HISTOIRE DU PARTI COMMUNISTE D'ALLEMAGNE

 

Rosa Luxemburg contre la guerre
et la fondation de Spartakus

Lors de la première guerre mondiale impérialiste, les opposants ne surent pas s'organiser aussi bien que ceux et celles de Russie.

A l'opposé des Bolchéviks, déjà rompus à l'illégalité, possédant une organisation centralisée et une importante presse, Rosa Luxemburg, la principale théoricienne du mouvement, a une position plus spontanéiste et a sous-estimé la social-démocratie.

Ainsi, les révolutionnaires ne sont pas prêts à s'opposer à la guerre, et doivent même s'organiser dans ce contexte difficile.

Rosa Luxemburg est arrêtée dès le 18 février 1915, et les révolutionnaires durement touchés ne sortent que le 15 avril 1915 "Die Internationale", "revue mensuelle pour la pratique et la théorie du marxisme".

Rosa Luxemburg dit:

"L'Internationale comme une paix, qui exprime les intérêts du prolétariat , ne peut naître que de l'auto-critique du prolétariat, dans la conscience de son propre pouvoir, ce pouvoir, qui le 4 août s'est plié comme un roseau chancelant est battu par la tempête, mais qui se dresse à sa véritable taille, qui est appelé historiquement à renverser les chênes de l'injustice sociale vieux de mille ans et à déplacer des montagnes.

La voie vers ce pouvoir, - et non pas des résolutions sur du papier - est en même temps la voie à la paix et la reconstruction de l'Internationale".

Le premier numéro de la revue restera néanmoins également le dernier jusqu'en 1919, car les autorités militaires avaient immédiatement interdits sa diffusion.

Le second numéro ne sortira que le 30 mai 1919, alors que leurs principaux fondateurs, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, étaient déjà tombés sous les coups de la contre-révolution.

Le groupe "Die Internationale" participera début 1915 à la conférence de Zimmerwald, et à la conférence de Kienthal huit mois plus tard.

Le 1er janvier 1916 a lieu la première conférence nationale du groupe, où il est décidé de se donner au point de vue organisationnel un certaine autonomie et de sortir un propre journal.

C'est la naissance des lettres de Spartacus.

Il s'agit en fait de lettres politiques signées symboliquement Spartakus, lettres dont l'impression est opérationnel à partir de septembre 1916.

Le groupe tente de développer ses positions dans la social-démocratie, où les rares oppositionnels à la guerre ne possèdent pas de ligne cohérente.

Et comme le souligne Luxemburg:

"La première présupposition pour toute capacité d'action sérieuse" ne peut être que l'unité des principes, plus exactement une volonté révolutionnaire".

(Lettres de Spartakus).

Le d'ordre sera par conséquent :

"Non pas "unité", mais clarté sur tout".

Malgré le soutien d'autres groupes, qui diffusent les lettres, comme les "Bremer Linken" (les gauches de Breme) et le groupe autour de Julian Borchardt, le groupe Spartakus ne sort pas du milieu de la social-démocratie, il ne se pose pas la question de la formation d'un nouveau parti ouvrier.

Le 3O mars 1916, on peut même lire dans une lettre de Spartakus: "tout est en jeu: la lutte pour le parti, non pas contre le parti".

Il est néanmoins obligé de rejoindre le terrain des masses s'il veut exister, tout en étant toujours persuadé d'avoir à regagner le parti.

"Le slogan ce n'est pas division ou unité, non pas ancien ou nouveau parti, mais la reconquête du parti par en-bas par la rébellion des masses, qui doivent prendre dans leurs propres mains les organisations et leurs moyens, non pas avec des mots, mais avec les actes de la rébellion.

La lutte décisive pour le parti a commencé".

(Lettres de Spartakus).

La rupture avec la social-démocratie n'est ainsi pas menée comme elle l'est en Russie. Rosa Luxemburg ne se fait pourtant pas d'illusion sur la direction de la social-démocratie.

Elle constate avec une ironie amère dans sa brochure "La crise de la social-démocratie" qu'avec la direction social-démocrate "Hindenburg est devenu l'exécuteur testamentaire de Marx et Engels".

La direction social-démocrate se revendique en effet toujours du socialisme, de Marx et d'Engels.

