Manuel
d'économie politique
maoïste
2.Le mode de production
esclavagiste
La naissance
de l'esclavage
L'esclavage est,
historiquement, la première et la plus grossière
forme d'exploitation. Cette forme d'exploitation a existé
chez presque tous les peuples.
Le passage du régime de la communauté primitive
à celui de l'esclavage s'est d'abord produit dans les
pays d'Orient.
Le mode de production
fondé sur l'esclavage était prépondérant
en Mésopotamie (Sumérie, Babylonie, Assyrie, etc.),
en Egypte, dans l'Inde et en Chine du quatrième au second
millénaire avant notre ère.
La civilisation
des pays de l'Orient antique, où régnait l'esclavage,
exerça une influence considérable sur les peuples
européens.
En Grèce,
l'apogée du mode de production basé sur l'esclavage
se situe aux cinquième et quatrième siècles
avant notre ère.
Par la suite, l'esclavage
se développa en Asie mineure, en Egypte, en Macédoine
(du quatrième au premier siècle avant notre ère).
Il atteignit son
plus haut degré de développement à Rome,
du deuxième siècle avant notre ère au deuxième
siècle de notre ère.
L'esclavage revêtit
d'abord un caractère patriarcal, domestique. Les esclaves
étaient relativement peu nombreux.
Le travail des esclaves
ne constituait pas encore la base de la production et ne jouait
qu'un rôle auxiliaire dans l'économie dont le but
restait de subvenir aux besoins de la grande famille patriarcale
qui n'avait presque pas recours aux échanges.
Le maître
avait déjà sur ses esclaves un pouvoir illimité,
mais le champ d'application de leur travail restait limité.
Le passage de la
société au régime de l'esclavage s'explique
par le progrès des forces productives, le développement
de la division sociale du travail et des échanges.
§ Le passage
des outils de pierre aux outils de métal ouvrit au travail
humain des domaines nouveaux.
§ L'invention
du soufflet de forge permit de fabriquer des instruments de fer
d'une solidité encore inconnue.
§ La hache
de fer rendit possible le défrichement des terrains couverts
de forêts et de buissons et leur mise en culture; l'araire
à soc de fer permit de cultiver des superficies relativement
étendues.
L'économie
primitive fondée sur la chasse céda la place à
la culture et à l'élevage. Les métiers firent
leur apparition.
Dans l'agriculture, qui restait la principale branche de la production,
les procédés de culture et d'élevage s'améliorèrent.
De nouvelles plantes
furent cultivées : vigne, lin, plantes oléagineuses,
etc.
Les troupeaux s'accrurent
rapidement pour les familles riches. L'entretien du bétail
réclamait toujours plus de bras.
Le tissage, l'art
de traiter les métaux, la poterie et les autres métiers
se perfectionnèrent.
Le métier,
qui était auparavant une occupation annexe pour le cultivateur
et l'éleveur, devint pour beaucoup une activité
autonome. Le métier se détacha de l'agriculture.
Ce fut la deuxième grande division sociale du travail.
Avec la division
de la production en deux branches essentielles : l'agriculture
et le métier, apparaît la production directe pour
l'échange, sous une forme encore peu développée,
il est vrai.
L'élévation
de la productivité du travail augmenta la masse du surproduit,
ce qui, en raison de l'existence de la propriété
privée des moyens de production, permit à une minorité
de la société d'accumuler des richesses et, grâce
à elles, d'assujettir la majorité laborieuse à
la minorité exploiteuse, de réduire les travailleurs
en esclavage.
Dans les conditions
de l'esclavage, l'économie était avant tout une
économie naturelle.
On entend par économie
naturelle une économie dans laquelle les fruits du travail
ne font pas l'objet d'échange et sont consommés
dans l'exploitation même.
Mais en même
temps l'échange se développait. Les artisans produisirent
d'abord sur commande, puis pour le marché. Beaucoup, du
reste, continuèrent longtemps encore à cultiver
de petits lopins de terre pour subvenir à leurs besoins.
Les paysans, qui
vivaient pour l'essentiel en économie naturelle, se voyaient
pourtant obligés de vendre une partie de leurs produits
sur le marché pour acheter des articles aux artisans et
payer les impôts et tributs aux différentes formes
d'autorité (patriarche, principauté, chef de gens,
monarques dans les modes de production asiatique).
Ainsi une partie
des produits du travail des artisans et des paysans se transforma
peu à peu en marchandises.
La marchandise est
un produit fabriqué non pour être directement consommé,
mais pour être échangé, vendu sur le marché.
La production pour
l'échange caractérise l'économie marchande.
Ainsi, la séparation
du métier d'avec l'agriculture, l'apparition du métier
comme activité autonome marquaient la naissance de la
production marchande.
Tant que l'échange
ne fut qu'occasionnel, on échangeait directement un produit
du travail contre un autre.
Mais quand les échanges
prirent de l'extension et devinrent réguliers, une marchandise
se dégagea peu à peu, contre laquelle on échangeait
volontiers toute autre marchandise.
C'est ainsi qu'apparut
la monnaie.
La monnaie est la
marchandise universelle qui sert à évaluer toutes
les autres marchandises et joue le rôle d'intermédiaire
dans les échanges.
