Histoire du Parti
Communiste d'Autriche
Vers la naissance
du KPÖ
Comme dans tous les pays sauf en
Russie, le mouvement révolutionnaire d'Autriche naît
de la compréhension de la nature de la première
guerre impérialiste mondiale.
Dans l'Autriche-Hongrie, les sociaux-démocrates
avaient déjà développé une option
réformiste - connue internationalement sous le terme d'austro-marxisme
- ainsi qu'une opposition au droit des peuples à l'auto-détermination.
L'Autriche-Hongrie, cette autre
prison des peuples avec la Russie, était quasiment comprise
comme un pas en avant vers l'unité des nations.
Anny
GRÄF
28.3.1925-11.1.1944
De nombreux groupes se formèrent
néanmoins contre la ligne générale :
- de l'association Karl Marx et
Friedrich Adler,
- les gauches au sein du SPÖ
(parti social-démocrate), Max Adler, Th.Schlesinger, R.
Dannenberg, G. Proft...
-les extrémistes de gauche
avec Koritschoner, Ströhmer, Schönfelder...
- les jeunes extrémistes
de gauches à l'intérieur et l'extérieur
de l'union des jeunes travailleurs, avec Richard Schüller,
Hexmann, Fabri, Bauernasax..
- les gauches de Reichenberger avec
Kreibich et Strasser
- les internationalistes avec Rothziegel,
Dickmann, Wertheim, etc...
- le Poale Zion (organisation des
travailleurs juifs socialistes) avec Kohn, Nagler...
- le groupe communiste avec Steinhardt,
Friedländer...
- "l'union libre des étudiants
socialistes".
C'est à partir de tous ces
groupes que se sont recrutés les premiers membres du parti.
En tant que tel les groupes communistes
ne se développeront qu'après Octobre 1917, notamment
avec le retour des prisonniers de guerre autrichiens de Russie.
Ce mouvement se combina à
l'action d'un "comité d'action d'extrême-gauche"
s'étant formé courant 1917 à l'occasion
d'une grande grève de métallurgistes.
Dès 1918, après la
grève de janvier, paraît un organe de presse, "Le
réveil", qui est immédiatement interdit, obligeant
au développement d'une activité illégale,
culminant avec une première conférence en juin
1918, rassemblant 150 personnes.
Est alors très clairement
ressenti la nécessité d'une organisation plus solide,
le Parti Communiste, qui est formé le 3 novembre 1918,
à partir de groupes ouvriers, d'intellectuels, de jeunes,
de soldats, avec comme organe "Le réveil".
L'Autriche-Hongrie s'effondrant
avec la défaite, 9 jours plus tard la république
allemande autrichienne était proclamée, et devant
le Parlement on pouvait voir les banderoles appelant à
une république des Conseils.
Jura
SOYFER
8.12.1912-16.2.1939
Les débuts
du KPÖ
"Le réveil", organe
central du KPÖ, sort deux fois par semaines, mais les numéros
1 et 2 furent entièrement saisi par l'Etat, et c'est seulement
à partir du numéro 3 que les travailleurs purent
l'avoir dans les mains, le 15.11.1918.
Est immédiatement fait appel
à la formation de conseils de travailleurs et de soldats.
Le KPÖ réclame en fait
dès le jour de l'annonce de la république qu'elle
soit nommé la république socialiste des conseils.
Elle attaque également la
social-démocratie d'avoir trahie, car "cela aurait
été possible de donner le pouvoir aux conseils,
et ce sans effusion de sang..." (Le réveil, 15 novembre
1918).
La lutte pour le pouvoir aux conseils
resta longtemps la question principal et décisive. Les
journalistes sociaux-démocrates ne discutaient eux pas
de la possibilité d'une république autrichienne
des conseils, car ils considéraient que "La classe
ouvrière autrichienne possède depuis novembre 1918
le pouvoir d'à chaque heure ériger la dictature
des conseils". "La moitié de la révolution
éveille les volontés de la révolution totale...".
Telle n'est pas la position du KPÖ,
qui veut que le mouvement continue jusqu'au bout.
Dans les "principes de la république
communiste" est réclamé un "gouvernement
socialiste sans aile droite" et le droit pour tous de travailler.
Il faut que le prolétariat "agisse vite".
La situation est considérée
comme révolutionnaire et les membres du KPÖ considèrent
qu'il faut agir le plus vite possible. L'influence du "comité
d'action d'extrême-gauche" ayant rejoint le Parti
se fit de plus en plus sentir.
A cela s'ajoute l'existence d'un
autre courant, formé par la "fédération
de l'Internationale des socialistes révolutionnaires",
qui se prononce contre le parti, prônant l'unité
des socialistes et considérant que les conditions pour
la formation d'un nouveau parti ne sont pas là.
Et qui plus est, le KPÖ essentiellement
urbain à ses débuts, voit son élargissement
vers la province se heurter lui à l'Etat et aux dirigeants
sociaux-démocrates.
Le KPÖ développe alors
une ligne d'ultra-gauche, fondée sur la considération
que la situation est encore révolutionnaire.
Cela fut également permis
par la situation internationale: en Hongrie le développement
des Conseils tourne vite à l'insurrection.
L'assassinat de Rosa Luxemburg et
de Karl Liebknecht avait qui plus est créé un grand
émoi dans la classe ouvrière autrichienne.
Leopoldine
SICKA
20.11.1924-11.1.1944
La ligne est alors celle de l'appel
continu à la révolution et le rejet de toute participation
au Parlement.
Nombre de prisonniers de guerre
de Russie étaient en accord, comme Duda: "ne voyons
dans le rassemblement national rien d'autre que l'instrument
parlementaire dans les mains de la bourgeoisie exploitrice, avec
lequel elle peut étouffer les revendications révolutionnaires
du prolétariat".
