HISTOIRE DU PARTI
COMMUNISTE D'ALLEMAGNE
Rosa
Luxemburg contre la guerre
et la fondation de Spartakus
Lors de la première guerre mondiale impérialiste,
les opposants ne surent pas s'organiser aussi bien que ceux et
celles de Russie.
A l'opposé des Bolchéviks,
déjà rompus à l'illégalité,
possédant une organisation centralisée et une importante
presse, Rosa Luxemburg, la principale théoricienne du
mouvement, a une position plus spontanéiste et a sous-estimé
la social-démocratie.
Ainsi, les révolutionnaires
ne sont pas prêts à s'opposer à la guerre,
et doivent même s'organiser dans ce contexte difficile.
Rosa Luxemburg est arrêtée
dès le 18 février 1915, et les révolutionnaires
durement touchés ne sortent que le 15 avril 1915 "Die
Internationale", "revue mensuelle pour la pratique
et la théorie du marxisme".
Rosa Luxemburg dit:
"L'Internationale comme
une paix, qui exprime les intérêts du prolétariat
, ne peut naître que de l'auto-critique du prolétariat,
dans la conscience de son propre pouvoir, ce pouvoir, qui le
4 août s'est plié comme un roseau chancelant est
battu par la tempête, mais qui se dresse à sa véritable
taille, qui est appelé historiquement à renverser
les chênes de l'injustice sociale vieux de mille ans et
à déplacer des montagnes.
La voie vers ce pouvoir, - et
non pas des résolutions sur du papier - est en même
temps la voie à la paix et la reconstruction de l'Internationale".
Le premier numéro de la revue
restera néanmoins également le dernier jusqu'en
1919, car les autorités militaires avaient immédiatement
interdits sa diffusion.
Le second numéro ne sortira
que le 30 mai 1919, alors que leurs principaux fondateurs, Rosa
Luxemburg et Karl Liebknecht, étaient déjà
tombés sous les coups de la contre-révolution.
Le groupe "Die Internationale" participera début
1915 à la conférence de Zimmerwald, et à
la conférence de Kienthal huit mois plus tard.
Le 1er janvier 1916 a lieu la première
conférence nationale du groupe, où il est décidé
de se donner au point de vue organisationnel un certaine autonomie
et de sortir un propre journal.
C'est la naissance des lettres de
Spartacus.
Il s'agit en fait de lettres politiques
signées symboliquement Spartakus, lettres dont l'impression
est opérationnel à partir de septembre 1916.
Le groupe tente de développer
ses positions dans la social-démocratie, où les
rares oppositionnels à la guerre ne possèdent pas
de ligne cohérente.
Et comme le souligne Luxemburg:
"La première présupposition
pour toute capacité d'action sérieuse" ne
peut être que l'unité des principes, plus exactement
une volonté révolutionnaire".
(Lettres de Spartakus).
Le d'ordre sera par conséquent
:
"Non pas "unité",
mais clarté sur tout".
Malgré le soutien d'autres
groupes, qui diffusent les lettres, comme les "Bremer Linken"
(les gauches de Breme) et le groupe autour de Julian Borchardt,
le groupe Spartakus ne sort pas du milieu de la social-démocratie,
il ne se pose pas la question de la formation d'un nouveau parti
ouvrier.
Le 3O mars 1916, on peut même
lire dans une lettre de Spartakus: "tout est en jeu: la
lutte pour le parti, non pas contre le parti".
Il est néanmoins obligé
de rejoindre le terrain des masses s'il veut exister, tout en
étant toujours persuadé d'avoir à regagner
le parti.
"Le slogan ce n'est pas
division ou unité, non pas ancien ou nouveau parti, mais
la reconquête du parti par en-bas par la rébellion
des masses, qui doivent prendre dans leurs propres mains les
organisations et leurs moyens, non pas avec des mots, mais avec
les actes de la rébellion.
La lutte décisive pour le parti a commencé".
(Lettres de Spartakus).
La rupture avec la social-démocratie
n'est ainsi pas menée comme elle l'est en Russie. Rosa
Luxemburg ne se fait pourtant pas d'illusion sur la direction
de la social-démocratie.
Elle constate avec une ironie amère
dans sa brochure "La crise de la social-démocratie"
qu'avec la direction social-démocrate "Hindenburg
est devenu l'exécuteur testamentaire de Marx et Engels".
La direction social-démocrate
se revendique en effet toujours du socialisme, de Marx et d'Engels.