Le développement
du métier et de l'échange eut pour conséquence
la formation des villes.
Celles-ci sont apparues
dès la plus haute antiquité, à l'aube du
mode de production esclavagiste.
La ville se distingua
d'abord fort peu du village. Mais peu à peu le métier
et le commerce s'y concentrèrent.
Par le genre d'occupation
de leurs habitants, par leur mode de vie, les villes se différencièrent
de plus en plus de la campagne.
Ainsi commença
la séparation de la ville et de la campagne et se dessina
leur opposition.
A mesure que la
masse des marchandises à échanger augmentait, les
limites territoriales de l'échange s'élargissaient
elles aussi.
Des marchands apparurent
qui, pour réaliser un gain, achetaient les marchandises
aux producteurs, les amenaient sur des marchés parfois
assez éloignés du lieu de la production, et les
revendaient aux consommateurs.
L'extension de la
production et des échanges accrut l'inégalité
des fortunes.
La monnaie, les
animaux de trait, les instruments de production, les semences
s'accumulaient entre les mains des riches.
De plus en plus
souvent les pauvres étaient obligés de recourir
à ces derniers pour obtenir un prêt, la plupart
du temps en nature, mais parfois aussi en argent.
Les riches prêtaient
instruments de production, semences, argent, assujettissant leurs
débiteurs qu'ils réduisaient en esclavage et dépouillaient
de leur terre en cas de non-remboursement de la dette.
Ainsi naquit l'usure.
Elle apporta aux
uns un surcroît de richesses, aux autres la sujétion
du débiteur.
La terre, à
son tour, devint propriété privée. On se
mit à la vendre et à l'hypothéquer.
Si le débiteur
ne pouvait rembourser l'usurier, il devait abandonner sa terre,
vendre ses enfants et se vendre lui-même comme esclaves.
Parfois, sous un
prétexte quelconque, les gros propriétaires fonciers
s'emparaient de prairies et de pâturages appartenant aux
communautés rurales.
C'est ainsi que
la propriété foncière, l'argent et la masse
des esclaves se concentrèrent entre les mains de riches
propriétaires.
La petite exploitation
paysanne se ruinait de plus en plus alors que l'économie
fondée sur l'esclavage se renforçait, s'élargissait
et s'étendait à toutes les branches de la production.
L'accroissement
constant de la production, et avec elle de la productivité
du travail, accrut la valeur de la force de travail humaine;
l'esclavage qui, au stade antérieur, était encore
à l'origine et restait sporadique, devient maintenant
un composant essentiel du système social; les esclaves
cessent d'être de simples auxiliaires; c'est par douzaines
qu'on les pousse au travail, dans les champs et à l'atelier.
(F. Engels : L'origine de la famille, de la'propriété
privée et de l'Etat)
C'est sur le travail
des esclaves que repose désormais l'existence de la société.
Celle-ci se divise
en deux grandes classes antagonistes : celle des esclaves et
celle des propriétaires d'esclaves.
Ainsi se constitua le mode de production fondé sur l'esclavage.
Sous le régime
de l'esclavage, la population se divisait en hommes libres et
en esclaves.
§ Les hommes
libres jouissaient de tous les droits civiques, politiques et
de propriété (sauf les femmes réduites en
fait à la condition d'esclaves).
§ Les esclaves étaient privés de ces droits
et l'accès de la classe des hommes libres leur était
interdit.
Les hommes libres,
à leur tour, se divisaient en deux classes : les grands
propriétaires fonciers, qui étaient en même
temps de grands propriétaires d'esclaves, et les petits
producteurs (paysans, artisans) dont les plus aisés utilisaient
également le travail de leurs esclaves.
Les prêtres,
qui jouaient un rôle important à l'époque
de l'esclavage, se rattachaient par leur situation à la
classe des grands propriétaires de terres et d'esclaves.
Outre la contradiction
de classe entre maîtres et esclaves, il en existait une
autre : entre grands propriétaires fonciers et paysans.
Mais étant
donné qu'avec le développement du régime
esclavagiste le travail des esclaves, qui était le moins
coûteux, s'étendit à la plupart des branches
d'activité et finit par constituer la principale base
de la production, la contradiction entre maîtres et esclaves
devint la contradiction fondamentale de la société.
La division de la
société en classes rendit nécessaire la
formation de l'Etat.
Avec les progrès
de la division sociale du travail et le développement
de l'échange, les gentes et les tribus se rapprochèrent,
s'unirent en confédérations.
Le caractère
des institutions gentilices se modifia.
Les organes du régime gentilice perdirent de plus en plus
leur caractère populaire.
Ils se transformèrent
en organes de domination sur le peuple, en organes ayant pour
objet de spolier et d'opprimer leurs propres tribus et les tribus
voisines.
Les anciens et les
chefs militaires des gentes et des tribus devinrent des princes
et des rois.
Ils devaient autrefois
leur autorité à leur qualité d'élus
de la gens ou d'une fédération de gentes.
Ils usèrent
dorénavant de leur pouvoir pour défendre les intérêts
des couches possédantes, pour tenir en bride leurs concitoyens
en train de se ruiner, pour réprimer les esclaves.
