Manuel
d'économie politique
maoïste
5.Le capital et
la plus-value.
La loi économique fondamentale du capitalisme
La base des rapports
de production en régime capitaliste
Avec le passage
de la manufacture à la grande industrie mécanique,
le mode de production capitaliste est devenu prédominant.
Dans l'industrie,
les ateliers artisanaux et les manufactures fondés sur
le travail manuel, font place aux fabriques et aux usines dans
lesquelles le travail s'effectue à l'aide de machines
complexes.
Dans l'agriculture,
de grandes exploitations capitalistes apparaissent, qui introduisent
la technique agronomique relativement perfectionnée et
les machines agricoles.
Une nouvelle technique
est née, de nouvelles forces productives se sont formées,
des rapports de production nouveaux, capitalistes, ont prévalu.
L'étude des
rapports de production de la société capitaliste
dans leur naissance, leur développement et leur déclin
fait l'objet principal du Capital de Marx.
La propriété
capitaliste des moyens de production forme la base des rapports
de production dans la société bourgeoise.
La propriété
capitaliste des moyens de production est la propriété
privée des capitalistes, qui n'est pas le fruit du travail
et qui est utilisée aux fins d'exploitation des ouvriers
salariés.
Le mode de production
capitaliste... consiste en ceci que les conditions matérielles
de production sont attribuées aux non-travailleurs sous
forme de propriété capitaliste et de propriété
foncière, tandis que la masse ne possède que les
conditions personnelles de production : la force de travail.
(K. Marx et F. Engels : Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt)
La production capitaliste
est fondée sur le travail salarié. Les ouvriers
salariés sont libérés des liens du servage.
Mais ils sont privés des moyens de production et, sous
peine de mourir de faim, ils sont obligés de vendre leur
force de travail aux capitalistes.
L'exploitation du
prolétariat par la bourgeoisie constitue le principal
trait caractéristique du capitalisme, et le rapport entre
bourgeoisie et prolétariat est le rapport de classe fondamental
du régime capitaliste.
Les pays où
règne le mode de production capitaliste conservent, à
côté des formes capitalistes, des survivances plus
ou moins importantes des formes précapitalistes d'économie.
Le " capitalisme
à l'état pur " n'existe dans aucun pays.
Outre la propriété
capitaliste, il y a dans les pays bourgeois la grande propriété
foncière, de même que la petite propriété
privée des simples producteurs - paysans et artisans -
qui vivent de leur travail.
La petite production
joue en régime capitaliste un rôle subalterne.
La masse des petits
producteurs des villes et des campagnes est exploitée
par les capitalistes et les propriétaires fonciers, possesseurs
des fabriques et des usines, des banques, des entreprises commerciales
et de la terre.
Le mode de production
capitaliste dans son développement comprend deux phases
: prémonopoliste et monopoliste.
Les lois économiques générales du capitalisme
agissent à ces deux phases de son développement.
Mais le capitalisme
monopoliste se distingue par toute une série de particularités
essentielles, dont nous parlerons plus loin.
Passons à
l'examen de la nature de l'exploitation capitaliste.
La transformation
de l'argent en capital.
Tout capital commence
sa carrière sous la forme d'une somme déterminée
d'argent.
L'argent par lui-même
n'est pas un capital.
Lorsque, par exemple,
de petits producteurs indépendants échangent des
marchandises, l'argent intervient comme moyen de circulation,
mais non comme capital.
La formule de la
circulation des marchandises est la suivante : M (marchandise)
à A (argent) à M (marchandise), c'est-à-dire
vente d'une marchandise pour achat d'une autre marchandise.
L'argent devient capital quand il est employé aux fins
d'exploitation du travail d'autrui.
La formule générale
du capital est
A à M à
A,
c'est-à-dire
acheter pour vendre aux fins d'enrichissement.
La formule M à
A à M signifie qu'une valeur d'usage est échangée
contre une autre : le producteur livre la marchandise dont il
n'a pas besoin et reçoit en échange une autre marchandise
dont il a besoin pour sa consommation.
La valeur d'usage
est le but de la circulation.
Inversement, avec
la formule A à M à A, les points de départ
et d'arrivée du mouvement coïncident : au départ
le capitaliste avait de l'argent, et il en a au terme de l'opération.
Le mouvement du
capital serait inutile si, à la fin de l'opération,
le capitaliste avait la même somme d'argent qu'au début.
Tout le sens de
son activité est qu'à la suite de l'opération
il se trouve avoir une plus grande somme d'argent qu'auparavant.
Le but de la circulation
est l'augmentation de la valeur.
La formule générale
du capital dans sa forme intégrale est donc celle-ci :
A à M à
A'
où A' désigne
la somme d'argent accrue.
Le capital avancé,
c'est-à-dire le capital mis en circulation, retourne à
son possesseur avec un certain excédent.
D'où vient l'excédent du capital ?
Les économistes
bourgeois, soucieux de masquer la vraie source de l'enrichissement
des capitalistes, affirment fréquemment que ce surplus
provient de la circulation des marchandises.
Affirmation gratuite
!
En effet, si l'on
fait l'échange de marchandises et d'argent d'égale
valeur, c'est-à-dire d'équivalents, aucun des possesseurs
de marchandises ne peut tirer de la circulation une valeur plus
grande que celle qui est incorporée dans sa marchandise.
Et si les vendeurs
réussissent à vendre leurs marchandises à
un prix plus élevé que leur valeur, par exemple
de 10%, ils doivent, en devenant acheteurs, payer aux vendeurs
en sus de la valeur les mêmes 10%.
Ainsi, ce que les
possesseurs de marchandises gagnent comme vendeurs, ils le perdent
comme acheteurs.
Or, en réalité,
toute la classe des capitalistes bénéficie d'un
accroissement de capital.
Il est évident
que le possesseur d'argent, devenu capitaliste, doit trouver
sur le marché une marchandise dont la consommation crée
une valeur, et une valeur supérieure à celle qu'elle
possède elle-même.
En d'autres termes,
le possesseur d'argent doit trouver sur le marché une
marchandise dont la valeur d'usage posséderait elle-même
la faculté d'être source de valeur.
Cette marchandise
est la force de travail.
La force de travail
en tant que marchandise. La valeur et la valeur d'usage de la
marchandise force de travail.
La force de travail,
l'ensemble des facultés physiques et morales dont l'homme
dispose et qu'il met en action lorsqu'il produit des biens matériels,
quelle que soit la forme de la société, est un
élément indispensable de la production.
Mais c'est seulement
en régime capitaliste que la force de travail devient
marchandise.
Le capitalisme est
la production marchande au plus haut degré de son développement,
quand la force de travail elle-même devient marchandise.
Avec la transformation
de la force de travail en marchandise, la production marchande
prend un caractère universel.
La production capitaliste
est fondée sur le travail salarié, et l'embauchage
de l'ouvrier par le capitaliste n'est autre chose qu'une opération
de vente-achat de la marchandise force de travail : l'ouvrier
vend sa force de travail, le capitaliste l'achète.
En embauchant un
ouvrier, le capitaliste reçoit sa force de travail dont
il dispose sans réserve.
Il l'utilise dans
le processus de production capitaliste, dans lequel s'opère
l'accroissement du capital.
De même que
toute autre marchandise, la force de travail est vendue à
un prix déterminé, à la base duquel se trouve
la valeur de cette marchandise.
Quelle est cette
valeur ?
Pour que l'ouvrier
conserve sa capacité de travail, il doit satisfaire ses
besoins en nourriture, vêtements, chaussures, logement.
Satisfaire les besoins
vitaux, c'est reconstituer l'énergie vitale dépensée
par l'ouvrier : l'énergie des muscles, des nerfs, du cerveau;
c'est reconstituer sa capacité de travail.
En outre, le capital
a besoin d'un afflux incessant de force de travail; l'ouvrier
doit donc avoir la possibilité non seulement de s'entretenir
lui-même, mais d'entretenir aussi sa famille.
Par là se
trouve assurée la reproduction, c'est-à-dire le
renouvellement constant de la force de travail.
Enfin, le capital
a besoin non seulement d'ouvriers non spécialisés,
mais aussi d'ouvriers qualifiés sachant manier les machines
complexes; or, acquérir une qualification comporte certaines
dépenses de travail pour l'apprentissage.
Aussi les frais
de production et de reproduction de la force de travail comprennent-ils
un minimum de dépenses pour la formation des générations
montantes de la classe ouvrière.
