Manuel
d'économie politique
maoïste
4.Le capitalisme
pré-monopoliste
LA PRODUCTION
MARCHANDE.
LA MARCHANDISE ET LA MONNAIE
La production marchande
est le point de départ et le trait général
du capitalisme.
Le mode de production
capitaliste, qui a succédé au mode de production
féodal, est fondé sur l'exploitation de la classe
des ouvriers salariés par la classe des capitalistes.
Pour comprendre
ce qu'est au fond le mode de production capitaliste, il faut
tout d'abord ne pas perdre de vue que le régime capitaliste
est fondé sur la production marchande : tout y prend forme
de marchandise, partout prévaut le principe de l'achat
et de la vente.
La production marchande
est plus ancienne que la production capitaliste.
Elle existait déjà
sous le régime de l'esclavage et sous le régime
féodal.
Dans la période
de décomposition de la féodalité, la production
marchande simple a servi de base à la naissance de la
production capitaliste.
La production marchande
simple implique, premièrement, la division sociale du
travail dans laquelle des producteurs isolés se spécialisent
dans la fabrication de produits déterminés, et,
en second lieu, l'existence de la propriété privée
des moyens de production et des produits du travail.
La production marchande
simple des artisans et des paysans se distingue de la production
capitaliste en ce qu'elle repose sur le travail individuel du
producteur de marchandises.
Cependant, elle
est, quant à sa base, du même type que la production
capitaliste, puisqu'elle prend appui sur la propriété
privée des moyens de production.
La propriété
privée engendre nécessairement, entre les producteurs
de marchandises, la concurrence qui aboutit à l'enrichissement
d'une minorité et, à la ruine de la majorité.
La petite production
marchande est donc à l'origine de la formation et du développement
des rapports capitalistes.
La production marchande revêt en régime capitaliste
un caractère prédominant, universel.
L'échange
des marchandises, écrivait
Lénine, constitue
dans la société bourgeoise (marchande) le rapport
le plus simple, le plus habituel, le plus fondamental, le plus
fréquent, le plus courant, qui se rencontre des milliards
de fois.
(V. Lénine : " A propos de la dialectique ",
Cahiers philosophiques).
La petite production
engendre le capitalisme et la bourgeoisie constamment, chaque
jour, chaque heure, d'une manière spontanée et
dans de vastes proportions.
(V. Lénine : La Maladie infantile du communisme (le "
gauchisme "))
La marchandise
et ses propriétés. Le double caractère du
travail incorporé dans la marchandise.
La marchandise est
une chose qui, premièrement, satisfait un besoin quelconque
de l'homme et qui, deuxièmement, est produite, non pas
pour la consommation propre, mais pour l'échange.
L'utilité
d'un objet, ses propriétés qui lui permettent de
satisfaire tel ou tel besoin de l'homme, en font une valeur d'usage.
La valeur d'usage
peut satisfaire directement le besoin individuel de l'homme ou
servir de moyen de production de biens matériels.
Ainsi, le pain satisfait
le besoin de nourriture; le tissu, le besoin de s'habiller; la
valeur d'usage du métier à tisser consiste en ce
qu'il sert à produire des tissus.
Au cours du développement
historique, l'homme découvre des propriétés
utiles toujours nouvelles dans les objets et des procédés
nouveaux de leur utilisation.
De nombreuses choses
qui n'ont cependant pas été créées
par le travail de l'homme, ont une valeur d'usage, comme par
exemple, l'eau de source, les fruits sauvages, etc.
Mais toute chose
ayant une valeur d'usage ne constitue pas une marchandise.
Pour qu'un objet
puisse devenir marchandise, il doit être un produit du
travail destiné à la vente.
Les valeurs d'usage
forment le contenu matériel de la richesse, quelle que
soit la forme sociale de cette richesse.
Dans l'économie
marchande, la valeur d'usage porte en soi la valeur d'échange
de la marchandise.
La valeur d'échange
se présente tout d'abord comme un rapport quantitatif
dans lequel les valeurs d'usage d'espèce différente
sont échangées l'une contre l'autre.
Par exemple, une
hache est échangée contre 20 kilogrammes de grain.
Dans ce rapport
quantitatif des objets échangés se trouve exprimée
leur valeur d'échange.
Des marchandises
en quantités déterminées sont assimilées
les unes aux autres; par conséquent, elles ont quelque
chose de commun.
Ce ne peut être
aucune des propriétés physiques des marchandises
- leur poids, leur volume, leur forme, etc.
Les propriétés
naturelles des marchandises déterminent leur utilité,
leur valeur d'usage.
La diversité
des valeurs d'usage des marchandises est une condition nécessaire
de l'échange.
Personne n'échangera
des marchandises identiques en qualité, par exemple, du
froment pour du froment ou du sucre pour du sucre.
Les valeurs d'usage
des diverses marchandises, qualitativement différentes,
ne sont pas quantitativement commensurables.
Les différentes
marchandises n'ont qu'une seule propriété commune
qui les rende comparables entre elles lors de l'échange
: elles sont des produits du travail.
A la base de l'égalité
de deux marchandises échangées se trouve le travail
social dépensé pour les produire.
Quand le producteur
porte au marché une hache pour l'échanger, il constate
que l'on donne pour sa hache 20 kilogrammes de grain.
Cela veut dire que
la hache vaut autant de travail social que 20 kilogrammes de
grain.
La valeur est le
travail social des producteurs, incorporé dans la marchandise.
La valeur des marchandises
incarne le travail social dépensé pour leur production
; c'est ce que confirment des faits connus de tous.
Les biens matériels
qui, utiles par eux-mêmes, n'exigent pas de dépenses
de travail, n'ont pas de valeur, comme par exemple l'air.
Les biens matériels
nécessitant une grande quantité de travail possèdent
une grande valeur, comme par exemple l'or, les diamants.
Beaucoup de marchandises
qui coûtaient d'abord cher, ont considérablement
diminué de prix depuis que le progrès technique
a réduit la quantité de travail nécessaire
à leur production.
Les variations de
dépenses de travail dans la production des marchandises
se reflètent d'ordinaire aussi dans le rapport quantitatif
des marchandises échangées, c'est-à-dire
dans leur valeur d'échange.
