Manuel
d'économie politique
maoïste
11.Le système
colonial et son effondrement,
le système néo-colonial
Le rôle
des colonies dans la période d'expansion de l'impérialisme
Les annexions coloniales,
la tendance à former de vastes empires par la conquête
de pays et de peuples plus faibles, existaient aussi avant l'époque
de l'impérialisme et même avant la naissance du
capitalisme.
Mais, comme l'a
montré Lénine, dans la période de l'impérialisme
le rôle et la portée des colonies changent de façon
fondamentale, non seulement par rapport aux époques précapitalistes,
mais aussi par rapport à la période du capitalisme
prémonopoliste.
Dans la période
de l'impérialisme s'achève la constitution du système
capitaliste d'économie mondiale, système qui repose
sur des rapports de dépendance, de domination et de soumission.
Les traits principaux
et les exigences de la loi économique fondamentale du
capitalisme actuel pourraient être formulés à
peu près ainsi : assurer le profit capitaliste maximum
par l'exploitation, la ruine et l'appauvrissement de la majorité
de la population d'un pays donné, par l'asservissement
et le pillage systématique des peuples des autres pays,
[...] et enfin par les guerres et la militarisation de l'économie
nationale utilisées pour assurer les profits les plus
élevés.
(Staline, Les problèmes économiques du socialisme
en URSS)
Les pays impérialistes,
grâce à l'exportation accrue des capitaux, à
l'extension des " zones d'influence " et aux annexions
coloniales, ont soumis à leur domination les peuples des
colonies et des pays dépendants.
Aux " vieilles
" méthodes de la politique coloniale s'ajoute la
lutte des monopolistes pour les sources de matières premières,
pour l'exportation des capitaux, pour les zones d'influence,
pour les territoires économiques et stratégiques.
Cette politique
coloniale de l'impérialisme s'est heurtée à
la résistance des masses, des peuples et nations opprimés;
elle a dû s'adapter et former un néo-colonialisme.
L'impérialisme
a dû donner une " indépendance " formelle
afin de prendre de court les revendications des masses et manipuler
cette indépendance, la modeler selon ses intérêts.
Les pays du Maghreb
restent ainsi dépendants de la France, les pays d'Afrique
noire subissent régulièrement des interventions
militaires françaises lorsque la situation risque de troubler
le rapport de dépendance.
Comme on l'a déjà
montré, l'asservissement et le pillage systématique
par les Etats impérialistes des peuples des autres pays,
notamment des pays retardataires, la transformation d'une série
de pays indépendants en pays dépendants, a constitué
un des traits principaux de la loi économique fondamentale
du capitalisme dans la première partie du siècle.
Le capitalisme,
en s'étendant au monde entier, a provoqué la tendance
au rapprochement économique des divers pays, à
la suppression de l'isolement national et à l'union progressive
de vastes territoires en un tout cohérent.
La " mondialisation
" n'est pas un phénomène nouveau, mais intrinsèque
à l'impérialisme.
Le moyen par lequel
le capitalisme monopoliste réalise l'union économique
progressive de vastes territoires, est l'asservissement des colonies
et des pays dépendants par les puissances impérialistes.
Cette union se fait
en créant des empires coloniaux et néo-coloniaux,
fondés sur l'oppression et l'exploitation implacables
des pays coloniaux et dépendants par les métropoles.
Cette forme de domination,
où la colonie est " officiellement " nationalement
indépendante et où en fait les couches sociales
dominantes que sont la bourgeoisie bureaucratique et les grands
propriétaires terriens collaborent avec l'impérialisme,
ne change rien à la domination générale
de l'impérialisme.
L'impérialisme
n'a pas changé de nature en adaptant son colonialisme
en néo-colonialisme. La dépendance est le caractère
principal de la majorité des pays du monde.
Le capitalisme s'est
transformé en un système universel d'oppression
colonialiste et d'étranglement financier de l'immense
majorité de la population du globe, par une poignée
de pays " avancés. "
(V. Lénine : L'impérialisme, stade suprême
du capitalisme)
Ainsi, les différentes
économies nationales sont devenues les anneaux d'une chaîne
unique, appelée économie mondiale.
Et, d'autre part,
la population du globe s'est scindée en deux camps - le
petit groupe de pays impérialistes qui exploite et opprime
les pays coloniaux et semi-coloniaux, et une énorme majorité
de pays coloniaux et semi-coloniaux, dont les peuples sont en
lutte pour se libérer du joug de l'impérialisme.