Il ressort de tout
cela que la valeur de la marchandise force de travail est égale
à la valeur des moyens de subsistance nécessaires
à l'entretien de l'ouvrier et de sa famille.
Cette marchandise,
de même que toute autre, possède une valeur.
Comment la détermine-t-on
?
Par le temps de travail nécessaire à sa production.
(K. Marx : Le Capital, livre I, t. I)
Avec le développement
historique de la société se modifient le niveau
des besoins habituels de l'ouvrier, mais aussi les moyens de
satisfaire ces besoins.
Dans les différents
pays, le niveau des besoins usuels de l'ouvrier n'est pas le
même.
Les particularités
de l'évolution historique suivie par un pays donné,
ainsi que celles des conditions dans lesquelles s'est formée
la classe des ouvriers salariés, déterminent sous
bien des rapports le caractère de ses besoins.
Les conditions climatiques
et autres exercent également une certaine influence sur
les besoins de l'ouvrier en nourriture, en vêtements, en
logement.
La valeur de la
force de travail renferme non seulement la valeur des objets
de consommation nécessaires à la restauration des
forces physiques de l'homme, mais aussi les frais que comporte
la satisfaction des besoins culturels de l'ouvrier et de sa famille,
tels qu'ils résultent des conditions sociales dans lesquelles
vivent et sont élevés les ouvriers (éducation
des enfants, achat de journaux, de livres, cinéma, théâtre,
etc.).
Les capitalistes
cherchent toujours et partout à ramener les conditions
matérielles et culturelles de vie de la classe ouvrière
au niveau le plus bas.
Pour lancer une
affaire, le capitaliste commence par acheter tout ce qui est
nécessaire à la production : bâtiments, machines,
équipement, matières premières, combustible.
Ensuite, il embauche
la main-d'uvre et le processus de production commence à
l'entreprise.
Dès que la
marchandise est prête, le capitaliste la vend.
La valeur de la marchandise produite renferme, premièrement,
la valeur des moyens de production dépensés: matières
premières traitées, énergie, une partie
déterminée de la valeur des bâtiments, des
machines et des outils; en second lieu, la valeur nouvelle créée
par le travail des ouvriers de l'entreprise.
Qu'est-ce que cette
nouvelle valeur ?
Le mode de production
capitaliste suppose un niveau relativement élevé
de la productivité du travail, tel que l'ouvrier, pour
créer une valeur égale à celle de sa force
de travail, n'a besoin que d'une partie de la journée
de travail.
Admettons qu'une
heure de travail moyen simple crée une valeur égale
à un euro, et que la valeur journalière de la force
de travail soit égale à six euros.
Alors, pour compenser
la valeur journalière de sa force de travail, l'ouvrier
doit travailler pendant 6 heures.
Mais le capitaliste
ayant acheté la force de travail pour toute la journée
fait travailler le prolétaire non pas 6 heures, mais pendant
une journée de travail entière qui comporte, par
exemple, 12 heures.
Pendant ces 12 heures,
l'ouvrier crée une valeur égale à 12 euros,
cependant que sa force de travail ne vaut que 6 euros.
Nous voyons maintenant en quoi consiste la valeur d'usage spécifique
de la marchandise force de travail pour l'acheteur de cette marchandise,
le capitaliste.
La valeur d'usage
de la marchandise force de travail est sa propriété
d'être une source de valeur, d'une valeur plus grande qu'elle
n'en possède elle-même.
La production de
la plus-value est la loi économique fondamentale du capitalisme.
La valeur de la
force de travail et la valeur créée dans le processus
de sa consommation sont deux grandeurs différentes.
La différence
entre ces deux grandeurs est la condition préalable nécessaire
de l'exploitation capitaliste.
Dans notre exemple,
le capitaliste, en dépensant 6 euros pour embaucher un
ouvrier, reçoit une valeur créée par le
travail de l'ouvrier, égale à 12 euros.
Le capitaliste récupère
le capital qu'il a d'abord avancé avec une augmentation
ou un excédent égal à 6 euros.
Cet excédent
constitue la plus-value.
La plus-value est
la valeur créée par le travail de l'ouvrier salarié
en plus de la valeur de sa force de travail, et que le capitaliste
s'approprie gratuitement.
Ainsi, la plus-value
est le fruit du travail non payé de l'ouvrier.
La journée
de travail dans l'entreprise capitaliste comporte deux parties
: le temps de travail nécessaire et le temps de travail
supplémentaire; le travail de l'ouvrier salarié
se décompose en travail nécessaire et surtravail.
Pendant le temps
de travail nécessaire, l'ouvrier reproduit la valeur de
sa force de travail, et pendant le temps de surtravail, il crée
la plus-value.
Le travail de l'ouvrier
en régime capitaliste est processus de consommation par
le capitaliste de la marchandise force de travail, c'est-à-dire
processus pendant lequel le capitaliste soutire à l'ouvrier
la plus-value.
Le processus de
travail en régime capitaliste est caractérisé
par deux particularités fondamentales.
Premièrement,
l'ouvrier travaille sous le contrôle du capitaliste à
qui appartient le travail de l'ouvrier.
En second lieu,
au capitaliste appartient non seulement le travail de l'ouvrier,
mais aussi le produit de ce travail.
Ces particularités
du processus de travail font du travail de l'ouvrier salarié
un dur et odieux fardeau.
Le but immédiat
de la production capitaliste est la production de la plus-value.
En conséquence,
seul un travail créateur de plus-value est considéré
comme travail productif en régime capitaliste.
Si donc l'ouvrier ne crée pas de plus-value, son travail
est un travail improductif, inutile pour le capitaliste.
Contrairement aux
anciennes formes d'exploitation - esclavagiste et féodale
- l'exploitation capitaliste se présente sous une forme
déguisée.
Lorsque l'ouvrier
salarié vend sa force de travail au capitaliste, cette
transaction apparaît au premier abord comme une transaction
habituelle entre possesseurs de marchandises, comme un échange
ordinaire d'une marchandise contre de l'argent, effectué
en accord avec la loi de la valeur.
Mais la transaction
vente-achat de la force de travail n'est qu'une forme extérieure
derrière laquelle se cachent l'exploitation de l'ouvrier
par le capitaliste, l'appropriation par l'entrepreneur, sans
aucun équivalent, du travail non payé de l'ouvrier.
En dénonçant
le travail salarié comme un système d'esclavage
salarié, Marx a constaté que si l'esclave romain
était chargé de fers, l'ouvrier salarié
est attaché à son maître par des fils invisibles.
Ce maître,
c'est la classe des capitalistes dans son ensemble.
La plus-value créée par le travail non payé
des ouvriers salariés constitue la source commune des
revenus, non acquis par le travail, des différents groupes
de la bourgeoisie : industriels, commerçants, banquiers,
ainsi que de la classe des propriétaires fonciers.
La production de
la plus-value est la loi économique fondamentale du capitalisme.
En définissant
le capitalisme, Marx disait :
Fabriquer de la
plus-value, telle est la loi absolue de ce mode de production.
(K. Marx : Le Capital, livre I, t. III)
Les traits essentiels
de cette loi consistent dans la production sans cesse croissante
de plus-value, et dans l'appropriation de celle-ci par les capitalistes
sur la base de la propriété privée des moyens
de production et grâce à l'intensification de l'exploitation
du travail salarié et à l'élargissement
de la production.
La loi économique
fondamentale exprime l'essence même des rapports de production
capitalistes; elle est la loi du mouvement du capitalisme; elle
détermine le caractère inévitable de l'accroissement
et de l'aggravation de ses contradictions.
Le capital n'a pas
inventé le surtravail.
Partout où
la société est composée d'exploiteurs et
d'exploités, la classe dominante soutire du surtravail
aux classes exploitées.
Mais contrairement
au maître d'esclaves et au seigneur féodal, qui,
par suite du régime d'économie naturelle qui régnait
alors, consacraient la plus grande partie des produits du surtravail
des esclaves et des serfs à la satisfaction immédiate
de leurs besoins et de leurs caprices, le capitaliste convertit
en argent tout le produit du surtravail des ouvriers salariés.
Le capitaliste consacre
une partie de cet argent à l'achat d'objets de consommation
et d'objets de luxe; l'autre partie de cet argent, il la met
de nouveau en uvre à titre de capital additionnel
qui produit une nouvelle plus-value.
