Manuel
d'économie politique
maoïste

16.Les théories économiques de l'époque du capitalisme et de l'impérialisme

Avec le développement du capitalisme et l'accroissement de ses contradictions, diverses tendances, exprimant les intérêts des différentes classes, se sont formées et développées dans la pensée économique.

L'économie politique bourgeoise classique.

Dans la lutte contre le féodalisme, pour l'instauration du régime capitaliste, la bourgeoisie a créé sa propre économie politique qui a détrôné les conceptions économiques des idéologues du féodalisme et a joué pendant un certain temps un rôle progressiste.

Le mode de production capitaliste s'est établi tout d'abord en Angleterre.

C'est là qu'est née aussi l'économie politique bourgeoise classique dont les représentants ont essayé de découvrir le lien interne des phénomènes économiques.

Déjà son fondateur, William Petty (1623-1687), dont l'activité remonte à la période de décomposition du mercantilisme, a en fait défini la valeur des marchandises comme étant la quantité relative de travail contenue en elles, bien qu'il ait fait preuve de beaucoup d'inconséquence dans cette question.

Les physiocrates qui apparurent en France dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, pendant la période de préparation idéologique de la révolution bourgeoise, jouèrent un rôle important dans la formation de l'économie politique bourgeoise.

Ce courant avait à sa tête François Quesnay (1694-1774).
De même que les représentants de la philosophie française "des lumières " de ce temps, les physiocrates pensaient qu'il existait pour la société humaine des lois naturelles, données par la nature.

La France était à l'époque un pays agricole.

Contrairement aux mercantilistes pour qui l'argent était la seule richesse, les physiocrates ont proclamé que la seule source de richesse était la nature et, par suite, l'agriculture, qui fournit à l'homme les fruits de la nature.

De là le nom de l'école - les " physiocrates " - composé de deux mots grecs qui signifiant " nature " et " pouvoir. "
Au centre de la théorie des physiocrates se trouvait la doctrine du " produit net. "

C'est ainsi que les physiocrates appelaient l'excédent du produit sur les dépenses engagées dans la production, - la fraction du produit qui, en régime capitaliste, constitue la plus-value.

Pour les physiocrates, la richesse était une masse déterminée de produits sous leur forme matérielle, naturelle, une masse déterminée de valeurs d'usage.

Ils soutenaient que le " produit net ", " don de la nature ", naît sur la base de l'emploi du travail salarié dans l'agriculture et l'élevage exclusivement, c'est-à-dire dans les branches où s'opèrent les processus naturels de croissance des plantes et des animaux; tandis que dans toutes les autres branches, il n'y a qu'une modification de la forme des produits fournis par l'économie rurale.

L'ouvrage le plus important de l'école des physiocrates fut le Tableau économique de Quesnay.

Quesnay a eu le mérite de faire une tentative remarquable pour présenter le processus de la reproduction capitaliste dans son ensemble, encore qu'il n'ait pu donner une théorie scientifique de la reproduction.

Partant du point de vue que le " produit net " n'est créé que dans l'économie rurale, les physiocrates exigeaient que tous les impôts fussent payés par les propriétaires terriens, et que l'on exemptât les industriels de toute charge fiscale.
C'était là une manifestation évidente de la nature de classe des physiocrates en tant qu'idéologues de la bourgeoisie.

Les physiocrates étaient partisans de la domination illimitée de la propriété privée.

En affirmant que seule la libre concurrence est conforme aux lois naturelles de l'économie et à la nature humaine, ils opposaient à la politique du protectionnisme celle de la liberté du commerce; ils combattaient énergiquement les restrictions corporatives et l'intervention de l'Etat dans la vie économique du pays.

L'économie politique bourgeoise classique est arrivée au point culminant de son évolution dans les travaux de A. Smith et de D. Ricardo.

Adam Smith (1723-1790) a fait, comparativement aux physiocrates, un grand pas en avant dans l'analyse scientifique du mode de production capitaliste. Son ouvrage principal est intitulé : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776).

La richesse d'un pays réside, d'après A. Smith, dans toute la masse des marchandises qui y sont produites.

Il a repoussé l'idée unilatérale et, par suite, erronée des physiocrates, selon lesquels le " produit net " n'est créé que par le travail agricole, et il proclame le premier que tout travail est source de valeur, quelle que soit la branche de production où ce travail est fait.

Smith a été l'économiste de la période manufacturière du développement du capitalisme.

Aussi voyait-il la base de l'augmentation de la productivité du travail dans la division du travail.