Mais que Rosa Luxemburg ne travaille
toujours pas à la fondation d'un véritable parti
révolutionnaire, elle compte sur "la capacité
d'action des masses prolétariennes dans la lutte contre
l'impérialisme".
Les choses vont s'accélérer
lorsque le 24 mars 1916 la direction de la social-démocratie
décide d'exclusions contre les oppositions.
En réaction à cela,
le 1er mai, le groupe Spartakus organise une manifestation pacifiste.
Et le 28 juin les métallos
de Berlin rentrent en grève en solidarité avec
Liebknecht arrêté et en procès à cause
de la manifestation du premier mai.
Puis a lieu le 7 janvier 1917 une
conférence des oppositions sociaux-démocrates,
où les représentants de Spartakus ne décident
toujours pas de rompre avec la social-démocratie.
Il faudra qu'une partie du SPD,
le parti social-démocrate, scissionne et fonde l'USPD
(SPD indépendant) pour que Spartakus rejoigne ce groupe.
La guerre devenant de plus en plus
un échec pour l'Allemagne et la situation économique
s'effondrant, une vague révolutionnaire se développe.
Les vagues de grèves des métallos de Berlin, Leipzig
et d'autres villes contre la guerre et la faim, avec l'influence
du début de la révolution de février en
Russie (avec les mutineries) semblent ouvrir de nouvelles perspectives
révolutionnaires.
Mais Spartakus n'est pas assez fort,
ni sur le plan idéologique ni sur le plan organisationnel.
Les révolutionnaires tentent alors le saut qualitatif.
Le 7 octobre 1918, à la conférence
nationale du groupe Spartakus et des radicaux de gauches de Brème
est posé concrètement la question de la révolution
allemande, et plus précisément la question de l'appel
à "une république socialiste allemande qui
soit solidaire de la république soviétique russe".
Il s'agit de lancer le principe
des Conseils partout.
En novembre c'est la révolution,
la monarchie s'écroule, la république est déclarée.
Ce n'est qu'alors que Spartakus passe du statut de "groupe"
à celui de "Ligue", en tant que KPD - Ligue
Spartakus.
Dans le bulletin "Le Drapeau
Rouge" on peut lire que "L'histoire est la seule vraie
donneuse de leçons, la révolution est la meilleure
école du prolétariat".
Le KPD, le PC d'Allemagne, naît
avec la révolution. Et tente immédiatement, avec
l'aile gauche de l'USPD, de déborder l'Etat bourgeois,
dans les deux premières semaines de janvier 1919.
Mais les "spartakistes"
n'arrivent en fait à guider politiquement qu'une petite
partie des masses; les révolutionnaires sont isolés
dans les Conseils s'étant formés à la révolution.
Et lors des violents affrontements
armés, alors que le tout nouveau PC d'Allemagne tente
que la nouvelle république soit socialiste, Rosa Luxemburg
et Karl Liebknecht sont assassinés (le 15 janvier 1919).
Meurent aussi Mehring et Jogiches.
En mai 1919 c'est la république
des Conseils de Bavière, guidée par Kurt Eisner,
qui est écrasée. C'est la fin de la vague révolutionnaire.
Comme l'a constaté Rosa Luxemburg:
"Ce que nous avons vécu
le 9 novembre était pour les 3/4 plus l'écroulement
de l'impérialisme existant que la victoire d'un nouveau
principe".
Le KPD commence donc avec la perte
de ses principaux dirigeants : Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.
Les débuts du KPD
Dans cette situation difficile se
tient en octobre 1919 le second congrès du KPD, qui perd
la moitié de ses 100.000 membres acquis avec la révolution.
Puis en décembre 1920, après
le congrès d'octobre de l'USPD, au lieu la fusion de l'aile
gauche de l'USPD et du KPD, sous le terme de VKPD (KPD unifié),
qui redeviendra par la suite KPD, le Parti regagne le terrain
perdu et a 300.000 membres.
Mais à ce moment-là,
le KPD n'avait pas les moyens, ni la maturité, pour prendre
et garder une influence, un rôle principal dans le prolétariat
allemand.
De plus la réaction s'était
organisée, prise de panique après la révolution
en Russie; les années 1920 sont marquées par les
tentatives de putsch.
La social-démocratie est
également opposée à la révolution.
En janvier 1920 la social-démocratie fait tirer sur la
foule, faisant une quarantaine de morts, et interdit la presse
du KPD.
Cela n'empêche le KPD de tenir
en février 1920 son troisième congrès, malgré
l'illégalité, et l'armée rouge d'écraser
une tentative de putsch dans la Ruhr.