Aussi le capital
manifeste-t-il, selon l'expression de Marx, une voracité
de loup pour le surtravail.
La course à
la plus-value est le principal moteur du développement
des forces productives en régime capitaliste.
Aucune des formes antérieures de régime d'exploitation
- ni l'esclavage ni la féodalité - ne possédait
un tel stimulant du progrès technique.
Lénine a
appelé la théorie de la plus-value la pierre angulaire
de la théorie économique de Marx.
En révélant
dans sa théorie de la plus-value l'essence de l'exploitation
capitaliste, Marx a porté un coup mortel à l'économie
politique bourgeoise et à ses affirmations sur l'harmonie
des intérêts des classes en régime capitaliste
et il a donné à la classe ouvrière une arme
spirituelle pour renverser le capitalisme.
Le capital en tant
que rapport social de production. Le capital constant et le capital
variable.
Les économistes
bourgeois appellent capital tout instrument de travail, tout
moyen de production, à commencer par la pierre et le bâton
de l'homme primitif.
Cette définition
du capital a pour but d'estomper l'essence de l'exploitation
de l'ouvrier par le capitaliste, de présenter le capital
comme une condition éternelle et immuable de l'existence
de toute société humaine.
En réalité,
la pierre et le bâton servaient d'outil de travail à
l'homme primitif, mais n'étaient point du capital.
Ne sont pas non
plus du capital les instruments et les matières premières
de l'artisan, le matériel, les semences et les bêtes
de trait du paysan qui exploite son terrain sur la base de son
travail personnel.
Les moyens de production
ne deviennent du capital qu'à une phase déterminée
du développement historique, lorsqu'ils sont propriété
privée du capitaliste et servent de moyen d'exploitation
du travail salarié.
Avec la liquidation
du régime capitaliste les moyens de production deviennent
propriété sociale et ils cessent d'être du
capital. Ainsi le capital n'est pas une chose, mais un rapport
social de production qui a un caractère historique transitoire.
Le capital est une
valeur qui - par l'exploitation des ouvriers salariés
- rapporte la plus-value.
Selon Marx, le capital
est
du travail mort,
qui, semblable au vampire, ne s'anime qu'en suçant le
travail vivant, et sa vie est d'autant plus allègre qu'il
en pompe davantage.
(K. Marx : Le Capital, livre I, t. I)
Le capital incarne
le rapport de production entre la classe des capitalistes et
la classe ouvrière, rapport qui consiste en ce que les
capitalistes, en tant que possesseurs des moyens et des conditions
de production, exploitent les ouvriers salariés qui créent
pour eux la plus-value.
Ce rapport de production,
comme d'ailleurs tous les autres rapports de production de la
société capitaliste, prend la forme d'un rapport
entre objets et apparaît comme la propriété
de ces objets (moyens de production) de procurer un revenu au
capitaliste.
C'est en cela que
consiste le caractère fétiche du capital : avec
le mode de production capitaliste se crée une apparence
trompeuse, selon laquelle les moyens de production (ou une certaine
somme d'argent avec laquelle on peut acheter les moyens de production)
possèdent par eux-mêmes la faculté miraculeuse
de procurer à leur possesseur un revenu régulier
ne provenant pas du travail.
Les différentes
parties du capital ne jouent pas le même rôle dans
le processus de production de la plus-value.
L'entrepreneur dépense
une certaine partie du capital pour construire les bâtiments
d'une fabrique, acquérir de l'équipement et des
machines, acheter les matières premières, l'énergie,
les matériaux accessoires.
La valeur de cette
partie du capital est transférée à la marchandise
nouvellement produite à mesure que les moyens de production
sont consommés ou usés au cours du travail.
La partie du capital,
qui existe sous forme de valeur des moyens de production, ne
change pas de grandeur en cours de production; aussi porte-t-elle
le nom de capital constant.
L'entrepreneur consacre l'autre partie du capital à l'achat
de la force de travail, à l'embauchage des ouvriers.
En échange
de cette partie du capital dépensé, l'entrepreneur,
le processus de production terminé, reçoit une
nouvelle valeur créée par les ouvriers dans son
entreprise.
Cette nouvelle valeur,
on l'a vu, est supérieure à celle de la force de
travail achetée par le capitaliste.
C'est ainsi que
la partie du capital, dépensée pour l'embauchage
d'ouvriers, change de grandeur au cours de la
production : elle augmente à la suite de la création
par les ouvriers d'une plus-value que la capitaliste accapare.
La partie du capital qui est consacrée à l'achat
de la force de travail (c'est-à-dire à l'embauchage
d'ouvriers) et qui augmente en cours de production, s'appelle
capital variable.
On désigne
le capital constant par la lettre c, et le capital variable par
la lettre v.
La division du capital
en partie constante et partie variable a été établie
pour la première fois par Marx.
Cette division a
mis en lumière le rôle particulier du capital variable
destiné à l'achat de la force de travail.
L'exploitation des
ouvriers salariés par les capitalistes constitue la source
véritable de la plus-value.
La découverte
du double caractère du travail incarné dans la
marchandise, a été la clef qui a permis à
Marx d'établir la distinction entre le capital constant
et le capital variable, et de dégager l'essence de l'exploitation
capitaliste.
Marx a montré
que l'ouvrier par son travail crée, produit la valeur
des moyens de production dépensés, et comme travail
abstrait, en tant que dépense de la force de travail en
général, le travail de ce même ouvrier crée
une nouvelle valeur.
Ces deux aspects
du processus du travail se distinguent de façon très
marquée.
Par exemple, en
doublant la productivité du travail dans sa branche, le
fileur transmet au produit, pendant une journée de travail,
une valeur de moyens de production deux fois plus grande (puisqu'il
traite deux fois plus de coton) ; pour ce qui est de la nouvelle
valeur, il en créera autant qu'auparavant.
Le taux de
la plus-value.
Le degré
d'exploitation de l'ouvrier par le capitaliste trouve son expression
dans le taux de la plus-value.
Le taux de la plus-value
est le rapport exprimé en pourcentage de la plus-value
au capital variable.
Le taux de la plus-value
montre dans quelle proportion le travail dépensé
par les ouvriers se divise en travail nécessaire et en
surtravail; autrement dit, quelle est la partie de la journée
de travail que le prolétaire dépense pour compenser
la valeur de sa force de travail et quelle partie de la journée
il travaille gratuitement pour le capitaliste.
On désigne
la plus-value par la lettre p et le taux de la plus-value par
p'= P/v.
Si l'on prend comme
exemple :
p' = P/v = 6 euros / 6 euros = 100%
Le taux de la plus-value
est ici égal à 100% ; cela veut dire que dans le
cas présent le travail de l'ouvrier est divisé
pour moitié en travail nécessaire et en surtravail.
Avec le développement
du capitalisme s'élève le taux de la plus-value,
ce qui marque l'élévation du degré d'exploitation
du prolétariat par la bourgeoisie.
La masse de plus-value
s'accroît encore plus rapidement, du fait qu'augmente le
nombre des ouvriers salariés exploités par le capital.
Deux moyens d'augmentation
du degré d'exploitation du travail par le capital.
La plus-value absolue et la plus-value relative.
Tout capitaliste,
afin d'accroître la plus-value, cherche par tous les moyens
à augmenter la part du surtravail qu'il extorque à
l'ouvrier.
L'augmentation de
la plus-value se réalise par deux moyens principaux.
Prenons à
titre d'exemple une journée de travail de 12 heures, dont
6 heures forment le travail nécessaire et 6 heures le
sur-travail.
Représentons
cette journée de travail sous la forme d'une ligne dont
chaque division est égale à une heure.
Journée de
travail = 12 heures
Temps de travail nécessaire = 6 heures
Temps de surtravail = 6 heures
Le premier moyen
d'augmenter le degré d'exploitation de l'ouvrier consiste
pour le capitaliste à augmenter la plus-value qu'il reçoit,
en allongeant la journée de travail, par exemple, de 2
heures.
Alors la journée
de travail se présentera comme suit :
Journée de
travail =14 heures
Temps de travail
nécessaire = 6 heures
Temps de surtravail
= 8 heures
La durée
du surtravail a augmenté par suite de l'allongement absolu
de la journée de travail dans son ensemble, tandis que
le temps de travail nécessaire est resté invariable.
Mais cet allongement
du travail effectué peut également passer par une
baisse apparente du temps de travail, qui masque un accroissement
fondamental de la productivité.