L'aspect le plus caractéristique de la pensée de Smith est l'interpénétration de deux manières différentes d'aborder les phénomènes économiques.

D'une part, il analyse le lien interne des phénomènes en cherchant à pénétrer la structure intrinsèque ou, selon l'expression de Marx, la physiologie du système économique bourgeois.

D'autre part, il décrit les phénomènes sous la forme qu'ils revêtent à la surface de la société capitaliste et, par conséquent, tels qu'ils se présentent au capitaliste praticien.

Le premier de ces procédés est scientifique, le second ne l'est pas.

En recherchant le lien interne des phénomènes du capitalisme, Smith définit la valeur de la marchandise par la quantité de travail qui a été dépensée pour la produire; et il considère le salaire de l'ouvrier comme une partie du produit de son travail, déterminée par la valeur des moyens de subsistance; quant au profit et à la rente, il les regarde comme une déduction du produit créé par le travail de l'ouvrier.

Cependant Smith ne développe pas ces principes avec rigueur.

La définition de la valeur des marchandises par le travail qui s'y trouve intégré, est confondue constamment par lui avec la définition de la valeur des marchandises par la " valeur du travail ".

Il affirmait que la définition de la valeur par le travail ne se rapportait qu'à un " état primitif de la société ", par lequel il entendait l'économie marchande simple des petits producteurs.

Mais dans le cadre du capitalisme, la valeur de la marchandise est constituée par les revenus : salaire, profit et rente.
Pareille affirmation traduisait l'apparence trompeuse des phénomènes de l'économie capitaliste.

Smith estimait que la valeur du produit social total ne comporte, elle aussi, que les revenus - salaire, profit et rente, c'est-à-dire qu'il faisait l'erreur d'omettre la valeur du capital constant, consommé lors de la production de la marchandise.

Ce " dogme de Smith " excluait toute possibilité de comprendre le processus de reproduction sociale.

Smith a décrit le premier la structure de classe de la société capitaliste, en indiquant que celle-ci se décomposait en trois classes : 1° ouvriers, 2° capitalistes et 3° propriétaires terriens.

Mais Smith était limité par la conception bourgeoise du monde, et ses vues montrent combien la lutte de classes à cette époque était peu développée; il prétendait qu'une communauté d'intérêts règne dans la société capitaliste, puisque chacun aspire à son propre avantage et que, du heurt des diverses tendances, surgit l'utilité commune.

S'élevant résolument contre les vues théoriques et la politique des mercantilistes, Smith défendait avec ardeur la libre concurrence.

Dans les écrits de David Ricardo (1772-1823), l'économie politique bourgeoise classique a eu son couronnement.

Ricardo a vécu à l'époque de la révolution industrielle en Angleterre.

Son principal ouvrage, Principes de l'économie politique et de l'impôt parut en 1817.

Ricardo a élaboré la théorie de la valeur-travail avec le maximum de rigueur possible dans les limites des conceptions bourgeoises.

Après avoir rejeté la thèse de Smith prétendant que la valeur n'est déterminée par le travail que dans l'" état primitif de la société ", il a montré que la valeur créée par le travail de l'ouvrier est la source d'où naissent le salaire, aussi bien que le profit et la rente.

Ayant admis que la valeur est déterminée par le travail, Ricardo a montré l'opposition des intérêts de classes de la société bourgeoise telle qu'elle apparaît dans la sphère de la répartition.

Il considérait que l'existence des classes est un phénomène éternel dans la vie de la société.

D'après Marx, Ricardo fait délibérément de l'opposition des intérêts de classes, de l'opposition entre salaire et profit, profit et rente, le point de départ de ses recherches; il la formule naïvement comme là loi naturelle immuable de la société humaine.
(K. Marx : Le Capital, Livre I, t.I)

Ricardo a formulé une loi économique importante : plus le salaire de l'ouvrier est élevé, plus le profit du capitaliste est bas, et inversement.

Ricardo a montré également l'opposition entre profit et rente; mais il se trompait en ne reconnaissant que l'existence de la rente différentielle, qu'il associait à la prétendue " loi de la fertilité décroissante du sol. "

Ricardo a joué un grand rôle dans le développement de l'économie politique.

Sa théorie suivant laquelle la valeur n'est déterminée que par le travail, a eu une immense portée historique.

Observant le développement des contradictions capitalistes, certains de ses disciples en ont déduit que, si la valeur n'est créée que par le travail, il est nécessaire et juste que l'ouvrier, créateur de toutes les richesses, soit aussi le maître de toutes les richesses, de tous les produits du travail.

C'est ce que réclamaient en Angleterre, dans la première moitié du dix-neuvième siècle, les premiers socialistes, disciples de Ricardo.