"Le réveil" changea de nom: il devint "La
révolution sociale"; l'Etat interdit immédiatement
la brochure "que veut le KPÖ?".
Les effectifs restèrent en
conséquence faible: un bon millier de militants à
Vienne, une centaine à Salzbourg, une cinquantaine à
Klagenfurt, un peu moins de 300 à Graz...
La jeunesse communiste prolétarienne
avait 400 membres; "Le soldat rouge", revue faite par
le comité des soldats révolutionnaires, partait
à 6 000 exemplaires.
La ligne avait immédiatement
été internationaliste, puisque même avant
la naissance du Komintern le KPÖ se considérait "comme
une partie de l'union internationale des communistes".
Cette ligne permit le développement
d'un travail solide. Le journal fut critiqué pour son
statut de "tract", et le manque de place pour des fondements
théoriques; les statuts exigeaient des membres "l'activité
et la discipline de parti".
La question du rapport avec la social-démocratie
fut alors essentiel.
Si un délégué
demanda l'opposition active à la social-démocratie,
Rothziegel affirma que "nous devons toujours mettre notre
but communiste en avant et non pas considérer la lutte
contre les dirigeants de la social-démocratie comme point
principal".
Pourtant la social-démocratie
s'oppose formellement au mouvement des conseils.
Walter
KÄMPF
12.9.1920-2.11.1943
Friedrich Adler dit ainsi que "La
république des conseils c'est la rupture avec l'entente,
la dénonciation du cessez-le-feu, la renonciation à
la paix proche, la renonciation à tout aide économique
des puissances de l'Entente et de l'Amérique, la reprise
de la guerre contre l'Entente...".
Le KPÖ développe par
conséquent l'agitation, organisant manifestations et rassemblements.
En mars 1919 est fondé le
"Prukopnik svobody", organe des communistes de la minorité
tchèque en Autriche.
Le 18 avril, lors d'un rassemblement
en faveur de la république des conseils devant le Parlement,
la police tire dans le tas, c'est le bain de sang.
L'Etat accuse qui plus est le KPÖ
d'insurrection et accentue la répression.
De fait le KPÖ organise la
solidarité avec la république hongroise des conseils.
Des cercles de soldats partent, une centaine de volontaires s'engagent
dans l'armée rouge hongroise.
Le premier mai, des représentants
de Hongrie et de Bavière (où il y a une république
des conseils guidée par Kurt Eisner) ainsi que de l'Internationale
Communiste participent à la fête.
Le 4 et 5 mai 1919 a lieu le première
conférence communiste des conseils de travailleurs.
Il est notamment dit que le passage
d'une société à une autre ne se limite pas
à un saut violent. Les moyens pacifiques sont
à utiliser tant que cela est possible. C'est un compromis
avec l'aile droite du Parti. Par la suite la fédération
internationale des socialistes révolutionnaires rejoint
le parti.
Pourtant de l'autre côté
la démocratie parlementaire est toujours rejeté,
ce sont les conseils qui doivent avoir tout le pouvoir politique
et économique.
Si cette ligne est théoriquement
correcte, elle est tactiquement fausse, et isole le KPÖ.
Et après que le KPÖ
ait appelé à une manifestation pour le 15 juin,
dès le 14, 115 cadres sont arrêtés par la
police.
Lorsque le 15 les manifestants exigent leur libération
la police tire (20 morts et 80 blessés).
Mais malgré cette preuve
de la volonté de la bourgeoisie d'en finir avec la menace
rouge, le KPÖ, comme Béla Kun, se font une fausse
idée de la situation en Autriche et voient la révolution
comme immédiatement possible, sans même croire à
la volonté de résistance armée de la bourgeoisie.
Leopoldine
KOVARIK
5.2.1919-2.11.1943
Le KPÖ stabilise
ses positions
La deuxième conférence
des conseils de travailleurs du 30.6. au 6.7.1919 fut dominé
par le conflit entre les sociaux-démocrates et les communistes.
La social-démocratie voulait
modifier le caractère des conseils, en les cooptant dans
le parti ou les syndicats. Alors que le KPÖ prônait
une radicalisation et le refus du traité de paix avec
les impérialistes.
Ce traité, avec la gestion
forcée par l'Entente qu'il présuposait, qui plus
est pour une période de 30 ans, "rend impossible
toute socialisation".
Mais le KPÖ subit là
un échec, qui se cumule aux défaites à la
frontière de l'Autriche, en Bavière et en Hongrie.
Alors, prônant toujours le
désarmement de la police, l'élargissement des compétences
des conseils, il considère désormais positivement
les lois sociales.
De plus, la prise du pouvoir par
la violence est atténuée, au sens où le
KPÖ exprime bien son souhait d'éviter l'effusion
de sang et le fait que le pouvoir ne sera pris qu'avec la majorité
du prolétariat.
Cette ligne n'est en fait que le
passage de l'ultra-gauche à la droite, de l'idéalisme
à la capitulation.
La phraséologie reste bien
sûr de gauche : en 1921 on affirme dans "Que veut
le KPÖ ?" (série de 1921, par opposition à
la série précédente, de 1919) que "la
lutte ne sera pas décidé le bulletin de vote à
la main, mais c'est avec des poings armés que le peuple
travailleur fondera son pouvoir...".
La ligne sectaire d'ultra-gauche
reste également: le parlementarisme est rejeté,
permettant aux sociaux-démocrates de recevoir 40.76% des
voix, et de former une coalition avec les sociaux-chrétiens
(23,12%) jusqu'en 1920.
Le mouvement des conseils est alors
liquidé progressivement par la social-démocratie,
même s'il y a des résistances.
Ainsi le 23.7.1919 a lieu la plus
grande grève menée jusque là à Vienne,
Décidée par les conseils et visant à protester
contre les interventions de l'Entente.