Il en résulte
que la valeur d'échange d'une marchandise est la forme
de la manifestation de sa valeur.
L'échange
des marchandises implique la division sociale du travail entre
les propriétaires de ces marchandises.
Les producteurs, en assimilant les différentes marchandises
les unes aux autres, identifient par là même leurs
différentes espèces de travail.
Ainsi donc, la valeur
exprime des rapports de production entre les producteurs.
Ces rapports apparaissent
dans l'échange des marchandises.
La marchandise revêt un double caractère : 1°
elle est une valeur d'usage et 2° elle est une valeur d'échange.
Le double caractère
de la marchandise est déterminé par le double caractère
du travail incorporé à la marchandise.
Les espèces
de travail sont aussi variées que les valeurs d'usage
produites.
Le travail du menuisier
diffère qualitativement de celui du tailleur, du cordonnier,
etc.
Les différentes
espèces de travail se distinguent les unes des autres
par leur but, les procédés de fabrication, les
outils et, enfin, par les résultats.
Le menuisier travaille
à l'aide d'une hache, d'une scie, d'un rabot, et produit
des articles en bois : tables, chaises, armoires; le tailleur
produit des vêtements à l'aide d'une machine à
coudre, de ciseaux, d'aiguilles.
C'est ainsi que
chaque valeur d'usage incarne une espèce déterminée
de travail : la table, le travail du menuisier; le costume, le
travail du tailleur; les chaussures, le travail du cordonnier,
etc.
Le travail dépensé
sous une forme déterminée constitue le travail
concret.
Le travail concret
crée la valeur d'usage de la marchandise.
Lors de l'échange,
les marchandises les plus variées provenant des formes
diverses du travail concret, sont comparées et assimilées
les unes aux autres.
Par conséquent,
les différentes espèces concrètes de travail
cachent derrière elles quelque chose de commun à
tout travail.
Le travail du menuisier
comme celui du tailleur, malgré leur différence
qualitative, comporte une dépense productive du cerveau
humain, des nerfs, des muscles, etc., et c'est dans ce sens qu'il
apparaît comme un travail humain identique uniforme, du
travail en général.
Le travail des producteurs
de marchandises en tant que dépense de la force de travail
de l'homme en général, indépendamment de
sa forme concrète, est du travail abstrait.
Le travail abstrait
forme la valeur de la marchandise.
Travail abstrait et travail concret sont les deux aspects du
travail incorporé dans la marchandise.
Tout travail est
d'une part dépense, dans le sens physiologique, de force
de travail humaine, et à ce titre de travail humain identique
ou travail humain abstrait, il forme la valeur des marchandises.
D'autre part, tout
travail est dépense de force de travail humaine, déterminée
par un but particulier, et à ce titre de travail concret
utile il produit des valeurs d'usage.
(K. Marx : Le Capital, Livre I, t. I)
Dans une société
où règne la propriété privée
des moyens de production, le double caractère du travail
incorporé dans la marchandise reflète la contradiction
entre le travail privé et le travail social des producteurs.
La propriété
privée des moyens de production sépare les hommes,
fait du travail de chaque producteur son affaire privée.
Chaque producteur
de marchandises travaille isolément.
Le travail des différents
ouvriers n'est ni concerté ni coordonné à
l'échelle de toute la société.
Mais d'autre part,
la division sociale du travail traduit l'existence d'une multitude
de liens entre les producteurs qui travaillent les uns pour les
autres.
Plus la division
du travail dans la société est poussée et
plus il y a de diversité dans les produits des différents
producteurs, et plus leur interdépendance est grande.
Par conséquent,
le travail du producteur isolé est au fond un travail
social; il constitue une parcelle du travail de la société
dans son ensemble.
Les marchandises,
qui sont les produits de diverses formes de travail privé
concret, sont également en même temps les produits
de travail humain en général, de travail abstrait.
La contradiction
propre à la production marchande consiste donc en ce que
le travail des producteurs de marchandises, tout en étant
directement leur affaire privée, revêt en même
temps un caractère social.
Par suite de l'isolement
des producteurs de marchandises, le caractère social de
leur travail dans le processus de production reste caché.
Il ne se manifeste
que dans le processus de l'échange, au moment où
la marchandise apparaît sur le marché pour être
échangée contre une autre marchandise.
C'est seulement
dans le processus d'échange qu'il est possible d'établir
si le travail de tel ou tel producteur est nécessaire
à la société et s'il obtiendra l'agrément
de la société.
Le travail abstrait,
qui forme la valeur de la marchandise, constitue une catégorie
historique, il est la forme spécifique du travail social
propre seulement à l'économie marchande.
Dans l'économie
naturelle, les hommes produisent non pas pour l'échange,
mais pour leur propre consommation; en conséquence, le
caractère social de leur travail se présente directement
sous sa forme concrète.
Ainsi, quand le
seigneur féodal prenait aux serfs le surproduit sous la
forme d'une rente-travail ou d'une rente en nature, il s'appropriait
leur travail directement sous la forme de redevance en travail
ou de certains produits.
Le travail social
dans ces conditions ne prenait pas la forme d'un travail abstrait.
Dans la production
marchande, les produits sont confectionnés non pour la
consommation personnelle du producteur, mais pour la vente.
Le caractère
social du travail ne se manifeste que sur le marché, par
l'assimilation d'une marchandise à une autre, en ramenant
les formes concrètes du travail au travail abstrait qui
constitue la valeur de la marchandise.
Ce processus s'opère
spontanément, en dehors de tout plan général,
à l'insu du producteur.
Le temps de travail
socialement nécessaire.
Le travail simple et le travail complexe.
La grandeur de la
valeur d'une marchandise est déterminée par le
temps de travail.
Plus la production
d'une marchandise nécessite de temps, et plus grande est
sa valeur.
On sait que les
producteurs travaillent dans des conditions différentes
et dépensent pour la production de marchandises identiques
une quantité différente de temps.
Est-ce à
dire que plus le travailleur est paresseux, plus les conditions
dans lesquelles il travaille sont défavorables, et plus
la valeur de la marchandise produite par lui sera élevée
?