Cette réduction
du temps de travail apporte également plus de flexibilité
dans la gestion de la main d'uvre.
Les 35 heures en
France ont été ainsi d'une grande aide pour les
monopoles, en permettant à leurs usines de fabrication,
à leurs prestataires et leurs sous-traitants de répondre
de manière la plus souple possible aux exigences de la
production capitaliste.
La plus-value produite
par la prolongation du travail effectué s'appelle plus-value
absolue.
Le second moyen
d'augmenter le degré d'exploitation de l'ouvrier consiste,
sans modifier la durée générale de la journée
de travail, à augmenter la plus-value que reçoit
le capitaliste en réduisant le temps de travail nécessaire.
L'augmentation de
la productivité du travail dans les branches fabriquant
les objets de consommation pour les ouvriers, et aussi dans celles
qui fournissent les instruments et les matériaux pour
la production des objets de consommation, aboutit à réduire
le temps de travail nécessaire à leur production.
Il en résulte
que la valeur des moyens de subsistance des ouvriers diminue
et la valeur de la force de travail décroît en conséquence.
Si auparavant on
dépensait 6 heures pour la production des moyens de subsistance
de l'ouvrier, maintenant on ne dépense, par exemple, que
4 heures.
La journée
de travail se présente alors comme suit :
Journée de travail = 12 heures
Temps de travail
nécessaire = 4 heures
Temps de surtravail
= 8 heures
La longueur de la
journée de travail reste invariable, mais la durée
de surtravail augmente du fait que le rapport s'est modifié
entre le temps de travail nécessaire et le temps de surtravail.
La plus-value résultant,
par suite de l'augmentation de la productivité du travail,
de la diminution du temps du travail nécessaire et de
l'augmentation correspondante du temps de surtravail s'appelle
plus-value relative.
Ces deux moyens
d'augmenter la plus-value renforcent l'exploitation du travail
salarié par le capital.
Ils en même
temps jouent un rôle différent aux différentes
phases du développement historique du capitalisme.
Dans les premières
phases du développement du capitalisme, alors que la technique
était rudimentaire et avançait relativement lentement,
l'augmentation de la plus-value absolue avait une importance
primordiale.
Le capital à
la poursuite de la plus-value réalisa une révolution
radicale dans les méthodes de production, la révolution
industrielle, qui donna le jour à la grande industrie
mécanique.
La coopération
capitaliste simple, la manufacture et l'industrie mécanique
représentent des degrés successifs de l'élévation
de la productivité du travail par le capital.
Dans la période
du machinisme, alors que la technique hautement développée
permet d'accroître rapidement la productivité du
travail, les capitalistes s'attachent à élever
considérablement le degré d'exploitation des ouvriers,
avant tout par l'augmentation de la plus-value relative.
En même temps,
ils cherchent comme par le passé à prolonger au
maximum la journée de travail et surtout à intensifier
encore le travail.
L'intensification
du travail des ouvriers a pour le capitaliste la même importance
que l'allongement de la journée du travail : l'allongement
de la journée de travail de 10 à 11 heures ou l'augmentation
d'un dixième de l'intensité du travail lui fournit
le même résultat.
La plus-value
extra.
La course à
la plus-value extra joue un grand rôle dans le développement
du capitalisme.
Elle s'obtient dans
les cas où certains capitalistes introduisent chez eux
des machines et des méthodes de production plus perfectionnées
que celles qui sont employées dans la plupart des entreprises
de la même branche d'industrie.
C'est ainsi que
tel capitaliste obtient dans son entreprise une plus haute productivité
du travail par rapport au niveau moyen existant dans une branche
d'industrie donnée.
Dès lors,
la valeur individuelle de la marchandise produite dans l'entreprise
de ce capitaliste se trouve être inférieure à
la valeur sociale de cette même marchandise.
Mais comme le prix
de la marchandise est déterminé par sa valeur sociale,
ce capitaliste reçoit un taux de plus-value supérieur
au taux ordinaire.
Prenons l'exemple
suivant.
Admettons que, dans
une manufacture de tabac, un ouvrier produise 1.000 cigarettes
à l'heure et travaille 12 heures, dont 6 lui servent à
créer une valeur égale à celle de sa force
de travail.
Si l'on introduit
dans la manufacture une machine doublant la productivité
du travail, l'ouvrier, tout en continuant à travailler
12 heures, ne produit plus 12.000, mais 24.000 cigarettes.
Le salaire de l'ouvrier
est compensé par une partie de la valeur nouvellement
créée, incarnée (déduction faite
de la valeur de la part transférée du capital constant)
dans 6.000 cigarettes, c'est-à-dire dans le produit de
3 heures.
Au fabricant revient
l'autre partie de la valeur nouvellement créée,
incarnée (déduction faite de la valeur de In part
transférée du capital constant) dans 18.000 cigarettes,
c'est-à-dire dans le produit de 9 heures.
Ainsi, le temps
de travail nécessaire est réduit et le temps de
surtravall de l'ouvrier est allongé en conséquence.
L'ouvrier compense
la valeur de sa force de travail, non plus en 6 heures, mais
en 3 heures; son surtravail passe de 6 heures à 9 heures.
Le taux de la plus-value
a triplé.
La plus-value extra
est l'excédent de plus-value que reçoivent, en
plus du taux ordinaire, les capitalistes en abaissant la valeur
individuelle des marchandises produites dans leurs entreprises.
L'obtention de la
plus-value extra ne constitue, dans chaque entreprise, qu'un
phénomène passager.
Tôt ou tard,
la plupart des entrepreneurs de la même branche d'industrie
introduisent chez eux des machines nouvelles; quiconque ne possède
pas un capital suffisant pour cela finit par se ruiner dans cette
concurrence.
Résultat
: le temps socialement nécessaire à la production
d'une marchandise donnée diminue, la valeur de la marchandise
baisse, et le capitaliste qui a appliqué avant les autres
les perfectionnements techniques, cesse de recevoir une plus-value
extra.
Cependant, en disparaissant
dans une entreprise, la plus-value extra apparaît dans
une autre où sont introduites des machines nouvelles encore
plus perfectionnées.
Chaque capitaliste
ne vise qu'à s'enrichir personnellement.
Cependant l'action dispersée des différents entrepreneurs
a pour résultat le progrès technique, le développement
des forces productives de la société capitaliste.
En même temps,
la course à la plus-value incite chaque capitaliste à
protéger ses réalisations techniques contre ses
concurrents, elle engendre le secret sur le plan commercial et
technique.
Il apparaît
ainsi que le capitalisme pose des limites au développement
des forces productives. Les forces productives, en régime
capitaliste, se développent sous une forme contradictoire.
Les capitalistes
ne font usage de nouvelles machines que si leur emploi donne
lieu à un accroissement de la plus-value.
L'introduction de
nouvelles machines sert de base à l'élévation
systématique du degré d'exploitation du prolétariat,
à rallongement de la journée de travail et à
l'intensification du travail; le progrès technique se
réalise au prix d'infinis sacrifices et privations de
nombreuses générations de la classe ouvrière.
Ainsi le capitalisme
traite avec une rapacité extrême la principale force
productive de la société : la classe ouvrière,
les masses laborieuses.
La structure
de classe de la société capitaliste.
L'Etat bourgeois.
Ce qui caractérisait
les modes de production esclavagiste et féodal, c'était
la division de la société en différentes
classes et castes, division qui lui donnait une structure hiérarchique
complexe.
L'époque
bourgeoise a simplifié les antagonismes de classes et
substitué aux diverses formes de privilèges héréditaires
et de dépendance personnelle le pouvoir impersonnel de
l'argent, le despotisme illimité du capital.
Avec le mode de
production capitaliste, la société se scinde de
plus en plus en deux grands camps ennemis, en deux classes opposées
: la bourgeoisie et le prolétariat.
La bourgeoisie est
la classe qui possède les moyens de production et les
utilise pour exploiter le travail salarié.
Elle est la classe
dominante de la société capitaliste.
Le prolétariat
est la classe des ouvriers salariés, dépourvus
de moyens de production et obligés, par suite, de vendre
leur force de travail aux capitalistes.
Sur la base de la
production mécanique le capital a entièrement mis
sous sa coupe le travail salarié.
Pour la classe des
travailleurs la condition prolétarienne est devenue son
lot pour la vie.