Mais que Rosa Luxemburg ne travaille toujours pas à la fondation d'un véritable parti révolutionnaire, elle compte sur "la capacité d'action des masses prolétariennes dans la lutte contre l'impérialisme".

Les choses vont s'accélérer lorsque le 24 mars 1916 la direction de la social-démocratie décide d'exclusions contre les oppositions.

En réaction à cela, le 1er mai, le groupe Spartakus organise une manifestation pacifiste.

Et le 28 juin les métallos de Berlin rentrent en grève en solidarité avec Liebknecht arrêté et en procès à cause de la manifestation du premier mai.

Puis a lieu le 7 janvier 1917 une conférence des oppositions sociaux-démocrates, où les représentants de Spartakus ne décident toujours pas de rompre avec la social-démocratie.

Il faudra qu'une partie du SPD, le parti social-démocrate, scissionne et fonde l'USPD (SPD indépendant) pour que Spartakus rejoigne ce groupe.

La guerre devenant de plus en plus un échec pour l'Allemagne et la situation économique s'effondrant, une vague révolutionnaire se développe.

Les vagues de grèves des métallos de Berlin, Leipzig et d'autres villes contre la guerre et la faim, avec l'influence du début de la révolution de février en Russie (avec les mutineries) semblent ouvrir de nouvelles perspectives révolutionnaires.

Mais Spartakus n'est pas assez fort, ni sur le plan idéologique ni sur le plan organisationnel. Les révolutionnaires tentent alors le saut qualitatif.

Le 7 octobre 1918, à la conférence nationale du groupe Spartakus et des radicaux de gauches de Brème est posé concrètement la question de la révolution allemande, et plus précisément la question de l'appel à "une république socialiste allemande qui soit solidaire de la république soviétique russe".

Il s'agit de lancer le principe des Conseils partout.

En novembre c'est la révolution, la monarchie s'écroule, la république est déclarée. Ce n'est qu'alors que Spartakus passe du statut de "groupe" à celui de "Ligue", en tant que KPD - Ligue Spartakus.

Dans le bulletin "Le Drapeau Rouge" on peut lire que "L'histoire est la seule vraie donneuse de leçons, la révolution est la meilleure école du prolétariat".

Le KPD, le PC d'Allemagne, naît avec la révolution. Et tente immédiatement, avec l'aile gauche de l'USPD, de déborder l'Etat bourgeois, dans les deux premières semaines de janvier 1919.

Mais les "spartakistes" n'arrivent en fait à guider politiquement qu'une petite partie des masses; les révolutionnaires sont isolés dans les Conseils s'étant formés à la révolution.

Et lors des violents affrontements armés, alors que le tout nouveau PC d'Allemagne tente que la nouvelle république soit socialiste, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés (le 15 janvier 1919).

Meurent aussi Mehring et Jogiches.

En mai 1919 c'est la république des Conseils de Bavière, guidée par Kurt Eisner, qui est écrasée. C'est la fin de la vague révolutionnaire.

Comme l'a constaté Rosa Luxemburg:

"Ce que nous avons vécu le 9 novembre était pour les 3/4 plus l'écroulement de l'impérialisme existant que la victoire d'un nouveau principe".

Le KPD commence donc avec la perte de ses principaux dirigeants : Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.


Les débuts du KPD

Dans cette situation difficile se tient en octobre 1919 le second congrès du KPD, qui perd la moitié de ses 100.000 membres acquis avec la révolution.

Puis en décembre 1920, après le congrès d'octobre de l'USPD, au lieu la fusion de l'aile gauche de l'USPD et du KPD, sous le terme de VKPD (KPD unifié), qui redeviendra par la suite KPD, le Parti regagne le terrain perdu et a 300.000 membres.

Mais à ce moment-là, le KPD n'avait pas les moyens, ni la maturité, pour prendre et garder une influence, un rôle principal dans le prolétariat allemand.

De plus la réaction s'était organisée, prise de panique après la révolution en Russie; les années 1920 sont marquées par les tentatives de putsch.

La social-démocratie est également opposée à la révolution.

En janvier 1920 la social-démocratie fait tirer sur la foule, faisant une quarantaine de morts, et interdit la presse du KPD.

Cela n'empêche le KPD de tenir en février 1920 son troisième congrès, malgré l'illégalité, et l'armée rouge d'écraser une tentative de putsch dans la Ruhr.