Non, évidemment.
La grandeur de la
valeur de la marchandise n'est point déterminée
par le temps de travail individuel dépensé pour
la production de la marchandise par tel ou tel producteur, mais
par le temps de travail socialement nécessaire.
Le temps de travail
socialement nécessaire est celui qu'exige la fabrication
de telle ou telle marchandise, dans des conditions sociales de
production moyennes, c'est-à-dire avec un niveau technique
moyen, une habileté moyenne et une intensité de
travail moyenne.
Il correspond aux
conditions de production, dans lesquelles sont fabriquées
la plupart des marchandises d'un type donné. Le temps
de travail socialement nécessaire varie selon le degré
de la productivité du travail.
La productivité
du travail s'exprime dans la quantité de produits créés
en une unité de temps de travail.
Elle augmente grâce
au perfectionnement ou à l'utilisation plus complète
des instruments de production, aux progrès de la science,
à l'habileté accrue du travailleur; à la
rationalisation du travail et à d'autres améliorations
dans le processus de production.
Plus la productivité
du travail est élevée, et moins de temps est nécessaire
à la production d'une unité d'une marchandise donnée,
et plus la valeur de cette marchandise est basse.
De la productivité
du travail, il faut distinguer l'intensité du travail.
L'intensité
du travail est déterminée par les dépenses
de travail en une unité de temps.
L'accroissement
de l'intensité du travail signifie l'augmentation des
dépenses de travail dans un laps de temps donné.
Un travail plus
intensif s'incarne dans une plus grande quantité de produits
et crée plus de valeur en une unité de temps qu'un
travail moins intensif.
A la production
des marchandises prennent part des travailleurs de toute qualification.
Le travail de l'homme
ne possédant aucune formation spéciale est un travail
simple.
Le travail demandant
une formation spéciale est un travail complexe, ou un
travail qualifié.
Le travail complexe
crée dans une même unité de temps, une valeur
plus grande que le travail simple.
La valeur de la
marchandise créée par le travail complexe contient
aussi la part du travail consacrée à l'apprentissage
du travailleur et à l'augmentation de sa qualification.
Le travail complexe prend la signification d'un travail simple
multiplié; une heure de travail complexe équivaut
à plusieurs heures de travail simple.
C'est de façon
spontanée que, dans la production marchande fondée
sur la propriété privée, toutes les espèces
de travail complexe se ramènent à un travail simple.
La grandeur de la valeur d'une marchandise est déterminée
par la quantité de travail simple socialement nécessaire.
L'évolution
des formes de la valeur.
Le caractère de la monnaie.
La valeur de la
marchandise est créée par le travail dans le processus
de production, mais elle ne peut se manifester que si l'on compare
une marchandise à une autre dans le processus d'échange,
c'est-à-dire dans la valeur d'échange.
La forme la plus
simple de la valeur est l'expression de la valeur d'une marchandise
en une autre marchandise : par exemple, une hache = 20 kilogrammes
de grain.
Examinons cette
forme.
Ici la valeur de
la hache est exprimée en grain.
Le grain sert de
moyen d'expression matériel de la valeur de la hache.
La valeur de la
hache ne peut s'exprimer dans la valeur d'usage du grain que
parce que la production du grain, de même que la production
de la hache, a nécessité du travail.
Derrière l'égalité des marchandises se cache
l'égalité du travail dépensé à
leur production.
La marchandise (dans
notre cas la hache) exprimant sa valeur en une autre marchandise
se présente sous la forme relative de la valeur.
La marchandise (dans
notre exemple le grain), dont la valeur d'usage sert de moyen
d'expression de la valeur d'une autre marchandise, se présente
sous une forme équivalente.
Le grain est l'équivalent
d'une autre marchandise : la hache. La valeur d'usage d'une marchandise
: le grain, devient ainsi la forme d'expression de la valeur
d'une autre marchandise : la hache.
A l'origine l'échange,
qui apparaît déjà dans la société
primitive, présentait un caractère fortuit et s'effectuait
sous forme d'échange direct d'un produit contre un autre.
A cette phase du
développement des échanges correspond la forme
simple ou accidentelle de la valeur : une hache = 20 kilogrammes
de grain.
Avec la forme simple
de la valeur, la valeur de la hache ne peut être exprimée
que dans la valeur d'usage d'une marchandise, le grain dans notre
exemple.
Avec l'apparition
de la première grande division sociale du travail, la
séparation des tribus de pasteurs de l'ensemble des tribus,
l'échange devient plus régulier.
Certaines tribus,
celles des éleveurs, par exemple, commencent à
produire un excédent de produits d'élevage.
Elles échangent
celui-ci contre les produits agricoles ou artisanaux qui leur
manquent.
A ce degré
d'évolution des échanges correspond une forme totale
ou développée de la valeur.
Interviennent alors dans les échanges non plus deux, mais
toute une série de marchandises:
40 kilogrammes de
grain
20 mètres de toile
2 haches = un mouton
3 grammes d'or
etc.
Ici la valeur de
la marchandise reçoit son expression dans la valeur d'usage
non pas d'une seule, mais de beaucoup de marchandises, qui jouent
le rôle d'équivalent.
En même temps
les rapports quantitatifs, dans lesquels s'effectue l'échange,
prennent un caractère plus constant.
A ce degré toutefois se conserve encore l'échange
direct d'une marchandise contre une autre.
Avec le développement
de la division sociale du travail et de la production marchande,
la forme d'échange direct d'une marchandise contre une
autre devient insuffisante.
On voit surgir,
dans le processus de l'échange, des difficultés
dues à l'accroissement des contradictions de la production
marchande, des contradictions entre travail privé et travail
social, entre la valeur d'usage et la valeur d'une marchandise.
De plus en plus
souvent apparaît une situation dans laquelle, par exemple,
le possesseur d'une paire de bottes a besoin d'une hache, mais
la valeur d'usage des bottes fait obstacle à l'échange,
car le possesseur de la hache a besoin non de bottes, mais de
grain : la transaction ne peut avoir lieu entre ces deux possesseurs
de marchandises.
