Histoire du Parti Communiste d'Autriche


 

Vers la naissance du KPÖ

Comme dans tous les pays sauf en Russie, le mouvement révolutionnaire d'Autriche naît de la compréhension de la nature de la première guerre impérialiste mondiale.

Dans l'Autriche-Hongrie, les sociaux-démocrates avaient déjà développé une option réformiste - connue internationalement sous le terme d'austro-marxisme - ainsi qu'une opposition au droit des peuples à l'auto-détermination.

L'Autriche-Hongrie, cette autre prison des peuples avec la Russie, était quasiment comprise comme un pas en avant vers l'unité des nations.

Anny GRÄF
28.3.1925-11.1.1944

De nombreux groupes se formèrent néanmoins contre la ligne générale :

- de l'association Karl Marx et Friedrich Adler,

- les gauches au sein du SPÖ (parti social-démocrate), Max Adler, Th.Schlesinger, R. Dannenberg, G. Proft...

-les extrémistes de gauche avec Koritschoner, Ströhmer, Schönfelder...

- les jeunes extrémistes de gauches à l'intérieur et l'extérieur de l'union des jeunes travailleurs, avec Richard Schüller, Hexmann, Fabri, Bauernasax..

- les gauches de Reichenberger avec Kreibich et Strasser

- les internationalistes avec Rothziegel, Dickmann, Wertheim, etc...

- le Poale Zion (organisation des travailleurs juifs socialistes) avec Kohn, Nagler...

- le groupe communiste avec Steinhardt, Friedländer...

- "l'union libre des étudiants socialistes".

C'est à partir de tous ces groupes que se sont recrutés les premiers membres du parti.

En tant que tel les groupes communistes ne se développeront qu'après Octobre 1917, notamment avec le retour des prisonniers de guerre autrichiens de Russie.

Ce mouvement se combina à l'action d'un "comité d'action d'extrême-gauche" s'étant formé courant 1917 à l'occasion d'une grande grève de métallurgistes.

Dès 1918, après la grève de janvier, paraît un organe de presse, "Le réveil", qui est immédiatement interdit, obligeant au développement d'une activité illégale, culminant avec une première conférence en juin 1918, rassemblant 150 personnes.

Est alors très clairement ressenti la nécessité d'une organisation plus solide, le Parti Communiste, qui est formé le 3 novembre 1918, à partir de groupes ouvriers, d'intellectuels, de jeunes, de soldats, avec comme organe "Le réveil".

L'Autriche-Hongrie s'effondrant avec la défaite, 9 jours plus tard la république allemande autrichienne était proclamée, et devant le Parlement on pouvait voir les banderoles appelant à une république des Conseils.

Jura SOYFER
8.12.1912-16.2.1939


Les débuts du KPÖ

"Le réveil", organe central du KPÖ, sort deux fois par semaines, mais les numéros 1 et 2 furent entièrement saisi par l'Etat, et c'est seulement à partir du numéro 3 que les travailleurs purent l'avoir dans les mains, le 15.11.1918.

Est immédiatement fait appel à la formation de conseils de travailleurs et de soldats.

Le KPÖ réclame en fait dès le jour de l'annonce de la république qu'elle soit nommé la république socialiste des conseils.

Elle attaque également la social-démocratie d'avoir trahie, car "cela aurait été possible de donner le pouvoir aux conseils, et ce sans effusion de sang..." (Le réveil, 15 novembre 1918).

La lutte pour le pouvoir aux conseils resta longtemps la question principal et décisive. Les journalistes sociaux-démocrates ne discutaient eux pas de la possibilité d'une république autrichienne des conseils, car ils considéraient que "La classe ouvrière autrichienne possède depuis novembre 1918 le pouvoir d'à chaque heure ériger la dictature des conseils". "La moitié de la révolution éveille les volontés de la révolution totale...".

Telle n'est pas la position du KPÖ, qui veut que le mouvement continue jusqu'au bout.

Dans les "principes de la république communiste" est réclamé un "gouvernement socialiste sans aile droite" et le droit pour tous de travailler. Il faut que le prolétariat "agisse vite".

La situation est considérée comme révolutionnaire et les membres du KPÖ considèrent qu'il faut agir le plus vite possible. L'influence du "comité d'action d'extrême-gauche" ayant rejoint le Parti se fit de plus en plus sentir.

A cela s'ajoute l'existence d'un autre courant, formé par la "fédération de l'Internationale des socialistes révolutionnaires", qui se prononce contre le parti, prônant l'unité des socialistes et considérant que les conditions pour la formation d'un nouveau parti ne sont pas là.

Et qui plus est, le KPÖ essentiellement urbain à ses débuts, voit son élargissement vers la province se heurter lui à l'Etat et aux dirigeants sociaux-démocrates.

Le KPÖ développe alors une ligne d'ultra-gauche, fondée sur la considération que la situation est encore révolutionnaire.

Cela fut également permis par la situation internationale: en Hongrie le développement des Conseils tourne vite à l'insurrection.

L'assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht avait qui plus est créé un grand émoi dans la classe ouvrière autrichienne.

Leopoldine SICKA
20.11.1924-11.1.1944

 

La ligne est alors celle de l'appel continu à la révolution et le rejet de toute participation au Parlement.

Nombre de prisonniers de guerre de Russie étaient en accord, comme Duda: "ne voyons dans le rassemblement national rien d'autre que l'instrument parlementaire dans les mains de la bourgeoisie exploitrice, avec lequel elle peut étouffer les revendications révolutionnaires du prolétariat".