Durant la phase
monopoliste du capitalisme, s'est formé le système
colonial de l'impérialisme.
C'est dans le développement
de l'impérialisme, notamment dans les deux guerres impérialistes
ouvertes, que s'est formé le système néo-colonial.
D'une manière
ou d'une autre ces deux systèmes embrassent la totalité
des colonies et des semi-colonies opprimées et asservies
par les Etats impérialistes.
Le pillage et la
conquête, l'arbitraire et la violence impérialistes,
l'esclavage, l'oppression nationale et la servitude, enfin la
lutte des puissances impérialistes entre elles pour la
domination des peuples des pays opprimés : telles sont
les formes sous lesquelles s'est poursuivi le processus de création
du système colonial et néo-colonial de l'impérialisme.
Les Etats impérialistes,
en s'emparant des colonies et en les pillant, en instaurant des
régimes fascistes prétendument démocratiques,
en accordant une prétendue " indépendance",
s'efforcent de surmonter leurs contradictions internes grandissantes.
Les profits élevés
extorqués aux pays opprimés permettent à
la bourgeoisie de corrompre dans les pays impérialistes
certaines couches d'ouvriers qualifiés à l'aide
desquels la bourgeoisie cherche à désorganiser
le mouvement ouvrier.
En même temps,
l'exploitation des colonies et néo-colonies conduit à
l'accentuation des contradictions du système capitaliste
dans son ensemble.
Les colonies et néo-colonies, réserves de produits
agricoles et de matières premières pour les métropoles.
Au sens strict,
les néo-colonies sont des semi-colonies.
A l'époque
de l'impérialisme, les semi-colonies constituent avant
tout le champ d'application le plus sûr et le plus avantageux
pour le capital.
L'oligarchie financière
des pays impérialistes, disposant dans les semi-colonies
du monopole sans partage de l'investissement des capitaux, touche
des profits particulièrement élevés.
En pénétrant
dans les pays retardataires, le capital financier désagrège
les formes d'économie précapitalistes - petit artisanat,
économie semi-naturelle des petits paysans - et provoque
le développement des rapports capitalistes.
Mais ces rapports
capitalistes sont bureaucratiques, ils sont simplement au service
de l'impérialisme.
Afin d'exploiter
ces pays, les impérialistes y construisent des voies ferrées,
des entreprises industrielles pour la production des matières
premières.
Mais en même
temps l'exploitation impérialiste dans les pays opprimés
retarde le progrès des forces productives et prive ces
pays des conditions nécessaires à leur développement
économique indépendant.
Les impérialistes
sont intéressés au retard économique des
colonies et semi-colonies, qui leur permet de maintenir leur
pouvoir et d'intensifier leur exploitation.
Même là
où l'industrie est relativement plus développée,
par exemple dans certains pays de l'Asie, la production reste
industrielle au sens large.
Les produits à
haute valeur ajoutée et le savoir-faire sont l'apanage
exclusif des pays impérialistes.
De même, l'industrie
lourde en tant que telle, base de l'indépendance économique
d'un pays, est extrêmement faible dans les semi-colonies;
les constructions mécaniques font à peu près
défaut.
Les monopoles dominants
prennent des mesures spéciales pour empêcher de
créer la production d'instruments de production : ils
refusent aux colonies et aux pays dépendants les crédits
à cette fin, ne vendent ni l'outillage ni les brevets
nécessaires.
Le développement
de l'industrie existe progressivement, suivant les besoins de
l'impérialisme, mais sert exclusivement l'impérialisme.
Le retard technologique est constant et les structures féodales
dans les campagnes restent également inchangées.
En Inde, la production
d'acier par habitant, à la veille de la deuxième
guerre mondiale (1938), était de 2,7 kilogrammes par an
contre 222 kilogrammes en Grande-Bretagne.
Avec le développement du système néo-colonial,
l'Inde produit en 1990 14 millions de tonnes d'acier et l'Angleterre
19, puis trois années après 26,9 contre 15,2 millions
de tonnes.
C'est-à-dire
que l'Inde produit toujours insuffisamment d'acier et que celui-ci
ne fait que servir l'économie marquée par la dépendance.
En 2003, 60% de la population indienne travaille ainsi encore
directement dans l'agriculture et seulement 17% dans l'industrie.