La situation économique
du prolétariat en fait la classe la plus révolutionnaire.
Bourgeoisie et prolétariat
sont les classes fondamentales de la société capitaliste.
Tant qu'existe le
mode de production capitaliste, ces deux classes sont indissolublement
liées entre elles : la bourgeoisie ne peut exister et
s'enrichir sans exploiter les ouvriers salariés; les prolétaires
ne peuvent vivre sans se louer aux capitalistes.
En même temps,
la bourgeoisie et le prolétariat sont des classes antagonistes,
dont les intérêts s'opposent et sont irréductiblement
hostiles.
Le capitalisme,
en se développant, approfondit l'abîme entre la
minorité exploiteuse et les masses exploitées.
A côté
de la bourgeoisie et du prolétariat en régime capitaliste
existent la classe des propriétaires fonciers et celle
des paysans.
Ces classes sont
des survivances du régime féodal antérieur,
mais elles ont pris un caractère sensiblement différent,
en rapport avec les conditions du capitalisme.
Les propriétaires
fonciers en régime capitaliste sont la classe des grands
propriétaires terriens, qui, d'ordinaire, louent leurs
terres à des fermiers capitalistes ou à de petits
paysans producteurs, ou bien qui pratiquent sur la propriété
qui leur appartient la grande production capitaliste à
l'aide de travail salarié.
La paysannerie est
la classe des petits producteurs possédant leur propre
exploitation, fondée sur la propriété privée
des moyens de production, sur une technique arriérée
et le travail manuel.
La paysannerie constitue
dans les pays bourgeois une partie importante de la population.
La masse essentielle
de la paysannerie, exploitée sans merci par les propriétaires
fonciers, les paysans riches, les marchands et les usuriers,
court à sa ruine.
Dans le processus
de sa différenciation, la paysannerie dégage constamment
de son sein, d'une part, des masses de prolétaires, et
de l'autre, des paysans enrichis, des capitalistes.
L'Etat bourgeois
qui, à la suite de la révolution bourgeoise, est
venu remplacer l'Etat féodal, est par son caractère
de classe, entre les mains des capitalistes, un instrument d'asservissement
et d'oppression de la classe ouvrière et de la paysannerie.
L'Etat bourgeois
protège la propriété privée capitaliste
des moyens de production, garantit l'exploitation des travailleurs
et réprime leur lutte contre le régime capitaliste.
Comme les intérêts
de la classe capitaliste s'opposent foncièrement à
ceux de l'immense majorité de la population, la bourgeoisie
est obligée de cacher par tous les moyens le caractère
de classe de son Etat.
Elle s'efforce de
le présenter comme un Etat de " démocratie
pure ", soi-disant au-dessus des classes et appartenant
au peuple tout entier.
Mais en fait la
" liberté " bourgeoise est la liberté
pour le capital d'exploiter le travail d'autrui; l'" égalité
" bourgeoise est une apparence qui masque l'inégalité
de fait entre l'exploiteur et l'exploité, entre l'homme
rassasié et l'affamé, entre les propriétaires
des moyens de production et la masses des prolétaires
qui ne possèdent que leur force de travail.
L'Etat bourgeois
réprime les masses populaires à l'aide de son appareil
administratif, de sa police, de son armée, de ses tribunaux,
de ses prisons, de ses camps de concentration, et d'autres moyens
de coercition.
L'action idéologique
à l'aide de laquelle la bourgeoisie maintient sa domination
est le complément indispensable de ces moyens de coercition.
Cela comprend la
presse bourgeoise, la radio, le cinéma, la science et
l'art bourgeois, les Eglises, l'école, etc.
Le communiste italien
Antonio Gramsci a souligné l'importance du combat contre
l'hégémonie idéologique de la bourgeoisie.
Dans ce domaine,
l'école, dans sa fonction éducative positive, et
les tribunaux, dans leur fonction éducative négative,
sont des secteurs d'activité étatique essentiels
; mais, en fait, il y a une multitude d'autres initiatives et
activités soi-disant privées qui tendent au même
but, et qui composent l'appareil de l'hégémonie
politique et culturelle des classes dominantes.
L'Etat bourgeois
est le comité exécutif de la classe des capitalistes.
Les constitutions
bourgeoises ont pour but de renforcer le régime social,
agréable et avantageux pour les classes possédantes.
L'Etat bourgeois
déclare sacré et inviolable le fondement du régime
capitaliste, la propriété privée des moyens
de production.
Les formes de l'Etat
bourgeois sont très variées, mais leur essence
est la même : dans tous ces Etats, la dictature est exercée
par la bourgeoisie qui essaie par tous les moyens de conserver
et de fortifier le régime d'exploitation du travail salarié
par le capital.
A mesure que se
développe la grande production capitaliste, augmentent
les effectifs du prolétariat qui prend conscience de plus
en plus de ses intérêts de classe, progresse politiquement
et s'organise pour la lutte contre la bourgeoisie.
Le prolétariat
est la classe de travailleurs, liée à la forme
d'avant-garde de l'économie, la grande production.
Etant donné
le rôle économique qu'il joue dans la grande production,
le prolétariat est seul capable d'être le guide
de toutes les masses travailleuses et exploitées.
(V. Lénine : L'Etat et la révolution)
Le prolétariat
industriel qui est la classe la plus révolutionnaire,
la plus avancée de la société capitaliste,
est appelé à réunir autour de lui les masses
travailleuses de la paysannerie, toutes les couches exploitées
de la population et de les mener à l'assaut du capitalisme.
L'ACCUMULATION
DU CAPITAL
ET LA PAUPERISATION
DU PROLETARIAT.
La production
et la reproduction.
Pour vivre et se
développer, la société doit produire des
biens matériels.
Elle ne peut en
arrêter la production, comme elle ne peut s'arrêter
de consommer.
De jour en jour,
d'une année à l'autre, les hommes consomment des
aliments, usent vêtements et chaussures, mais en même
temps des quantités nouvelles d'aliments, de vêtements,
de chaussures et d'autres produits sont fabriquées par
le travail de l'homme.
Les machines s'usent
peu à peu, les locomotives vieillissent tôt ou tard,
mais dans les entreprises on fabrique de nouvelles machines-outils,
de nouvelles locomotives.
Quelle que soit
la structure des rapports sociaux, le processus de production
doit constamment se renouveler.
Ce renouvellement incessant, cette répétition ininterrompue
du processus de production porte le nom de reproduction.
Considéré,
non sous son aspect isolé, mais dans le cours de sa rénovation
incessante, tout procès de production sociale est donc
en même temps procès de reproduction.
(K. Marx : Le Capital, Livre I, t. II)
Les conditions de
la production sont aussi celles de la reproduction.
Si la production
revêt la forme capitaliste, la reproduction revêt
la même forme.
Le processus de
reproduction consiste non seulement en ce que les hommes fabriquent
des quantités toujours nouvelles de produits pour remplacer
et au-delà les produits consommés, mais aussi en
ce que, dans la société, les rapports de production
correspondants se renouvellent sans cesse.
Il faut distinguer
deux types de reproduction : la reproduction simple et la reproduction
élargie.
La reproduction
simple est la répétition du processus de production
dans ses proportions précédentes, les produits
nouvellement fabriqués ne faisant que compenser la dépense
des moyens de production et des objets de consommation individuelle.
La reproduction
élargie est la répétition du processus de
production dans des proportions plus étendues, la société
ne se bornant pas à compenser les biens matériels
consommés, mais produisant, en plus, un supplément
de moyens de production et d'objets de consommation.
Avant l'apparition
du capitalisme, les forces productives se développaient
avec beaucoup de lenteur.
Le volume de la
production sociale ne s'est guère modifié d'une
année à l'autre, d'une décennie à
l'autre.
Avec le capitalisme,
l'état ancien d'immobilisme relatif et de stagnation de
la production sociale a fait place à un développement
beaucoup plus rapide des forces productives.
La reproduction élargie, interrompue par des crises économiques,
au cours desquelles il y a une baisse de la production, est caractéristique
du mode de production capitaliste.
La reproduction
capitaliste simple.
Avec la reproduction
capitaliste simple, le processus de production se renouvelle
sans changer de volume; la plus-value est entièrement
dépensée par le capitaliste pour sa consommation
personnelle.
L'analyse de la
reproduction simple suffit déjà pour approfondir
l'étude de certains traits essentiels du capitalisme.