Alors le possesseur
de bottes échange sa marchandise contre la marchandise
qui est plus souvent demandée en échange, et que
tout le monde accepte volontiers, par exemple un mouton, et il
échange contre ce mouton la hache qui lui est nécessaire.
Quant au possesseur
de la hache, une fois qu'il a reçu en échange de
sa hache un mouton, il échange celui-ci contre du grain.
C'est ainsi que
sont résolues les contradictions de l'échange direct.
L'échange
direct d'une marchandise contre une autre disparaît progressivement.
De la masse des
marchandises, il s'en dégage une, par exemple le bétail,
contre laquelle on commence à échanger toutes les
marchandises.
A ce degré
de développement de l'échange correspond la forme
générale de la valeur :
40 kilogrammes de
grain
20 mètres de toile
2 haches = un mouton
3 grammes d'or
etc.
La forme générale
de la valeur se caractérise par le fait que toutes les
marchandises commencent à s'échanger contre une
marchandise qui joue le rôle d'équivalent général.
Cependant, dans
cette phase, le rôle d'équivalent général
n'a pas encore été réservé à
une seule marchandise.
Selon les lieux,
ce rôle est rempli par des marchandises différentes.
Là, c'est
le bétail; ici, ce sont les fourrures; ailleurs encore,
c'est le sel, etc.
L'accroissement
des forces productives, l'apparition des outils de métal
et de la deuxième grande division sociale du travail,
la séparation de l'artisanat et de l'agriculture, amènent
le développement de la production marchande et l'élargissement
du marché.
L'abondance de marchandises
d'espèces différentes, jouant le rôle d'équivalent
général, entre en contradiction avec les besoins
croissants du marché, qui exige l'adoption d'un équivalent
unique.
Lorsque le rôle
d'équivalent général se fut attaché
à une seule marchandise, on a vu surgir la forme monnaie
de la valeur.
Divers métaux ont joué le rôle de monnaie,
mais en fin de compte, il a été réservé
aux métaux précieux, l'or et l'argent.
L'argent et l'or
présentent au plus haut degré toutes les qualités
qui rendent les métaux propres à jouer le rôle
de monnaie : ils sont homogènes, divisibles, inaltérables
et ont une grande valeur pour un poids et un volume faibles.
C'est pourquoi la
fonction de la monnaie échut aux métaux précieux,
et finalement à l'or.
La forme monnaie
de la valeur peut être représentée de la
façon suivante :
40 kilogrammes de
grain,
ou 20 mètres de toile, = 3 grammes d'or
ou 1 mouton,
ou 2 haches, etc.
Avec la forme monnaie,
la valeur de toutes les marchandises s'exprime dans la valeur
d'usage d'une seule marchandise, qui est devenue équivalent
général.
Ainsi la monnaie
a fait son apparition à la suite d'un long processus de
développement de l'échange et des formes de la
valeur.
Avec l'apparition
de la monnaie s'effectue la division du monde des marchandises
selon deux pôles : à un pôle restent les marchandises
courantes; à l'autre se trouve la marchandise qui joue
le rôle de monnaie.
Désormais
toutes les marchandises commencent à exprimer leur valeur
en marchandise-monnaie.
Par conséquent,
la monnaie, contrairement à toutes les autres marchandises,
joue le rôle d'incarnation générale de la
valeur, d'équivalent général.
La monnaie a la
faculté de pouvoir être échangée directement
contre toutes les marchandises, et ainsi de servir de moyen de
satisfaction de tous les besoins des possesseurs de marchandises,
tandis que toutes les autres marchandises ne sont à même
de satisfaire qu'une espèce de besoins particuliers, par
exemple les besoins en pain, en vêtements, etc...
Par conséquent,
la monnaie est une marchandise qui sert d'équivalent général
pour toutes les marchandises; elle incarne le travail social
et exprime les rapports de production entre les producteurs de
marchandises.
Les fonctions
de la monnaie.
A mesure que la
production marchande croît, se développent les fonctions
exercées par la monnaie.
Dans une production
marchande évoluée la monnaie sert :
1° de mesure
de la valeur;
2° de moyen de circulation;
3° de moyen d'accumulation;
4° de moyen de paiement
et 5° de monnaie universelle.
La fonction essentielle
de la monnaie est de servir de mesure de la valeur des marchandises.
C'est au moyen de
la monnaie que le travail privé des producteurs de marchandises
trouve une expression sociale, que s'opère le contrôle
spontané et la mesure de la valeur de toutes les marchandises.
La valeur d'une
marchandise ne peut être exprimée directement en
temps de travail, puisque dans les conditions d'isolement et
de dispersion des producteurs privés il est impossible
de déterminer la quantité de travail que dépense
non pas un producteur isolé, mais la société
dans son ensemble pour la production de telle ou telle marchandise.
De ce fait la valeur
de la marchandise ne peut être exprimée qu'indirectement,
en assimilant la marchandise à la monnaie dans le processus
d'échange.
Pour remplir la
fonction de mesure de la valeur, la monnaie doit être elle-même
une marchandise, posséder une valeur.
De même que
la pesanteur d'un corps ne peut être mesurée qu'à
l'aide d'un corps pesant, de même la valeur d'une marchandise
ne peut être mesurée qu'à l'aide d'une marchandise
ayant une valeur.
La mesure de la
valeur des marchandises par le moyen de l'or se fait avant que
ne s'effectue l'échange d'une marchandise donnée
contre de la monnaie.
Pour exprimer en
monnaie la valeur des marchandises, il n'est pas nécessaire
d'avoir en main de l'argent liquide.
En fixant un prix déterminé pour une marchandise,
le possesseur exprime mentalement ou, comme le dit Marx, idéalement,
la valeur de la marchandise en or.
Cela est possible
parce que, dans la réalité vivante, il existe un
rapport déterminé entre la valeur de l'or et celle
d'une marchandise donnée; à la base de ce rapport
se trouve le travail socialement nécessaire dépensé
pour leur production.
La valeur d'une
marchandise, exprimée en monnaie, s'appelle son prix.
Le prix est l'expression
monétaire de la valeur de la marchandise.
Les marchandises
expriment leur valeur en des quantités déterminées
d'argent ou d'or.
Ces quantités
de marchandise-monnaie doivent être mesurées à
leur tour.