A partir du 16.9. le drapeau rouge
paraît quotidiennement. Un plus grand espace est donné
aux articles de fond.
Mais à la troisième
conférence du parti, le 7 et 8.12.1919, la fragilité
du parti est malgré tout clair.
Les opinions donnent le ton. Certains
affirment que le KPÖ a été créé
trop tôt, d'autres ont une vision carrément favorable
à la capitulation.
Deux lignes se dégagent.
Strasser critique le point de vue
selon laquelle le pouvoir peut être pris à court
terme, tandis que Friedländer affirme lui qu'au contraire
il ne s'agit pas de la majorité du peuple ou du prolétariat,
mais qu'il s'agit de gagner une minorité solide, suffisante,
pour, par elle, arriver à la révolution sociale...
En ce qui concerne les syndicats, la proposition de former un
syndicat communiste est repoussé, au profit de la continuation
des luttes dans les syndicats libres mais avec la formation d'une
"fraction des oppositionnels"
A ce moment le parti a 10 000 membres,
de nouveaux statuts (avec des membres "actifs" et "sympathisants")
et commence à organiser des écoles de formation.
Peu après la conférence
le drapeau rouge publie l'article de Lénine: "Salutation
aux travailleurs allemands, italiens et américains".
C'est le moment où Lénine
attaque le gauchisme, "maladie infantile du communisme".
Le KPÖ restait à l'opposé
le bastion de l'ultra-gauche.
La situation mondiale avait changé,
en Autriche même le nombre de chômeurs passa de 190
000 à 70 000, cela n'empêche que le KPÖ affirmait
que le conseil permettait une prise de température de
la classe, cela alors que dans la réunion des Conseils
122 délégués étaient au SPÖ
et seulement 9 au KPÖ.
Béla Kun et la plupart des
émigrés hongrois, soutenaient le boycott électoral
(Bêla Kun parle de boycott actif).
Alors, lorsque le parti sortit un
tract appelant à ne pas donner aucun bulletin pour les
élections, Friedländer exigea une position claire.
Pour lui il ne fallait ni participer
ni s'abstenir, mais lancer l'action dans la lutte de classe.
Il justifia sa position par le fait que, pour lui, "nous
sommes déjà au stade de la guerre civile".
La ligne gauchiste était
ainsi critiqué par une ligne encore plus à gauche.
Ce sera l'influence du Komintern
qui sera déterminante. Après le second congrès
de celui-ci, le KPÖ doit suivre la ligne internationale
oar discipline, et participe aux élections.
Le score est faible. Les communistes
obtiennent 26.651 voix, la social-démocratie 961.846,
les sociaux-chrétiens 1.178.931.
C'est-à-dire que le nombre
de gens ayant voté KPÖ est inférieur à
celui des adhérents du KPÖ !
Ainsi, d'un côté, le
Parti est actif. En 1920 le KPÖ avait organisé 159
rassemblements de masse, 510 réunions publiques, 169 réunions
d'entreprises, et 651 soirées de groupes.
Mais pour les élections,
il y avait 6 affiches, dont certaines étaient pour que
l'on vote pour le KPÖ, d'autres appelant au boycott...
Les chiffres montraient quand même
la profondeur du travail: 42 000 exemplaires d'affiches, 14 tracts
à 1.522.000 exemplaires ainsi que des tracts locaux (500.000)...
Et l'impression du drapeau rouge avait doublé.
40 livres et brochures furent imprimés (188.000 exemplaires).
Sur 510 conseils d'entreprises 173 étaient communistes.
L'influence sur la gauche de la
social-démocratie devint grande.
Débats
dans le Parti et lutte de classe
Un problème essentiel pour
le KPÖ est qu'il manque de théoriciens, alors que
les principaux théoriciens européens du réformisme
social-démocrate sont autrichens : Otto Bauer, Karl Renner,
Marx et Friedrich Adler...
C'est contre cette "passivité
sous le capitalisme" que se dresse le KPÖ. Il appelle
au contrôle ouvrier sur les armes et l'approvisionnement.
Lors des élections communales en basse-Autriche le KPÖ
a de grands problèmes et affronte des actions terroristes
de la part de la réaction.
Des problèmes internes graves
apparaissent, avec l'apparition de groupes menant des activités
fractionnistes.
Comme pour le KPD apparaît
une tendance philo-trotskyste (Strasser) et une tendance maximaliste
(Franz Rappl).
Le soutien à la Russie rouge
devient à ce moment là une politique essentielle.
Le drapeau rouge publie quotidiennement
des listes du "comité d'aide russe du KPÖ";
le 29.7.
Il y a un demi-million de couronnes
rassemblées, le 7.8. le million est atteint. Début
novembre il y a 25 millions de couronnes rassemblées -
plus que dans tout autre pays capitaliste.
Des manifestations sont organisées
contre les deux tentatives de putsch du dernier empereur des
Habsburg (Charles) en Hongrie. Le comité central du KPÖ
exige de la social-démocratie que les conseils de travailleurs
soient mobilisé contre le danger monarchiste.
Evidemment la social-démocratie
refuse et le KPÖ est seul.
Le "Drapeau rouge" affirme
en été 1921 :
"Contre Charles de Habsburg, contre la terreur blanche,
chaque communiste doit, comme tout autre travailleur, défendre
par tous les moyens même cette démocratie illusoire".
L'agitation et les grandes manifestations
se poursuivent, le KPÖ tentant de déborder le SPÖ
par la gauche, essayant d'impliquer celle-ci dans des actions.
Mais l'entrée du conseil
des soldats sociaux-démocrates de gauche, avec Johann
Frey qui va immédiatement être coopté à
la direction et sera même délégué
au troisième congrès du Komintem, va modifier beaucoup
de choses.