C'est aussi à
quoi servirent les détachements armés, les tribunaux,
les organismes punitifs.
Ainsi naquit le
pouvoir d'Etat.
C'est seulement
quand la première forme de division de la société
en classes, l'esclavage, est apparue, quand une classe d'hommes,
en se consacrant aux formes les plus rudes du travail agricole,
a pu produire un certain excédent; quand le propriétaire
d'esclaves s'est approprié cet excédent qui n'était
pas absolument indispensable à l'existence misérable
de l'esclave; quand, de la sorte, l'existence de cette classe
de propriétaires d'esclaves s'est affermie, et pour qu'elle
pût s'affermir, il fallut que l'Etat apparut.
(V. Lénine : " De l'Etat ", L'Etat et la révolution)
L'Etat a surgi pour
tenir en bride la majorité exploitée dans l'intérêt
de la minorité exploiteuse.
L'Etat esclavagiste
a joué un rôle considérable dans le développement
et la consolidation des rapports de production de la société
fondée sur l'esclavage.
Il maintenait dans
l'obéissance les foules d'esclaves.
Il assurait le développement
du patriarcat et l'écrasement des restes du communisme
primitif.
Il grandit, se ramifia
et devint un vaste appareil de domination et de violence dirigé
contre les masses populaires.
Les démocraties
de la Grèce et de la Rome antiques, qu'exaltent les manuels
d'histoire bourgeois, n'étaient au fond que des démocraties
de propriétaires d'esclaves.
Les rapports
de production de la société esclavagiste. La situation
des esclaves.
La propriété
du maître non seulement sur les moyens de production, mais
aussi sur les producteurs, les esclaves, formait la base des
rapports de production de la société esclavagiste.
L'esclave était considéré comme une chose;
son maître avait sur lui un pouvoir absolu.
Il n'était
pas seulement exploité; on pouvait le vendre et l'acheter
comme du bétail, ou même le tuer impunément.
Si, à l'époque
de l'esclavage patriarcal, il était regardé comme
un membre de la famille, avec le développement du mode
de production esclavagiste, il cessa même d'être
considéré comme un homme.
L'esclave ne vendait
pas sa force de travail au possesseur d'esclaves, pas plus que
le buf ne vend le produit de son travail au paysan.
L'esclave est vendu, y compris sa force de travail, une fois
pour toutes à son propriétaire.
(K. Marx: Travail salarié et capital, suivi de Salaire,
prix et profit)
Le travail des esclaves
avait un caractère de contrainte non dissimulé.
On obligeait les
esclaves à travailler par les moyens les plus brutaux.
On les poussait
au travail à coups de fouet, on les punissait férocement
à la moindre peccadille.
On les marquait
pour les retrouver plus facilement s'ils s'enfuyaient. Beaucoup
portaient jour et nuit un collier de fer sur lequel était
inscrit le nom de leur maître.
Celui-ci s'appropriait
la totalité des fruits du travail des esclaves.
Il ne donnait aux
esclaves qu'un minimum de moyens d'existence, juste assez pour
qu'ils ne meurent pas de faim et puissent continuer à
travailler pour lui.
Il s'attribuait
le surproduit, mais aussi une grande partie du produit nécessaire.
Le développement
du mode de production fondé sur l'esclavage s'accompagnait
d'une demande d'esclaves toujours accrue.
Dans certains pays les esclaves n'avaient la plupart du temps
pas de famille.
Une exploitation
brutale entraînait leur usure rapide. Il en fallait sans
cesse de nouveaux. La guerre était la grande pourvoyeuse
d'esclaves.
Les Etats esclavagistes
de l'Orient ancien étaient sans cesse en guerre pour conquérir
d'autres peuples. L'histoire de la Grèce antique est pleine
des guerres que se livraient les cités entre elles, les
métropoles et les colonies, les Etats grecs et orientaux.
Rome fit constamment
la guerre; à son apogée, elle soumit la plus grande
partie du monde alors connu.
On réduisait en esclavage non seulement les soldats faits
prisonniers, mais encore une grande partie de la population des
pays conquis.
Les provinces et
les colonies fournissaient également des esclaves.
Elles procuraient
cette " marchandise vivante " au même titre que
toute autre marchandise.
Le commerce des
esclaves était une des branches de l'activité économique
les plus lucratives et les plus florissantes.
Il existait à
cet effet des centres spéciaux, des marchés où
vendeurs et acheteurs, venus de lointains pays, se rencontraient.
Le mode de production
esclavagiste ouvrait de plus larges possibilités à
l'accroissement des forces productives que la communauté
primitive.
La concentration
d'un grand nombre d'esclaves entre les mains de l'Etat esclavagiste
et des propriétaires d'esclaves permettait d'appliquer
la coopération simple sur une très large échelle.
En témoignent
les ouvrages gigantesques réalisés dans l'antiquité
par les peuples de la Chine, de l'Inde, de l'Egypte, de l'Italie,
de la Grèce, de la Transcaucasie, de l'Asie Centrale,
et d'autres encore : systèmes d'irrigation, routes, ponts,
fortifications, monuments.
La division sociale
du travail se développait, elle aboutissait à la
spécialisation dans l'agriculture et les métiers,
et par suite à une augmentation de la productivité
du travail.