D'où la nécessité
d'une unité de mesure de la monnaie.
Cette unité est constituée par un certain poids
du métal devenu monnaie.
L'unité monétaire
avec ses subdivisions sert d'étalon des prix.
La frappe des monnaies fut centralisée entre les mains
de l'Etat.
Dans le processus
de circulation, les monnaies s'usent et perdent une partie de
leur valeur.
La pratique de la
circulation monétaire montre que les pièces usées
peuvent faire office de moyen de circulation aussi bien que les
pièces de monnaie demeurées intactes.
Cela s'explique
par le fait que la monnaie dans sa fonction de moyen de circulation
joue un rôle passager.
En règle
générale, le vendeur d'une marchandise l'échange
contre de la monnaie pour acheter avec cette monnaie une autre
marchandise.
Par conséquent,
la monnaie comme moyen de circulation ne doit pas avoir obligatoirement
une valeur propre.
Constatant la circulation
des pièces de monnaie usées, les gouvernements
se sont mis sciemment à déprécier les pièces
de monnaie, à en diminuer le poids, à abaisser
le titre du métal-monnaie, sans changer la valeur nominale
de la pièce de monnaie, c'est-à-dire la quantité
d'unités monétaires marquées sur les pièces.
Les pièces
de monnaie devenaient de plus en plus des symboles de valeur,
des signes monétaires.
Leur valeur réelle
est de beaucoup inférieure à leur valeur nominale.
Le dédoublement
de la marchandise en marchandise et en monnaie marque le développement
des contradictions de la production marchande.
Lors de l'échange
direct d'une marchandise contre une autre, chaque transaction
présente un caractère isolé, la vente est
inséparable de l'achat.
Tout autre est l'échange
effectué par l'intermédiaire de la monnaie, c'est-à-dire
la circulation des marchandises.
Ici, l'échange
suppose une multitude de liens entre producteurs et un entrelacement
constant de leurs transactions.
Il offre la possibilité
de séparer la vente et l'achat.
Le producteur peut vendre sa marchandise et garder pour un temps
la monnaie qu'il a retirée de cette vente.
Lorsque beaucoup
de producteurs vendent sans acheter, il peut se produire un arrêt
dans l'écoulement des marchandises.
Ainsi, déjà dans la circulation simple des marchandises
se trouve impliquée la possibilité des crises.
Mais pour que les
crises deviennent inévitables, il faut une série
de conditions qui n'apparaissent qu'avec le passage au mode de
production capitaliste.
La monnaie fait
fonction de moyen d'accumulation ou de moyen de thésaurisation.
La monnaie devient
trésor dans les cas où elle est retirée
de la circulation.
Comme on peut toujours
convertir la monnaie en n'importe quelle marchandise, elle est
le représentant universel de la richesse.
On peut la garder
en n'importe quelle quantité.
Les producteurs
accumulent de la monnaie, par exemple pour l'achat de moyens
de production ou à titre d'épargne.
Le pouvoir de la
monnaie grandit avec le développement de la production
marchande.
C'est ce qui engendre
la passion de l'épargne de la monnaie, la passion de la
thésaurisation.
Seule la monnaie
non dépréciée peut exercer la fonction de
thésaurisation : les pièces d'or et d'argent, les
lingots d'or et d'argent, ainsi que les objets en or et en argent.
Quand ce sont les
pièces d'or ou d'argent qui servent de monnaie, leur quantité
s'adapte spontanément aux besoins de
la circulation des marchandises.
En cas de diminution
de la production des marchandises et de réduction du commerce,
une partie des pièces d'or est retirée de la circulation
et est thésaurisée.
Par contre, quand
la production s'élargit et que le commerce s'accroît,
ces pièces de monnaie rentrent de nouveau dans la circulation.
La monnaie exerce
la fonction de moyen de paiement.
En tant que moyen
de paiement elle intervient dans les cas ou l'achat et la vente
de la marchandise se font à crédit, c'est-à-dire
quand le paiement est différé.
Dans l'achat à
crédit, la remise de la marchandise des mains du vendeur
dans celles de l'acheteur se fait sans paiement immédiat
de la marchandise achetée.
A l'échéance
du paiement de la marchandise, l'acheteur verse la monnaie au
vendeur pour la marchandise dont la livraison a déjà
été effectuée auparavant.
La monnaie sert
aussi de moyen de paiement quand elle sert à acquitter
les impôts, la rente foncière, etc.
La fonction de la
monnaie comme moyen de paiement reflète le développement
des contradictions de la production marchande. Les liaisons entre
les divers producteurs s'étendent, leur interdépendance
s'accroît.
L'acheteur devient
débiteur le vendeur se transforme en créancier.
Lorsque beaucoup
de possesseurs de marchandises achètent à crédit,
le défaut de paiement de traites à leur échéance,
par l'un ou plusieurs des débiteurs, peut se répercuter
sur toute la chaîne des obligations de paiement et provoquer
la faillite d'un certain nombre de possesseurs de marchandises,
liés les uns aux autres par des rapports de crédit.
C'est ainsi que
la possibilité des crises, impliquée déjà
dans la fonction de la monnaie comme moyen de circulation, s'accentue.
L'analyse des fonctions
exercées par la monnaie comme moyen de circulation et
comme moyen de paiement permet d'établir la loi déterminant
la quantité de monnaie nécessaire à la circulation
des marchandises.
Les marchandises
se vendent et s'achètent en beaucoup d'endroits simultanément.
La quantité
de monnaie nécessaire à la circulation à
une période donnée dépend tout d'abord de
la somme des prix des marchandises en circulation; cette somme
dépend à son tour de la quantité de marchandises
et du prix de chaque marchandise prise à part.
En outre, il faut
tenir compte de la vitesse avec laquelle la monnaie circule.
Quand la monnaie
circule plus vite, il en faut moins pour la circulation, et inversement.
Si, par exemple,
pendant une période donnée, mettons un an, il se
vend pour un milliard d'euros de marchandises, et si chaque dollar
effectue en moyenne cinq rotations, il faudra 200 millions d'euros
pour la circulation de toute la masse des marchandises.