Dans le processus
de reproduction capitaliste se renouvellent sans cesse non seulement
les produits du travail, mais aussi les rapports d'exploitation
capitalistes.
D'une part, dans
le cours de la reproduction se crée constamment la richesse
qui appartient au capitaliste et qu'il utilise pour s'approprier
la plus-value.
Au terme de chaque
processus de production, l'entrepreneur se retrouve en possession
d'un capital qui lui permet de s'enrichir par l'exploitation
des ouvriers.
D'autre part, l'ouvrier demeure à l'issue du processus
de production un prolétaire non possédant; il est
donc obligé, pour ne pas mourir de faim, de vendre sans
cesse sa force de travail au capitaliste.
La reproduction
de la force de travail salariée demeure la condition nécessaire
de la reproduction du capital.
Le procès
de production capitaliste reproduit donc de lui-même la
séparation entre travailleur et conditions de travail.
Il reproduit et éternise par cela même les conditions
qui forcent l'ouvrier à se vendre pour vivre et mettent
le capitaliste en état de l'acheter pour s'enrichir.
(K. Marx : Le Capital, livre I, t. III)
Ainsi, dans le processus
de production, le rapport capitaliste fondamental se renouvelle
constamment : le capitaliste d'un côté, l'ouvrier
salarié de l'autre.
L'ouvrier, avant
même d'aliéner sa force de travail à tel
ou tel entrepreneur, appartient déjà au capitaliste
collectif, c'est-à-dire à la classe des capitalistes
dans son ensemble.
Lorsque le prolétaire
change de lieu de travail, il ne fait que changer d'exploiteur.
L'ouvrier est sa
vie durant enchaîné au char du capital.
Si l'on considère
un processus de production isolé, il semble à première
vue qu'en achetant la force de travail, le capitaliste prélève
sur ses propres fonds une somme d'argent pour l'avancer à
l'ouvrier, puisque, à la date du paiement du salaire,
le capitaliste peut ne pas avoir eu le temps de vendre la marchandise
fabriquée par l'ouvrier dans une période donnée
(par exemple en un mois).
Mais si l'on prend
la vente et l'achat de la force de travail non pas isolément,
mais comme un élément de la reproduction, comme
un rapport sans cesse répété, alors apparaît
en pleine lumière le véritable caractère
de cette transaction.
Premièrement,
alors que l'ouvrier par son travail crée, dans une période
donnée, une nouvelle valeur renfermant la plus-value,
le produit fabriqué par l'ouvrier dans la période
précédente, est réalisé sur le marché
et se convertit en argent.
Il apparaît
donc clairement que le capitaliste paye au prolétaire
le salaire non pas sur ses propres fonds, mais sur la valeur
créée par le travail des ouvriers dans la période
précédente de production (par exemple, pendant
le mois précédent).
Selon l'expression
de Marx, la classe des capitalistes agit suivant la vieille recette
du conquérant : elle achète la marchandise des
vaincus avec leur propre argent, avec l'argent dont elle les
a dépouillés.
En second lieu,
contrairement aux autres marchandises, la force de travail n'est
payée par le capitaliste qu'après que l'ouvrier
a fourni un travail déterminé.
Il se trouve donc
que ce n'est pas le capitaliste qui avance au prolétaire;
c'est au contraire, le prolétaire qui avance au capitaliste.
Aussi bien, les
entrepreneurs s'efforcent-ils de payer les salaires aux dates
les plus espacées possible (par exemple, une fois par
mois), afin de prolonger les délais du crédit gratuit
que les ouvriers leur ont consenti.
La classe des capitalistes
verse constamment aux ouvriers de l'argent, sous forme de salaire,
pour leur permettre d'acheter les moyens de subsistance, c'est-à-dire
une certaine partie du produit créé par le travail
des ouvriers et que les exploiteurs se sont appropriés.
Cet argent, les
ouvriers le restituent aussi régulièrement aux
capitalistes, en acquérant avec lui les moyens de subsistance
produits par la classe ouvrière elle-même.
L'analyse des rapports
capitalistes dans le cours de la reproduction fait apparaître
la source véritable du salaire, mais aussi celle de tout
capital.
Admettons que le
capital avancé par l'entrepreneur - 100.000 euros - rapporte
une plus-value de 10.000 euros par an, et que cette somme soit
entièrement dépensée par le capitaliste
pour sa consommation individuelle.
Si l'entrepreneur
ne s'appropriait pas le travail non payé de l'ouvrier,
son capital se trouverait au bout de dix ans entièrement
englouti. Il n'en est pas ainsi parce que la somme de 100.000
euros dépensée par le capitaliste pour sa consommation
personnelle, se renouvelle entièrement durant les délais
indiqués grâce à la plus-value créée
par le travail non payé des ouvriers.
Par conséquent,
quelle que soit la source initiale du capital, celui-ci, dans
le cours même de la reproduction simple, devient, au bout
d'une période déterminée, de la valeur créée
par le travail des ouvriers et accaparée gratuitement
par le capitaliste.
C'est là
la preuve de l'absurdité des affirmations des économistes
bourgeois, selon lesquels le capital serait une richesse gagnée
par le propre travail de l'entrepreneur.
La reproduction
simple fait partie intégrante, elle est un élément
de la reproduction élargie.
Les rapports d'exploitation,
inhérents à la reproduction simple, sont encore
plus accusés dans le cadre de la reproduction capitaliste
élargie.
La reproduction
capitaliste élargie.
L'accumulation du capital.
Avec la reproduction
élargie, une partie de la plus-value est consacrée
par le capitaliste à l'accroissement de la production:
achat de moyens de production supplémentaires et embauche
d'un supplément de main-d'uvre.
Par conséquent,
une partie de la plus-value est ajoutée au capital précédent,
elle est accumulée.
L'accumulation du
capital est l'adjonction d'une partie de la plus-value au capital
ou sa conversion en capital.
La plus-value constitue donc la source de l'accumulation.
C'est par l'exploitation
de la classe ouvrière que le capital grandit et, qu'en
même temps, les rapports de production capitalistes se
reproduisent sur une base élargie.
L'élément
moteur de l'accumulation pour l'entrepreneur capitaliste, c'est
avant tout la course à l'augmentation de la plus-value.
Avec le mode de
production capitaliste, la soif d'enrichissement ne connaît
point de bornes.
Avec l'élargissement
de la production augmente la masse de plus-value que s'approprie
le capitaliste, et, par suite, aussi la partie de la plus-value
destinée à satisfaire les besoins individuels et
les caprices des capitalistes.
D'un autre côté
les capitalistes obtiennent la possibilité, grâce
à l'accroissement de la plus-value, d'élargir de
plus en plus la production, d'exploiter une quantité de
plus en plus grande d'ouvriers et de s'approprier une masse sans
cesse croissante de plus-value.
Un autre élément
moteur de l'accumulation est la concurrence acharnée,
qui place les grands capitalistes en meilleure position et leur
permet d'écraser les petits.
La concurrence oblige
chaque capitaliste, sous peine de faillite, à améliorer
son outillage, à élargir sa production. Arrêter
le progrès technique, l'élargissement de la production,
c'est rester en arrière, et les retardataires se font
battre par leurs concurrents.
La concurrence oblige
donc chaque capitaliste à augmenter son capital, et il
ne peut le faire que par l'accumulation constante d'une partie
de la plus-value.
L'accumulation du capital est la source de la reproduction élargie.
La composition
organique du capital. La concentration et la centralisation du
capital.
Au cours de l'accumulation
capitaliste, la masse générale du capital augmente
et ses différentes parties subissent des changements inégaux,
d'où résulte un changement de la structure du capital.
En accumulant la
plus-value et en élargissant son entreprise, le capitaliste
introduit généralement de nouvelles machines et
des perfectionnements techniques, qui lui assureront une augmentation
de ses bénéfices.
Le progrès
technique marque un accroissement plus rapide de la partie du
capital qui existe sous forme de moyens de production : machines,
bâtiments, matières premières, etc..., c'est-à-dire
du capital constant.
Au contraire, la
partie du capital dépensée à l'achat de
force de travail, c'est-à-dire de capital variable, s'accroît
avec beaucoup plus de lenteur.
Le rapport entre
capital constant et capital variable, considéré
comme rapport entre la masse des moyens de production et la force
de travail vivante, est appelé composition organique du
capital.