L'économie
des semi-colonies a pris un caractère unilatéral
très prononcé qui ne fait que s'accentuer avec
le développement de l'impérialisme.
L'impérialisme
a transformé les pays asservis en réserves de produits
agricoles et de matières premières pour les métropoles.
L'économie
de nombreuses semi-colonies est spécialisée dans
la production d'un ou deux produits consacrés entièrement
à l'exportation.
Ainsi, après
la deuxième guerre mondiale, le pétrole représentait
97 % des exportations du Venezuela, aujourd'hui ce chiffre est
encore de 80%.
En Bolivie, où
plus des 2/3 des gens travaillent toujours dans l'agriculture,
70% des exportations d'après-guerre consistaient en de
l'étain.
Aujourd'hui le cour
de l'étain s'est effondré, ruinant les masses travaillant
dans ce secteur et les poussant vers la production de coca.
Et le statut de
dépendance de la Bolivie n'a pas changé, le gaz
formant maintenant la majorité des exportations.
Le Brésil, où 1% des exploitations agricoles possèdent
la moitié des terres disponibles, reste depuis 50 ans
le grand exportateur de café.
La Malaisie, qui,
il y a 50 ans, exportait quasi uniquement du caoutchouc et de
l'étain, exporte toujours majoritairement des produits
pour la production des pays impérialistes (circuits intégrés,
matériel informatique, etc.).
De même pour
l'Egypte, qui continue d'exporter du coton aux pays impérialistes
et y ajoute désormais du pétrole, tout en important
des produits finis comme les moteurs, les produits pharmaceutiques,
etc.
Le développement
unilatéral de l'agriculture (ce qu'on appelle la monoculture)
réduit des pays entiers à la merci des monopoles,
accapareurs de matières premières.
Avec la transformation
des colonies en réserves de produits agricoles et de matières
premières pour les métropoles, le rôle des
semi-colonies s'accroît considérablement en tant
que sources de matières premières à bon
marché pour les Etats impérialistes.
Plus le capitalisme
est développé, et plus la concurrence et la chasse
aux sources de matières premières est âpre
dans le monde entier, plus la lutte est acharnée pour
la conquête des semi-colonies, plus les concurrences inter-impérialistes
sont vives.
Aucun monopole ne
peut s'estimer pourvu s'il ne possède pas des sources
sûres de matières premières, et le rôle
des Etats au service des monopoles est de s'approprier la direction
des semi-colonies, au moyen de coups d'Etat, de rébellions,
etc.
Les sources de diverses
matières premières stratégiques de différentes
sortes - pétrole, minerais de fer, métaux non ferreux
et rares, caoutchouc, coton, etc., - font l'objet d'une lutte
à outrance.
L'histoire du Moyen-Orient
est ainsi depuis cinquante ans l'histoire de la lutte pour le
contrôle exclusif des sources du pétrole.
Les peuples libanais
et palestinien sont des victimes du soutien impérialiste
au sionisme ; la Turquie kémaliste - fasciste a également
un rôle vital dans cette politique impérialiste
régionale.
Des colonies et
des pays dépendants, les monopoles tirent à vil
prix les quantités énormes de matières premières
dont ils ont besoin.
La mainmise sur
les sources de matières premières à bon
marché permet aux monopoles industriels d'imposer des
prix de monopole sur le marché mondial, de vendre leurs
articles à des prix exorbitants.
De plus, à
l'époque de l'impérialisme, le rôle des colonies
et semi-colonies, en tant que débouchés pour les
métropoles, grandit.
A l'aide d'une politique
douanière appropriée ou bien en contrôlant
directement la direction du pays par le contrôle de la
bourgeoisie bureaucratique, les impérialistes préservent
les débouchés semi-coloniaux de la concurrence
étrangère.
C'est ainsi que
les monopoles ont la possibilité d'écouler dans
les semi-colonies, à des prix exorbitants, leur production,
y compris les marchandises de qualité inférieure
qui ne trouvent pas de débouché sur les autres
marchés.
En Turquie pour
ce faire la bourgeoisie bureaucratique a formé des sociétés
directement possédées par l'armée, sociétés
vivant de la pénétration et de la domination impérialiste,
comme avec la société française Renault.
La disparité
des échanges, entre les puissances impérialistes
et les pays dépendants, augmente par conséquent
sans cesse.
