Manuel
d'économie politique
maoïste
7.Les crises capitalistes
Le problème
du marché. Les contradictions de la reproduction capitaliste.
Comme il ressort
de ce qui précède, pour réaliser le produit
social, il faut qu'il y ait des proportions déterminées
entre ses diverses parties et, par suite, entre les branches
et les éléments de la production.
En régime
capitaliste, où la production est assurée par des
producteurs privés, qui se laissent guider par la course
au profit et travaillent pour un marché qu'ils ne connaissent
pas, ces proportions sont forcément sujettes à
de perpétuelles perturbations.
L'élargissement
de la production s'effectue inégalement, ce qui fait que
les proportions anciennes entre les branches sont constamment
perturbées et que de nouvelles proportions s'établissent
spontanément, au moyen du passage des capitaux de certaines
branches à d'autres.
C'est pourquoi l'équilibre
entre les diverses branches constitue un hasard, et les perturbations
constantes de l'équilibre la règle générale
de la reproduction capitaliste.
Analysant les conditions
du cours normal de la reproduction capitaliste simple et élargie,
Marx dit qu'elles
se convertissent
en autant de conditions d'un développement anormal, en
possibilités de crises, puisque l'équilibre - étant
donnée la forme naturelle de cette production - est lui-même
fortuit.
(K. Marx : Le Capital, livre II, t. II)
Avec l'anarchie
de la production capitaliste, la réalisation du produit
social ne s'opère qu'au milieu de difficultés et
de fluctuations incessantes qui se multiplient à mesure
que le capitalisme se développe.
Une importance particulière
s'attache dès lors au fait que l'élargissement
de la production capitaliste et, par suite, la formation du marché
intérieur se font moins au profit des objets de consommation
qu'au profit des moyens de production.
Mais la production
des moyens de production ne peut se développer de façon
absolument indépendante de la production des objets de
consommation et sans aucun lien avec elle, car les entreprises
qui utilisent ces moyens de production jettent sur le marché
des masses sans cesse accrues de marchandises qui servent à
la consommation.
Ainsi, la consommation
productive, la consommation des moyens de production, est constamment
liée, en dernière analyse, à la consommation
individuelle, dont elle dépend toujours.
Mais le volume de
la consommation individuelle des larges masses de la population
dans la société capitaliste est extrêmement
limité en raison de l'action des lois économiques
du capitalisme, lois qui déterminent la paupérisation
de la classe ouvrière et la ruine de la paysannerie.
De ce fait, la formation
et l'élargissement du marché intérieur en
régime capitaliste, loin de signifier un élargissement
de la consommation des masses populaires, sont liés au
contraire à l'accroissement de la misère de l'immense
majorité des travailleurs.
Le caractère
de la reproduction capitaliste est déterminé par
la loi économique fondamentale du capitalisme; en vertu
de celle-ci, le but de la production est le profit toujours accru
et le moyen de parvenir à ce but l'élargissement
de la production, qui se heurte inéluctablement aux cadres
étroits des rapports capitalistes.
C'est en ce sens
que Marx parlait de " la production pour la production ",
de " l'accumulation pour l'accumulation ", si caractéristiques
du capitalisme.
Mais les marchandises sont produites en définitive non
pour la production, mais pour la satisfaction des besoins des
hommes.
Par conséquent,
une contradiction profondément antagoniste entre la production
et la consommation est inhérente au capitalisme.
Cette contradiction
consiste en ce que la richesse nationale grandit en même
temps que la misère populaire; en ce que les forces productives
de la société se développent sans augmentation
correspondante de la consommation du peuple.
C'est là
une des manifestations de la contradiction fondamentale du capitalisme,
- entre le caractère social de la production et la forme
capitaliste, privée de l'appropriation.
Dénonçant
les valets de la -bourgeoisie, qui cherchent à escamoter
les contradictions profondes de la réalisation capitaliste,
Lénine a souligné que :
même si la
reproduction et la circulation de l'ensemble du capital social
sont idéalement uniformes, proportionnelles, la contradiction
entre l'augmentation de la production et les limites mêmes
de la consommation reste inévitable.
Et en outre, dans
la réalité, le procès de la réalisation
ne se déroule pas selon une proportionnalité idéalement
uniforme, mais seulement au milieu de " difficultés
", d'" oscillations ", de " crises ",
etc.
(V. Lénine : A propos de la théorie de la réalisation)
Il convient de distinguer
entre le marché intérieur (écoulement des
marchandises à l'intérieur d'un pays donné)
et le marché extérieur (écoulement des marchandises
à l'étranger).