"Le réveil" changea de nom: il devint "La révolution sociale"; l'Etat interdit immédiatement la brochure "que veut le KPÖ?".

Les effectifs restèrent en conséquence faible: un bon millier de militants à Vienne, une centaine à Salzbourg, une cinquantaine à Klagenfurt, un peu moins de 300 à Graz...

La jeunesse communiste prolétarienne avait 400 membres; "Le soldat rouge", revue faite par le comité des soldats révolutionnaires, partait à 6 000 exemplaires.

La ligne avait immédiatement été internationaliste, puisque même avant la naissance du Komintern le KPÖ se considérait "comme une partie de l'union internationale des communistes".

Cette ligne permit le développement d'un travail solide. Le journal fut critiqué pour son statut de "tract", et le manque de place pour des fondements théoriques; les statuts exigeaient des membres "l'activité et la discipline de parti".

La question du rapport avec la social-démocratie fut alors essentiel.

Si un délégué demanda l'opposition active à la social-démocratie, Rothziegel affirma que "nous devons toujours mettre notre but communiste en avant et non pas considérer la lutte contre les dirigeants de la social-démocratie comme point principal".

Pourtant la social-démocratie s'oppose formellement au mouvement des conseils.

Walter KÄMPF
12.9.1920-2.11.1943

 

Friedrich Adler dit ainsi que "La république des conseils c'est la rupture avec l'entente, la dénonciation du cessez-le-feu, la renonciation à la paix proche, la renonciation à tout aide économique des puissances de l'Entente et de l'Amérique, la reprise de la guerre contre l'Entente...".

Le KPÖ développe par conséquent l'agitation, organisant manifestations et rassemblements.

En mars 1919 est fondé le "Prukopnik svobody", organe des communistes de la minorité tchèque en Autriche.

Le 18 avril, lors d'un rassemblement en faveur de la république des conseils devant le Parlement, la police tire dans le tas, c'est le bain de sang.

L'Etat accuse qui plus est le KPÖ d'insurrection et accentue la répression.

De fait le KPÖ organise la solidarité avec la république hongroise des conseils. Des cercles de soldats partent, une centaine de volontaires s'engagent dans l'armée rouge hongroise.

Le premier mai, des représentants de Hongrie et de Bavière (où il y a une république des conseils guidée par Kurt Eisner) ainsi que de l'Internationale Communiste participent à la fête.

Le 4 et 5 mai 1919 a lieu le première conférence communiste des conseils de travailleurs.

Il est notamment dit que le passage d'une société à une autre ne se limite pas à un saut violent. Les moyens pacifiques sont
à utiliser tant que cela est possible. C'est un compromis avec l'aile droite du Parti. Par la suite la fédération internationale des socialistes révolutionnaires rejoint le parti.

Pourtant de l'autre côté la démocratie parlementaire est toujours rejeté, ce sont les conseils qui doivent avoir tout le pouvoir politique et économique.

Si cette ligne est théoriquement correcte, elle est tactiquement fausse, et isole le KPÖ.

Et après que le KPÖ ait appelé à une manifestation pour le 15 juin, dès le 14, 115 cadres sont arrêtés par la police.

Lorsque le 15 les manifestants exigent leur libération la police tire (20 morts et 80 blessés).

Mais malgré cette preuve de la volonté de la bourgeoisie d'en finir avec la menace rouge, le KPÖ, comme Béla Kun, se font une fausse idée de la situation en Autriche et voient la révolution comme immédiatement possible, sans même croire à la volonté de résistance armée de la bourgeoisie.

Leopoldine KOVARIK
5.2.1919-2.11.1943

Le KPÖ stabilise ses positions

La deuxième conférence des conseils de travailleurs du 30.6. au 6.7.1919 fut dominé par le conflit entre les sociaux-démocrates et les communistes.

La social-démocratie voulait modifier le caractère des conseils, en les cooptant dans le parti ou les syndicats. Alors que le KPÖ prônait une radicalisation et le refus du traité de paix avec les impérialistes.

Ce traité, avec la gestion forcée par l'Entente qu'il présuposait, qui plus est pour une période de 30 ans, "rend impossible toute socialisation".

Mais le KPÖ subit là un échec, qui se cumule aux défaites à la frontière de l'Autriche, en Bavière et en Hongrie.

Alors, prônant toujours le désarmement de la police, l'élargissement des compétences des conseils, il considère désormais positivement les lois sociales.

De plus, la prise du pouvoir par la violence est atténuée, au sens où le KPÖ exprime bien son souhait d'éviter l'effusion de sang et le fait que le pouvoir ne sera pris qu'avec la majorité du prolétariat.

Cette ligne n'est en fait que le passage de l'ultra-gauche à la droite, de l'idéalisme à la capitulation.

La phraséologie reste bien sûr de gauche : en 1921 on affirme dans "Que veut le KPÖ ?" (série de 1921, par opposition à la série précédente, de 1919) que "la lutte ne sera pas décidé le bulletin de vote à la main, mais c'est avec des poings armés que le peuple travailleur fondera son pouvoir...".

La ligne sectaire d'ultra-gauche reste également: le parlementarisme est rejeté, permettant aux sociaux-démocrates de recevoir 40.76% des voix, et de former une coalition avec les sociaux-chrétiens (23,12%) jusqu'en 1920.

Le mouvement des conseils est alors liquidé progressivement par la social-démocratie, même s'il y a des résistances.

Ainsi le 23.7.1919 a lieu la plus grande grève menée jusque là à Vienne, Décidée par les conseils et visant à protester contre les interventions de l'Entente.

