Manuel
d'économie politique
maoïste
6.Les rapports
sociaux dans l'agriculture
Le recensement 2000
en Champagne-Ardenne permet d'établir 6 considérations
majeures :
-les exploitations
de 20 à 100 hectares sont en nette diminution
-une exploitation sur quatre a plus de 100 ha
-deux exploitations sur trois sont professionnelles
-15 % des exploitations concentrent la moitié du potentiel
économique.
Le nombre d'exploitations
de plus de 200 ha a doublé en 12 ans.
Elles représentent
6 % des exploitations de la région et occupent 29 % des
terres exploitées, contre 15 % en 1988.
Le million de personnes
qui vit de l'agriculture en France subit ainsi le même
processus que dans l'industrie.
Ce phénomène
est valable dans tous les pays capitalistes.
Les défenseurs du capitalisme ont intérêt
à atténuer et à masquer ce processus.
Pour falsifier la
réalité, ils ont créé la fausse théorie
de " la stabilité de la petite exploitation paysanne
", et expliquent la disparition des petites entreprises
par l'abaissement de l'âge de la retraite, la mise en place
d'aides au départ (préretraite), le vieillissement
de la population.
Suivant cette théorie,
la petite exploitation paysanne conserverait sa stabilité
dans la lutte contre les grandes exploitations.
Mais en réalité,
la grande production agricole possède une série
d'avantages décisifs sur la petite.
C'est avant tout
qu'elle a la possibilité d'employer des machines coûteuses
(tracteurs, moissonneuses-batteuses, etc.) qui augmentent considérablement
la productivité du travail.
Avec le mode de
production capitaliste, les moyens mécaniques sont concentrés
entre les mains des grands fermiers capitalistes et restent inaccessibles
aux couches laborieuses de la campagne.
La grande production
jouit de tous les avantages de la coopération capitaliste
et de la division du travail.
Un de ses avantages importants est son rendement marchand élevé.
De par sa nature,
la propriété parcellaire exclut le développement
de la productivité sociale du travail, les formes sociales
du travail, la concentration sociale des capitaux, l'élevage
en grand, l'utilisation progressive de la science.
(K. Marx : Le Capital, Livre II)
Cependant, le développement
de la grande production et l'élimination de la petite
production dans l'agriculture ont leurs particularités.
Les grandes entreprises
agricoles capitalistes se développent principalement dans
le sens d'une intensification de l'agriculture.
Souvent une exploitation
d'une petite superficie constitue une grande entreprise capitaliste
par le volume de sa production globale et de sa production marchande.
La concentration
de la production agricole dans de grandes exploitations capitalistes
s'accompagne souvent d'un accroissement numérique des
toutes petites exploitations paysannes.
L'existence d'un
nombre important de ces toutes petites exploitations, dans les
pays capitalistes hautement évolués, s'explique
par le fait que les capitalistes ont intérêt au
maintien d'ouvriers agricoles ayant un petit lopin de terre,
afin de les exploiter.
Le développement
de la grande production agricole capitaliste accentue la différenciation
de la paysannerie, en augmentant la servitude, la paupérisation
et la ruine de millions de petites et de moyennes exploitations
paysannes.
La petite exploitation agricole se maintient au prix d'incroyables
privations, du gaspillage du travail de l'agriculteur et de toute
sa famille.
Le paysan a beau
s'exténuer pour garder une indépendance illusoire,
il perd sa terre et se ruine.
Un grand rôle
dans la dépossession de la paysannerie appartient au crédit
hypothécaire.
Le crédit
hypothécaire est un prêt gagé sur la terre
et les biens immobiliers.
Lorsque le cultivateur,
qui exploite son propre terrain, a des besoins pressants d'argent
(par exemple, pour payer ses impôts), il demande un prêt
à une banque.
Souvent, il demande
un prêt pour l'achat d'un terrain.
La banque délivre
une certaine somme gagée sur le terrain.
Si l'argent n'est
pas remboursé à temps, la terre devient propriété
de la banque.
En réalité,
la banque devient son véritable propriétaire bien
avant, car le débiteur est obligé de lui rembourser
sous forme d'intérêt une partie importante du revenu
de cette terre.
Sous forme d'intérêt,
le paysan verse en fait à la banque une rente foncière
pour son propre terrain.
Chaque année
un grand nombre d'exploitations paysannes hypothéquées
sont vendues aux enchères.
Les paysans ruinés
sont chassés de leur terre.
L'accroissement
des dettes contractées par les paysans illustre le processus
de séparation de la propriété terrienne
d'avec la production agricole, sa concentration dans les mains
des grands propriétaires terriens et la transformation
du producteur indépendant en fermier ou en ouvrier salarié.
Un nombre considérable
de petits paysans prend à bail, chez les gros propriétaires
terriens, des parcelles de terres de peu d'étendue à
des conditions très dures.