En Grèce, la main-d'uvre esclave était largement
employée dans les métiers.
De grands ateliers
firent leur apparition, où des dizaines d'esclaves travaillaient
ensemble. Le travail des esclaves était également
utilisé dans la construction, l'extraction du minerai
de fer, de l'argent et de l'or.
A Rome, il était
très répandu dans l'agriculture. L'aristocratie
romaine possédait des latifundia, vastes domaines où
peinaient des centaines et des milliers d'esclaves.
Ces latifundia avaient
été constitués par l'accaparement des terres
paysannes et par des usurpations sur le domaine public.
Le bon marché du travail des esclaves et les avantages
de la coopération simple permettaient aux latifundia de
produire du blé et d'autres denrées agricoles à
meilleur compte que les petites exploitations des paysans libres.
La petite paysannerie
était évincée, réduite en esclavage,
ou allait à la ville grossir les rangs des couches misérables
de la population.
L'opposition entre
la ville et la campagne, qui était apparue dès
le passage du régime de la communauté primitive
au régime esclavagiste, s'accroissait de plus en plus.
Les villes deviennent
les centres de rassemblement de l'aristocratie esclavagiste,
des marchands, des usuriers, des fonctionnaires de l'Etat esclavagiste,
qui tous exploitaient les masses de la population paysanne.
Grâce au travail
des esclaves, le monde antique atteignit un degré de développement
économique et culturel remarquable.
Mais un régime
fondé sur l'esclavage ne pouvait créer les conditions
d'un progrès technique de quelque importance. Le travail
des esclaves était caractérisé par un rendement
extrêmement bas.
L'esclave ne portait
aucun intérêt à son travail. Il avait en
haine le labeur auquel il était astreint.
Souvent sa protestation
et son indignation se traduisaient par des détériorations
d'outils. Aussi ne lui confiait-on que des instruments grossiers
qu'il eût été difficile de détériorer.
La production restait
ainsi à un niveau technique très bas. Malgré
un certain développement des sciences naturelles et des
sciences exactes, celles-ci n'étaient presque pas appliquées
dans la production. Si quelques inventions techniques étaient
utilisées, c'était uniquement pour la guerre et
dans la construction.
Au cours des siècles
que dura sa domination, le mode de production esclavagiste se
contenta d'instruments manuels empruntés au petit cultivateur
et à l'artisan, il ne dépassa jamais le stade de
la coopération simple.
La principale force
motrice restait la force physique de l'homme et des animaux domestiques.
L'emploi généralisé
de la main-d'uvre réduite en esclavage permit aux
possesseurs d'esclaves de se décharger sur ces derniers
de tout travail physique.
Les propriétaires
d'esclaves méprisaient le travail, qu'ils regardaient
comme une activité indigne d'un homme libre, et menaient
une existence de parasites.
A mesure que l'esclavage
se développait, des masses de plus en plus considérables
de la population libre tournaient le dos à toute activité
productrice.
Seule une partie
de la couche privilégiée des propriétaires
d'esclaves et du reste de la population libre s'occupait des
affaires publiques, de science et d'art.
Ceux-ci atteignirent
un important développement.
Le régime
de l'esclavage a engendré l'opposition entre le travail
manuel et le travail intellectuel, a creusé entre eux
un fossé.
L'exploitation des
esclaves par leurs maîtres est le trait essentiel des rapports
de production de la société esclavagiste.
Mais dans chaque pays le mode de production fondé sur
l'esclavage présente des particularités.
Dans l'Orient antique,
la prédominance de l'économie naturelle était
encore plus accusée que dans le monde gréco-romain.
Le travail des esclaves
était largement utilisé dans les domaines de l'Etat,
des grands propriétaires d'esclaves et des temples.
L'esclavage domestique
était très répandu.
Dans l'agriculture chinoise, indienne, babylonienne et égyptienne,
les membres des communautés paysannes étaient exploités
en masse parallèlement aux esclaves.
L'esclavage pour dettes prit une grande extension.
Le membre de la
communauté rurale, qui ne s'était pas acquitté
de sa dette envers l'usurier ou n'avait pas payé son fermage
au propriétaire foncier, se voyait contraint de travailler
pendant un certain temps dans les domaines de ces derniers en
qualité d'esclave débiteur.
Dans les pays d'esclavage
de l'Orient ancien, la terre appartenait souvent à la
communauté ou à l'Etat.
Ces formes de propriété
étaient liées au système d'agriculture,
fondé sur l'irrigation.
Dans les vallées
fluviales, l'agriculture irriguée exigeait de grands travaux
pour la construction de digues, de canaux et de réservoirs,
pour l'assèchement des marais.
D'où la nécessité
de centraliser la construction et l'exploitation des systèmes
d'irrigation à l'échelle de vastes territoires.
L'irrigation artificielle
y constitue la première condition de l'agriculture, et
ceci est l'affaire des communautés, des provinces ou du
gouvernement central.
(Lettre de Friedrich Engels à Karl Marx du 6 juin 1853)
Avec le développement
de l'esclavage, les terres des communautés se concentrèrent
de plus en plus entre les mains de l'Etat.