Le marché
intérieur apparaît et s'étend en même
temps que la production marchande, notamment avec le développement
du capitalisme qui approfondit la division sociale du travail
et différencie les producteurs directs en capitalistes
et en ouvriers.
La division sociale
du travail multiplie les branches particulières de la
production.
Le développement
de certaines branches d'industrie élargit le marché
pour les marchandises fabriquées par d'autres branches
d'industrie, avant tout pour les matières premières,
les machines et autres moyens de production.
Ensuite, la différenciation
de classe des petits producteurs, le nombre croissant des ouvriers,
l'augmentation des profits capitalistes aboutissent à
un accroissement de la vente des objets de consommation.
Le degré
de développement du marché intérieur est
le degré de développement du capitalisme dans un
pays.
La socialisation
du travail par le capitalisme se manifeste avant tout en ce que
le morcellement antérieur des petites unités économiques
est détruit et que l'on assiste à la fusion des
petits marchés locaux en un immense marché national,
puis mondial.
Dans l'analyse du
processus de reproduction et de circulation du capital social
total, on laisse de côté le rôle du marché
extérieur, dont les données ne changent pas le
fond de la question.
La participation
du commerce extérieur ne fait que déplacer la question
d'un pays sur plusieurs pays, mais le fond du processus de réalisation
n'est nullement modifié.
Cela ne veut cependant pas dire que le marché extérieur
n'a pas une importance essentielle pour les pays capitalistes.
Dans leur course au profit, les capitalistes élargissent
systématiquement la production et cherchent les marchés
les plus avantageux, qui sont souvent les marchés extérieurs.
Les contradictions de la réalisation capitaliste s'affirment
avec force dans les crises économiques périodiques
de surproduction.
Le fondement
des crises capitalistes de surproduction.
Dès le début
du dix-neuvième siècle, depuis que la grande industrie
mécanique a fait son apparition, le cours de la reproduction
capitaliste élargie est traversé périodiquement
de crises économiques.
Les crises capitalistes
sont des crises de surproduction.
La crise se traduit
tout d'abord par le fait que les marchandises restent invendues,
parce qu'il en a été produit plus que n'en peuvent
acheter les principaux consommateurs, les masses populaires,
dont le pouvoir d'achat sous la domination des rapports de production
capitalistes est extrêmement limité.
Les " surplus
" de marchandises s'amoncellent dans les entrepôts.
Les capitalistes
réduisent la production et congédient les ouvriers.
Des centaines et
des milliers d'entreprises ferment. Le chômage s'étend
brusquement.
Une multitude de
petits producteurs de la ville et des campagnes se ruinent.
La mévente
des marchandises produites désorganise le commerce.
Les liens du crédit
se rompent. Les capitalistes éprouvent un manque extrême
d'argent liquide pour effectuer leurs paiements.
Et c'est le krach
en Bourse : le cours des actions, des obligations et des autres
valeurs s'effondre irrésistiblement.
Une vague de faillites déferle sur les entreprises industrielles,
les firmes commerciales et bancaires.
La surproduction
des marchandises pendant les crises n'est pas absolue, mais relative.
C'est dire que le
surplus de marchandises n'existe que par rapport à la
demande solvable, et non point par rapport aux besoins réels
de la société.
En période
de crise, les masses laborieuses manquent du plus strict nécessaire,
leurs besoins sont satisfaits plus mal que jamais.
Des millions d'hommes
souffrent de la faim, parce qu'on a produit " trop "
de blé; les hommes souffrent de froid parce qu'on a extrait
" trop " de charbon.
Les travailleurs
sont privés de moyens de subsistance précisément
parce qu'ils ont produit tous ces moyens " en trop grande
quantité. "
Telle est la contradiction
criante du mode de production capitaliste, lorsque, selon le
socialiste utopiste français Fourier, " la pauvreté
naît en civilisation de l'abondance même. "
Des perturbations
de la vie économique ont eu lieu souvent aussi sous le
régime des modes de production précapitalistes.
Mais elles étaient
dues à des calamités naturelles ou sociales exceptionnelles
: inondation, sécheresse, guerre sanglante ou épidémie
qui ravageaient parfois des pays entiers, vouant la population
à la famine et à la mort.
Mais la différence
essentielle entre ces perturbations économiques et les
crises capitalistes est que la famine et la misère qu'elles
entraînaient étaient la conséquence d'une
production peu développée, d'une extrême
pénurie de produits.