Mais la grande grève générale
de 1921, où la lutte armée des travailleurs est
généralisée lorsque la police veut désarmer
les masses, marque les limites du Parti, dont la direction oscille
entre capitulation et gauchisme.
Un premier pas contre le gauchisme
est fait avec l'adhésion définitive du KPD à
l'Internationale Communiste.
Une partie du KPD scissionne et
fonde le KAPD, le KPD ouvrier, qui refuse le bolchévisme,
et s'effondre très vite.
Peut alors être mis en avant
le thème du "gouvernement ouvrier".
Le KPD occupe en fait également
la tribune parlementaire, afin de développer ses thèses
et de donner son point de vue sur des problèmes essentiels
de la vie publique: du refus du traité de Versailles jusqu'à
la dénonciation permanente de la crise économique,
en passant par la lutte contre la politique financière
du gouvernement bourgeois ou social-démocrate et libéral-bourgeois
et le refus que ce soient les travailleurs qui aient à
payer le plan Dawes et Young (touchant les réparations
aux pays vainqueurs).
Il y a également le combat
contre l'accord de Locamo, qui consiste en l'intégration
de l'Allemagne dans la politique impérialiste, et bien
sûr le remilitarisation de l'Allemagne.
Et si au niveau parlementaire le
jeune KPD est faible, il avait une importance plus grande dans
les parlements régionaux (Länderparlamenten), où
il était arrivé avoir une position forte, notamment
en Saxe, en Thuringe et en Prusse.
Il y avait cette conception, cette
tactique (très débattue) qu'il était possible
d'accumuler des forces, des moyens, des bases, à la périphérie
pour pouvoir par la suite renverser l'Etat bourgeois.
La discussion quant à un
gouvernement ouvrier avait un grand écho, parce
qu'elle était une attaque directe de la situation politique
et qu'elle posait la question de la lutte et de la conquête
du pouvoir.
C'est ainsi une conséquence
des élections en Saxe et en Thuringe où entre 1921
et 1922 le SPD et l'USPD s'étaient imposé dans
ces deux régions et formaient un gouvernement de coalition.
Le soutien "de l'extérieur"
du KPD au gouvernement devait lui permettre de sortir de l'isolement,
mais renforça l'aile opportuniste et excita l'aile gauchiste
en son sein.
L'assassinat du ministre des affaires étrangères
Rathenau le 24 juin 1922 donna une nouvelle impulsion à
la campagne unitaire, qui échoua. Le SPD avait englouti
les restes de l'USPD et s'opposait en tout au KPD.
Le KPD continua néanmoins
sa politique.
Sur l'initiative de Brandler et
contre l'opposition de gauche de Maslow et Fischer le Congrès
de Leipzig en janvier
1923 confirme la directive d'agitation pour un gouvernement ouvrier,
pour un "gouvernement des partis ouvriers qui fait la tentative
de mener contre la bourgeoisie une politique
prolétarienne par la décharge des poids sur la
classe possédante, tandis que la politique de coalition
du SPD jusqu'à présent n'a mené qu'à
la décharge des poids sur la classe ouvrière".
Après une nouvelle crise
du gouvernement social-démocrate en Saxe et la chute du
gouvernement du même type en Thuringe, le KPD réussit
à reproposer le gouvernement ouvrier et rentrent à
la mi-octobre dans le gouvernement de
Zeigner en Saxe et celui de Frölich en Thuringe.
Deux semaines plus tard le Reich
vire manu militari les deux gouvernements.
Le KPD tente alors l'insurrection
généralisée dans le pays. La révolte
qui s'en suivit en Allemagne centrale et à Hambourg fut
écrasée dans la violence pendant que Hitler, avec
la complicité du général Ludendorff tentait
en Bavière sa première prise de pouvoir.
Le 23 novembre le général
von Seeckt, qui a les pleins pouvoirs donnés par le gouvernement,
interdit le KPD.
Après l'échec de la
révolution de novembre et de l'action de mars, la tactique
du gouvernement ouvrier avait donc aussi mené à
une défaite.
Le
KPD et la bolchevisation
Le KPD et le Komintern furent donc
ces mois-ci fortement occupés à la correction de
la tactique employée; il était nécessaire,
d'autant plus que la période de stabilisation d'après-guerre
se finissait, d'établir les positions du KPD dans le prolétariat
sur de nouvelles bases.