Prenons, par exemple,
un capital de 100.000 euros réparti en 80.000 euros de
bâtiments, machines, matières premières,
etc., et 20.000 euros de salaires.
Alors la composition
organique du capital est égale à 80 c / 20 v, ou
4 / 1.
Dans les différentes
branches de l'industrie et dans les différentes entreprises
d'une même industrie, la composition organique du capital
est inégale : elle est plus élevée là
où il y a par ouvrier une quantité plus grande
de machines complexes et coûteuses, de matières
premières transformées; elle est inférieure
là où prévaut le travail vivant, où
par ouvrier il y a moins de machines et de matières premières
qui coûtent relativement moins cher.
Avec l'accumulation
du capital, la composition organique du capital augmente : la
part du capital variable diminue, celle du capital constant augmente.
Dans le cours de
la reproduction capitaliste les capitaux augmentent de volume
du fait de la concentration et de la centralisation du capital.
On appelle concentration
du capital l'accroissement du capital par l'accumulation de la
plus-value créée dans une entreprise donnée.
Le capitaliste,
en investissant dans l'entreprise une partie de la plus-value
qu'il s'est appropriée, devient possesseur d'un capital
sans cesse accru.
On appelle centralisation
du capital l'accroissement du capital par la fusion de plusieurs
capitaux en un seul capital plus important.
Avec la concurrence,
le gros capital ruine et absorbe les petites et les moyennes
entreprises, moins importantes, qui ne résistent pas à
la compétition.
En accaparant à
vil prix les entreprises d'un concurrent ruiné ou en les
liant à la sienne d'une manière ou d'une autre
(par exemple, par endettement), le gros fabricant augmente les
capitaux qu'il détient.
La fusion de nombreux
capitaux en un seul se fait également par l'organisation
de sociétés en commandite, de sociétés
par actions, etc.
La concentration
et la centralisation du capital rassemblent entre les mains d'un
nombre restreint de personnes d'immenses richesses.
L'accroissement
des capitaux ouvre de larges possibilités à la
concentration de la production dans de grandes entreprises.
La grande production
a des avantages décisifs sur la petite.
Les grandes entreprises
peuvent introduire des machines et des perfectionnements techniques,
pratiquer largement la division et la spécialisation du
travail, ce qui n'est pas à la portée des petites
entreprises.
De ce fait, la fabrication
des produits revient moins cher aux grandes entreprises qu'aux
petites.
La concurrence entraîne
de gros frais et de grandes pertes.
Une grande entreprise peut supporter ces pertes pour, ensuite,
les compenser largement, tandis que les petites entreprises et
souvent aussi les moyennes se ruinent.
Les grands capitalistes
reçoivent des crédits avec beaucoup plus de facilité
et à des conditions plus favorables; or, le crédit
est une des armes les plus importantes dans la concurrence.
Tous ces avantages
permettent à des entreprises toujours plus importantes,
puissamment équipées, de prendre le premier rang
dans les pays capitalistes, tandis qu'une multitude de petites
et moyennes entreprises se ruinent et disparaissent.
Grâce à
la concentration et à la centralisation du capital, une
minorité de capitalistes, possesseurs de fortunes énormes,
préside aux destinées de dizaines et de centaines
de milliers d'ouvriers.
Dans l'agriculture,
la concentration capitaliste aboutit à ce que la terre
et d'autres moyens de production se concentrent de plus en plus
dans les mains des gros propriétaires, tandis que les
larges couches des petits et moyens paysans, privés de
terre, de matériel et d'attelage sont asservis par le
capital (voir le passage suivant sur les rapports sociaux dans
l'agriculture).
Des masses de paysans
et d'artisans se ruinent et deviennent des prolétaires.
Ainsi donc, la concentration
et la centralisation du capital ont pour effet d'aggraver les
contradictions de classes, d'approfondir l'abîme entre
la minorité bourgeoise, exploiteuse, et la majorité
non possédante, exploitée, de la société.
En même temps,
par suite de la concentration de la production, les grandes entreprises
capitalistes et les centres industriels rassemblent des masses
toujours plus grandes du prolétariat.
Cela facilite le
rassemblement et l'organisation des ouvriers pour la lutte contre
le capital.
L'armée
industrielle de réserve.
L'accroissement
de la production en régime capitaliste, comme on l'a déjà
dit, s'accompagne d'une augmentation de la composition organique
du capital.
La demande de main-d'uvre
est déterminée par la grandeur, non du capital
tout entier, mais seulement de sa partie variable.
Or, la partie variable
du capital, avec le progrès technique, diminue relativement
par rapport au capital constant.
Aussi, avec l'accumulation
du capital et le progrès de sa composition organique,
la demande de main-d'uvre se réduit-elle relativement,
encore que les effectifs d'ensemble du prolétariat augmentent
en même temps que le capitalisme se développe.
Il en résulte
qu'une masse importante d'ouvriers ne peut trouver à s'employer.
Une partie de la
population ouvrière se trouve être " en surnombre
" ; il se produit ce qu'on appelle une surpopulation relative.
Cette surpopulation
est relative, parce qu'une partie de la force de travail ne s'avère
en surnombre que par rapport aux besoins d'accumulation du capital.
Ainsi, dans la société
bourgeoise, au fur et à mesure qu'augmenté la richesse
sociale, une partie de la classe ouvrière est vouée
à un travail toujours plus dur et excessif, tandis que
l'autre partie est condamnée à un chômage
forcé.
Il faut distinguer
les formes essentielles suivantes de surpopulation relative.
La surpopulation
flottante est constituée par les ouvriers qui perdent
leur travail pour un certain temps par suite de la réduction
de la production, de l'emploi de nouvelles machines, de la fermeture
d'entreprises.
Avec l'élargissement
de la production, une partie de ces chômeurs trouve à
s'employer, de même qu'une partie des nouveaux ouvriers
de la jeune génération.
Le nombre total
des ouvriers employés augmente, mais dans une proportion
sans cesse décroissante par rapport à l'échelle
de la production.
La surpopulation
latente est constituée par les petits producteurs ruinés,
et avant tout par les paysans pauvres et les ouvriers agricoles
qui ne sont occupés dans l'agriculture que pendant une
faible partie de l'année, ne trouvent pas à s'employer
dans l'industrie et traînent une misérable existence,
en vivotant tant bien que mal à la campagne.
Contrairement à
ce qui se passe dans l'industrie, le progrès technique
dans l'agriculture entraîne une diminution absolue de la
demande de main-d'uvre.
La surpopulation
stagnante est constituée par les groupes nombreux de gens
qui ont perdu leur emploi permanent, et dont les occupations
irrégulières sont payées bien au-dessous
du niveau habituel du salaire.
Ce sont de larges
couches de travailleurs occupés dans la sphère
du travail capitaliste à domicile, et aussi ceux qui vivent
d'un travail occasionnel.
Enfin, la couche
inférieure de la surpopulation relative est constituée
par les gens qui ont été depuis longtemps éliminés
de la production, sans aucun espoir de retour, et qui vivent
d'un gagne-pain de hasard.
Une partie de ces
gens est réduite à la mendicité.
Les ouvriers éliminés de la production forment
l'armée industrielle de réserve, l'armée
des chômeurs.
Cette armée
est un attribut nécessaire de l'économie capitaliste,
sans lequel elle ne peut ni exister, ni se développer.
Dans les périodes
d'essor industriel, quand l'élargissement rapide de la
production s'impose, une quantité suffisante de chômeurs
se trouve à la disposition des entrepreneurs.
L'élargissement
de la production a pour effet de réduire momentanément
le chômage.
Mais ensuite une
crise de surproduction arrive et, de nouveau, des masses importantes
d'ouvriers sont jetées à la rue et vont grossir
l'armée de réserve des chômeurs.
L'existence de cette armée permet aux capitalistes de
renforcer l'exploitation des ouvriers.
Les chômeurs
sont contraints d'accepter les plus dures conditions de travail.
Le chômage
crée une situation instable pour les ouvriers employés
dans la production, et réduit considérablement
le niveau de vie de la classe ouvrière tout entière.
Voilà pourquoi
les capitalistes n'ont pas intérêt à voir
supprimer l'armée industrielle de réserve, qui
pèse sur le marché du travail et assure au capitaliste
une main-d'uvre à bon marché.
Avec le développement
du mode de production capitaliste l'armée des chômeurs,
diminuant dans les périodes d'essor de la production et
augmentant pendant les crises, dans l'ensemble s'accroît.