Le roi, qui exerçait
un pouvoir absolu, devint le propriétaire suprême
du sol.
Monopolisant la
propriété de la terre, l'Etat esclavagiste accablait
les paysans d'impôts, faisait peser sur eux toutes sortes
de charges, les réduisant ainsi à la condition
d'esclaves.
Les paysans continuaient
à faire partie de leurs communautés.
Mais la terre se
trouvant aux mains de l'Etat esclavagiste, la communauté
formait la base permanente du despotisme oriental, c'est-à-dire
d'un pouvoir monarchique absolu et sans contrôle.
L'aristocratie sacerdotale
jouait un rôle important dans les pays d'Orient où
dominait l'esclavage. Les vastes domaines appartenant aux temples
reposaient sur le travail des esclaves.
Sous le régime
de l'esclavage, la majeure partie du travail des esclaves et
de son produit était, dans tous les pays, dépensée
par les propriétaires d'esclaves de façon improductive
pour satisfaire des caprices individuels, amasser des trésors,
construire des ouvrages militaires et mettre sur pied des armées,
bâtir et entretenir des palais et des temples somptueux.
Les pyramides d'Egypte
sont un exemple frappant de ces énormes dépenses
de travail improductives.
Seule une partie
infime du labeur des esclaves et de son produit était
consacrée à l'extension de la production dont le
développement, de ce fait, était très lent.
Les guerres dévastatrices
entraînaient la destruction des forces productives, l'extermination
d'une grande partie de la population non combattante et la disparition
de civilisations entières.
La loi économique
fondamentale du régime de l'esclavage réside dans
la production d'un surproduit pour la satisfaction des besoins
des possesseurs d'esclaves en exploitant brutalement les esclaves
sur la base de la propriété complète des
moyens de production et des esclaves par les possesseurs d'esclaves,
par la ruine et l'asservissement des paysans et des artisans,
ainsi que par la conquête et l'asservissement des peuples
des autres pays.
Le développement
de l'échange. Le capital commercial et le capital usuraire.
L'économie
esclavagiste restait pour l'essentiel une économie naturelle.
Ce qu'elle produisait
était surtout destiné à être directement
consommé par le propriétaire d'esclaves, ses nombreux
parasites et sa valetaille, et non à être échangé.
L'échange joua pourtant un rôle de plus en plus
marquant, surtout à l'apogée du régime esclavagiste.
Dans certaines branches
de la production, une partie des produits était régulièrement
vendue sur le marché, autrement dit convertie en marchandises.
Avec le progrès
des échanges, le rôle de la monnaie s'accrut.
D'ordinaire, c'était la marchandise le plus fréquemment
échangée qui devenait monnaie.
Chez de nombreux
peuples, notamment ceux qui s'adonnaient à l'élevage,
le bétail remplit d'abord cet office.
Ailleurs, ce fut
le sel, le blé, les fourrures.
Peu à peu
ces différentes formes de monnaie furent remplacées
par la monnaie métallique.
Les premières
monnaies métalliques firent leur apparition dans l'Orient
antique où elles circulèrent sous forme de lingots
de bronze, d'argent et d'or dès les troisième et
deuxième millénaires avant notre ère, et
sous forme de monnaies frappées à partir du VIIème
siècle avant notre ère.
Des monnaies de
fer avaient cours en Grèce huit siècles avant notre
ère.
Aux cinquième
et quatrième siècles avant notre ère, Rome
ne connaissait encore que la monnaie de cuivre.
Par la suite, l'argent
et l'or remplacèrent le fer et le cuivre en qualité
de monnaie.
Les cités
grecques entretenaient un commerce assez actif, notamment avec
leurs colonies dispersées le long du littoral de la Méditerranée
et de la mer Noire.
Les colonies fournissaient
régulièrement des esclaves, principale force de
travail, des matières premières et des moyens d'existence
: peaux, laine, bétail, blé, poisson.
Outre le commerce
des esclaves et d'autres marchandises, le commerce des objets
de luxe jouait un rôle important à Rome comme en
Grèce.
Ces objets étaient fournis par les peuples d'Orient, principalement
à titre de tribut.
Le commerce s'accompagnait du pillage, de la piraterie et de
l'asservissement des colonies.
Sous le régime
de l'esclavage, l'argent n'était pas seulement un moyen
d'acheter et de vendre des marchandises. Il servait aussi à
s'approprier le travail d'autrui par le commerce et l'usure.
L'argent dépensé
pour s'approprier le surtravail et son produit devient capital,
c'est-à-dire un moyen d'exploitation.
Le capital commercial et le capital usuraire ont été,
historiquement, les premières formes de capital.
Le capital commercial
est le capital engagé dans la sphère de l'échange
des marchandises.
En achetant et en
revendant, les marchands s'appropriaient une importante partie
du surproduit créé par les esclaves, les petits
paysans et les artisans.
Le capital usuraire
est le capital utilisé sous forme de prêts d'argent,
de moyens de production ou d'objets de consommation pour s'approprier
le surtravail des paysans et des artisans par le prélèvement
d'intérêts élevés. Les usuriers prêtaient
également de l'argent à l'aristocratie et avaient
ainsi part au surproduit que fournissait à celle-ci le
travail de ses esclaves.