Les monopoles qui
font du commerce avec les semi-colonies (accaparement des matières
premières et vente des marchandises industrielles), font
des bénéfices énormes.
Ils sont les vrais maîtres de pays entiers, disposant de
la vie et des biens de milliards d'êtres humains.
L'exploitation monstrueuse
des masses ouvrières rapporte des revenus particulièrement
élevés pour les capitaux placés dans les
semi-colonies.
La dette du "
tiers-monde " consiste également majoritairement
en une dette contractée lors de prêts visant à
rembourser les intérêts sur les précédents
emprunts.
Le service de la
dette est perpétuellement supérieur aux prêts
nouveaux et amène chaque année à l'effondrement
financier de nouveaux pays.
Des pays se retrouvent
ruinés en quelques jours, comme l'Argentine en 2000.
En outre, les métropoles
importent de ces pays des centaines de milliers d'ouvriers qui
exécutent des travaux particulièrement pénibles
pour un salaire de famine.
Ainsi, les monopoles
aux Etats-Unis, notamment dans le sud du pays, soumettent à
une exploitation inhumaine les ouvriers du Mexique et de Porto
Rico, les monopoles de France en font autant pour les ouvriers
nord-africains, etc.
Pendant la première
guerre mondiale, ont combattu du côté français
un million et demi de soldats noirs des colonies africaines,
phénomène qui s'est reproduit par la suite.
Alors que le monde
est déjà partagé et que se poursuivent les
préparatifs d'une lutte armée pour un nouveau partage,
les puissances impérialistes mettent la main sur tous
les territoires ayant ou pouvant avoir une valeur quelconque
comme point d'appui, base militaire navale ou aérienne.
L'impérialisme
américain a des bases américaines dans toutes les
régions du monde et est organisé pour intervenir
militairement là où la bourgeoisie impérialiste
américaine l'exige.
Les méthodes
d'exploitation néo-coloniale des masses laborieuses.
La combinaison du
pillage impérialiste et des formes féodales d'exploitation
des travailleurs est un trait caractéristique des méthodes
d'exploitation coloniale qui assure des bénéfices
monopolistes au capital financier des métropoles.
Les progrès
de la production marchande et l'extension des rapports monétaires,
l'expropriation de terres appartenant à la population
autochtone, la destruction de la petite production artisanale
vont de pair avec le maintien factice de survivances féodales
et l'implantation de méthodes de travail forcé.
Avec le développement
des rapports capitalistes, la rente en nature est remplacée
par la rente en argent, les impôts en nature par des impôts
en espèces, ce qui a pour effet de hâter la ruine
des masses paysannes.
Les classes dominantes
des semi-colonies sont les propriétaires féodaux
et les capitalistes des villes et des campagnes (les paysans
riches). La classe des capitalistes se divise en bourgeoisie
de compradores (la bourgeoisie bureaucratique) et la bourgeoisie
nationale.
Les compradores
sont les intermédiaires indigènes entre les monopoles
étrangers et le marché colonial de produits importés
et de matières premières exportées.
Les propriétaires
féodaux et la bourgeoisie des compradores sont les vassaux
du capital financier étranger; ils constituent une agence
vénale pure et simple de l'impérialisme international,
qui asservit les colonies et les semi-colonies.
Avec le développement
d'une industrie propre dans les semi-colonies grandit une bourgeoisie
nationale qui se trouve placée dans une situation ambiguë
: d'une part, l'oppression de l'impérialisme étranger
et des survivances féodales lui barre le chemin vers la
domination économique et politique; d'autre part, elle
participe avec les monopoles étrangers à l'exploitation
de la classe ouvrière et de la paysannerie.
Cette ambiguïté
a donné naissance à des idéologies fascistes
où la bourgeoisie nationale tente de développer
un mouvement de masse pour renforcer son poids dans ses relations
avec l'impérialisme.
C'est la principale
nature des mouvements s'étant développés
en Amérique latine depuis les années 1960 (le péronisme
en Argentine, l'APRA au Pérou, Chavez au Venezuela, etc.)
puis à la fin du vingtième siècle dans les
pays à majorité musulmane (Khomeiny en Iran, Bin
Laden en Arabie Saoudite, etc.).
La principale caractéristique
d'un véritable Mouvement de Libération Nationale
repose précisément dans la capacité de rejeter
cette ligne de la bourgeoisie nationale et d'avoir une direction
prolétarienne.