A partir du 16.9. le drapeau rouge paraît quotidiennement. Un plus grand espace est donné aux articles de fond.

Mais à la troisième conférence du parti, le 7 et 8.12.1919, la fragilité du parti est malgré tout clair.

Les opinions donnent le ton. Certains affirment que le KPÖ a été créé trop tôt, d'autres ont une vision carrément favorable à la capitulation.

Deux lignes se dégagent.

Strasser critique le point de vue selon laquelle le pouvoir peut être pris à court terme, tandis que Friedländer affirme lui qu'au contraire il ne s'agit pas de la majorité du peuple ou du prolétariat, mais qu'il s'agit de gagner une minorité solide, suffisante, pour, par elle, arriver à la révolution sociale...

En ce qui concerne les syndicats, la proposition de former un syndicat communiste est repoussé, au profit de la continuation des luttes dans les syndicats libres mais avec la formation d'une "fraction des oppositionnels"

A ce moment le parti a 10 000 membres, de nouveaux statuts (avec des membres "actifs" et "sympathisants") et commence à organiser des écoles de formation.

Peu après la conférence le drapeau rouge publie l'article de Lénine: "Salutation aux travailleurs allemands, italiens et américains".

C'est le moment où Lénine attaque le gauchisme, "maladie infantile du communisme".

Le KPÖ restait à l'opposé le bastion de l'ultra-gauche.

La situation mondiale avait changé, en Autriche même le nombre de chômeurs passa de 190 000 à 70 000, cela n'empêche que le KPÖ affirmait que le conseil permettait une prise de température de la classe, cela alors que dans la réunion des Conseils 122 délégués étaient au SPÖ et seulement 9 au KPÖ.

Béla Kun et la plupart des émigrés hongrois, soutenaient le boycott électoral (Bêla Kun parle de boycott actif).

Alors, lorsque le parti sortit un tract appelant à ne pas donner aucun bulletin pour les élections, Friedländer exigea une position claire.

Pour lui il ne fallait ni participer ni s'abstenir, mais lancer l'action dans la lutte de classe. Il justifia sa position par le fait que, pour lui, "nous sommes déjà au stade de la guerre civile".

La ligne gauchiste était ainsi critiqué par une ligne encore plus à gauche.

Ce sera l'influence du Komintern qui sera déterminante. Après le second congrès de celui-ci, le KPÖ doit suivre la ligne internationale oar discipline, et participe aux élections.

Le score est faible. Les communistes obtiennent 26.651 voix, la social-démocratie 961.846, les sociaux-chrétiens 1.178.931.

C'est-à-dire que le nombre de gens ayant voté KPÖ est inférieur à celui des adhérents du KPÖ !

Ainsi, d'un côté, le Parti est actif. En 1920 le KPÖ avait organisé 159 rassemblements de masse, 510 réunions publiques, 169 réunions d'entreprises, et 651 soirées de groupes.

Mais pour les élections, il y avait 6 affiches, dont certaines étaient pour que l'on vote pour le KPÖ, d'autres appelant au boycott...

Les chiffres montraient quand même la profondeur du travail: 42 000 exemplaires d'affiches, 14 tracts à 1.522.000 exemplaires ainsi que des tracts locaux (500.000)... Et l'impression du drapeau rouge avait doublé.

40 livres et brochures furent imprimés (188.000 exemplaires).

Sur 510 conseils d'entreprises 173 étaient communistes.

L'influence sur la gauche de la social-démocratie devint grande.

Débats dans le Parti et lutte de classe

Un problème essentiel pour le KPÖ est qu'il manque de théoriciens, alors que les principaux théoriciens européens du réformisme social-démocrate sont autrichens : Otto Bauer, Karl Renner, Marx et Friedrich Adler...

C'est contre cette "passivité sous le capitalisme" que se dresse le KPÖ. Il appelle au contrôle ouvrier sur les armes et l'approvisionnement. Lors des élections communales en basse-Autriche le KPÖ a de grands problèmes et affronte des actions terroristes de la part de la réaction.

Des problèmes internes graves apparaissent, avec l'apparition de groupes menant des activités fractionnistes.

Comme pour le KPD apparaît une tendance philo-trotskyste (Strasser) et une tendance maximaliste (Franz Rappl).

Le soutien à la Russie rouge devient à ce moment là une politique essentielle.

Le drapeau rouge publie quotidiennement des listes du "comité d'aide russe du KPÖ"; le 29.7.

Il y a un demi-million de couronnes rassemblées, le 7.8. le million est atteint. Début novembre il y a 25 millions de couronnes rassemblées - plus que dans tout autre pays capitaliste.

Des manifestations sont organisées contre les deux tentatives de putsch du dernier empereur des Habsburg (Charles) en Hongrie. Le comité central du KPÖ exige de la social-démocratie que les conseils de travailleurs soient mobilisé contre le danger monarchiste.

Evidemment la social-démocratie refuse et le KPÖ est seul.

Le "Drapeau rouge" affirme en été 1921 :

"Contre Charles de Habsburg, contre la terreur blanche, chaque communiste doit, comme tout autre travailleur, défendre par tous les moyens même cette démocratie illusoire".

L'agitation et les grandes manifestations se poursuivent, le KPÖ tentant de déborder le SPÖ par la gauche, essayant d'impliquer celle-ci dans des actions.

Mais l'entrée du conseil des soldats sociaux-démocrates de gauche, avec Johann Frey qui va immédiatement être coopté à la direction et sera même délégué au troisième congrès du Komintem, va modifier beaucoup de choses.