L'aggravation des contradictions du mode de production esclavagiste.
L'esclavage a été
une étape nécessaire dans l'histoire de l'humanité.
Ce fut seulement
l'esclavage qui rendit possible sur une assez grande échelle
la division du travail entre agriculture et industrie et, par
suite, l'apogée du monde antique, l'hellénisme.
Sans esclavage, pas d'Etat grec, pas d'art et de science grecs
; sans esclavage, par d'Empire romain.
Or, sans la base de l'hellénisme et de l'Empire romain,
pas non plus d'Europe moderne.
(F. Engels : Anti-Dühring)
C'est sur les ossements
de générations d'esclaves que s'est épanouie
la civilisation qui a été à la base des
progrès ultérieurs de l'humanité.
De nombreuses branches
du savoir, mathématiques, astronomie, mécanique,
architecture, ont atteint dans le monde antique un degré
de développement remarquable.
Les objets d'art, les chefs-d'uvre de la littérature,
de la sculpture et de l'architecture que nous a légués
l'antiquité, font à jamais partie, du trésor
de la culture humaine.
Mais le régime
esclavagiste était déchiré par des contradictions
insolubles, qui le conduisirent finalement à sa perte.
La forme d'exploitation
qu'était l'esclavage détruisait la principale force
productive de la société : les esclaves.
La lutte de ces derniers contre l'exploitation féroce
dont ils étaient les victimes, se traduisait de plus en
plus fréquemment par des révoltes.
L'afflux ininterrompu
de nouveaux esclaves, leur bon marché, était la
condition d'existence de l'économie esclavagiste.
La guerre était
la grande pourvoyeuse d'esclaves.
La puissance militaire
de la société esclavagiste reposait sur la masse
des petits producteurs libres : paysans et artisans, qui composaient
l'armée et supportaient le poids principal des impôts
nécessités par la guerre.
Mais la concurrence
de la grande production fondée sur le travail des esclaves,
de meilleur marché, et les charges écrasantes,
ruinaient les paysans et les artisans. L'antagonisme irréductible
entre les latifundia et les exploitations paysannes ne cessait
de s'aggraver.
La disparition de
la paysannerie libre sapait la puissance économique, mais
aussi la puissance militaire et politique des Etats esclavagistes,
et notamment de Rome.
Aux victoires succédèrent
les défaites, aux guerres de conquête des guerres
défensives.
La source, qui fournissait
jadis sans arrêt des esclaves à bon compte, était
tarie.
Les côtés
négatifs du travail des esclaves se manifestaient avec
toujours plus de netteté. Les deux derniers siècles
de l'Empire romain furent marqués par un déclin
général de la production.
Le commerce fut
désorganisé; des contrées autrefois riches
s'appauvrirent; la population diminua; les métiers dépérirent;
les villes se vidèrent.
Les rapports de
production fondés sur le travail des esclaves étaient
devenus des entraves pour les forces productives accrues de la
société.
Le travail des esclaves,
aucunement intéressés à la production, avait
épuisé ses possibilités.
Il était
devenu historiquement nécessaire de remplacer les rapports
de production fondés sur l'esclavage par d'autres rapports,
qui permettraient de modifier la situation sociale des masses
laborieuses, principale force productive.
La loi de la correspondance
nécessaire entre les rapports de production et le caractère
des forces productives exigeait que les esclaves fussent remplacés
par des travailleurs ayant quelque intérêt aux résultats
de leur travail.
Comme la grande
production fondée sur l'esclavage avait cessé d'être
rémunératrice, le maître affranchissait en
masse ses esclaves, dont le travail ne lui fournissait plus de
revenus.
Les grands domaines
furent morcelés en petites parcelles remises à
certaines conditions soit à d'anciens esclaves, soit à
des citoyens autrefois libres, qui étaient astreints désormais
à toutes sortes de redevances au bénéfice
du propriétaire foncier. Ces nouveaux cultivateurs étaient
attachés à leurs parcelles et pouvaient être
vendus avec elles.
Mais ils n'étaient
plus esclaves.
C'était une
nouvelle catégorie de petits producteurs dont la situation
était intermédiaire entre celles des hommes libres
et des esclaves, et qui avait quelque intérêt au
travail. Ces colons, comme on les appelait, furent les prédécesseurs
des serfs du Moyen âge.
Ainsi apparaissaient,
au sein même de la société esclavagiste,
les éléments d'un mode de production nouveau, le
mode féodal.
La lutte de classe
des exploités contre leurs exploiteurs. Les révoltes
d'esclaves. La fin du régime de l'esclavage.
L'histoire des sociétés
fondées sur l'esclavage dans l'Orient ancien, en Grèce
et à Rome montre qu'avec le développement de l'économie
esclavagiste la lutte de classe des masses asservies contre leurs
oppresseurs s'intensifiait.
Les révoltes
d'esclaves se combinaient avec la lutte des petits paysans exploités
contre la couche privilégiée des grands propriétaires
d'esclaves et de terres.
