité
dabandonner le nom de social-démocrate pour celui
de communiste, et celle dune formation dune troisième
Internationale, en rupture avec linternationale ayant cédée
au social-chauvinisme.
Les bolchéviks menèrent alors un travail parfait.
Dès lannonce le 19 avril par le ministre des affaires
étrangères Milioukov que la guerre devait continuer,
le Parti organisa des marches de protestations de plus de 100.000
personnes, contribuant à la chute du gouvernement, remplacé
par un autre auquel participèrent les menchéviks
et les socialistes-révolutionnaires.
Le 24 avril 1917 eut lieu, pour la première fois dans
la légalité, la VIIème conférence
du Parti, avec 133 délégués représentant
80.000 membres. Lénine mit en avant la thèse résumée
en « tout le pouvoir aux soviets », sopposant
à Kamenev et Rikov qui ne croyaient pas en la possibilité
dune révolution, à Zinoviev qui ne voulait
pas dune rupture avec la gauche pacifiste occidentale,
ainsi quà Boukharine et Piatakov qui refusaient
le droit des nations à disposer delles-mêmes.
En mai et en juin, les bolchéviks progressèrent,
tout en ayant pas la majorité au congrès des soviets
de juin 1917, nayant quune centaine de délégués
contre 700/800 aux menchéviks et aux socialistes-révolutionnaires.
Le 18 juin 1917, 400.000 personnes manifestèrent à
Pétrograd contre la guerre. Le gouvernement réprima
alors le mouvement de masse et les bolchéviks. Les locaux
de la Pravda furent détruits, comme ceux de la maison
dédition bolchévik.
Le Parti tint alors sont 6ème Congrès dans lillégalité,
du 26 juillet au 3 août 1917, avec 157 délégués
représentant 240.000 membres. Jusquau 3 juillet,
date de la répression, les bolchéviks disposaient
de 41 organes de presse, dont 29 en russe. Au congrès
simpose la ligne révolutionnaire prônée
par Lénine et Staline (principalement contre Boukharine)
de lalliance ouvrière et paysanne, avec un programme
politique correspondant.
Le « groupe intermédiaire », dont
Trotsky était membre, qui avait fait son autocritique
et désirait rejoindre les bolchéviks, fut également
intégré au Parti.
Le 12 août se tint dans le grand théâtre de
Moscou une réunion organisée par le gouvernement
provisoire, avec lensemble des partis, sauf les bolchéviks,
qui organisèrent une grève générale
réussie. Le général Kornilov y exigea la
dissolution des comités et des soviets, et lança
des troupes contre Pétrograd.
Le putsch échoua principalement grâce aux bolchéviks,
ce qui augmenta considérablement leur influence. Les bolchéviks
étaient ainsi majoritaires à Moscou et Pétrograd.
Lénine revint illégalement en Russie le 7 octobre,
et le 10 se tint la réunion du Comité Central décidant
de la prise du pouvoir (contre Zinoviev et Kamenev qui y étaient
opposés, et contre Trotsky qui voulait repousser la date,
ce qui aurait « grillé » laction).
Le mois daoût fut également marqué
par la publication dune uvre majeure de Lénine, «
LEtat et la révolution ». Lénine y
explique son objectif :
« Nous examinerons dabord la doctrine de Marx
et dEngels sur lEtat, et nous nous arrêterons
plus particulièrement aux aspects de cette doctrine qui
ont été oubliés, ou que lopportunisme
a déformés. Nous étudierons ensuite, spécialement,
le principal fauteur de ces déformations, Karl Kautsky,
le chef le plus connu de la IIème Internationale (1889-1914),
qui a fait si lamentablement faillite pendant la guerre actuelle.
Enfin, nous tirerons les principaux enseignements de lexpérience
des révolutions russes de 1905 et surtout de 1917. A lheure
présente (début daoût 1917), cette
dernière touche visiblement au terme de la première
phase de son développement ; mais, dune façon
générale, toute cette révolution ne peut
être comprise que si on la considère comme un des
maillons de la chaîne des révolutions prolétariennes
socialistes provoqués par la guerre impérialiste.
Ainsi, la question de lattitude de la révolution
socialiste du prolétariat envers lEtat nacquiert
pas seulement une importance politique pratique ; elle revêt
un caractère dactualité brûlante, car
il sagit déclairer les masses sur ce quelles
auront à faire, pour se libérer du joug du Capital,
dans un très proche avenir ».
Le 16 octobre le Comité Central mit en place un centre
pour mener à bien lopération, avec à
sa tête Staline. Mais le 18 octobre fut publié dans
la revue menchévique « Novaja Schin »
(Nouvelle vie) un interview de Zinoviev et Kamenev, où
ceux-ci expliquèrent que les bolchéviks préparaient
un soulèvement et queux y étaient opposés.
Trotsky, lui, se vanta et annonça la date à la
réunion des soviets de Pétrograd, obligeant davancer
laction.
Et finalement le 25 octobre (7 novembre) la garde rouge et les
troupes révolutionnaires occupèrent les gares,
les postes, les télégraphes, les ministres, les
banques, le croiseur Aurora bombarda le palais dhiver :
la prise du pouvoir était faite.
c)La guerre
civile (1918-1920)
Le congrès des soviets prit immédiatement la décision
de négocier la fin de la guerre, de distribuer les terres,
de nationaliser les richesses naturelles, et de former un conseil
des commissaires du peuple, intégralement composé
de bolchéviks, et avec Lénine à sa tête.