La surpopulation
relative dans les pays coloniaux et semi-coloniaux d'Orient atteint
des proportions énormes.
Avec le développement du capitalisme, le chômage
partiel prend des proportions toujours plus étendues :
l'ouvrier ne travaille alors qu'une partie de la journée
ou de la semaine.
Le chômage
est un véritable fléau pour la classe ouvrière.
Les ouvriers n'ont
pas de quoi vivre, si ce n'est de la vente de leur force de travail.
Renvoyés
de l'entreprise, ils sont menacés de mourir de faim, de
perdre leur logement.
Les économistes
bourgeois tentent de justifier le chômage en régime
capitaliste en invoquant des lois éternelles de la nature.
C'est à ce but que servent les inventions pseudo-scientifiques
de Malthus, économiste réactionnaire anglais de
la fin du dix-huitième - début du dix-neuvième
siècles.
D'après la
" loi de population ", inventée par Malthus,
depuis l'origine de la société humaine la population
se multiplierait suivant les termes d'une progression géométrique
(comme 1, 2, 4, 8, etc.), et les moyens d'existence, tant donné
le caractère limité des richesses naturelles, augmenteraient
suivant les termes d'une progression arithmétique (comme
1, 2, 3, 4, etc.).
C'est là,
d'après Malthus, la cause première du surplus de
population, de la famine et de la misère des masses populaires.
Le prolétariat,
d'après Malthus, peut se libérer de la misère
et de la famine, non pas par l'abolition du régime capitaliste,
mais en s'abstenant du mariage et en réduisant artificiellement
les naissances.
Malthus considérait
comme autant de bienfaits les guerres et les épidémies
qui diminuent la population laborieuse.
La théorie
de Malthus est foncièrement réactionnaire.
Elle permet à
la bourgeoisie de justifier les tares incurables du capitalisme.
Les inventions de
Malthus n'ont rien de commun avec la réalité.
Les moyens techniques
puissants dont l'humanité dispose sont à même
d'augmenter la quantité des moyens d'existence à
des rythmes que l'accroissement même le plus rapide de
la population est incapable d'égaler.
Le seul obstacle
est le régime capitaliste, qui est la cause véritable
de la misère des masses.
Marx a découvert
la loi capitaliste de la population, selon laquelle dans la société
bourgeoise, l'accumulation du capital fait qu'une partie de la
population ouvrière devient inévitablement superflue,
est éliminée de la production et vouée aux
affres de la misère et de la faim.
La loi capitaliste
de la population a été engendrée par les
rapports de production de la société bourgeoise.
La loi générale
de l'accumulation capitaliste. La paupérisation relative
et absolue du prolétariat.
Le développement
du capitalisme a pour résultat qu'avec l'accumulation
du capital, à un pôle de la société
bourgeoise d'immenses richesses se concentrent, le luxe et le
parasitisme, le gaspillage et l'oisiveté des classes exploiteuses
augmentent; tandis qu'à l'autre pôle de la société
s'intensifie de plus en plus le joug, l'exploitation, s'accroissent
le chômage et la misère de ceux dont le travail
crée toutes les richesses.
L'armée industrielle
de réserve est d'autant plus nombreuse que la richesse
sociale, le capital en fonction, l'étendue et l'énergie
de son accroissement, donc aussi la masse absolue du prolétariat
et la force productive de son travail, sont plus considérables...
La grandeur relative
de l'armée industrielle de réserve s'accroît
donc en même temps que les ressorts de la richesse.
Mais plus cette
armée de réserve grossit, comparativement à
l'armée active du travail, plus grossit la surpopulation
consolidée, excédent de population, dont la misère
est inversement proportionnelle aux tourments de son travail...
Voilà la
loi absolue, générale, de l'accumulation capitaliste.
(K. Marx : Le Capital, livre I, t. III)
La loi générale
de l'accumulation capitaliste est l'expression concrète
du fonctionnement de la loi économique fondamentale du
capitalisme, la loi de la plus-value.
La course à
la plus-value aboutit à l'accumulation des richesses entre
les mains des classes exploiteuses et à l'augmentation
de l'appauvrissement et de l'oppression des classes non possédantes.
Le développement
du capitalisme s'accompagne de la paupérisation relative
et absolue du prolétariat.
La paupérisation
relative du prolétariat consiste en ce que dans la société
bourgeoise la part de la classe ouvrière dans le montant
global du revenu national décroît sans cesse, alors
que la part des classes exploiteuses est en progression constante.
Malgré l'accroissement
absolu de la richesse sociale, la part des revenus de la classe
ouvrière diminue rapidement.
La paupérisation absolue du prolétariat consiste
dans l'abaissement pur et simple de son niveau de vie.
L'ouvrier se paupérise
de façon absolue, c'est-à-dire qu'il devient véritablement
plus pauvre qu'auparavant; force lui est de vivre encore plus
mal, de se nourrir plus chichement, d'être plus souvent
sous-alimenté, de s'entasser dans les caves et les greniers...
La richesse croît dans la société capitaliste
avec une rapidité invraisemblable, parallèlement
à la paupérisation des masses ouvrières.
(V. Lénine : La paupérisation dans la société
capitaliste)
Pour enjoliver la
réalité capitaliste, l'économie politique
bourgeoise s'efforce de nier la paupérisation absolue
du prolétariat.
Les faits cependant attestent qu'en régime capitaliste
le niveau de vie de la classe ouvrière est en baisse constante.
Cela se manifeste sous bien des formes.
La paupérisation
absolue du prolétariat se traduit par la baisse du salaire
réel.
Comme on l'a déjà
dit, la hausse des prix des objets de consommation courante,
l'augmentation des loyers et des impôts entraînent
la diminution constante du salaire réel des ouvriers.
La paupérisation
absolue du prolétariat se manifeste par l'ampleur et la
durée accrues du chômage.
Elle se manifeste dans l'intensification et dans l'aggravation
des conditions de travail, qui aboutissent au vieillissement
rapide de l'ouvrier, à la perte de sa capacité
de travail, à sa transformation en invalide.
L'intensification
du travail et l'absence de mesures nécessaires à
la protection du travail multiplient les accidents et les cas
de mutilation.
La paupérisation
absolue du prolétariat se manifeste dans de plus mauvaises
conditions d'alimentation et de logement des travailleurs, ce
qui a pour effet de ruiner la santé et d'abréger
la vie des travailleurs.
La voie du développement
du capitalisme est celle de l'appauvrissement et de la sous-alimentation
pour l'immense majorité des travailleurs.
En régime
bourgeois, l'essor des forces productives n'apporte pas aux masses
laborieuses un allègement de leur situation, mais une
aggravation de leur misère et de leurs privations.
La contradiction
fondamentale du mode de production capitaliste.
A mesure qu'il se
développe, le capitalisme associe de plus en plus étroitement
le travail d'une multitude d'hommes.
La division sociale
du travail s'étend.
Des branches d'industrie
autrefois plus ou moins indépendantes se transforment
en une série de productions réciproquement liées
et dépendantes les unes des autres.
Les relations économiques se resserrent entre entreprises,
régions, pays entiers.
Le capitalisme crée
la grande production aussi bien dans l'industrie que dans l'agriculture.
Le progrès des forces productives engendre des instruments
et des méthodes de production qui exigent le travail en
commun de centaines et de milliers d'ouvriers.
La concentration de la production s'accroît.
II se produit ainsi
une socialisation capitaliste du travail, une socialisation de
la production.
Mais la socialisation
de la production progresse dans l'intérêt d'un petit
nombre d'entrepreneurs privés, soucieux d'augmenter leurs
profits.
Le produit du travail
social de millions d'hommes devient la propriété
privée des capitalistes.
Par conséquent,
une contradiction profonde est inhérente au régime
capitaliste : la production revêt un caractère social,
alors que la propriété des moyens de production
demeure propriété capitaliste privée, incompatible
avec le caractère social du processus de production.
La contradiction
entre le caractère social du processus de production et
la forme capitaliste privée d'appropriation des résultats
de la production est la contradiction fondamentale du mode de
production capitaliste; cette contradiction va s'aggravant à
mesure que le capitalisme se développe.
Elle se manifeste
par une anarchie accrue de la production capitaliste, par l'accentuation
des antagonismes de classe entre le prolétariat et toutes
les masses laborieuses d'une part et la bourgeoisie de l'autre.
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