Grâce au crédit
que les producteurs s'accordent les uns aux autres, le besoin
de monnaie diminue de la somme des prix des marchandises vendues
à crédit, ainsi que des créances réciproques
qui s'annulent au jour de l'échéance.
L'argent liquide
n'est nécessaire que pour acquitter les dettes, dont le
remboursement est venu à échéance.
Ainsi donc, la loi
de la circulation monétaire est la suivante : la quantité
de monnaie nécessaire à la circulation des marchandises
doit égaler la somme des prix de toutes les marchandises,
divisée par la moyenne des rotations des unités
monétaires de même nom.
De la somme des
prix de toutes les marchandises, il faut déduire la somme
des prix des marchandises vendues à crédit, les
sommes mutuellement remboursables et y ajouter les sommes dont
le remboursement est venu à échéance.
Cette loi a une
portée générale pour toutes les formations
sociales où il y a production et circulation marchandes.
Enfin la monnaie
joue le rôle de monnaie universelle dans les échanges
entre les pays.
Le rôle de
monnaie universelle ne peut être joué par des pièces
de monnaie dévalorisées ou par du papier-monnaie.
Sur le marché mondial, la monnaie perd la forme de pièces
de monnaie et se présente sous son aspect primitif de
lingots de métal précieux.
Sur le marché
mondial dans les transactions entre les pays, l'or est le moyen
d'achat universel, dans le règlement des marchandises
importées d'un pays dans un autre;
il est le moyen
de paiement universel dans l'amortissement des dettes internationales,
dans le paiement des intérêts des emprunts extérieurs
et des autres obligations;
il est l'incarnation
de la richesse sociale dans les transferts de richesse sous forme
monétaire d'un pays dans un autre, par exemple dans les
cas d'exportation de capitaux en monnaie, destinés à
des placements dans des banques étrangères ou à
des octrois de prêts ainsi que dans les impositions de
contributions par un pays vainqueur à un pays vaincu,
etc.
Le développement
des fonctions exercées par la monnaie exprime le progrès
de la production marchande et de ses contradictions.
La monnaie dans
les formations sociales fondées sur l'exploitation de
l'homme par l'homme a une nature de classe: elle est un moyen
d'accaparer le travail d'autrui.
Elle a joué
ce rôle dans les sociétés esclavagiste et
féodale.
Nous verrons par
la suite que c'est dans la société capitaliste
que la monnaie sert au plus haut degré d'instrument d'exploitation
des travailleurs.
La loi de la
valeur est la loi économique de la production marchande.
Dans l'économie
marchande fondée sur la propriété privée,
les marchandises sont fabriquées par des producteurs privés
isolés.
Entre les producteurs
de marchandises règnent la concurrence et la lutte.
Chacun s'efforce
d'évincer l'autre, de maintenir et d'élargir ses
positions sur le marché.
La production se
fait sans aucun plan d'ensemble.
Chacun produit pour
son compte, indépendamment des autres, nul ne connaît
quel besoin les marchandises qu'il produit doivent satisfaire
ni le nombre des autres producteurs qui travaillent à
la fabrication de la même marchandise, ni s'il pourra vendre
sa marchandise au marché et si sa dépense de travail
sera dédommagée.
Avec le développement
de la production marchande, le pouvoir du marché sur le
producteur se renforce de plus en plus.
Cela veut dire que
dans la production marchande fondée sur la propriété
privée des moyens de production agit la loi économique
de la concurrence et de l'anarchie de la production.
Cette loi exprime
le caractère spontané de la production et de l'échange,
la lutte entre les producteurs privés pour des conditions
plus avantageuses de la production et de la vente des marchandises.
Dans les conditions
de l'anarchie de la production, qui règne dans l'économie
marchande fondée sur la propriété privée,
c'est la loi de la valeur agissant par la concurrence du marché,
qui joue le rôle de régulateur spontané de
la production.
La loi de la valeur
est la loi économique de la production des marchandises,
d'après laquelle l'échange des marchandises s'opère
conformément à la quantité de travail socialement
nécessaire à leur production.
Spontanément
la loi de la valeur règle, par le mécanisme des
prix, la répartition du travail social et des moyens de
production entre les diverses branches de l'économie marchande.
Sous l'influence
des fluctuations qui se produisent dans le rapport de l'offre
et de la demande, les prix des marchandises s'écartent
sans cesse de leur valeur (au-dessus ou en dessous de celle-ci).
Ces écarts
ne sont pas le résultat de quelque déficience de
la loi de la valeur; au contraire, c'est le seul moyen pour cette
loi de se réaliser.
Dans une société
où la production est détenue par des propriétaires
privés qui travaillent à l'aveuglette, seules les
fluctuations spontanées des prix sur le marché
font connaître aux producteurs quels sont les produits
qui sont en excédent ou qui manquent par rapport à
la demande solvable de la population.
Seules les fluctuations
spontanées des prix autour de la valeur obligent les producteurs
à élargir ou à réduire la production
de telle ou telle marchandise.
Sous l'influence
de la variation des prix, les producteurs se tournent vers les
branches plus avantageuses, où les prix des marchandises
sont supérieurs à leur valeur, et ils se retirent
de celles où les prix des marchandises sont inférieurs
à leur valeur.
L'action de la loi
de la valeur conditionne le développement des forces productives
de l'économie marchande.
Comme on le sait,
la grandeur de la valeur d'une marchandise est déterminée
par le travail socialement nécessaire à sa production.
Les producteurs
qui appliquent pour la première fois une technique plus
avancée, produisent leurs marchandises avec des dépenses
inférieures aux dépenses socialement nécessaires;
ils les vendent cependant à des prix correspondant au
travail socialement nécessaire.
Ce faisant, ils reçoivent un surplus de monnaie et s'enrichissent.
Cela incite les
autres producteurs à moderniser leurs entreprises au point
de vue technique.
C'est ainsi qu'à
la suite d'actions disséminées de producteurs isolés,
qui ne songent qu'à leur profit personnel, la technique
progresse, les forces productives de la société
se développent.
La concurrence et
l'anarchie de la production font que la répartition du
travail et des moyens de production entre les différentes
branches, et le développement des forces productives dans
l'économie marchande, sont réalisés au prix
de grosses pertes de travail social et aboutissent à une
aggravation constante des contradictions de cette économie.