La bourgeoisie rurale
en prend à bail afin de produire pour le marché
et d'en tirer bénéfice.
C'est l'affermage
d'entreprise.
Le petit fermier
paysan est obligé de louer un lopin de terre pour pouvoir
manger.
C'est ce qu'on peut
appeler l'affermage d'alimentation ou de famine.
Le montant du loyer
à l'hectare est généralement plus élevé
pour les petits terrains que pour les grands.
Le fermage du petit
paysan engloutit souvent non seulement la totalité de
son surtravail, mais aussi une fraction de son travail nécessaire.
Les rapports d'affermage
s'entremêlent ici avec les survivances du servage.
La survivance la
plus répandue de la féodalité dans les conditions
du capitalisme est le métayage, dans lequel le paysan
paye en nature, pour sa redevance, jusqu'à la moitié
et plus de la récolte rentrée.
L'aggravation de l'opposition entre la ville et la campagne.
La propriété privée de la terre et la nationalisation
de la terre.
Un trait caractéristique
du mode de production capitaliste a été le retard
marqué de l'agriculture sur l'industrie, l'aggravation
de l'opposition entre la ville et la campagne. Avec l'impérialisme,
l'agriculture devient de plus en plus une industrie comme les
autres.
Mais le capitalisme
a considérablement accentué le retard de la campagne
sur la ville dans le domaine culturel.
Les villes sont
des foyers scientifiques et artistiques.
C'est là
que se trouvent concentrés les établissements d'enseignement
supérieur, les musées, les théâtres,
les cinémas.
Et ce sont les classes
exploiteuses qui profitent des richesses de cette culture.
Les masses prolétariennes
ne peuvent profiter que médiocrement du progrès
culturel des villes.
Elles se font rejeter
des pôles urbains vivants, se transforment en masses suburbaines
ou rurbaines isolées socialement et culturellement.
Les masses de la
population rurale des pays capitalistes sont coupées des
centres urbains et sont condamnées à rester en
retard au point de vue culturel.
En fait, avec le
développement du capitalisme, la propriété
privée de la terre prend un caractère de plus en
plus parasite.
La classe des grands
propriétaires terriens accapare, sous forme de rente foncière,
une part immense des revenus provenant de l'agriculture.
Une partie considérable
de ces revenus est, par le prix de la terre, retirée de
l'économie rurale et tombe entre les mains des grands
propriétaires terriens.
Ce qui fait que
La nationalisation
de la terre est devenue une nécessité sociale.
(K. Marx : La nationalisation de la terre)
La nationalisation
de la terre est la transformation de la propriété
privée de la terre en propriété de l'Etat.
En justifiant la
nationalisation de la terre, Lénine partait de l'existence
de deux sortes de monopoles : le monopole de la propriété
privée de la terre et le monopole de la terre en tant
qu'objet d'exploitation.
Nationaliser la
terre, c'est supprimer le monopole de la propriété
privée de la terre et la rente absolue qui s'y rattache.
La suppression de
la rente absolue amènerait la baisse des prix des produits
agricoles.
Mais la rente différentielle
continuerait à exister, car elle est liée au monopole
de la terre en tant qu'objet d'exploitation.
Dans le cadre du capitalisme, dans le cas de la nationalisation
de la terre, une partie importante de la rente différentielle
serait mise à la disposition de l'Etat bourgeois.
A l'époque
du capitalisme développé, lorsque la révolution
socialiste est à l'ordre du jour, la nationalisation du
sol ne peut être réalisée dans le cadre de
la société bourgeoise pour les raisons suivantes
: premièrement, la bourgeoisie n'ose pas liquider la propriété
privée de la terre, craignant qu'avec la montée
du mouvement révolutionnaire du prolétariat, cela
puisse ébranler les fondements de la propriété
privée en général.
En second lieu,
les capitalistes se sont eux-mêmes pourvus de propriété
terrienne.
Les intérêts
de la classe de la bourgeoisie et de la classe des propriétaires
fonciers s'enchevêtrent de plus en plus. Dans la lutte
contre le prolétariat et la paysannerie, ils agissent
toujours de concert.
Tout le cours du
développement historique du capitalisme confirme que,
dans la société bourgeoise, les masses essentielles
de la paysannerie, férocement exploitées par les
capitalistes, les propriétaires fonciers, les usuriers
et les marchands, sont fatalement vouées à la ruine
et à la misère.
En régime
capitaliste, les petits paysans ne peuvent espérer voir
leur situation s'améliorer.
C'est pourquoi la
nationalisation de la terre implique la confiscation sans indemnité
de toute la terre des gros propriétaires fonciers au profit
des paysans.
Inéluctablement
la lutte des classes s'accentue à la campagne.
Les intérêts vitaux des masses fondamentales de
la paysannerie concordent avec les intérêts du prolétariat.
C'est là
la base économique de l'alliance du prolétariat
et de la population rurale dans leur lutte commune contre le
régime capitaliste.
|