La contradiction
entre les petits producteurs et les grands propriétaires
fonciers donna naissance dès le début du développement
de la société esclavagiste, parmi les hommes libres,
à un mouvement démocratique qui se proposait d'annuler
les dettes, de procéder au partage des terres, de retirer
ses privilèges à l'aristocratie foncière,
de donner le pouvoir au peuple, au " démos. "
Parmi les nombreuses
révoltes d'esclaves dont l'Empire romain fut le théâtre,
la plus importante est celle que dirigea Spartacus (74-71 avant
notre ère), au nom duquel se rattache l'épisode
le plus glorieux de la lutte des esclaves contre leurs maîtres.
Au cours des siècles,
les soulèvements d'esclaves furent fréquents; les
paysans ruinés se joignaient à eux.
Les plus importants
éclatèrent aux troisième et premier siècles
avant notre ère et du troisième au cinquième
siècle de notre ère.
Les propriétaires
d'esclaves réprimèrent ces révoltes avec
la dernière cruauté.
Les soulèvements
des masses exploitées, et surtout des esclaves, minèrent
la puissance de Rome. Ces poussées internes étaient
de plus en plus souvent accompagnées de poussées
externes.
Les habitants des
pays voisins emmenés en esclavage se soulevaient dans
les champs d'Italie tandis que leurs compatriotes restés
en liberté attaquaient et forçaient les frontières
de l'Empire, renversaient la domination romaine.
Toutes ces circonstances
hâtèrent la fin du régime esclavagiste à
Rome.
C'est dans l'Empire
romain que le mode de production fondé sur l'esclavage
atteignit son apogée. La chute de l'Empire romain marqua
aussi la fin du régime de l'esclavage dans son ensemble.
A ce régime succéda la féodalité.
Les conceptions
économiques de l'époque de l'esclavage.
Les conceptions
économiques de la période de l'esclavage ont trouvé
leur expression dans maints ouvrages que nous ont laissés
les poètes, les philosophes, les historiens, les hommes
d'Etat et les personnalités publiques, pour qui l'esclave
n'était pas un homme, mais une chose entre les mains de
son maître.
Le travail des esclaves
était méprisé; or, le travail devenait de
plus en plus le lot des esclaves; aussi fut-il bientôt
considéré comme une activité indigne d'un
homme libre.
Le code du roi Hammourabi
(dix-huitième siècle avant notre ère - bloc
monumental désormais au musée du Louvre, composé
de 282 articles) témoigne des conceptions économiques
de la société esclavagiste babylonienne.
Ce code protège
la propriété et les droits des riches et des nobles,
des propriétaires d'esclaves et de terres.
Quiconque cache
un esclave fugitif est passible de mort.
Le paysan qui n'a
pas payé sa dette au créancier ou son fermage au
propriétaire foncier doit livrer sa femme, son fils ou
sa fille qui sont réduits en esclavage, jusqu'à
ce qu'ils aient acquitté la dette par leur travail.
Les lois de Manou,
dans l'Inde antique, sont un recueil de prescriptions sociales,
religieuses et morales qui consacrent l'esclavage. L'esclave
n'a aucune propriété.
La loi punissait
de mort quiconque " cachait dans sa maison un esclave fugitif.
"
Les idées des classes dominantes se retrouvaient dans
la religion.
Ainsi le bouddhisme, qui se répandit dans l'Inde à
partir du sixième siècle avant notre ère,
prêchait la résignation, la non-résistance
à la violence et l'humilité devant les classes
dominantes; l'aristocratie esclavagiste s'en servit pour consolider
sa domination.
Même les penseurs
éminents de l'Antiquité ne pouvaient se représenter
une société sans esclaves.
Ainsi le philosophe
grec Platon (cinquième - quatrième siècles
avant notre ère), qui composa la première utopie
connue, maintenait l'esclavage dans sa république idéale.
Le travail des esclaves,
des cultivateurs et des artisans devait procurer les moyens d'existence
indispensables à la classe supérieure, celle des
gouvernants et des guerriers.
Aux yeux d'Aristote,
le plus grand penseur de l'Antiquité (quatrième
siècle avant notre ère), l'esclavage était
pour la société une nécessité éternelle.
Aristote a exercé
une influence considérable sur la vie intellectuelle de
l'Antiquité et du Moyen âge.
Tout en s'élevant
bien au-dessus de son temps lorsqu'il formule ses hypothèses
et ses prévisions scientifiques, il reste, sur la question
de l'esclavage, prisonnier des idées de la société
de son époque.
Son raisonnement
est le suivant : de même que le gouvernail est pour le
pilote un instrument inanimé, l'esclave est un instrument
animé. Si les outils travaillaient d'eux-mêmes sur
notre ordre, si par exemple les navettes tissaient toutes seules,
on n'aurait pas besoin d'esclaves.
Mais comme nombre
d'occupations exigent un travail grossier, peu compliqué,
la nature, dans sa sagesse, a créé les esclaves.
Certains sont nés
pour être esclaves et les autres pour les diriger.
Le travail servile
procure aux hommes libres des loisirs pour leur perfectionnement.
Tout l'art du maître
consiste donc à tirer le meilleur parti de ses esclaves.
C'est Aristote qui
a créé le terme d'" oïkonomia ".
De son temps l'échange,
le commerce et l'usure avaient déjà pris un certain
développement, mais dans l'ensemble l'économie
restait une économie naturelle, consommatrice.