Le Congrès de Francfort en
avril 1924 amène une nouvelle direction, celle de Fischer
et Maslow, qui se sont imposés grâce à leur
critique de la direction précédente.
Mais après avoir liquidé
les gauchistes (maximalistes), c'est au tour des droitiers (philo-trotskystes)
d'être liquidé pour fractionnisme : Brandler et
Thalheirner en sont les dirigeants.
Existe alors un KPD-O (O pour opposition),
qui disparaît très vite.
Mais la ligne de la nouvelle direction
est également fausse, elle représente le pendant
droitier de la période précèdent.
Une nouvelle direction arrive alors,
celle de Thälmann et Dengel.
A partir de là le KPD s'est
formé sur une ligne solide, par la liquidation de deux
tendances erronées :
- La ligne gauchiste prônant
la révolution comme en 1919 et voulant focaliser son travail
sur le SPD, suivant la ligne exigée par le Komintern:
"Parlons moins du fait que le KPD soit l'unique parti ouvrier!
Agissons plus de manière telle que... dans les usines
la majorité des travailleurs nous soit gagné".
- La ligne droitière, qui
s'oppose à la bolchévisation; comme l'affirme le
Komintern : "On doit saisir la simple vérité
que la lutte du parti communiste et de la social-démocratie
pour l'influence sur les masses sera décidé en
dernier lieu dans les entreprises".
Le Congrès de Berlin devient donc celui de la "bolchevisation",
et vise la réorganisation du parti afin d'en faire l'instrument
des nouvelles exigences, avec de nouveaux statuts qui vont confirmer
le rôle des cellules d'entreprises comme centre de rayonnement
du KPD.
Conformément aux directives
du Kominten, le KPD renforce parallèlement l'initiative
vers l'extérieur avec "l'unité prolétarienne".
Il s'agit de chercher au travail commun du SPD et du KPD.
Mais le seul succès fut la
campagne unitaire dans la lutte quant aux expropriations des
princes, où le KPD put, avec la participation du SPD et
des syndicats, arriver dans une action commune à repousser
les exigences des anciens dominants de l'Etat allemand.
Le référendum contre
l'indemnisation des princes ("pas un pfennig pour les princes!")
a ainsi été, dans le cadre de la crise sociale,
du chômage, de la chute du niveau de vie et de la menace
monarchiste grandissante, un appel avec une grande résonance
populaire, et une des rares initiatives unissant les différentes
fractions du prolétariat pour bloquer la consolidation
de la restauration conservatrice.
Le Congrès d'Essen de mars
1927 confirme la ligne prise au Congrès de Berlin, ainsi
que la lettre ouverte du Komintem d'août 1925.
Il liquide définitivement
l'aile droite qui tentait vainement son travail de fraction (groupe
Weber, groupe Korsch-Katz-Schwan, groupe Urbahn, "opposition
de Wedding" de Weber).
Le KPD a alors réussi sa
bolchévisation.
Progrès
du KPD
La bolchévisation réussie,
le Parti peut être purgé de ses éléments
négatifs.
Dans une nouvelle lettre ouverte
du 19 décembre 1928 à propos du "danger de
droite" au sein du KPD, le présidium de l'exécutif
du Komintern stigmatise le groupe de droite qui s'était
donné un propre organe de presse, "à contre-courant".
Organe devant rassembler contre la direction qui ne respecterait
pas "la démocratie originelle du parti", à
qui est reproché "le liquidationnisme de gauche"
et le déviationnisme menchevique.
Contre ces prises de position de
la minorité l'exécutif du Komintern accuse: il
s'agit d'une rupture des principes du léninisme, et les
"réconciliateurs" sont taxés
d'opportunisme.
Deux membres de ces groupes, Hausen
et Galm, sont immédiatement exclus du KPD et du Komintern,
pendant que Thalheimer et Brandler, membres du Parti Communiste
d'Union Soviétique, sont amenés devant la commission
de contrôle du PCUS, qui décide de leur exclusion
l'année suivante.
De son côté le comité
central du KPD exclut quelques jours plus tard Walcher, Frölich
et d'autres participants à la minorité des réconciliateurs
Cette victoire arrive à temps,
car la stabilité relative de l'économie entre 1924
et 1928 se termine dans la crise de 1929.
La radicalisation qui s'ensuit est
le prologue d'une crise décisive du régime: pendant
que la social-démocratie est obligé de céder
à chaque pression de la bourgeoisie à cause de
son rôle dans la "grande coalition' - le plus visible
étant la démission de Hilferding de son poste de
ministre des finances fin 1929 - le parti communiste peut lui
viser à l'organisation des masses populaires.