Dans une série d'articles dans le "Drapeau rouge", Frey propose un nouveau mode de construction du parti.

Citant le nombre d'adhérents (18 000) et critiquant les faiblesses de l'organisation, il affirme que "le parti n'est pas encore un parti".

Il y a plus de 100 000 personnes qui sont passées par le parti. Frey veut un meilleur contact avec la population et pour cela exige qu'à côté des organisations par entreprises il y ait des
organisations par quartiers d'habitations.

"La meilleure tactique ne nous fait pas avancer si une organisation solide, capable de frapper, n'est pas disponible" (Le Drapeau rouge, 31.12.1921).

Frey travaille à de nouveaux statuts et justifie le renforcement de la centralisation: "le KP doit devenir une organisation de combat sérieuse" (Le Drapeau rouge, 26.1.1921).

Parallèlement à ce débat organisationnel qui dure longtemps, le KPÖ gagne des points.

La grande réussite de la marche du 20.4.1922 "pour la journée de 8 heures, pour le front commun", fait que le KPÖ proposa au SPÖ un premier mai commun.

Le SPÖ laissa d'abord la décision aux groupes locaux, puis consciente de son erreur se rétracta et affirma que "le front commun est en Autriche déjà réalisé dans le SP".

1922 est également l'année où pour la première fois le KPÖ ne se préoccupe pas des élections dans les conseils de travailleurs, à cause de leur toujours plus grande absence de signification.

Au niveau internationale le Komintern voit l'Autriche comme colonisée et appelle les "travailleurs de tous les pays" à des contre-mesures, à "empêcher la mise en esclavage prévue de l'Autriche".

En été et en automne 1922 se développe une grande grève des tramways, de la poste et des télégraphes, des trains.

En janvier 1923 30 000 travailleurs manifestent à Vienne.

Les premiers meurtres ont lieu avec les provocations fascistes.

Le KPÖ appelle à des actions de protestation. Après la création de "l'union de défense républicaine" les communistes doivent "à tout prix participer aux organisations de défense du prolétariat".

Lors de la grève de trois semaines des mineurs du Steiermark le KPÖ agit de manière autonome pour la première fois et renforce son influence.

Le danger fasciste est vu comme le problème principal, et il est exigé que le SPÖ participe à la lutte de défense de manière unitaire.

Des réunions de protestation contre le "fascisme qui tue les travailleurs" sont tenues.

La 6ème conférence du parti (10-12.3.1923) reste marquée par les discussions; les conflits se multiplient, toujours à partir des articles de Frey, toujours quant aux problèmes d'organisation.

Qui plus est, avec la crise et la répression, 60% des adhérents du Parti sont chômeurs.

La formation d'un propre syndicat est toujours repoussé, au profit de la transformation des syndicats réformistes existant en "organisations révolutionnaires de combat".

Après ce congrès c'est le combat contre le fascisme qui devient fondamental, en particulier après le meurtre des ouvriers Birnecker et Still par des fascistes.

A Munich Hitler avait fait sa première tentative de putsch, en Allemagne les travailleurs combattaient la réaction.

Le Komintern demande instamment de mettre de côté les querelles internes. Un travail syndical révolutionnaire est également repoussé par le KPÖ, car la sortie des syndicats ne "serviraient que les fascistes".

Le premier grand succès dans les conseils d'entreprise se produit chez les mineurs de Grinbach, où 498 voix vont au SPÖ et 334 au KPÖ. On se prépara aux élections générales avec comme thème: "pour un gouvernement ouvrier et paysan".

Le parti développa sa politique: contre les accords de Genève (qui rendent l'Autriche dépendante), contre le danger fasciste, pour la mise en place d'impôts sur la fortune et le maintien d'une conférence générale des conseils d'entreprise.

Heinrich SCHASCHL
6.4.1928-28.4.1945

Le KPÖ contre le fascisme et la social-démocratie

Mais les luttes internes ont empêché un réel développement du Parti.

A Graz, Salzburg, dans les régions du Tyrol et de la haute-Autriche le KPÖ ne pouvait même pas présenter de candidats.

Les sociaux-chrétiens passent à 45%, les sociaux-démocrates à 40%, les nationaux-allemands à 13%, les autres n'obtinrent ensemble que 3%; le KPÖ reçut 22 000 voix. Même si dans certaines localités il faisait 40%, la défaite est lourde.

Le KPÖ appela alors même les travailleurs à rejoindre l'armée pour casser l'influence réactionnaire.

A la conférence du parti les fractions font que les conflits s'éternisent et le komintern réclame la suspension du fractionnisme.

Le "journal des travailleurs", dépendant dur SPÖ, publie le 16.3.1924 un grand article pour expliquer en quoi cette conférence "n'était pas un événement politique".

Pour le premier mai, le KPÖ axe la lutte sur le combat du fascisme et de la réaction, la journée de huit heures, les aides aux personnes âgées, ainsi que la formation d'un front unitaire pour un gouvernement ouvrier et paysan.

Lors de la grande grève des métallos en septembre, le KPÖ appelle à une grève générale de solidarité.

Le KPÖ pense que c'est un tournant parce que la grève des métallos est le premier mouvement spontané contre les mesures décidées par le capital. Après que la grève se termine par des négociations, le KPÖ accuse la bureaucratie syndicale "d'avoir étranglé la grève".

Et il est fait appel aux travailleurs de quitter le SPÖ pour le rejoindre.

En novembre ce sont les cheminots qui font grève, et là aussi la grève se termine sur un accord peu apprécié par les travailleurs. Lorsque 3 000 travailleurs d'Alpine - Montan sont virés, le KPÖ appelle "à obliger la continuation de la production - éventuellement par l'occupation de l'entreprise" (Le Drapeau rouge, 7.10.1924).