Dans une série d'articles
dans le "Drapeau rouge", Frey propose un nouveau mode
de construction du parti.
Citant le nombre d'adhérents
(18 000) et critiquant les faiblesses de l'organisation, il affirme
que "le parti n'est pas encore un parti".
Il y a plus de 100 000 personnes
qui sont passées par le parti. Frey veut un meilleur contact
avec la population et pour cela exige qu'à côté
des organisations par entreprises il y ait des
organisations par quartiers d'habitations.
"La meilleure tactique ne nous
fait pas avancer si une organisation solide, capable de frapper,
n'est pas disponible" (Le Drapeau rouge, 31.12.1921).
Frey travaille à de nouveaux statuts et justifie le renforcement
de la centralisation: "le KP doit devenir une organisation
de combat sérieuse" (Le Drapeau rouge, 26.1.1921).
Parallèlement à ce
débat organisationnel qui dure longtemps, le KPÖ
gagne des points.
La grande réussite de la
marche du 20.4.1922 "pour la journée de 8 heures,
pour le front commun", fait que le KPÖ proposa au SPÖ
un premier mai commun.
Le SPÖ laissa d'abord la décision
aux groupes locaux, puis consciente de son erreur se rétracta
et affirma que "le front commun est en Autriche déjà
réalisé dans le SP".
1922 est également l'année
où pour la première fois le KPÖ ne se préoccupe
pas des élections dans les conseils de travailleurs, à
cause de leur toujours plus grande absence de signification.
Au niveau internationale le Komintern
voit l'Autriche comme colonisée et appelle les "travailleurs
de tous les pays" à des contre-mesures, à
"empêcher la mise en esclavage prévue de l'Autriche".
En été et en automne
1922 se développe une grande grève des tramways,
de la poste et des télégraphes, des trains.
En janvier 1923 30 000 travailleurs
manifestent à Vienne.
Les premiers meurtres ont lieu avec
les provocations fascistes.
Le KPÖ appelle à des
actions de protestation. Après la création de "l'union
de défense républicaine" les communistes doivent
"à tout prix participer aux organisations de défense
du prolétariat".
Lors de la grève de trois
semaines des mineurs du Steiermark le KPÖ agit de manière
autonome pour la première fois et renforce son influence.
Le danger fasciste est vu comme
le problème principal, et il est exigé que le SPÖ
participe à la lutte de défense de manière
unitaire.
Des réunions de protestation
contre le "fascisme qui tue les travailleurs" sont
tenues.
La 6ème conférence
du parti (10-12.3.1923) reste marquée par les discussions;
les conflits se multiplient, toujours à partir des articles
de Frey, toujours quant aux problèmes d'organisation.
Qui plus est, avec la crise et la
répression, 60% des adhérents du Parti sont chômeurs.
La formation d'un propre syndicat
est toujours repoussé, au profit de la transformation
des syndicats réformistes existant en "organisations
révolutionnaires de combat".
Après ce congrès c'est
le combat contre le fascisme qui devient fondamental, en particulier
après le meurtre des ouvriers Birnecker et Still par des
fascistes.
A Munich Hitler avait fait sa première
tentative de putsch, en Allemagne les travailleurs combattaient
la réaction.
Le Komintern demande instamment
de mettre de côté les querelles internes. Un travail
syndical révolutionnaire est également repoussé
par le KPÖ, car la sortie des syndicats ne "serviraient
que les fascistes".
Le premier grand succès dans
les conseils d'entreprise se produit chez les mineurs de Grinbach,
où 498 voix vont au SPÖ et 334 au KPÖ. On se
prépara aux élections générales avec
comme thème: "pour un gouvernement ouvrier et paysan".
Le parti développa sa politique:
contre les accords de Genève (qui rendent l'Autriche dépendante),
contre le danger fasciste, pour la mise en place d'impôts
sur la fortune et le maintien d'une conférence générale
des conseils d'entreprise.
Heinrich
SCHASCHL
6.4.1928-28.4.1945
Le KPÖ contre
le fascisme et la social-démocratie
Mais les luttes internes ont empêché
un réel développement du Parti.
A Graz, Salzburg, dans les régions
du Tyrol et de la haute-Autriche le KPÖ ne pouvait même
pas présenter de candidats.
Les sociaux-chrétiens passent
à 45%, les sociaux-démocrates à 40%, les
nationaux-allemands à 13%, les autres n'obtinrent ensemble
que 3%; le KPÖ reçut 22 000 voix. Même si dans
certaines localités il faisait 40%, la défaite
est lourde.
Le KPÖ appela alors même
les travailleurs à rejoindre l'armée pour casser
l'influence réactionnaire.
A la conférence du parti
les fractions font que les conflits s'éternisent et le
komintern réclame la suspension du fractionnisme.
Le "journal des travailleurs",
dépendant dur SPÖ, publie le 16.3.1924 un grand article
pour expliquer en quoi cette conférence "n'était
pas un événement politique".
Pour le premier mai, le KPÖ
axe la lutte sur le combat du fascisme et de la réaction,
la journée de huit heures, les aides aux personnes âgées,
ainsi que la formation d'un front unitaire pour un gouvernement
ouvrier et paysan.
Lors de la grande grève des
métallos en septembre, le KPÖ appelle à une
grève générale de solidarité.
Le KPÖ pense que c'est un tournant
parce que la grève des métallos est le premier
mouvement spontané contre les mesures décidées
par le capital. Après que la grève se termine par
des négociations, le KPÖ accuse la bureaucratie syndicale
"d'avoir étranglé la grève".
Et il est fait appel aux travailleurs
de quitter le SPÖ pour le rejoindre.
En novembre ce sont les cheminots
qui font grève, et là aussi la grève se
termine sur un accord peu apprécié par les travailleurs.