D'antre part, la théorie de Ricardo portait en elle les caractères de l'étroitesse bourgeoise.

Le régime capitaliste avec ses intérêts de classes opposés semblait à Ricardo, comme à Smith, un régime naturel et éternel.

Ricardo ne posait même pas la question de l'origine historique des catégories économiques telles que la marchandise, l'argent, le capital, le profit, etc.

Il concevait le capital en dehors de l'histoire, en l'identifiant aux moyens de production.

La naissance de l'économie politique vulgaire.

Avec le développement du capitalisme et l'aggravation de la lutte de classes, l'économie politique bourgeoise classique fait place à l'économie politique vulgaire.

Marx l'appelait vulgaire parce que ses représentants substituaient à la connaissance scientifique des phénomènes économiques la description de leur apparence extérieure, en se donnant pour but de présenter le capitalisme sous un jour favorable, d'escamoter ses contradictions.

Les économistes vulgaires ont rejeté tout ce qui était scientifique, et se sont emparés de tout ce qu'il y avait de non scientifique dans les vues des économistes antérieurs (notamment de A. Smith), - de tout ce qui était conditionné par l'étroitesse de classe de leur horizon.

Désormais il ne s'agit plus de savoir si tel ou tel théorème est vrai, mais s'il est bien ou mal sonnant, agréable ou non à la police, utile ou nuisible au capital.
La recherche désintéressée fait place au pugilat payé, l'investigation consciencieuse à la mauvaise conscience, aux misérables subterfuges de l'apologétique.

(K. Marx : Le Capital, Livre I, t.I)

Dans le domaine de la théorie de la valeur, l'économie vulgaire a, à l'opposé de la définition de la valeur par le temps de travail, mis en avant une série de thèses déjà réfutées par l'école classique bourgeoise.

Telles, par exemple : la théorie de l'offre et de la demande, qui ignore la valeur se trouvant à la base des prix, et substitue à l'explication de la base même des prix des marchandises la description des variations de ces prix; la théorie des frais de production, qui explique les prix de certaines marchandises à l'aide des prix d'autres marchandises, c'est-à-dire tourne pratiquement dans un cercle vicieux ; la théorie de l'utilité qui, s'efforçant d'expliquer la valeur des marchandises par leur valeur d'usage, ignore volontairement le fait que les valeurs d'usage de marchandises hétérogènes diffèrent par la qualité et, par suite, ne sont pas comparables au point de vue de la quantité.

L'économiste vulgaire anglais T. R. Malthus (1706-1834) a prétendu que la misère des masses laborieuses, inhérente au capitalisme, était due au fait que les êtres humains se multiplient plus rapidement que ne peuvent augmenter les moyens d'existence fournis par la nature.

D'après lui, la correspondance nécessaire entre le chiffre de la population et les moyens d'existence fournis par la nature, s'établit par la famine, la misère, les épidémies, les guerres.

La " théorie " barbare de Malthus a été créée eu vue de justifier le régime social dans lequel le parasitisme et le luxe des classes exploiteuses vont de pair avec le travail excessif et la misère grandissante des masses laborieuses.

Pour l'économiste vulgaire français J. B. Say (1767-1832), la source de la valeur est constituée par les " trois facteurs de la production " : le travail, le capital et la terre; de là, il tire la conclusion que les possesseurs de chacun des trois facteurs reçoivent les revenus qui leur sont dus : l'ouvrier, le salaire; le capitaliste, le profit (ou l'intérêt); le propriétaire terrien, la rente.

La théorie des " trois facteurs ", qui a été largement répandue dans l'économie politique bourgeoise, est destinée à cacher ce fait décisif que c'est seulement dans des conditions sociales déterminées que le travail se transforme en travail salarié, que les moyens de production deviennent du capital et la propriété de la terre, la source de la rente.

Comme on le sait, le capital et la terre ne donnent un revenu à leur propriétaire qu'en vertu du fait que, par son travail non payé, l'ouvrier crée la plus-value, source réelle de tous les revenus ne provenant pas du travail dans la société capitaliste.

En prétendant qu'en régime capitaliste il n'existerait pas de contradiction entre la production et la consommation, Say niait la possibilité de crises générales de surproduction.

La théorie de Say était une grossière déformation de la vérité, dans le but de se rendre agréable aux classes exploiteuses.

Des inventions fantaisistes sur l'harmonie des intérêts de classe en régime capitaliste ont été diffusées avec le plus grand zèle par l'économiste français F. Bastial (1801-1850) et par l'Américain H. Carey (1793-1879).