Le KPÖ mobilise également dans la paysannerie. L'union de la jeunesse communiste fonctionne également très bien et forme les jeunes, développe des revendications.

C'est alors le début de la période de bolchévisation. Le Komintern en appelle à la fin du fractionnisme et du gauchisme, à la fondation du Parti sur les cellules d'entreprises.

Frey et Tomann qui sortaient un bulletin d'opposition sont alors exclus de responsabilité dans le parti pour deux ans par le Komintern.

Un comité de chômeurs sous l'influence du KPÖ est formé, et un congrès est organisé avec 70 délégués. Un programme de revendications est donné au gouvernement et à la fin de l'"ultimatum" une grande manifestation de chômeurs a lieu devant le parlement à Vienne.

La police charge, blesse et arrête 60 personnes. La répression continue: le secours rouge est visé (il s'agit de l'aide pour l'asile politique notamment), ainsi que les responsables de publication.

A Vienne des députés communistes sont arrêtés, ainsi que des membres du comité des chômeurs. Le responsable du journal "le soldat rouge", Koplenig, est accusé de haute trahison, défendra au procès la lutte internationale commune du prolétariat et la nécessité de renverser la bourgeoisie.

Le soutien à la grève des mineurs et le refus du SPÖ de mener les luttes renforcent encore le KPÖ, même si nombre de travailleurs communistes sont licenciés.

Lors d'une rencontre de groupes de jeunesses communistes à la Pentecôte la police attaque et fait 96 blessés et procède à 220 arrestations.

A partir de là le combat anti-fasciste est vu comme prioritaire.

Le KPÖ proposa en avril 1927 de soutenir les candidats du SPÖ sans contrepartie si le SPÖ soutenait les revendications suivantes: lutte décidée contre le fascisme, désarmement de la bourgeoisie, dissolution des organisations fascistes et armement des travailleurs dans les entreprises.

Ce que le SPÖ refusa.

Parallèlement le KPÖ renforça le nombre et le rôle des femmes dans le parti, avec une conférence des femmes et un
journal des femmes.

Mais le SPÖ domine encore culturellement les masses. Aux élections le KPÖ; on peut lire dans le drapeau rouge: "l'illusion a gagné".

Comme le KPD, le KPÖ doit affronter le fascisme et la social-démocratie.

Lorsque l'Etat lui absout les meurtriers fascistes, le KPÖ organise une manifestation le 15 juillet 1927 où il y a 150 morts, 1500 blessés et 300 arrestations.

Le 16 le drapeau rouge est interdit; le KPÖ appelle à la grève générale pour le 20.7., jour de l'enterrement des camarades
tués.

Wilhelm Pieck, du KPD et ancien dirigeant depuis Rosa Luxemburg, venu à Vienne, est arrêté le 19.7.. Le Komintern salue largement le KPÖ alors pour mettre en avant l'armement du prolétariat, même s'il considère que le mot d'ordre des Conseils a été trop mis de côté.

Lors de l'enterrement des représentants sociaux-démocrates et communistes prononcent des discours; Koplenig est arrêté et accusé de haute trahison pour son discours à l'enterrement (le KPÖ prend l'héritage du soulèvement de juillet... Préparation à la révolution pour la formation de la
domination prolétarienne en Autriche...").

Une série d'arrestations suivent et la menace de dissolution du parti.

Nombre de rassemblements se tiennent, malgré les interdictions et la répression. Le SP refuse d'armer les travailleurs.

Pourtant le rapport de forces avait changé depuis l'empire. Sous la monarchie le SP avait 100 000 membres pour 60 millions d'habitants. Et maintenant il avait 600 000 membres pour 6,5 millions d'habitants.

Le parti communiste affirme alors : "hors du SP, dans le KP, pour la dictature prolétarienne, comme l'ont montré les travailleurs russes".

Contre le fascisme on appelle à la formation de comité de défense unitaire, et non au bulletin de vote.

Au sixième congrès du Komintern (17.7. - 1.9.) on parle encore du problème des fractions dans le KP, et du danger fasciste.

Après le 15 juillet le SP a augmenté et le KP diminué en termes d'adhérents, mais le KP est incapable de dire si les positions dans la classe ont bougé vers la droite ou la gauche.

Cette oscillation du KPÖ va se marquer de plus en plus.

Lors d'une marche de l'armée, prévue dans une ville industrielle avec 60 000 soldats, le KP appelle à l'interdiction de la marche ou à une contre-marche des travailleurs, à la formation d'une "armée des travailleurs" au-dessus des partis.

Ceci est considéré comme un appel à la guerre civile et le rédacteur est arrêté.

Le SP négocie avec le gouvernement et organise une marche éloignée de celle de l'armée. Le rassemblement appelé par le KP sur les lieux de la marche des soldats est interdite.

Le chef de l'état-major responsable de la marche est le major Papst, celui qui a tué Liebknecht.

Hermine ZAYNARD-SCHWARZER
26.5.1913-19.11.1943

Le KPÖ se développe

A la lOème conférence du parti du 16 au 18 février 1929 le KPÖ discute de la situation en Autriche et du sixième congrès mondial.

La situation est mauvaise: la bourgeoisie a renforcé sa pression depuis le 15 juillet. Le danger fasciste est grand et il y a la nécessité d'un front unique. La tension est toujours plus grande; le nombre de grèves a doublé.

La conférence du parti communiste voit la naissance de deux lignes : selon que l'on considère que la stabilisation du capitalisme est temporaire ou pas.