Lorsque 3 000 travailleurs d'Alpine - Montan sont virés,
le KPÖ appelle "à obliger la continuation de
la production - éventuellement par l'occupation de l'entreprise"
(Le Drapeau rouge, 7.10.1924).
Le KPÖ mobilise également
dans la paysannerie. L'union de la jeunesse communiste fonctionne
également très bien et forme les jeunes, développe
des revendications.
C'est alors le début de la
période de bolchévisation. Le Komintern en appelle
à la fin du fractionnisme et du gauchisme, à la
fondation du Parti sur les cellules d'entreprises.
Frey et Tomann qui sortaient un
bulletin d'opposition sont alors exclus de responsabilité
dans le parti pour deux ans par le Komintern.
Un comité de chômeurs
sous l'influence du KPÖ est formé, et un congrès
est organisé avec 70 délégués. Un
programme de revendications est donné au gouvernement
et à la fin de l'"ultimatum" une grande manifestation
de chômeurs a lieu devant le parlement à Vienne.
La police charge, blesse et arrête
60 personnes. La répression continue: le secours rouge
est visé (il s'agit de l'aide pour l'asile politique notamment),
ainsi que les responsables de publication.
A Vienne des députés
communistes sont arrêtés, ainsi que des membres
du comité des chômeurs. Le responsable du journal
"le soldat rouge", Koplenig, est accusé de haute
trahison, défendra au procès la lutte internationale
commune du prolétariat et la nécessité de
renverser la bourgeoisie.
Le soutien à la grève
des mineurs et le refus du SPÖ de mener les luttes renforcent
encore le KPÖ, même si nombre de travailleurs communistes
sont licenciés.
Lors d'une rencontre de groupes
de jeunesses communistes à la Pentecôte la police
attaque et fait 96 blessés et procède à
220 arrestations.
A partir de là le combat
anti-fasciste est vu comme prioritaire.
Le KPÖ proposa en avril 1927
de soutenir les candidats du SPÖ sans contrepartie si le
SPÖ soutenait les revendications suivantes: lutte décidée
contre le fascisme, désarmement de la bourgeoisie, dissolution
des organisations fascistes et armement des travailleurs dans
les entreprises.
Ce que le SPÖ refusa.
Parallèlement le KPÖ
renforça le nombre et le rôle des femmes dans le
parti, avec une conférence des femmes et un
journal des femmes.
Mais le SPÖ domine encore culturellement
les masses. Aux élections le KPÖ; on peut lire dans
le drapeau rouge: "l'illusion a gagné".
Comme le KPD, le KPÖ doit affronter
le fascisme et la social-démocratie.
Lorsque l'Etat lui absout les meurtriers
fascistes, le KPÖ organise une manifestation le 15 juillet
1927 où il y a 150 morts, 1500 blessés et 300 arrestations.
Le 16 le drapeau rouge est interdit;
le KPÖ appelle à la grève générale
pour le 20.7., jour de l'enterrement des camarades
tués.
Wilhelm Pieck, du KPD et ancien
dirigeant depuis Rosa Luxemburg, venu à Vienne, est arrêté
le 19.7.. Le Komintern salue largement le KPÖ alors pour
mettre en avant l'armement du prolétariat, même
s'il considère que le mot d'ordre des Conseils a été
trop mis de côté.
Lors de l'enterrement des représentants
sociaux-démocrates et communistes prononcent des discours;
Koplenig est arrêté et accusé de haute trahison
pour son discours à l'enterrement (le KPÖ prend l'héritage
du soulèvement de juillet... Préparation à
la révolution pour la formation de la
domination prolétarienne en Autriche...").
Une série d'arrestations
suivent et la menace de dissolution du parti.
Nombre de rassemblements se tiennent,
malgré les interdictions et la répression. Le SP
refuse d'armer les travailleurs.
Pourtant le rapport de forces avait
changé depuis l'empire. Sous la monarchie le SP avait
100 000 membres pour 60 millions d'habitants. Et maintenant il
avait 600 000 membres pour 6,5 millions d'habitants.
Le parti communiste affirme alors
: "hors du SP, dans le KP, pour la dictature prolétarienne,
comme l'ont montré les travailleurs russes".
Contre le fascisme on appelle à
la formation de comité de défense unitaire, et
non au bulletin de vote.
Au sixième congrès
du Komintern (17.7. - 1.9.) on parle encore du problème
des fractions dans le KP, et du danger fasciste.
Après le 15 juillet le SP
a augmenté et le KP diminué en termes d'adhérents,
mais le KP est incapable de dire si les positions dans la classe
ont bougé vers la droite ou la gauche.
Cette oscillation du KPÖ va
se marquer de plus en plus.
Lors d'une marche de l'armée,
prévue dans une ville industrielle avec 60 000 soldats,
le KP appelle à l'interdiction de la marche ou à
une contre-marche des travailleurs, à la formation d'une
"armée des travailleurs" au-dessus des partis.
Ceci est considéré
comme un appel à la guerre civile et le rédacteur
est arrêté.
Le SP négocie avec le gouvernement
et organise une marche éloignée de celle de l'armée.
Le rassemblement appelé par le KP sur les lieux de la
marche des soldats est interdite.
Le chef de l'état-major responsable
de la marche est le major Papst, celui qui a tué Liebknecht.
Hermine
ZAYNARD-SCHWARZER
26.5.1913-19.11.1943
Le KPÖ se
développe
A la lOème conférence
du parti du 16 au 18 février 1929 le KPÖ discute
de la situation en Autriche et du sixième congrès
mondial.
La situation est mauvaise: la bourgeoisie
a renforcé sa pression depuis le 15 juillet. Le danger
fasciste est grand et il y a la nécessité d'un
front unique. La tension est toujours plus grande; le nombre
de grèves a doublé.