Le KPD développe alors le
RGO, l'opposition syndicale révolutionnaire, et lance
une foule d'initiatives.
Mais la bourgeoisie ne compte laisser
ses mains libres au KPD, et soutient dès lors fermement
le mouvement nazi.
Contre
le fascisme, donc contre la social-démocratie
Le mouvement national-socialiste est le fruit de mouvements savamment
entretenus par la bourgeoisie allemande; le fait nouveau de sa
progression énorme est du au soutien massif en cette période
où le KPD est "prêt".
Le KPD est alors "coincé"
entre le marteau social-démocrate et l'enclume nazi.
Les nazis occupent la rue et organisent
les masses, principalement les classes moyennes.
Le SPD empêche le KPD d'organiser
l'ensemble de la classe ouvrière.
Le KPD le sait et l'affirme :
"La social-démocratie
est votre ennemi.
La social-démocratie amène
le conciliateur et le ministre du travail au capital des trusts.
La social-démocratie a ouvert
l'attaque contre les organisations révolutionnaires du
prolétariat.
La social-démocratie augmente
le poids des impôts du peuple travailleur et les cadeaux
à l'Etat capitaliste par sacs d'argent. La social-démocratie
laisse construire des cuirassés par votre ministère.
La social-démocratie est
la meilleure troupe de défense pour la bourgeoisie allemande,
est le bélier le plus large du fascisme et de l'impérialisme"
(13 avril 1929, Le Drapeau Rouge).
De fait, le 1er mai 1929 le chef
de la police berlinoise, le social-démocrate Zörgiebel,
interdit la manifestation.
Le KPD manifeste tout de même
et Zörgiebel fait tirer sur les 100.000 manifestants.
Le congrès de Wedding de
juin 1929, le KPD réaffirme le rôle de la social-démocratie:
celle-ci "prépare comme force organisée active
l'installation de la dictature fasciste".
La social-démocratie est le "soutien le plus fort
du développement fasciste".
Le KPD a bien compris que le fascisme
ne s'écroulera pas de lui-même, qu'il est le produit
de la montée de la révolution, de la volonté
de la bourgeoisie de s'y opposer.
Le nazisme est le produit de l'aggravation
de la lutte des classes. Il faut donc impérativement que
le KPD se renforce et détruise les résistances
social-démocrates dans le prolétariat. C'est une
question de vie ou de mort.
Thälmann dit à ce sujet:
"Parce que les nazis ont pu
remporter un important succès électoral, des camarades
sous-estiment notre lutte contre le social-fascisme...
En cela s'expriment indubitablement
des indices d'une déviation de notre ligne politique qui
fait un devoir de diriger le coup principal contre le Parti social-démocrate...
Toutes les forces du parti doivent être jetées dans
la lutte contre la social-démocratie" (L'Internationale,
juillet 1931).
Pourquoi? Parce que :
"aussi longtemps qu'ils ne
sont pas délivrés de l'influence des sociaux-fascistes,
ces millions d'ouvriers (socialistes) sont perdus pour la lutte
antifasciste" (L'Internationale).
L'objectif est clair: gagner à
la cause les travailleurs dominés par l'idéologie
social-démocrate. Organiser l'union par en-bas, sans dépendre
de la direction social-démocrate.
"Dans le stade actuel de fascisation progressive, toute
atténuation de notre lutte contre la social-démocratie
devient une faute lourde".
Le KPD doit donc combattre les tendances
droitières qui considèrent le nazisme comme une
simple conséquence de la lutte et nient son importance,
comme Heinz Neumann :
"comme si le fascisme n'était
que le produit de la décomposition de la bourgeoisie et
comme s'il ne représentait pas en même temps un
élément de l'attaque de la bourgeoisie contre la
classe ouvrière" (Thälmann).
Le KPD organise le Front Rouge,
l'Union des Combattants Rouges. Les affrontements sont monnaie
courante, cela alors que les S.A. profitent pour se développer
de toute l'aide de la bourgeoisie.
En l'espace de trois années,
les SA gagnent en effet à eux plus centaines de milliers
d'hommes, notamment grâce à l'appui logistique de
l'armée et le soutien financier des industriels.
L'antisémitisme, idéologie
très forte en Allemagne, joue également énormément
en leur faveur.