La droite, faible à Vienne mais forte en Styrie, qui s'opposait à l'empêchement de la marche militaire et nie le virage réactionnaire du SP est attaqué (elle représente 7% de l'organisation).

De fait, cette situation est caractérisée par le fait que, comme l'a dit Staline, "la stabilisation présente est temporaire, instable, il vient une grande crise capitaliste et de grands bouleversements".

Le KPÖ souffre de problèmes organisationnels.

Il a 4250 militants sur le papier, un peu plus de 3000 en fait.

Le drapeau rouge est diffusé à 4000 exemplaires, la travailleuse est imprimé à 3000 exemplaires, ainsi que la jeunesse prolétarienne.

La librairie du parti indique qu'il y a 39 abonnés à "l'Internationale Communiste" et 97 à "Inprekorr" (le bulletin du Komintern).

Il y a aussi 16 bulletins d'entreprises et un journal de parti tchèque.

Il y a des tractions communistes dans neuf syndicats.

Au niveau des communes il y a par contre de grandes critiques parce que le KP ne se distingue pas assez du SP et vote parfois son budget.

En février 1929 les communistes manifestent contre une marche fasciste dans la banlieue de Vienne et sont présents au Congrès international antifasciste de Berlin.

Des numéros spéciaux du drapeau rouge sortent à l'occasion du lOème anniversaire du Komintern et de la république socialiste hongroise.

L'arrivée de Schober comme chancelier est salué ainsi: "la tâche du gouvernement Schober est la mise en place d'une dictature fasciste" et le KPÖ appelle à la formation de groupes de défense et à la grève générale.

Au congrès nationale antifasciste le 21.4.1929 il y a 245 participants, dont 165 délégués du KP et 69 du SP.

Koplenig y tient le discours principal et appelle à l'unité de la résistance antifasciste.

Contre la marche des milice prévue à Vienne, le Kp appelle "à chasser les fascistes des rues", 100 arrestations suivent et le drapeau rouge est confisqué.

Le KPÖ montre les liaisons entre les fascistes et la bourgeoisie industrielle autrichienne et allemande.

En Bavière il y a 1000 miliciens autrichiens qui participent à une réunion, à Innsbruck au Tyrol il y a 20 000 miliciens allemands qui viennent à un rassemblement.

Aussi de nombreuses initiatives antifascistes sont développées, axées sur la formation de groupes de défense (la jeunesse rouge par exemple).

Aux travailleurs de la social-démocratie on rappelle la nécessité de mener la lutte pour la dictature du prolétariat lorsque la bourgeoisie laisse tomber la démocratie (ce qui est clairement affirmé dans un programme du SP).

Mais le fractionnisme continue. Aux communales de la ville de Graz le KPÖ obtient 184 voix et la fraction philo-trotskyste 605 voix.

Trotsky lui-même appelle au renforcement de "l'opposition - Lénine"(Leninopposition).

A côté de cela la répression va de plus en plus vite; depuis le gouvernement Schober le drapeau rouge a été confisqué 19 fois, des bulletins d'entreprises 14 fois et des tracts 20 fois; il y a également eu 18 accusations de haute trahison.

La ligne est désormais la même qu'en Allemagne: la lutte contre le social-fascisme est vu comme prioritaire.

Aux élections le KP reçoit 20.879 voix, soit 29% de plus qu'en 1927 (sans pouvoir se présenter partout). Le SP obtient 41% des voix, les sociaux-chrétiens 36%.

En 1931, le KP, suivant les directives du Komintern comme quoi le parti doit s'implanter et faire des revendications concernant le quotidien pour être à même de faire démarrer la révolution, lance une grande campagne.

L'objectif est entre autres 5000 adhérents de plus, 50 nouveaux groupes locaux, 45 cellules d'entreprises, 2000 abonnés de plus au drapeau rouge, 600 réunions publiques et 450 réunions d'entreprises...

Cette campagne est soutenue par la gauche du SP.

En 1931, à la conférence du parti du 27 au 29.6., le parti a doublé son nombre d'adhérents.

Des 6000 membres du secours rouge 60% ne sont pas du KP.

En fait le KP avait agi lors de la première tentative de putsch en 1931 en Styrie, et rien qu'au second semestre le nombre d'adhérents passa de 3508 à 6813, le nombre de cellules d'entreprise de 30 à 68, le nombre de cellules de rues de 103 à 178.

Comme en Allemagne, devant les succès des communistes, la bourgeoisie soutient le développement des groupes fascistes et pangermanistes.

Aux élections des parlements régionaux (et aux communales) le parti double le nombre de ses voix par rapport à 1930.

Le SPÖ et les sociaux-chrétiens s'effritent dangereusement, perdant des dizaines de milliers de voix.

Le NSDAP, le parti des nazis, passe par contre rien qu'à Vienne de 27.540 à 201.365 voix.

Le KPÖ organise un congrès d'unité, et Koplenig affirme que "le front d'unité rouge lutte pour les revendications journalières, contre le fascisme et la guerre impérialiste".

59 entreprises sont représentées.

Contre la crise le KPÖ présente un programme: réduction du temps de travail," interdiction des heures sup., interdiction des fermetures d'entreprises, augmentation du nombre de logements à 50 000 à Vienne...

Ainsi que des revendications concernant l'amélioration du sort de la paysannerie; avec un programme d'aide et l'appel à la formation de comité d'action paysan.

Le KPÖ se préoccupe également des revendications particulières aux femmes, comme la modification de la loi sur le mariage, 4 mois de vacances pour les femmes enceintes...