La conférence du parti communiste
voit la naissance de deux lignes : selon que l'on considère
que la stabilisation du capitalisme est temporaire ou pas.
La droite, faible à Vienne
mais forte en Styrie, qui s'opposait à l'empêchement
de la marche militaire et nie le virage réactionnaire
du SP est attaqué (elle représente 7% de l'organisation).
De fait, cette situation est caractérisée
par le fait que, comme l'a dit Staline, "la stabilisation
présente est temporaire, instable, il vient une grande
crise capitaliste et de grands bouleversements".
Le KPÖ souffre de problèmes
organisationnels.
Il a 4250 militants sur le papier,
un peu plus de 3000 en fait.
Le drapeau rouge est diffusé
à 4000 exemplaires, la travailleuse est imprimé
à 3000 exemplaires, ainsi que la jeunesse prolétarienne.
La librairie du parti indique qu'il
y a 39 abonnés à "l'Internationale Communiste"
et 97 à "Inprekorr" (le bulletin du Komintern).
Il y a aussi 16 bulletins d'entreprises
et un journal de parti tchèque.
Il y a des tractions communistes
dans neuf syndicats.
Au niveau des communes il y a par
contre de grandes critiques parce que le KP ne se distingue pas
assez du SP et vote parfois son budget.
En février 1929 les communistes manifestent contre une
marche fasciste dans la banlieue de Vienne et sont présents
au Congrès international antifasciste de Berlin.
Des numéros spéciaux
du drapeau rouge sortent à l'occasion du lOème
anniversaire du Komintern et de la république socialiste
hongroise.
L'arrivée de Schober comme
chancelier est salué ainsi: "la tâche du gouvernement
Schober est la mise en place d'une dictature fasciste" et
le KPÖ appelle à la formation de groupes de défense
et à la grève générale.
Au congrès nationale antifasciste
le 21.4.1929 il y a 245 participants, dont 165 délégués
du KP et 69 du SP.
Koplenig y tient le discours principal
et appelle à l'unité de la résistance antifasciste.
Contre la marche des milice prévue
à Vienne, le Kp appelle "à chasser les fascistes
des rues", 100 arrestations suivent et le drapeau rouge
est confisqué.
Le KPÖ montre les liaisons
entre les fascistes et la bourgeoisie industrielle autrichienne
et allemande.
En Bavière il y a 1000 miliciens
autrichiens qui participent à une réunion, à
Innsbruck au Tyrol il y a 20 000 miliciens allemands qui viennent
à un rassemblement.
Aussi de nombreuses initiatives
antifascistes sont développées, axées sur
la formation de groupes de défense (la jeunesse rouge
par exemple).
Aux travailleurs de la social-démocratie
on rappelle la nécessité de mener la lutte pour
la dictature du prolétariat lorsque la bourgeoisie laisse
tomber la démocratie (ce qui est clairement affirmé
dans un programme du SP).
Mais le fractionnisme continue.
Aux communales de la ville de Graz le KPÖ obtient 184 voix
et la fraction philo-trotskyste 605 voix.
Trotsky lui-même appelle au
renforcement de "l'opposition - Lénine"(Leninopposition).
A côté de cela la répression
va de plus en plus vite; depuis le gouvernement Schober le drapeau
rouge a été confisqué 19 fois, des bulletins
d'entreprises 14 fois et des tracts 20 fois; il y a également
eu 18 accusations de haute trahison.
La ligne est désormais la
même qu'en Allemagne: la lutte contre le social-fascisme
est vu comme prioritaire.
Aux élections le KP reçoit 20.879 voix, soit 29%
de plus qu'en 1927 (sans pouvoir se présenter partout).
Le SP obtient 41% des voix, les sociaux-chrétiens 36%.
En 1931, le KP, suivant les directives du Komintern comme quoi
le parti doit s'implanter et faire des revendications concernant
le quotidien pour être à même de faire démarrer
la révolution, lance une grande campagne.
L'objectif est entre autres 5000
adhérents de plus, 50 nouveaux groupes locaux, 45 cellules
d'entreprises, 2000 abonnés de plus au drapeau rouge,
600 réunions publiques et 450 réunions d'entreprises...
Cette campagne est soutenue par
la gauche du SP.
En 1931, à la conférence
du parti du 27 au 29.6., le parti a doublé son nombre
d'adhérents.
Des 6000 membres du secours rouge
60% ne sont pas du KP.
En fait le KP avait agi lors de
la première tentative de putsch en 1931 en Styrie, et
rien qu'au second semestre le nombre d'adhérents passa
de 3508 à 6813, le nombre de cellules d'entreprise de
30 à 68, le nombre de cellules de rues de 103 à
178.
Comme en Allemagne, devant les succès
des communistes, la bourgeoisie soutient le développement
des groupes fascistes et pangermanistes.
Aux élections des parlements
régionaux (et aux communales) le parti double le nombre
de ses voix par rapport à 1930.
Le SPÖ et les sociaux-chrétiens
s'effritent dangereusement, perdant des dizaines de milliers
de voix.
Le NSDAP, le parti des nazis, passe
par contre rien qu'à Vienne de 27.540 à 201.365
voix.
Le KPÖ organise un congrès
d'unité, et Koplenig affirme que "le front d'unité
rouge lutte pour les revendications journalières, contre
le fascisme et la guerre impérialiste".
59 entreprises sont représentées.
Contre la crise le KPÖ présente un programme: réduction
du temps de travail," interdiction des heures sup., interdiction
des fermetures d'entreprises, augmentation du nombre de logements
à 50 000 à Vienne...
Ainsi que des revendications concernant
l'amélioration du sort de la paysannerie; avec un programme
d'aide et l'appel à la formation de comité d'action
paysan.
Le KPÖ se préoccupe également des revendications
particulières aux femmes, comme la modification de la
loi sur le mariage, 4 mois de vacances pour les femmes enceintes...