Il y a en février 1932 six
millions de chômeurs. Le KPD mène alors une lutte
sur tous les fronts; les manifestations sont quotidiennes. Le
RGO organise ainsi 447 grèves rien qu'entre le 16 septembre
et le 13 octobre 1932.
Les affrontements avec les nazis
sont monnaie courante. Les communistes vont jusqu'à porter
la contradiction dans les meetings nazis; le slogan du KPD est
"attaquer les fascistes là où on les trouve".
En octobre se forme l'"action
antifasciste", afin d'élargir encore plus le front.
Si les nazis deviennent le premier
parti en terme de voix en 1932, dès novembre 1932 ils
perdent deux millions d'électeurs, ce qui poussa la bourgeoisie
à donner le pouvoir à Hitler.
Le SPD refusa alors la grève
générale unitaire proposée par le KPD. L'incendie
du Reichstag servit alors de prétexte aux nazis pour interdire
le KPD ainsi que le SPD et toutes les organisations ouvrières.
Le
KPD sous le nazisme
Le KPD avait prévu son passage
dans l'illégalité, mais il est clair que le manque
d'expérience se fit ressentir, ainsi que la sous-estimation
de l'ampleur de la répression.
Né en 1919, juste après
l'échec de la révolution spartakiste, il ne put
exister que 14 années avant la victoire du nazisme, sans
oublier la violence des premières et dernières
de ces années.
Le 7 février 1933, Thälmann
constatait dans une réunion clandestine du Comité
Central du Parti:
"Ainsi, ce n'est pas seulement
la destruction de ce qui reste des droits des travailleurs, ce
n'est pas seulement l'interdiction du Parti, ce n'est pas seulement
la justice de classe fasciste, mais également toutes les
formes de la terreur fasciste.
Et au-delà : l'internement en masse des communistes dans
les camps de concentration, le lynchage et le meurtre de nos
courageux combattants antifascistes, en particulier des dirigeants
communistes - tout cela ce sont les armes que la dictature fasciste
utilisera contre nous".
Les nazis n'oseront pas assassiner
Thälmann. Ils ne le feront qu'en 1944, après l'avoir
gardé interné depuis leur victoire.
Les dirigeants locaux du SPD suivirent
le mouvement imposé par les nazis. S'il y eut une résistance
socialiste, elle n'eut pas la profondeur organisationnelle ni
l'ampleur de masse du KPD.
Il ne faut pas sous-estimer le dur
travail politique du KPD sous le fascisme. En 1934, à
la mort de Hindenburg, pour le referendum quant à savoir
si Hitler devait continuer à exercer le pouvoir, sept
millions de personnes votèrent non; Goebbels dut reconnaître
que Berlin vota non à 45%.
Cela en pleine terreur nazie.
La résistance continuait
d'être organisé, de manière ininterrompue.
Ainsi en octobre 1935 le KPD tint sa conférence du Parti
à Bruxelles, puis début 1939 à Berne.
En 1936 11 000 personnes sont arrêtés
pour activité communiste illégale, 8 000 l'année
d'après... en 1942, à l'apogée de l'Allemagne
nazie, ce seront 9.916 communistes qui seront arrêtés.
Au niveau international, le KPD
a profité de l'aide du PC français et du Komintern.
Le Komintern étudia l'expérience
du KPD et sa défaite, notamment à conquérir
les masses influencées par la social-démocratie.
Cela donnera la notion de Front Populaire.
Il faut également souligner
le rôle internationaliste du KPD, qui envoya beaucoup de
ses militants dans les Brigades Internationales, formant même
une colonne: la colonne Thälmann.
ADHERENTS
DU KPD
Année |
Adhérents |
1919 |
106.656 |
1920 |
66.623 |
1921 |
359.000 |
1922 |
224.000 |
1926 |
144.000 |
1929 |
124.000 |
1930 |
123.000 |
1931 |
213.000 |
1932 |
252.000 |
SIEGES
AU PARLEMENT
|
mai
1928 |
septembre 1930 |
juillet 1932 |
novembre 1932 |
mars 1933 |
KPD |
54 |
77 |
89 |
100 |
81 |
SPD |
153 |
143 |
133 |
121 |
120 |
NSDAP |
12 |
107 |
230 |
196 |
288 |
ORGANISATION DU KPD EN 1930
supervise
supervise
supervise
872 groupes locaux
avec cellules |
3537 groupes locaux |
336 groupes de quartier,
646 domaines de travail |
supervise
2824 cellules par rues |
1524 cellules d'entreprise |
57 cellules à la campagne |
cellules de rues |
cellules d'entreprise |
|