Aristote considérait
comme seuls légitimes les biens acquis par l'agriculture
et le métier; c'est un partisan de l'économie naturelle.
Mais il comprenait
la nature réelle de l'échange, trouvant parfaitement
normal l'échange pour la consommation " puisque les
hommes ont d'ordinaire certains objets en quantité supérieure,
et d'autres objets en quantité inférieure à
leurs besoins ".
Il comprenait que
la monnaie était nécessaire aux échanges.
Par ailleurs Aristote condamnait le commerce s'il était
exercé à des fins de lucre, ainsi que l'usure.
A la différence
de l'agriculture et du métier, ces activités, disait-il,
ne posent aucune borne à l'acquisition des richesses.
Les anciens Grecs
avaient déjà une idée de la division du
travail et de son rôle dans la vie sociale. Platon, par
exemple, la plaçait à la base du régime
dont il dotait sa république idéale.
Les idées
des Romains en matière économique étaient
également fonction du mode de production fondé
sur l'esclavage, qui prédominait alors.
Les écrivains
et les hommes politiques, idéologues de la classe des
propriétaires d'esclaves, considéraient les esclaves
comme de simples instruments.
C'est à Varron (1er siècle avant notre ère),
qui composa entre autres une sorte de manuel d'agriculture à
l'usage des propriétaires d'esclaves, qu'appartient la
célèbre division des instruments en :
· instruments
muets (chariots) ;
· instruments
qui émettent des sons inarticulés (bétail)
;
et
· instruments doués de la parole (esclaves).
Il ne faisait qu'exprimer
par là les opinions généralement admises
par les propriétaires d'esclaves.
L'art de diriger
les esclaves préoccupait les esprits, à Rome comme
en Grèce. L'historien Plutarque (premier - deuxième
siècles de notre ère) rapporte que Caton, maître
" modèle ", achetait ses esclaves encore enfants,
" dans un âge où, pareils aux petits chiens
et aux poulains, ils se prêtent facilement à l'éducation
et au dressage ".
Il relate ensuite
qu'" il imaginait sans cesse de nouveaux moyens d'entretenir
parmi les esclaves la discorde et la division, car il craignait
leur bonne entente, qu'il considérait comme dangereuse
".
Par la suite, dans
l'Empire romain, l'écroulement et la désagrégation
de l'économie fondée sur le travail forcé
des esclaves s'accentuèrent.
L'écrivain
latin Columelle (Ier siècle de notre ère, auteur
de " De Re Rustica ") se plaignait en ces termes :
" Les esclaves causent un grave préjudice aux champs.
Ils prêtent
les bufs et soignent mal le troupeau. Ils labourent de
façon déplorable. "
Pline l'Ancien,
son contemporain, déclarait : " Les latifundia ont
perdu l'Italie et les provinces. "
De même que
les Grecs, les Romains considéraient comme normale l'économie
naturelle où le maître n'échange que ses
excédents.
Les ouvrages de
l'époque condamnent parfois les profits commerciaux élevés
et l'intérêt usuraire.
Mais les marchands
et les usuriers n'en amassaient pas moins d'immenses fortunes.
Dans la dernière
période de l'histoire romaine des voix s'élevèrent
pour condamner l'esclavage et proclamer l'égalité
naturelle des hommes. Il va sans dire que ces idées ne
trouvaient point d'écho parmi la classe dominante, celle
des propriétaires d'esclaves.
Quant aux esclaves,
ils étaient si accablés par leur situation misérable,
si abrutis et si ignorants, qu'ils étaient incapables
d'élaborer une idéologie plus progressiste que
les idées périmées de la classe esclavagiste.
C'est d'ailleurs
là une des raisons du caractère tout spontané
et inorganisé des révoltes d'esclaves.
La lutte entre la
grande et la petite propriété foncière constituait
une des contradictions profondes du régime de l'esclavage.
La paysannerie dont
la situation devenait de plus en plus difficile réclamait
dans son programme la limitation de la grande propriété
foncière et le partage des terres.
A l'époque
de la désagrégation de l'Empire romain, alors que
la grande majorité de la population des villes et des
campagnes, esclaves et hommes libres, n'apercevait aucune issue
à la situation, l'idéologie de la Rome esclavagiste
traversa une crise profonde.
Les contradictions
de classe de l'Empire agonisant donnèrent naissance à
une nouvelle idéologie religieuse : le christianisme,
qui traduisait à l'époque la protestation des esclaves,
des masses ruinées de la paysannerie, des artisans et
des déclassés contre l'esclavage et l'oppression.
Le christianisme
répondait aussi à l'état d'esprit de larges
fractions des classes dominantes qui avaient conscience de leur
situation sans issue.
C'est pourquoi,
tout en adressant des avertissements sévères aux
riches et aux puissants, le christianisme de la chute de l'Empire
romain exhortait à l'humilité et à la recherche
du salut dans la vie d'outre-tombe.
Dans les siècles
qui suivirent, le christianisme devint définitivement
la religion des classes dominantes, l'arme spirituelle chargée
de défendre et de justifier l'exploitation et l'oppression
des masses laborieuses.
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