Et celles que peuvent développer
les jeunes, notamment par l'intermédiaire du KJV (union
de la JC). Il y a aussi un programme d'aide pour les chômeurs,
"pour le travail et le pain, contre la faim et le fascisme".
Le KPÖ développe ainsi
une politique moderne, touchant tous les aspects de la société.
Mais la question nationale devient
un problème essentiel.
Historiquement la bourgeoisie a toujours soutenu le rattachement
à l'Allemagne. Le nom officiel de la république
est "république allemande autrichienne".
Le KPÖ n'a pas encore développé
de ligne correcte à ce sujet dans le combat contre le
fascisme.
Dans le "programme pour la
libération sociale et nationale des travailleurs d'Autriche"
est prévu le rattachement de l'Autriche soviétique
à l'Allemagne soviétique".
Il est également correctement
parlé de "national-fascisme" et de "social-fascisme".
En 1932 le SP traite pour la première
fois ouvertement avec le KP et sort quatre brochures dirigés
contre lui.
Tous les arguments sont dirigés
sur la politique du KPÖ de 1918 à 1920 et les difficultés
internes; les propositions de 1931-1932 ne sont même pas
mentionnées.
La notion de "social-fascisme"
est également employé par le SP contre le KP. "Les
communistes ont des paroles révolutionnaires, mais dans
leurs faits ils sont les aides des aides de la contre-révolution,
du fascisme. C'est pourquoi la politique communiste est en vérité
contre-révolutionnaire et social-fasciste".
En mars 1932 le KPÖ sort "le
communiste", revue théorique du KPÔ, afin de
familiariser les militants du SP au marxisme-léninisme.
La revue propage l'idée que
le front unique est nécessaire et attaque le sectarisme,
mais combat les illusions sur la démocratie bourgeoise.
Dans l'article "classe contre
classe" il est souligné que la démocratie
bourgeoise et la dictature fasciste ne s'opposent pas (Staline
disait qu'il s'agissait des deux faces d'une même pièce,
des frères jumeaux).
Et le "drapeau rouge"
est critiqué pour avoir affirmé que "nous
n'avons aucune différence avec les travailleurs sociaux-démocrates".
Il s'agit d'une question essentielle:
combattre le SPÖ sans tomber dans le centrisme.
Parallèlement la fascisation
du système devient elle de plus en plus claire. Les masses
suivent encore la social-démocratie, et les nazis avancent
leurs pions.
En octobre 1932 le chef de la milice,
le major Frey, devient ministre de l'intérieur et utilise
des mesures spéciales (crées en 1917) contre le
mouvement ouvrier.
Le 16.10. les nazis attaquent un
foyer ouvrier à Simmering, à côté
de Vienne.
Les travailleurs s'organisent unitairement;
le KP lance le mot d'ordre: "aucune attaque des nazis dans
les quartiers ouvriers!"; les nazis réclament l'interdiction
du KP et du drapeau rouge.
Aux élections de novembre
1932 au Voralberg, région conservatrice proche de la Suisse,
le SP perd 5500 voix, le KP passe de 180 voix en 1930 à
2640, les nazis de 767 (en 1930) à 8058.
Le KPÖ gagne des positions
dans les entreprises, mais l'aspect organisationnel est encore
faible, beaucoup d'organisations "se tournent pour chaque
petites questions au comité central" (orgnachrichten,
mars-avril 1932).
Deux brochures sur la question des communales sortent en 1932;
la première formule les exigences du KPÖ quant aux
logements, avec notamment l'occupation des logements vides.
"Lorsque nous communistes,
appuyés par la majorité de la classe ouvrière,
arriverons au pouvoir, nous chasserons les riches de leurs appartements
et nous y mettrons les pauvres..." lit-on dans cette première
brochure. La seconde compare la situation avec celle de Moscou.
Cette question est importante, car
la social-démocratie contrôle la municipalité
de Vienne depuis la chute de la monarchie.
Elle a également lancé un programme unique dans
les pays bourgeois de construction de HLM (les "hof"),
dont le plus grand est le Karl-Marx-Hof, faisant un kilomètre
de long.
En ce qui concerne le front unique
le KP forme des comités antifas (antifascistes) et des
marches de la faim de chômeurs.
Le 3.9.1932 il y a 10.000 manifestants à un rassemblement
antifasciste. Il y est réclamé l'interdiction de
la venue d'Hitler en Autriche, qui réussit tout de même
malheureusement un jour après.
Puis a lieu le coup d'Etat des sociaux-chrétiens.
Le 4 mars 1933 Dollfuss prend le pouvoir et fonde le Front Patriotique.
La ligne est celle du nationalisme
autrichien catholique, c'est ce qu'on appelle les "austro-fascistes".
Le Parlement est mis de côté, les rassemblements
politiques sont interdits, mais le drapeau rouge extrêmement
censuré appelle: "le premier mai est notre"
et la police et l'armée ne peuvent empêcher les
communistes de manifester dans certains quartiers ouvriers.
La répression se développe
quand même, les cadres communistes sont arrêtés,
en mai 1933 le parti est interdit. Plus tard les nazis le seront
aussi.
Le drapeau rouge continue (mais
censuré) jusqu'au 22.7., mais son nouveau "propriétaire"
sera poursuivi en justice "pour continuation de l'action
du KP".
Le SP se prononce contre l'interdiction.
Le KP continue de manière illégale, il considère
le régime de Dollfuss comme un régime de transition
au fascisme, que le mécontentement des masses grandit
et que la menace nazie est grande. Le front unitaire est nécessaire.
"Les perspectives futures de
la dictature fasciste dépendent du développement
de la lutte des classes".
Le 12 février 1934 la démocratie
bourgeoise meurt. Les socialistes sont interdits aussi, le parlement
aboli.