Dans le cadre de
la production marchande fondée sur la propriété
privée, l'action de la loi de la valeur conduit à
la naissance et au développement des rapports capitalistes.
Les variations spontanées
des prix du marché autour de la valeur, les écarts
des dépenses individuelles de travail par rapport au travail
socialement nécessaire qui détermine la grandeur
de la valeur de la marchandise, accentuent l'inégalité
économique et la lutte entre les producteurs.
La concurrence provoque
la ruine et la disparition de certains producteurs qui deviennent
des prolétaires, l'enrichissement de certains autres,
qui deviennent des capitalistes.
L'action de la loi de la valeur conduit ainsi à la différenciation
des producteurs.
Le caractère fétiche de la marchandise.
Dans le cadre de
la production marchande fondée sur la propriété
privée des moyens de production, le lien social qui existe
entre les hommes dans le processus de production ne se manifeste
que par l'échange des objets-marchandises.
Le sort des producteurs
se trouve étroitement lié à celui des objets-marchandises
qu'ils ont créés.
Les prix des marchandises
varient sans cesse indépendamment de la volonté
et de la conscience des hommes, cependant que le niveau des prix
est souvent une question de vie ou de mort pour les producteurs.
Les rapports des
choses masquent les rapports sociaux entre les hommes.
Ainsi, la valeur
de la marchandise exprime le rapport social entre producteurs,
toutefois elle apparaît comme une propriété
aussi naturelle de la marchandise que, par exemple, sa couleur
ou son poids.
C'est seulement
un rapport social déterminé des hommes entre eux
qui revêt ici pour eux la forme fantastique d'un rapport
des choses entre elles.
(K. Marx : Le Capital, livre I, t. I)
Ainsi, dans l'économie
marchande fondée sur la propriété privée,
les rapports de production entre les hommes se présentent
inévitablement comme des rapports entre objets-marchandises.
C'est dans cette
matérialisation des rapports de production que réside
justement le caractère fétiche propre à
la production des marchandises.
La matérialisation
des rapports de production, inhérente à la production
des marchandises, porte le nom de " fétichisme marchand
" par analogie avec le fétichisme religieux qui consiste
dans la déification par les hommes primitifs des objets
qu'ils avaient eux-mêmes créés.
Le fétichisme
de la marchandise se manifeste de façon particulièrement
éclatante dans la monnaie.
La monnaie dans
l'économie marchande est une force énorme qui confère
un pouvoir sur les hommes.
Tout s'achète
avec de la monnaie.
On a l'impression
que cette faculté de tout acheter est la propriété
naturelle de l'or, alors que, en réalité, elle
résulte de rapports sociaux déterminés.
Le fétichisme
de la marchandise a des racines profondes dans la production
marchande, où le travail du producteur se manifeste directement
comme travail privé, et où son caractère
social n'apparaît que dans l'échange des marchandises.
C'est seulement
avec l'abolition de la propriété privée
des moyens de production que disparaît le caractère
fétiche de la marchandise.
Idéologie
et culture de l'époque bourgeoise progressiste
A la prise de pouvoir
de la bourgeoisie, l'ancienne idéologie dominante de l'aristocratie
est encore présente.
La période
suivant la révolution bourgeoise est donc une intense
période de combat culturel et idéologique.
Ce combat va d'une
certaine manière se résumer dans l'affrontement
entre les classicistes - représentant l'idéologie
de l'ancienne classe dominante - et les réalistes, défenseurs
de l'idéologie bourgeoise.
Dans ce combat la
bourgeoisie va grandement profiter de son nouvel appareil d'Etat.
Pour contrer la
religion elle continue de mettre en avant la culture de la mythologie
grecque.
Les artistes vont
jusqu'à étudier les ruines découvertes par
les archéologues pour aller en ce sens.
Karl Marx nous explique
à ce sujet que :
Le monde antique
est enfantin, mais il apparaît comme un monde supérieur
et il l'est effectivement si l'on aspire à une forme fermée,
à une figure aux contours bien définis.
Il représente la satisfaction sur une base bornée;
en revanche le monde moderne laisse insatisfait, ou bien, lorsqu'il
paraît satisfait de soi, il n'est que vulgarité.
(Karl Marx : Grundrisse)
L'Empire napoléonien
continuera cette mise en avant de l'architecture monumentale
; Jacques Louis David, artiste officiel du gouvernement révolutionnaire
(" Marat assassiné ") puis de l'Empire napoléonien
(" Le couronnement de Napoléon ") est le symbole
personnifié de ce style.
Dans son combat
contre la restauration et grâce à son formidable
développement permis par la révolution, la bourgeoisie
développe alors un art nouveau, propre à elle :
le romantisme.
Le romantisme bourgeois exalte la liberté et la patrie,
en étant fortement empreint de sentimentalisme.
Mais le romantisme
bourgeois aura également un aspect purement individualiste.
C'est le romantisme
de la quête du divin, de l'apologie de l'égoïsme
sentimental, de l'affirmation de l'incompréhension face
au monde industriel.
Cette version du
romantisme se développera nécessairement après
1848, date à partir de laquelle la bourgeoisie a triomphé
définitivement de l'aristocratie.
Avant 1848, la bourgeoisie
doit encore lutter contre l'aristocratie tout en en se développant.
Mais cette ascension
commence également déjà à se heurter
à la classe antagonique à la bourgeoisie et née
en même temps : le prolétariat.
Va alors se développer
le réalisme, comme courant rejetant l'intimisme bourgeois
romantique au profit des valeurs sociales.
La représentation réaliste va culminer avec Courbet
qui va jusqu'à peindre des tableaux grandeur nature (ainsi
"L'Enterrement. ")
Cette acceptation
définitive du réalisme pictural au dépens
du Beau idéal correspond à la victoire définitive
de la bourgeoisie sur la noblesse, mais en même temps ce
réalisme représente pour la première fois
les masses populaires de manière positive.