Mais la grande grève générale de 1921, où la lutte armée des travailleurs est généralisée lorsque la police veut désarmer les masses, marque les limites du Parti, dont la direction oscille entre capitulation et gauchisme.

Un premier pas contre le gauchisme est fait avec l'adhésion définitive du KPD à l'Internationale Communiste.

Une partie du KPD scissionne et fonde le KAPD, le KPD ouvrier, qui refuse le bolchévisme, et s'effondre très vite.

Peut alors être mis en avant le thème du "gouvernement ouvrier".

Le KPD occupe en fait également la tribune parlementaire, afin de développer ses thèses et de donner son point de vue sur des problèmes essentiels de la vie publique: du refus du traité de Versailles jusqu'à la dénonciation permanente de la crise économique, en passant par la lutte contre la politique financière du gouvernement bourgeois ou social-démocrate et libéral-bourgeois et le refus que ce soient les travailleurs qui aient à payer le plan Dawes et Young (touchant les réparations aux pays vainqueurs).

Il y a également le combat contre l'accord de Locamo, qui consiste en l'intégration de l'Allemagne dans la politique impérialiste, et bien sûr le remilitarisation de l'Allemagne.

Et si au niveau parlementaire le jeune KPD est faible, il avait une importance plus grande dans les parlements régionaux (Länderparlamenten), où il était arrivé avoir une position forte, notamment en Saxe, en Thuringe et en Prusse.

Il y avait cette conception, cette tactique (très débattue) qu'il était possible d'accumuler des forces, des moyens, des bases, à la périphérie pour pouvoir par la suite renverser l'Etat bourgeois.

La discussion quant à un gouvernement ouvrier avait un grand écho, parce qu'elle était une attaque directe de la situation politique et qu'elle posait la question de la lutte et de la conquête du pouvoir.

C'est ainsi une conséquence des élections en Saxe et en Thuringe où entre 1921 et 1922 le SPD et l'USPD s'étaient imposé dans ces deux régions et formaient un gouvernement de coalition.

Le soutien "de l'extérieur" du KPD au gouvernement devait lui permettre de sortir de l'isolement, mais renforça l'aile opportuniste et excita l'aile gauchiste en son sein.

L'assassinat du ministre des affaires étrangères Rathenau le 24 juin 1922 donna une nouvelle impulsion à la campagne unitaire, qui échoua. Le SPD avait englouti les restes de l'USPD et s'opposait en tout au KPD.

 

Le KPD continua néanmoins sa politique.

Sur l'initiative de Brandler et contre l'opposition de gauche de Maslow et Fischer le Congrès de Leipzig en janvier
1923 confirme la directive d'agitation pour un gouvernement ouvrier, pour un "gouvernement des partis ouvriers qui fait la tentative de mener contre la bourgeoisie une politique
prolétarienne par la décharge des poids sur la classe possédante, tandis que la politique de coalition du SPD jusqu'à présent n'a mené qu'à la décharge des poids sur la classe ouvrière".

Après une nouvelle crise du gouvernement social-démocrate en Saxe et la chute du gouvernement du même type en Thuringe, le KPD réussit à reproposer le gouvernement ouvrier et rentrent à la mi-octobre dans le gouvernement de
Zeigner en Saxe et celui de Frölich en Thuringe.

Deux semaines plus tard le Reich vire manu militari les deux gouvernements.

Le KPD tente alors l'insurrection généralisée dans le pays. La révolte qui s'en suivit en Allemagne centrale et à Hambourg fut écrasée dans la violence pendant que Hitler, avec la complicité du général Ludendorff tentait en Bavière sa première prise de pouvoir.

Le 23 novembre le général von Seeckt, qui a les pleins pouvoirs donnés par le gouvernement, interdit le KPD.

Après l'échec de la révolution de novembre et de l'action de mars, la tactique du gouvernement ouvrier avait donc aussi mené à une défaite.


Le KPD et la bolchevisation

Le KPD et le Komintern furent donc ces mois-ci fortement occupés à la correction de la tactique employée; il était nécessaire, d'autant plus que la période de stabilisation d'après-guerre se finissait, d'établir les positions du KPD dans le prolétariat sur de nouvelles bases.