Les principaux théoriciens
ayant réussi ce saut politique sont Charum Mazumdar, fondateur
du Parti Communiste d'Inde (Marxiste-Léniniste), Ibrahim
Kaypakkaya, fondateur du Parti Communiste de Turquie (Marxiste-Léniniste)
et Gonzalo, qui a reconstitué le Parti Communiste du Pérou.
Il faut noter que,
étant donné que la lutte de libération nationale
tend à renverser la domination de l'impérialisme,
à conquérir l'indépendance nationale du
pays et à liquider les survivances féodales qui
entravent le développement du capitalisme, la (gauche
de la) bourgeoisie nationale peut participer, à une certaine
étape, à cette lutte et peut jouer un rôle
progressiste.
La classe ouvrière
grandit dans les semi-colonies dépendantes, au fur et
à mesure du développement de l'industrie et de
l'extension des rapports capitalistes.
Son avant-garde
est constituée par le prolétariat industriel.
Font également
partie du prolétariat les masses des ouvriers agricoles,
des ouvriers des manufactures capitalistes et des petites entreprises,
ainsi que les manuvres des villes, qui exécutent
toutes sortes de travaux manuels.
La paysannerie forme
encore la masse essentielle, au point de vue numérique,
de la population des semi-colonies.
Dans la plupart
de ces pays, la population des campagnes est composée,
dans son immense majorité, de paysans sans terre ou n'en
possédant que peu - paysans pauvres et moyens.
La nombreuse petite bourgeoisie des villes est formée
de petits commerçants et d'artisans.
Dans ces pays la
concentration de la propriété foncière va
de pair avec le régime de la petite exploitation terrienne.
Les grands propriétaires fonciers mettent en location
la terre par petites parcelles, à des conditions asservissantes.
La sous-location
parasitaire à plusieurs degrés est pratiquée
en grand : entre le propriétaire terrien et le paysan
travaillant la terre s'interposent plusieurs intermédiaires
qui enlèvent au cultivateur une grande partie de sa récolte.
Le métayage est prédominant.
D'ordinaire le paysan
se trouve entièrement sous le pouvoir du propriétaire
foncier, dont il reste pour toujours débiteur.
Dans certains pays subsistent pratiquement la corvée et
les prestations en travail : les paysans sans terre sont tenus,
à titre de loyer ou pour acquitter leurs dettes, de travailler
plusieurs jours par semaine au profit du propriétaire.
L'extrême
misère force le paysan à s'endetter, à se
laisser asservir et parfois à devenir l'esclave de l'usurier.
Dans les pays de
l'Amérique latine, le paysan appauvri se voit obligé
de demander au propriétaire des avances qui doivent être
remboursées en travail; avec ce système (appelé
" péonage "), les obligations passent d'une
génération à l'autre, et toute la famille
du paysan devient en fait la propriété du maître.
Marx qualifiait
le péonage d'esclavage déguisé.
Une grande partie
du maigre produit du travail exténuant du paysan et de
sa famille est accaparée par les exploiteurs, le propriétaire
foncier, l'usurier, le revendeur, la bourgeoisie rurale, les
capitalistes étrangers, etc.
Ceux-ci prennent
possession non seulement du produit du surtravail mais aussi
d'une part importante du travail nécessaire du cultivateur.
Le revenu restant
au paysan est dans bien des cas insuffisant, même pour
subvenir à une existence misérable.
Nombreuses sont les exploitations paysannes qui se ruinent; leurs
anciens possesseurs viennent grossir l'armée des salariés
agricoles.
La surpopulation
agraire atteint de vastes proportions.
Elle amène un déplacement vers les villes, renforçant
l'armée industrielle de réserve.
Ecrasée par
le propriétaire et l'usurier, l'exploitation paysanne
ne peut employer que l'outillage le plus primitif, qui demeure
sans changement notable pendant des centaines et parfois des
milliers d'années.
La technique primitive
du travail de la terre aboutit à un épuisement
extrême du sol.
Aussi beaucoup de
semi-colonies, tout en restant des pays agricoles, sont-elles
incapables de faire vivre leur population et obligées
d'importer des produits alimentaires, comme la Bolivie.
L'agriculture des
pays asservis par l'impérialisme est vouée à
la décadence et à la dégradation.
Dans ces pays, malgré
l'immense surpopulation agraire et la pénurie de terre,
une partie seulement des terres cultivables est utilisée
de façon productive.