Or, en régime
capitaliste, les crises sont engendrées par l'accroissement
de la production alors que le niveau de vie des masses populaires
est misérable, par un " excédent " relatif
des marchandises produites.
Comme nous l'avons
montré, la production marchande simple et la circulation
renferment déjà en elles des possibilités
de crise.
Mais les crises
ne deviennent inévitables qu'en régime capitaliste,
lorsque la production prend un caractère social, et que
le produit du travail socialisé de milliers et de millions
d'ouvriers fait l'objet de l'appropriation privée des
capitalistes.
La contradiction
entre le caractère social de la production et la forme
capitaliste, privée de l'appropriation des résultats
de la production, contradiction fondamentale du capitalisme,
constitue le fondement des crises économiques de surproduction.
Ainsi, l'inévitabilité
des crises a ses racines dans le système même de
l'économie capitaliste.
La contradiction
fondamentale du capitalisme se manifeste sous forme d'une opposition
entre l'organisation de la production dans les entreprises isolées
et l'anarchie de la production dans l'ensemble de la société.
Dans chaque fabrique
prise à part le travail des ouvriers est organisé
et subordonné à la volonté unique de l'entrepreneur.
Mais dans la société
prise dans son ensemble, par suite de la domination de la propriété
privée des moyens de production, c'est l'anarchie qui
règne dans la production; elle exclut le développement
harmonieux de l'économie.
Aussi les conditions
complexes qui sont nécessaires à la réalisation
du produit social dans la reproduction capitaliste élargie
sont-elles inévitablement détruites.
Ces perturbations
peu à peu s'accumulent jusqu'à la crise, qui se
produit quand le processus de réalisation est entièrement
désorganisé.
Dans leur course
au profit le plus élevé, les capitalistes élargissent
la production, perfectionnent les techniques, introduisent de
nouvelles machines et jettent des masses énormes de marchandises
sur le marché.
C'est dans le même
sens qu'agit la tendance constante du taux de profit à
la baisse, tendance conditionnée par l'élévation
de la composition organique du capital.
Les entrepreneurs
s'efforcent de compenser la chute du taux de profit en augmentant
la masse des profits par l'extension du volume de la production,
l'augmentation de la quantité de marchandises fabriquées.
Ainsi est inhérente
au capitalisme la tendance à l'élargissement de
la production, à l'accroissement énorme des possibilités
de production.
Mais la paupérisation
de la classe ouvrière et de la paysannerie a pour effet
une réduction relative de la demande solvable des travailleurs.
De ce fait, l'élargissement
de la production capitaliste se heurte inévitablement
au cadre étroit de la consommation des masses essentielles
de la population.
De la loi économique
fondamentale du capitalisme il résulte que le but de la
production capitaliste, le profit toujours plus grand, entre
en contradiction avec le moyen d'atteindre ce but, l'élargissement
de la production.
La crise est la
phase du cours de la reproduction capitaliste élargie
dans laquelle cette contradiction apparaît sous la forme
aiguë de la surproduction de marchandises qui ne trouvent
pas d'écoulement.
La base de la crise
réside dans la contradiction entre le caractère
social de la production et la forme capitaliste d'appropriation
des résultats de la production.
L'expression de
cette contradiction fondamentale du capitalisme, c'est la contradiction
existant entre l'accroissement colossal des possibilités
productives du capitalisme visant à l'obtention d'un maximum
de profit capitaliste, et la réduction relative de la
demande solvable des millions de travailleurs, dont les capitalistes
s'efforcent toujours de maintenir le niveau de vie dans les limites
d'un minimum extrême.
(Staline : Rapport politique lin Comité central an XVIème
Congrès du Parti Communiste (b) de l'URSS)
La contradiction
fondamentale du capitalisme se manifeste dans l'antagonisme de
classes entre le prolétariat et la bourgeoisie.
Ce qui est caractéristique
du capitalisme, c'est la rupture entre les deux conditions les
plus importantes de la production : entre les moyens de production
concentrés entre les mains des capitalistes, et les producteurs
directs qui sont privés de tout, sauf de leur force de
travail.
Cette rupture s'affirme
nettement dans les crises de surproduction, où l'on est
en plein cercle vicieux : d'un côté, excédent
des moyens de production et des produits, de l'autre excédent
de la force de travail, des masses de chômeurs privés
de moyens de subsistance.
Les crises accompagnent
inéluctablement le mode de production capitaliste.
Pour supprimer les
crises, il faut supprimer le capitalisme.
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