Et celles que peuvent développer les jeunes, notamment par l'intermédiaire du KJV (union de la JC). Il y a aussi un programme d'aide pour les chômeurs, "pour le travail et le pain, contre la faim et le fascisme".

Le KPÖ développe ainsi une politique moderne, touchant tous les aspects de la société.

Mais la question nationale devient un problème essentiel.

Historiquement la bourgeoisie a toujours soutenu le rattachement à l'Allemagne. Le nom officiel de la république est "république allemande autrichienne".

Le KPÖ n'a pas encore développé de ligne correcte à ce sujet dans le combat contre le fascisme.

Dans le "programme pour la libération sociale et nationale des travailleurs d'Autriche" est prévu le rattachement de l'Autriche soviétique à l'Allemagne soviétique".

Il est également correctement parlé de "national-fascisme" et de "social-fascisme".

En 1932 le SP traite pour la première fois ouvertement avec le KP et sort quatre brochures dirigés contre lui.

Tous les arguments sont dirigés sur la politique du KPÖ de 1918 à 1920 et les difficultés internes; les propositions de 1931-1932 ne sont même pas mentionnées.

La notion de "social-fascisme" est également employé par le SP contre le KP. "Les communistes ont des paroles révolutionnaires, mais dans leurs faits ils sont les aides des aides de la contre-révolution, du fascisme. C'est pourquoi la politique communiste est en vérité contre-révolutionnaire et social-fasciste".

En mars 1932 le KPÖ sort "le communiste", revue théorique du KPÔ, afin de familiariser les militants du SP au marxisme-léninisme.

La revue propage l'idée que le front unique est nécessaire et attaque le sectarisme, mais combat les illusions sur la démocratie bourgeoise.

Dans l'article "classe contre classe" il est souligné que la démocratie bourgeoise et la dictature fasciste ne s'opposent pas (Staline disait qu'il s'agissait des deux faces d'une même pièce, des frères jumeaux).

Et le "drapeau rouge" est critiqué pour avoir affirmé que "nous n'avons aucune différence avec les travailleurs sociaux-démocrates".

Il s'agit d'une question essentielle: combattre le SPÖ sans tomber dans le centrisme.

Parallèlement la fascisation du système devient elle de plus en plus claire. Les masses suivent encore la social-démocratie, et les nazis avancent leurs pions.

En octobre 1932 le chef de la milice, le major Frey, devient ministre de l'intérieur et utilise des mesures spéciales (crées en 1917) contre le mouvement ouvrier.

Le 16.10. les nazis attaquent un foyer ouvrier à Simmering, à côté de Vienne.

Les travailleurs s'organisent unitairement; le KP lance le mot d'ordre: "aucune attaque des nazis dans les quartiers ouvriers!"; les nazis réclament l'interdiction du KP et du drapeau rouge.

Aux élections de novembre 1932 au Voralberg, région conservatrice proche de la Suisse, le SP perd 5500 voix, le KP passe de 180 voix en 1930 à 2640, les nazis de 767 (en 1930) à 8058.

Le KPÖ gagne des positions dans les entreprises, mais l'aspect organisationnel est encore faible, beaucoup d'organisations "se tournent pour chaque petites questions au comité central" (orgnachrichten, mars-avril 1932).

Deux brochures sur la question des communales sortent en 1932; la première formule les exigences du KPÖ quant aux logements, avec notamment l'occupation des logements vides.

"Lorsque nous communistes, appuyés par la majorité de la classe ouvrière, arriverons au pouvoir, nous chasserons les riches de leurs appartements et nous y mettrons les pauvres..." lit-on dans cette première brochure. La seconde compare la situation avec celle de Moscou.

Cette question est importante, car la social-démocratie contrôle la municipalité de Vienne depuis la chute de la monarchie.

Elle a également lancé un programme unique dans les pays bourgeois de construction de HLM (les "hof"), dont le plus grand est le Karl-Marx-Hof, faisant un kilomètre de long.

En ce qui concerne le front unique le KP forme des comités antifas (antifascistes) et des marches de la faim de chômeurs.

Le 3.9.1932 il y a 10.000 manifestants à un rassemblement antifasciste. Il y est réclamé l'interdiction de la venue d'Hitler en Autriche, qui réussit tout de même malheureusement un jour après.

Puis a lieu le coup d'Etat des sociaux-chrétiens. Le 4 mars 1933 Dollfuss prend le pouvoir et fonde le Front Patriotique.

La ligne est celle du nationalisme autrichien catholique, c'est ce qu'on appelle les "austro-fascistes".

Le Parlement est mis de côté, les rassemblements politiques sont interdits, mais le drapeau rouge extrêmement censuré appelle: "le premier mai est notre" et la police et l'armée ne peuvent empêcher les communistes de manifester dans certains quartiers ouvriers.

La répression se développe quand même, les cadres communistes sont arrêtés, en mai 1933 le parti est interdit. Plus tard les nazis le seront aussi.

Le drapeau rouge continue (mais censuré) jusqu'au 22.7., mais son nouveau "propriétaire" sera poursuivi en justice "pour continuation de l'action du KP".

Le SP se prononce contre l'interdiction. Le KP continue de manière illégale, il considère le régime de Dollfuss comme un régime de transition au fascisme, que le mécontentement des masses grandit et que la menace nazie est grande. Le front unitaire est nécessaire.

"Les perspectives futures de la dictature fasciste dépendent du développement de la lutte des classes".

Le 12 février 1934 la démocratie bourgeoise meurt. Les socialistes sont interdits aussi, le parlement aboli.