Dans les pays du
Proche-Orient, les anciens systèmes d'irrigation sont
abandonnés ou détruits.
Sur les terres autrefois
réputées les plus fertiles du monde, le rendement
est extrêmement bas et décroît sans cesse.
Les mauvaises récoltes
fréquentes provoquent la mort de millions d'hommes.
L'oppression semi-coloniale
signifie pour la classe ouvrière la servitude politique
et une exploitation féroce.
Pour se maintenir
en place la bourgeoisie bureaucratique et les propriétaires
terriens sont obligés de développer la terreur.
La torture, les
" disparitions ", les exécutions sommaires sont
monnaie courante dans les pays du tiers-monde.
Cette brutalité
sans limite a même été marquée par
la naissance d'une auto-défense armée populaire
de type réformiste, comme en Amérique latine ou
en Asie du Sud Est.
Ce réformisme
sans véritable idéologie n'existe que par la violence
aveugle de l'Etat et des milices.
Dans les villes
règne le chaos et la violence.
L'urbanisme n'est
pas organisé et les bidonvilles prédominent.
En règle générale, dans les entreprises
industrielles et dans les transports, la protection de la population
laborieuse fait complètement défaut.
La grande usure
de l'outillage, le refus des entrepreneurs de faire les dépenses
nécessitées par les réparations et la sécurité
du travail provoquent de fréquents accidents qui causent
la mort ou la mutilation de centaines de milliers d'individus.
L'absence de toute
législation sociale prive l'ouvrier de tout moyen d'existence
en période de chômage, en cas de mutilation ou de
maladie professionnelle.
Le salaire des ouvriers
semi-coloniaux n'est même pas suffisant pour satisfaire
les besoins les plus immédiats.
Les ouvriers sont
obligés de payer une part déterminée de
leur salaire dérisoire à des intermédiaires
de toutes sortes - courtiers, contremaîtres, surveillants,
ou personnes préposées à l'embauchage.
La plupart des ouvriers
sont criblés de dettes.
Très souvent,
notamment en Amérique du Sud, les ouvriers sont logés
dans des baraquements spéciaux ou dans des camps, comme
des prisonniers privés du droit de se déplacer
librement.
Le travail forcé
est appliqué sur une vaste échelle tant dans l'agriculture
que dans l'industrie.
Le retard économique
extrême joint à un degré élevé
d'exploitation condamne les peuples semi-coloniaux à la
famine et à la misère.
Une part immense
des biens matériels créés dans les semi-colonies
est accaparée sans compensation par les grands monopoles
des Etats impérialistes.
Le niveau de vie
de la majeure partie de la population est très bas.
La mortalité
y est très élevée : la famine et les épidémies
dépeuplent des régions entières.
La situation de
la femme est catastrophique.
La prostitution
est organisée à haut niveau dans l'appareil d'Etat
lui-même.
L'organisation de
ce nouvel esclavagisme passe par plusieurs Etats, notamment d'Europe
de l'Est mais ne pourraient exister sans la complicité
des structures étatiques et sociales des pays impérialistes.
Le maintien des
structures féodales et le soutien aux cultures fascistes
effectué par la bourgeoisie bureaucratique amène
également une prédominance des religions et une
domination absolue et brutale du patriarcat.
La lutte des
peuples semi-coloniaux pour la libération nationale.
Avant l'époque
de l'impérialisme, la lutte des peuples pour la libération
nationale touchait essentiellement des pays européens
(Irlandais, Hongrois, Polonais, Finlandais, Tchèques et
autres) et ne dépassait pas le cadre des Etats multinationaux.
A l'époque
de l'impérialisme, le capital financier des métropoles
ayant asservi les peuples des semi-coloniaux, le cadre de la
question nationale s'est élargi, et par le cours même
des choses elle s'est fondue avec la question générale
des semi-colonies.
Par là même,
la question nationale, de question particulière, de question
intérieure d'Etat, est devenue une question générale
et internationale, la question universelle de la libération
des peuples opprimés des pays dépendants et des
colonies, du joug de l'impérialisme.
(J. Staline : Les questions du léninisme)
Le seul moyen qu'ont
ces peuples de se libérer du joug de l'exploitation est
la lutte révolutionnaire contre l'impérialisme.