Le grand poète
allemand Heinrich Heine avait déjà constaté
que " Cervantès a créé le roman moderne
en introduisant dans le roman de chevalerie la peinture fidèle
des basses classes, en y mêlant la vie du peuple. "
Les oeuvres de Shakespeare
et le Don Quichotte de Cervantès représentent en
effet les modèles de lutte idéologique bourgeoise.
Ces oeuvres dépeignent
l'aristocratie et ses contradictions fondamentales.
" Roméo
et Juliette " est le symbole de l'amour dépassant
les anciennes frontières féodales, et également
d'un amour qui reste dans la classe dominante elle-même.
Avec le réalisme
il ne s'agit plus seulement d'une représentation de masses
populaires passives ; désormais le prolétariat
s'affirme de plus en plus comme élément autonome,
parallèlement au développement de son existence
en tant que classe sociale au sein du capitalisme.
La bourgeoisie a
eu besoin des masses comme alliées pour vaincre l'aristocratie
et elle a soutenu le développement d'une culture démocratique
de masse jusqu'à ce point.
Mais à partir
de 1848 cela devient inacceptable, car l'affrontement consiste
principalement celui avec les masses.
1848 est le dernier
moment de la révolution bourgeoise dans les pays capitalistes.
Là où
la révolution échoue, la bourgeoisie et l'aristocratie
pactisent.
Le fascisme est
un phénomène qui sera particulièrement fort
dans les pays où l'aristocratie n'a pas cédé
sa place violemment (Allemagne, Autriche, Italie, Espagne).
Comme le constate
Georges Lukacs :
On peut dire de
façon générale que le déclin de l'idéologie
bourgeoise procède de l'issue de la révolution
de 1848.
Assurément il reste encore, surtout dans la littérature
et l'art, plus d'un continuateur de la période d'ascension
de la bourgeoisie et dont les uvres n'ont rien de décadent.
Il suffit de penser
à Dickens et Keller, à Courbet et Daumier.
De plus, la période
qui s'étend entre 1848 et 1870 est riche en figures de
transition, dont les créations offrent déjà
des traits de décadence sans que pourtant l'essentiel
de leur uvre autorise à les y rattacher, ainsi Flaubert
ou Baudelaire.
Dans les sciences théoriques, en particulier l'économie
et la philosophie, le déclin a commencé sensiblement
plus tôt ; pour l'économie bourgeoise, avec la dislocation
de l'école de Ricardo entre 1820 et 1830, pour la philosophie
bourgeoise avec la dissolution de l'hégélianisme,
entre 1830 et 1850, après quoi ni l'une ni l'autre n'ont
plus rien produit d'original, ni quoi que ce soit qui fut tourné
vers l'avenir.
Dans l'une et l'autre
discipline ce fut le règne de l'apologétique du
capitalisme.
(Georg Lukacs
: La destruction de la raison)
C'est au cours de
ce développement historique que Marx et Engels constatent
que le capitalisme n'est pas un système éternel,
que ses prétentions idéologiques sont vaines, ou
comme le dit Friedrich Engels :
Nous savons maintenant
que le royaume de la raison n'a pas été plus que
le royaume idéalisé de la bourgeoisie.
(Friedrich Engels : Anti-Dühring)
A partir de 1848
la bourgeoisie fait face à seul ennemi; c'est cette connaissance
qui lui permettra de réagir de manière unifiée
à la Commune de Paris de 1871.
Elle doit donc liquider
le réalisme.
Elle pouvait se
permettre l'objectivité tant que celle-ci affirmait la
nécessité de dépasser la féodalité,
mais pour maintenir son règne elle doit faire dominer
la subjectivité sur le plan idéologique.
Cette liquidation
est très progressive; elle est parallèle à
la liquidation définitive des derniers restes de féodalité.
" La Liberté
guidant le peuple " d'Eugène Delacroix est ainsi
critiquée par la presse conservatrice de l'époque
pour représenter de manière réaliste un
côté vil de la société humaine, tandis
que les partisans de la révolution de juillet (qui y est
représentée) la défendent au nom de son
contenu.
Le républicain
Victor Schoelcher écrit ainsi dans l'Artiste que:
" Tout cela est vrai, tout cela dans la nature n'est pas
beau, la scène par elle-même est laide et douloureuse,
et pourtant en passant par le pinceau du peintre, elle est devenue
belle, puissante poétique, elle inspire pour l'avenir
et console du passé! Voilà comment j'entends la
peinture! "
(Victor Schoelcher : L'Artiste du 5 juin 1831)
En pratique, cela
sera l'aile gauche de la majorité républicaine
qui va voter en 1881 une loi d'amnistie pour les communards,
former un ministère des Arts, dont le ministre Antonin
Proust annonce dès le 27 novembre 1881 à l'Ecole
des Beaux-Arts son intention de supprimer les ateliers dirigés
par les tenants de l'académisme.
L'Etat français
achète également à des prix exorbitants
pour l'époque des tableaux de Courbet, ce qui n'échappe
pas aux conservateurs partisans du Beau idéal:
" Ce qui doit
étonner, inquiéter, effrayer dans ces acquisitions
ce sont les tendances qu'elles marquent.
On y voit non seulement
une manifestation en l'honneur de Courbet [qui avait participé
à la Commune], ce qui n'est rien, mais un manifeste en
l'honneur d'un certain art, ce qui est grave.
Rapprochez l'entrée
au Louvre de Courbet avec la suppression des ateliers officiels,
avec les déclarations du nouveau ministre sur l'indépendance
de l'art, avec les discussions passionnées de l'Ecole
de Rome, et avec la décoration de M. Manet [décoré
de la Légion d'Honneur], et vous comprendrez qu'il y a
risque de rupture entre l'administration et le grand art.
On va combattre
les idées de noblesse, de grâce, de grandeur et
de beauté, au profit d'un monstrueux idéal de brutalité
et de bassesse.
La liberté
dans l'art, ce sont les nouvelles écoles d'ignorance et
de vulgarité donnant l'assaut aux traditions des maîtres
Avec l'art libre, c'est-à-dire l'art des réalistes
on nous promet l'art civil substitué à l'art religieux.
"
(Houssaye : critique
de la Revue des deux mondes, février 1882).
L'aristocratie finissante
est consciente de sa défaite spirituelle.
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