Le Congrès de Francfort en avril 1924 amène une nouvelle direction, celle de Fischer et Maslow, qui se sont imposés grâce à leur critique de la direction précédente.

Mais après avoir liquidé les gauchistes (maximalistes), c'est au tour des droitiers (philo-trotskystes) d'être liquidé pour fractionnisme : Brandler et Thalheirner en sont les dirigeants.

Existe alors un KPD-O (O pour opposition), qui disparaît très vite.

Mais la ligne de la nouvelle direction est également fausse, elle représente le pendant droitier de la période précèdent.

Une nouvelle direction arrive alors, celle de Thälmann et Dengel.

A partir de là le KPD s'est formé sur une ligne solide, par la liquidation de deux tendances erronées :

- La ligne gauchiste prônant la révolution comme en 1919 et voulant focaliser son travail sur le SPD, suivant la ligne exigée par le Komintern: "Parlons moins du fait que le KPD soit l'unique parti ouvrier! Agissons plus de manière telle que... dans les usines la majorité des travailleurs nous soit gagné".

- La ligne droitière, qui s'oppose à la bolchévisation; comme l'affirme le Komintern : "On doit saisir la simple vérité que la lutte du parti communiste et de la social-démocratie pour l'influence sur les masses sera décidé en dernier lieu dans les entreprises".

Le Congrès de Berlin devient donc celui de la "bolchevisation", et vise la réorganisation du parti afin d'en faire l'instrument des nouvelles exigences, avec de nouveaux statuts qui vont confirmer le rôle des cellules d'entreprises comme centre de rayonnement du KPD.

Conformément aux directives du Kominten, le KPD renforce parallèlement l'initiative vers l'extérieur avec "l'unité prolétarienne". Il s'agit de chercher au travail commun du SPD et du KPD.

Mais le seul succès fut la campagne unitaire dans la lutte quant aux expropriations des princes, où le KPD put, avec la participation du SPD et des syndicats, arriver dans une action commune à repousser les exigences des anciens dominants de l'Etat allemand.

Le référendum contre l'indemnisation des princes ("pas un pfennig pour les princes!") a ainsi été, dans le cadre de la crise sociale, du chômage, de la chute du niveau de vie et de la menace monarchiste grandissante, un appel avec une grande résonance populaire, et une des rares initiatives unissant les différentes fractions du prolétariat pour bloquer la consolidation de la restauration conservatrice.

Le Congrès d'Essen de mars 1927 confirme la ligne prise au Congrès de Berlin, ainsi que la lettre ouverte du Komintem d'août 1925.

Il liquide définitivement l'aile droite qui tentait vainement son travail de fraction (groupe Weber, groupe Korsch-Katz-Schwan, groupe Urbahn, "opposition de Wedding" de Weber).

Le KPD a alors réussi sa bolchévisation.


Progrès du KPD

La bolchévisation réussie, le Parti peut être purgé de ses éléments négatifs.

Dans une nouvelle lettre ouverte du 19 décembre 1928 à propos du "danger de droite" au sein du KPD, le présidium de l'exécutif du Komintern stigmatise le groupe de droite qui s'était donné un propre organe de presse, "à contre-courant".

Organe devant rassembler contre la direction qui ne respecterait pas "la démocratie originelle du parti", à qui est reproché "le liquidationnisme de gauche" et le déviationnisme menchevique.

Contre ces prises de position de la minorité l'exécutif du Komintern accuse: il s'agit d'une rupture des principes du léninisme, et les "réconciliateurs" sont taxés
d'opportunisme.

Deux membres de ces groupes, Hausen et Galm, sont immédiatement exclus du KPD et du Komintern, pendant que Thalheimer et Brandler, membres du Parti Communiste d'Union Soviétique, sont amenés devant la commission de contrôle du PCUS, qui décide de leur exclusion l'année suivante.

De son côté le comité central du KPD exclut quelques jours plus tard Walcher, Frölich et d'autres participants à la minorité des réconciliateurs

Cette victoire arrive à temps, car la stabilité relative de l'économie entre 1924 et 1928 se termine dans la crise de 1929.

La radicalisation qui s'ensuit est le prologue d'une crise décisive du régime: pendant que la social-démocratie est obligé de céder à chaque pression de la bourgeoisie à cause de son rôle dans la "grande coalition' - le plus visible étant la démission de Hilferding de son poste de ministre des finances fin 1929 - le parti communiste peut lui viser à l'organisation des masses populaires.