Le KPÖ appelle à la résistance armée par l'intermédiaire du drapeau rouge illégal, ainsi le 9.2.1934: "il s'agit de vos vies et de vos existences! Ecrasez le fascisme avant qu'il ne vous écrase!

Arrêtez immédiatement le travail! Votez des comités d'action pour la conduite de luttes dans chaque entreprise! Allez dans la rue! Désarmez les fascistes! Les armes dans les mains des travailleurs!".

De fait des dizaines et des dizaines de milliers de personnes étaient organisées de manière para-militaire.

Le SPÖ disposait de très nombreuses caches d'armes et était largement suffisamment structuré pour vaincre le fascisme s'il l'avait voulu.

Mais il ne le fit pas.

Comme l'affirma, Dimitrov, alors secrétaire du Kominten : "il ne peut pas y avoir de parti qui, reculant sans cesse, invitant depuis quinze ans les ouvriers à renoncer à la lutte, puisse, en vingt-quatre heures, s'orienter tant du point de vue politique que du point de vue de l'organisation, vers la lutte armée" (Lettre aux ouvriers d'Autriche, L'Internationale Communiste n°10, 20 mai 1934).

Cette passivité meurtrière du parti socialiste fut retracé par le grand écrivain Jura Soyfer : "La mort d'un Parti". Jura Soyfer quitta les socialistes pour les communistes et terminera dans un camp sous le nazisme.

Seul le KPÖ menera donc le combat. Les fascistes sont obligés de tirer au canon contre le Karl-Marx-Hof, bastion communiste.

Amalie BRUST
12.6.1910-17.11.1944

Le KPÖ contre l'austro-fascisme et le nazisme

Les socialistes expliquaient dans leur organe que le régime s'effondrerait de lui-même très vite; ce à quoi les communistes répondirent que penser cela n'était qu'une forme de réformisme.

De plus, l'agitation nazie allait grandissante, l'Etat allemand fournissant une énorme aide et exerçant une grande pression sur l'Etat autrichien.

La répression austro-fasciste était grande.

Le "Drapeau Rouge" perdit son principal organisateur Alfred Klahr, arrêté courant 1934, et dut s'installer à Prague, où Klahr put retravailler après quasiment un an de prison.

Alfred Klahr fut en fait la personnalité essentielle pour le KPÖ.

Rédacteur du "Drapeau rouge", professeur à l'école de la jeunesse internationale communiste à Moscou, il fut surtout le théoricien de la "question nationale en Autriche".

Alfred Klahr fut le théoricien de la rupture avec la conception bourgeoise de la question autrichienne; il est le premier à considérer l'Autriche comme une nation.

Il développa ses idées dans le numéro de mars 1937 de "Weg & Ziel" (Le chemin et le but), sous le pseudonyme de "Rudolf".

Son point de vue théorique est entièrement fondé sur le classique de Staline, "Le marxisme et la question nationale", ouvrage d'ailleurs écrit à Vienne en 1912.

Cette ligne révolutionnaire va s'imposer dans le KPÖ.

Le comité central rend public une résolution en août 1938 : "La lutte pour la libération de l'Autriche de la domination étrangère", où il est affirmé que "la lutte du peuple autrichien contre le fascisme hitlérien porte le caractère d'une lutte de libération nationale contre la domination impérialiste étrangère, et vise le rétablissement de son indépendance".

Le KPÖ voit comme ennemi dans cette phase la domination étrangère, l'exploitation économique, la politique guerrière, la barbarie culturelle et l'antisémitisme.

"Il faut convaincre les larges masses que la protection des concitoyens juifs est une composante impérativement nécessaire de la lutte antifasciste".

Avec l'invasion allemande de 1938, saluée par une bonne partie de la population acquise aux idées pangermanistes, le Parti s'organisa depuis l'étranger, principalement Paris mais aussi Bruxelles, Anvers, Lüttich.

Le KPÖ consistait alors en quelques centaines de personnes, profitant de l'aide du PCF pour amener la propagande en Autriche même. Alfred Klahr fut encore le coeur du parti.

En Autriche, entre mars et décembre 1938, 750 communistes furent officiellement "pris en charge administrativement".

En 1939 le chiffre sera de 1.100, en 1940 800, en 1941 plus de 1.500, en 1942 800, en 1943 1.200.

Friedrich MASTNY
11.3.1921-2.11.1943

L'invasion allemande brisa l'organisation extérieure, dont une partie réussit grâce à de faux papiers à rejoindre la Résistance communiste en France.

Klahr en fit partie, avant de partir pour la Suisse rejoindre l'organisation extérieure du KPÖ. Arrêté là-bas et remis à Vichy, il fut livré à la Gestapo et amené à Auschwitz.

S'échappant d'Auschwitz en juin 1944 grâce à l'organisation illégale communiste, il va jusqu'à Varsovie où les nazis le retrouvent et l'exécutent.

Environ 2.200 communistes d'Autriche furent assassinés par les fascistes.

Ernst BURGER
16.5.1915-30.12.1944

[6ème enfant d'une famille ouvrière viennoise. Membre de la jeunesse ouvrière socialiste, rejoint en 1934 la jeunesse communiste. Secrétaire général de la JC, arrêté puis libéré, émigre en Suisse puis à Paris, retourne en novembre 1938 en Autriche dans l'illégalité, arrêté en 1939. Membre de la direction illégale de l'organisation communiste à Auschwitz. Pendu avec deux autres communistes, Rudolf Frienel et Ludwig Vesely, devant 15.000 prisonniers.]