Sous prétexte de défendre la " liberté du travail " bourgeoise, l'économie politique vulgaire a mené une lutte acharnée contre les syndicats, les contrats collectifs, les grèves ouvrières.

A partir du deuxième quart du dix-neuvième siècle, l'économie politique vulgaire exerce une domination sans partage dans la science économique bourgeoise.


L'économie politique petite-bourgeoise.

Au début du dix-neuvième siècle, apparaît en économie politique un courant petit-bourgeois qui reflète la position contradictoire de la petite bourgeoisie en tant que classe intermédiaire de là société capitaliste.

L'économie politique petite-bourgeoise a son origine dans les travaux de l'économiste suisse S. de Sismondi (1773-1842).

Contrairement à Smith et à Ricardo, pour qui le régime capitaliste est l'état naturel de la société, Sismondi a fait la critique du capitalisme, qu'il condamnait en se plaçant sur les positions de la petite-bourgeoisie.

Sismondi idéalisait la petite production marchande des paysans et des artisans, et formulait des projets utopiques de perpétuation de la petite propriété, sans se rendre compte que la petite production marchande implique le développement des rapports capitalistes.

Partant du fait que les revenus des ouvriers et des petits producteurs diminuent, Sismondi concluait faussement à la contraction inévitable du marché au fur et à mesure du développement du capitalisme.

Il affirmait à tort que l'accumulation des capitaux n'est possible qu'avec l'existence de petits producteurs et d'un marché extérieur.

En France, c'est P. J. Proudhon (1809-1865) qui a développé les conceptions de l'économie politique petite-bourgeoise.

Il soutenait l'idée réactionnaire selon laquelle on pourrait guérir toutes les plaies sociales du capitalisme par l'organisation d'une banque qui serait spécialement chargée du troc des produits des petits producteurs et qui consentirait un crédit gratuit aux ouvriers.

Proudhon semait des illusions réformistes dans les masses ouvrières, qu'il détournait de la lutte de classes.
En Russie, à la fin du XIXème siècle, c'étaient les populistes libéraux qui prêchaient les idées utopiques et réactionnaires de l'économie politique petite-bourgeoise.


Les socialistes utopistes.

Avec l'apparition et le développement de la grande industrie mécanique, à la fin du dix-huitième siècle et au début du dix-neuvième, les contradictions du capitalisme et les calamités qu'il apporte aux masses laborieuses ont pris de plus en plus de relief.

Mais la classe ouvrière n'avait pas encore pris conscience de son rôle historique de fossoyeur du capitalisme.

A cette époque apparurent les grands socialistes utopistes : Henri de Saint-Simon (1760-1825) et Charles Fourier (1772-1837) en France, Robert Owen (1771-1858) en Angleterre, qui jouèrent un rôle considérable dans l'histoire du développement des idées socialistes.

Dans l'explication qu'ils donnaient des phénomènes économiques, les socialistes utopistes demeuraient sur le terrain des philosophes du dix-huitième siècle, comme les représentants de l'économie politique classique bourgeoise.

Mais, tandis que pour ces derniers le régime capitaliste était conforme à la nature humaine, pour les socialistes utopistes il était contraire à la nature humaine.

Le rôle historique des socialistes utopistes a été de faire une critique serrée de la société bourgeoise, dont ils flétrissaient sans merci les plaies telles que la misère et les privations des masses populaires vouées à un labeur pénible et exténuant, la vénalité et la corruption des milieux riches de la société, l'immense gaspillage des forces productives, résultat
de la concurrence, des crises, etc.

Ils ont eu une série d'intuitions remarquables sur le caractère du régime socialiste qu'ils opposaient au capitalisme.

Mais les socialistes utopistes étaient loin de comprendre les véritables voies à suivre pour arriver au socialisme.

Ignorant les lois du développement social et des lois de la lutte des classes, ils estimaient que les classes possédantes réaliseraient elles-même le socialisme lorsqu'on serait parvenu à les convaincre du bien-fondé, de l'équité et de l'utilité de ce nouveau régime.

Les socialistes utopistes n'avaient pas la moindre idée du rôle historique du prolétariat.

Le socialisme utopique ne savait ni expliquer la nature de l'esclavage salarié en régime capitaliste, ni découvrir les lois de son développement, ni trouver la force sociale capable de créer la société nouvelle.
(V. Lénine : Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme)


Les démocrates révolutionnaires en Russie.

Au milieu du dix-neuvième siècle en Russie, apparut en pleine crise du servage, une brillante pléiade de penseurs, qui apportèrent une importante contribution au développement de la science économique.