Le KPD développe alors le RGO, l'opposition syndicale révolutionnaire, et lance une foule d'initiatives.

Mais la bourgeoisie ne compte laisser ses mains libres au KPD, et soutient dès lors fermement le mouvement nazi.



Contre le fascisme, donc contre la social-démocratie

Le mouvement national-socialiste est le fruit de mouvements savamment entretenus par la bourgeoisie allemande; le fait nouveau de sa progression énorme est du au soutien massif en cette période où le KPD est "prêt".

Le KPD est alors "coincé" entre le marteau social-démocrate et l'enclume nazi.

Les nazis occupent la rue et organisent les masses, principalement les classes moyennes.

Le SPD empêche le KPD d'organiser l'ensemble de la classe ouvrière.

Le KPD le sait et l'affirme :

"La social-démocratie est votre ennemi.

La social-démocratie amène le conciliateur et le ministre du travail au capital des trusts.

La social-démocratie a ouvert l'attaque contre les organisations révolutionnaires du prolétariat.

La social-démocratie augmente le poids des impôts du peuple travailleur et les cadeaux à l'Etat capitaliste par sacs d'argent. La social-démocratie laisse construire des cuirassés par votre ministère.

La social-démocratie est la meilleure troupe de défense pour la bourgeoisie allemande, est le bélier le plus large du fascisme et de l'impérialisme" (13 avril 1929, Le Drapeau Rouge).

De fait, le 1er mai 1929 le chef de la police berlinoise, le social-démocrate Zörgiebel, interdit la manifestation.

Le KPD manifeste tout de même et Zörgiebel fait tirer sur les 100.000 manifestants.

Le congrès de Wedding de juin 1929, le KPD réaffirme le rôle de la social-démocratie: celle-ci "prépare comme force organisée active l'installation de la dictature fasciste".

La social-démocratie est le "soutien le plus fort du développement fasciste".

Le KPD a bien compris que le fascisme ne s'écroulera pas de lui-même, qu'il est le produit de la montée de la révolution, de la volonté de la bourgeoisie de s'y opposer.

Le nazisme est le produit de l'aggravation de la lutte des classes. Il faut donc impérativement que le KPD se renforce et détruise les résistances social-démocrates dans le prolétariat. C'est une question de vie ou de mort.

Thälmann dit à ce sujet:

"Parce que les nazis ont pu remporter un important succès électoral, des camarades sous-estiment notre lutte contre le social-fascisme...

En cela s'expriment indubitablement des indices d'une déviation de notre ligne politique qui fait un devoir de diriger le coup principal contre le Parti social-démocrate... Toutes les forces du parti doivent être jetées dans la lutte contre la social-démocratie" (L'Internationale, juillet 1931).

Pourquoi? Parce que :

"aussi longtemps qu'ils ne sont pas délivrés de l'influence des sociaux-fascistes, ces millions d'ouvriers (socialistes) sont perdus pour la lutte antifasciste" (L'Internationale).

L'objectif est clair: gagner à la cause les travailleurs dominés par l'idéologie social-démocrate. Organiser l'union par en-bas, sans dépendre de la direction social-démocrate.


"Dans le stade actuel de fascisation progressive, toute atténuation de notre lutte contre la social-démocratie devient une faute lourde".

Le KPD doit donc combattre les tendances droitières qui considèrent le nazisme comme une simple conséquence de la lutte et nient son importance, comme Heinz Neumann :

"comme si le fascisme n'était que le produit de la décomposition de la bourgeoisie et comme s'il ne représentait pas en même temps un élément de l'attaque de la bourgeoisie contre la classe ouvrière" (Thälmann).

Le KPD organise le Front Rouge, l'Union des Combattants Rouges. Les affrontements sont monnaie courante, cela alors que les S.A. profitent pour se développer de toute l'aide de la bourgeoisie.

En l'espace de trois années, les SA gagnent en effet à eux plus centaines de milliers d'hommes, notamment grâce à l'appui logistique de l'armée et le soutien financier des industriels.

L'antisémitisme, idéologie très forte en Allemagne, joue également énormément en leur faveur.