Cela amena une première crise dans le Parti.
Zinoviev, Kamenev, Rikov et Milioutine quittèrent le comité
central après le refus du Parti de créer un gouvernement
rassemblant toutes les différences tendances socialistes
(cest-à-dire, en plus des bolchéviks, les
menchéviks et les socialistes-révolutionnaires).
Malgré cela, le nouveau pouvoir tint bon, et la révolution
gagna toute la Russie dOctobre 1917 à Janvier-Février
1918. Pour contrer les sabotages fut fondé la Tchéka,
avec Félix Djérzinski à sa tête.
Un accord de paix - très défavorable - fut fait
à Brest-Litovsk, avec là encore une opposition
dans le Parti. Boukharine et Piatakov, représentant les
« communistes de gauche », mirent en avant
la « guerre révolutionnaire », soutenu
en ce sens par Trotsky qui jouait les modérés.
Lénine dit à ce sujet :
« Le camarade Trotsky dit que la paix serait une trahison
au sens complet du mot. Jaffirme que cest un point
de vue tout à fait faux. Je prendrai, pour le montrer
concrètement, un exemple.
Deux hommes se promènent. Dix hommes les attaquent. Lun
se défend, lautre se sauve. Cest une trahison,
mais si deux armées de 100.000 hommes sont en face de
cinq armées et si lune est cernée par 200.000
hommes et lautre, qui doit se porter à son secours,
sait que 300.000 hommes lui préparent un guet-apens, peut-elle
désormais aller au secours de la première ?
Non, elle ne le peut pas. Ce nest ni une trahison, ni une
poltronnerie. Un simple changement de nombre a modifié
toutes les notions, tout militaire le sait, il ne sagit
pas ici didées personnelles ; je ménage
mon armée ; que lautre soit faite prisonnière,
soit, je reconstituerais la mienne, jai des alliés,
jattendrai, ils arriveront. On ne peut raisonner quainsi ;
mais quant aux considérations dordre militaire viennent
sajouter des considérations dun autre ordre,
il ny a plus que des phrases, rien de plus. Faire ainsi
de la politique nest pas possible ».
Le premier congrès du Parti suivant la révolution
fut ouvert le 6 mars 1918, et devait amener une première
clarification. A cause de la guerre civile, 46 délégués
avec droit de vote et 58 délégués avec mandats
consultatifs représentaient 145.000 membres, ce alors
que le Parti comptait 270.000 membres.
Dans son rapport quant aux accords de Brest-Litovsk, Lénine
affirma que :
«..la sévère crise que traverse notre Parti,
eu égard à la formation dune opposition de
gauche dans le Parti, est une des plus grandes crises que la
révolution russe a à traverser ».
La résolution de Lénine fut acceptée par
30 voix contre 12, avec 4 abstentions. Fut également votée
la préparation militaire face aux futures interventions
militaires impérialistes, le changement du programme du
Parti ainsi que du nom, qui devint « Parti Communiste
de Russie (Bolchévik) » (PCR[B]).
Lénine publia une uvre très importante, « La
révolution prolétarienne et le renégat Kautsky ».
Il y démonte les arguments du courant social-démocrate
dEurope occidentale, dont Kautsky est le théoricien,
pour montrer ce quest véritablement la dictature
du prolétariat, et théoriquement, et dans la Russie
des soviets.
Le PCR[B] multiplia alors son travail. Dune part lorganisation
de larmée rouge à grande échelle,
avec une mobilisation générale et linstauration
du « communisme de guerre », signifiant
centralisation et contrôle de léconomie à
tous les niveaux afin dassurer la défense du pays.
Puis, en Mars 1919, formation de la 3ème Internationale,
lInternationale Communiste [le Komintern] et de son comité
exécutif (lEKKI).
Le VIIIème congrès, toujours en mars 1919, rassemblait
301 délégués représentant 313.766
membres. Le concept dimpérialisme fut reconnu par
le Parti, et de larges débats eurent lieu concernant la
question de la paysannerie intermédiaire.
Lénine soppose à Boukharine et Piatakov,
mettant en avant la nécessité de sallier
avec elle.
« On doit comprendre quil faut viser à
une entente avec la paysannerie moyenne, par là ne pas
cesser une minute la lutte contre les Koulaks [paysans riches],
et ne sappuyer de manière ferme et sûre que
sur la paysannerie pauvre ».
Furent également repoussées les critiques des restes
des « communistes de gauche » concernant
la politique militaire du Parti, qui partaient des excès
militaristes de Trotsky.
Larmée rouge gagna alors au fur et à mesure
de plus en plus de terrain sur larmée blanche, jusquà
la victoire décisive fin 1920. Le 9ème congrès,
qui se tint à ce moment là, est ainsi surtout consacré
au développement économique.
554 délégués représentaient 611.978
membres. Cest à ce congrès que fut décidé
le plan délectrification du pays (« le
socialisme ce sont les soviets plus lélectrification »).
Lénine publia en avril 1920 un document destiné
aux communistes dEurope, qui étaient alors dans
le processus de construction de partis communistes de type bolchévik.
Dans « La maladie infantile du communisme (« le
gauchisme ») », Lénine critique
lincompréhension par nombre de communistes dEurope
des principes fondamentaux du bolchévisme, et les positions
des « communistes de gauche », principalement
dItalie, de Hollande et dAllemagne.
Histoire du bolchévisme
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