Le KPÖ appelle à la
résistance armée par l'intermédiaire du
drapeau rouge illégal, ainsi le 9.2.1934: "il s'agit
de vos vies et de vos existences! Ecrasez le fascisme avant qu'il
ne vous écrase!
Arrêtez immédiatement
le travail! Votez des comités d'action pour la conduite
de luttes dans chaque entreprise! Allez dans la rue! Désarmez
les fascistes! Les armes dans les mains des travailleurs!".
De fait des dizaines et des dizaines
de milliers de personnes étaient organisées de
manière para-militaire.
Le SPÖ disposait de très
nombreuses caches d'armes et était largement suffisamment
structuré pour vaincre le fascisme s'il l'avait voulu.
Mais il ne le fit pas.
Comme l'affirma, Dimitrov, alors
secrétaire du Kominten : "il ne peut pas y avoir
de parti qui, reculant sans cesse, invitant depuis quinze ans
les ouvriers à renoncer à la lutte, puisse, en
vingt-quatre heures, s'orienter tant du point de vue politique
que du point de vue de l'organisation, vers la lutte armée"
(Lettre aux ouvriers d'Autriche, L'Internationale Communiste
n°10, 20 mai 1934).
Cette passivité meurtrière
du parti socialiste fut retracé par le grand écrivain
Jura Soyfer : "La mort d'un Parti". Jura Soyfer quitta
les socialistes pour les communistes et terminera dans un camp
sous le nazisme.
Seul le KPÖ menera donc le
combat. Les fascistes sont obligés de tirer au canon contre
le Karl-Marx-Hof, bastion communiste.
Amalie
BRUST
12.6.1910-17.11.1944
Le KPÖ contre
l'austro-fascisme et le nazisme
Les socialistes expliquaient dans
leur organe que le régime s'effondrerait de lui-même
très vite; ce à quoi les communistes répondirent
que penser cela n'était qu'une forme de réformisme.
De plus, l'agitation nazie allait
grandissante, l'Etat allemand fournissant une énorme aide
et exerçant une grande pression sur l'Etat autrichien.
La répression austro-fasciste
était grande.
Le "Drapeau Rouge" perdit
son principal organisateur Alfred Klahr, arrêté
courant 1934, et dut s'installer à Prague, où Klahr
put retravailler après quasiment un an de prison.
Alfred Klahr fut en fait la personnalité
essentielle pour le KPÖ.
Rédacteur du "Drapeau
rouge", professeur à l'école de la jeunesse
internationale communiste à Moscou, il fut surtout le
théoricien de la "question nationale en Autriche".
Alfred Klahr fut le théoricien
de la rupture avec la conception bourgeoise de la question autrichienne;
il est le premier à considérer l'Autriche comme
une nation.
Il développa ses idées
dans le numéro de mars 1937 de "Weg & Ziel"
(Le chemin et le but), sous le pseudonyme de "Rudolf".
Son point de vue théorique
est entièrement fondé sur le classique de Staline,
"Le marxisme et la question nationale", ouvrage d'ailleurs
écrit à Vienne en 1912.
Cette ligne révolutionnaire
va s'imposer dans le KPÖ.
Le comité central rend public
une résolution en août 1938 : "La lutte pour
la libération de l'Autriche de la domination étrangère",
où il est affirmé que "la lutte du peuple
autrichien contre le fascisme hitlérien porte le caractère
d'une lutte de libération nationale contre la domination
impérialiste étrangère, et vise le rétablissement
de son indépendance".
Le KPÖ voit comme ennemi dans
cette phase la domination étrangère, l'exploitation
économique, la politique guerrière, la barbarie
culturelle et l'antisémitisme.
"Il faut convaincre les larges
masses que la protection des concitoyens juifs est une composante
impérativement nécessaire de la lutte antifasciste".
Avec l'invasion allemande de 1938,
saluée par une bonne partie de la population acquise aux
idées pangermanistes, le Parti s'organisa depuis l'étranger,
principalement Paris mais aussi Bruxelles, Anvers, Lüttich.
Le KPÖ consistait alors en
quelques centaines de personnes, profitant de l'aide du PCF pour
amener la propagande en Autriche même. Alfred Klahr fut
encore le coeur du parti.
En Autriche, entre mars et décembre
1938, 750 communistes furent officiellement "pris en charge
administrativement".
En 1939 le chiffre sera de 1.100,
en 1940 800, en 1941 plus de 1.500, en 1942 800, en 1943 1.200.
Friedrich
MASTNY
11.3.1921-2.11.1943
L'invasion allemande brisa l'organisation
extérieure, dont une partie réussit grâce
à de faux papiers à rejoindre la Résistance
communiste en France.
Klahr en fit partie, avant de partir
pour la Suisse rejoindre l'organisation extérieure du
KPÖ. Arrêté là-bas et remis à
Vichy, il fut livré à la Gestapo et amené
à Auschwitz.
S'échappant d'Auschwitz en
juin 1944 grâce à l'organisation illégale
communiste, il va jusqu'à Varsovie où les nazis
le retrouvent et l'exécutent.
Environ 2.200 communistes d'Autriche
furent assassinés par les fascistes.
Ernst
BURGER
16.5.1915-30.12.1944
[6ème
enfant d'une famille ouvrière viennoise. Membre de la
jeunesse ouvrière socialiste, rejoint en 1934 la jeunesse
communiste. Secrétaire général de la JC,
arrêté puis libéré, émigre
en Suisse puis à Paris, retourne en novembre 1938 en Autriche dans
l'illégalité,
arrêté en 1939. Membre de la direction illégale
de l'organisation communiste à Auschwitz. Pendu avec deux
autres communistes, Rudolf Frienel et Ludwig Vesely, devant 15.000
prisonniers.]
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