Durant toute l'époque
capitaliste, les peuples des pays semi-coloniaux ont lutté
contre les oppresseurs étrangers, déclenché
souvent des insurrections férocement réprimées
par les colonisateurs.
Dans la période
de l'impérialisme, la lutte des peuples des pays semi-coloniaux
pour leur libération prend une ampleur sans précédent.
Dès le début
du vingtième siècle, notamment après la
première révolution russe de 1905, les masses laborieuses
des pays coloniaux et dépendants s'éveillent à
la vie politique.
Des mouvements révolutionnaires
éclatent en Chine, en Corée, en Perse, en Turquie,
dans l'Inde.
Les pays du monde
semi-colonial se distinguent entre eux par le niveau du développement
économique et par le degré de formation du prolétariat.
Il faut distinguer
au moins trois catégories de pays semi-coloniaux et dépendants
:
1° les pays
qui ne sont absolument pas développés au point
de vue industriel et qui n'ont pas ou presque pas de prolétariat;
2° les pays
sous-développés au point de vue industriel et dont
le prolétariat est relativement peu nombreux,
et
3° les pays
assez développés au point de vue capitaliste et
dont le prolétariat est assez nombreux.
Cela détermine
les particularités du mouvement de libération nationale
dans les pays coloniaux et dépendants.
Etant donné
que la paysannerie prédomine dans la population des pays
semi-coloniaux, la question semi-coloniale et nationale est,
quant au fond, une question paysanne.
Le but général
du mouvement de libération nationale dans les semi-colonies
est la libération du joug de l'impérialisme et
la suppression de toutes les survivances féodales.
De ce fait, tout
mouvement de libération nationale dans les semi-colonies,
dirigé contre l'impérialisme et l'oppression féodale,
si même le prolétariat y est relativement faible,
revêt un caractère progressiste.
Mao Zedong a analysé
ainsi les classes sociales pour mener la révolution chinoise
:
Tous les seigneurs
de la guerre, les bureaucrates, les compradores et les gros propriétaires
fonciers qui sont de mèche avec les impérialistes,
de même que cette fraction réactionnaire des intellectuels
qui en dépend, sont nos ennemis.
Le prolétariat
industriel est la force dirigeante de notre révolution.
Nos plus proches
amis sont l'ensemble du semi-prolétariat et de la petite-bourgeoisie.
De la moyenne bourgeoisie
toujours oscillante, l'aile droite peut être notre ennemie
et l'aile gauche notre amie; mais nous devons constamment prendre
garde que cette dernière ne vienne désorganiser
notre front.
(Mao Zedong : Analyse des classes de la société
chinoise)
Le mouvement de
libération nationale dans les colonies et les pays dépendants,
dans lequel le prolétariat joue un rôle de plus
en plus grand en tant que dirigeant reconnu des larges masses
de la paysannerie et de tous les travailleurs, entraîne
dans la lutte contre l'impérialisme l'immense majorité
de la population du globe, opprimée par l'oligarchie financière
de quelques grandes puissances capitalistes.
Les intérêts
du mouvement prolétarien dans les pays développés
au point de vue capitaliste et du mouvement de libération
nationale dans les colonies, imposent l'union de ces deux formes
de mouvement révolutionnaire en un front unique de lutte
contre l'ennemi commun, contre l'impérialisme.
L'internationalisme
prolétarien part du point de vue qu'un peuple qui en opprime
d'autres ne saurait être un peuple libre.
Et, comme l'enseigne
le léninisme, le soutien, la défense et la réalisation
du mot d'ordre proclamant le droit des nations à se séparer
et à se constituer en Etats indépendants, représente
de la part du prolétariat des nations dominantes une aide
efficace au mouvement de libération des peuples opprimés.
L'essor de la lutte
pour la libération nationale des peuples opprimés
des semi-colonies sape les assises de l'impérialisme et
en prépare l'effondrement.
Ainsi, considérés
dans leur essence, du point de vue de l'avenir et sous l'angle
stratégique, l'impérialisme et tous les réactionnaires
doivent être tenus pour ce qu'ils sont : des tigres en
papier.
C'est là
dessus que se fonde notre pensée stratégique.
D'autre part, ils
sont aussi des tigres vivants, des tigres de fer, de vrais tigres
; ils mangent les Hommes.
C'est là-dessus
que se fonde notre pensée tactique.
(Mao Zedong, Intervention à la réunion du bureau
politique du 1er décembre 1958)
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