Il y a en février 1932 six millions de chômeurs. Le KPD mène alors une lutte sur tous les fronts; les manifestations sont quotidiennes. Le RGO organise ainsi 447 grèves rien qu'entre le 16 septembre et le 13 octobre 1932.

Les affrontements avec les nazis sont monnaie courante. Les communistes vont jusqu'à porter la contradiction dans les meetings nazis; le slogan du KPD est "attaquer les fascistes là où on les trouve".

En octobre se forme l'"action antifasciste", afin d'élargir encore plus le front.

Si les nazis deviennent le premier parti en terme de voix en 1932, dès novembre 1932 ils perdent deux millions d'électeurs, ce qui poussa la bourgeoisie à donner le pouvoir à Hitler.

Le SPD refusa alors la grève générale unitaire proposée par le KPD. L'incendie du Reichstag servit alors de prétexte aux nazis pour interdire le KPD ainsi que le SPD et toutes les organisations ouvrières.

Le KPD sous le nazisme

Le KPD avait prévu son passage dans l'illégalité, mais il est clair que le manque d'expérience se fit ressentir, ainsi que la sous-estimation de l'ampleur de la répression.

Né en 1919, juste après l'échec de la révolution spartakiste, il ne put exister que 14 années avant la victoire du nazisme, sans oublier la violence des premières et dernières de ces années.

Le 7 février 1933, Thälmann constatait dans une réunion clandestine du Comité Central du Parti:

"Ainsi, ce n'est pas seulement la destruction de ce qui reste des droits des travailleurs, ce n'est pas seulement l'interdiction du Parti, ce n'est pas seulement la justice de classe fasciste, mais également toutes les formes de la terreur fasciste.

Et au-delà : l'internement en masse des communistes dans les camps de concentration, le lynchage et le meurtre de nos courageux combattants antifascistes, en particulier des dirigeants communistes - tout cela ce sont les armes que la dictature fasciste utilisera contre nous".

Les nazis n'oseront pas assassiner Thälmann. Ils ne le feront qu'en 1944, après l'avoir gardé interné depuis leur victoire.

Les dirigeants locaux du SPD suivirent le mouvement imposé par les nazis. S'il y eut une résistance socialiste, elle n'eut pas la profondeur organisationnelle ni l'ampleur de masse du KPD.

Il ne faut pas sous-estimer le dur travail politique du KPD sous le fascisme. En 1934, à la mort de Hindenburg, pour le referendum quant à savoir si Hitler devait continuer à exercer le pouvoir, sept millions de personnes votèrent non; Goebbels dut reconnaître que Berlin vota non à 45%.

Cela en pleine terreur nazie.

La résistance continuait d'être organisé, de manière ininterrompue. Ainsi en octobre 1935 le KPD tint sa conférence du Parti à Bruxelles, puis début 1939 à Berne.

En 1936 11 000 personnes sont arrêtés pour activité communiste illégale, 8 000 l'année d'après... en 1942, à l'apogée de l'Allemagne nazie, ce seront 9.916 communistes qui seront arrêtés.

Au niveau international, le KPD a profité de l'aide du PC français et du Komintern.

Le Komintern étudia l'expérience du KPD et sa défaite, notamment à conquérir les masses influencées par la social-démocratie. Cela donnera la notion de Front Populaire.

Il faut également souligner le rôle internationaliste du KPD, qui envoya beaucoup de ses militants dans les Brigades Internationales, formant même une colonne: la colonne Thälmann.

ADHERENTS DU KPD
 Année  Adhérents
 1919  106.656
 1920   66.623
 1921  359.000
 1922  224.000
1926   144.000
 1929  124.000
 1930  123.000
 1931  213.000
 1932  252.000

 

SIEGES AU PARLEMENT

  mai
1928

  septembre 1930

  juillet 1932

  novembre 1932

  mars 1933
 KPD

  54

  77

  89

 100

  81
SPD

 153

 143

 133

 121

 120
 NSDAP

 12

107

 230

 196

 288


ORGANISATION DU KPD EN 1930

 COMITE CENTRAL

supervise

 24 divisions

supervise

186 sous-divisions

supervise

 872 groupes locaux
avec cellules

3537 groupes locaux 

 336 groupes de quartier, 646 domaines de travail

supervise
 2824 cellules par rues  1524 cellules d'entreprise  57 cellules à la campagne  cellules de rues  cellules d'entreprise