A. I. Herzen (1812-1870) a fustigé le tsarisme et le servage en Russie et appelé le peuple à la lutte révolutionnaire contre eux.

Il a aussi critiqué violemment le régime de l'exploitation capitaliste, instauré en Occident.

Herzen a marqué le début du " socialisme paysan " utopique.
Il voyait le " socialisme " dans l'émancipation des paysans doté de terre, dans la possession communale de la terre et dans l'idée paysanne du " droit à la terre".

Il n'y avait rien de vraiment socialiste dans ces opinions, mais elles traduisaient les aspirations révolutionnaires de la paysannerie russe en lutte pour renverser le pouvoir des propriétaires fonciers et abolir la grande propriété féodale.

Un immense mérite dans le développement de la science économique appartient au grand révolutionnaire et savant russe N. G. Tchernychevski (1828-1889).

Tchernychevski a pris la tête de la lutte des démocrates révolutionnaires contre le servage et l'autocratie tsariste en Russie.
Il a fait une brillante critique non seulement du servage, mais aussi du régime capitaliste qui s'était solidement établi à cette époque en Europe occidentale et en Amérique du Nord.

Il a fait nettement ressortir le caractère de classe et l'étroitesse de l'économie politique bourgeoise classique et il a soumis à une critique serrée les économistes vulgaires : John Stnart Mill, Say, Malthus, etc.

Marx estimait que Tchernychevski avait magistralement montré la faillite de l'économie politique bourgeoise.

A l'économie politique bourgeoise qui sert les intérêts cupides des capitalistes, Tchernychevski a opposé " l'économie politique des travailleurs ", dans laquelle la place prépondérante doit être réservée au travail et aux intérêts des travailleurs.

Par suite du faible développement des rapports capitalistes dans la Russie de son époque, Tchernychevski, représentant du " socialisme paysan " utopique, n'a pas remarqué que le développement du capitalisme et du prolétariat créait les conditions matérielles et la force sociale nécessaires pour réaliser le socialisme.

Cependant, par sa conception de la nature et de la structure de classe de la société capitaliste, du caractère du développement économique de cette société, Tchernychevski est allé beaucoup plus loin que les socialistes utopistes d'Europe occidentale et a fait un grand pas sur le chemin du socialisme scientifique.

Contrairement aux socialistes utopistes d'Occident, Tchernychevski accordait une importance décisive à l'activité révolutionnaire des masses laborieuses, à leur lutte pour leur émancipation et il appelait à la révolution populaire contre les exploiteurs.

Tchernychevski fut un démocrate révolutionnaire combatif et conséquent.

Lénine disait que ses œuvres respiraient la lutte de classes.

La théorie économique de Tchernychevski est le point culminant du développement de l'économie politique avant Marx.


La révolution accomplie par K. Marx et F. Engels en économie politique.

Vers le milieu du XIXème siècle, le système d'économie capitaliste est devenu dominant dans les principaux pays de l'Ouest européen et aux Etats-Unis.

Il s'était formé un prolétariat qui commençait à entrer en lutte contre la bourgeoisie.

Les conditions étaient nées pour la formation d'une conception du monde prolétarienne d'avant-garde, le socialisme scientifique.

Karl Marx (1818-1883) et Friedrich Engels (1820-1895) ont transformé le socialisme d'utopie en science.

La doctrine élaborée par Marx et Engels traduit les intérêts vitaux de la classe ouvrière, et elle est le drapeau des masses prolétariennes dans leur lutte pour le renversement révolutionnaire du capitalisme, pour la victoire du socialisme.

La doctrine de Marx naquit comme la continuation directe et immédiate des doctrines des représentants les plus éminents de la philosophie, de l'économie politique et du socialisme.
(V. Lénine : Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme)

Le génie de Marx, disait Lénine, consiste à avoir fourni la réponse aux questions que la pensée progressiste de l'humanité avait déjà posées.

Sa doctrine est l'héritière légitime de ce que la pensée humaine a créé de plus parfait dans le domaine de la science de la société humaine.

En même temps, la naissance du marxisme a marqué un tournant révolutionnaire radical en philosophie, en économie politique, dans toutes les sciences sociales.

Marx et Engels ont armé la classe ouvrière d'une conception du monde harmonieuse et complète, le matérialisme dialectique, fondement théorique du communisme scientifique.

En étendant le matérialisme dialectique à l'étude des phénomènes sociaux, ils ont créé le matérialisme historique, une des plus grandes conquêtes de l'histoire de la pensée scientifique.

A l'étude de la société humaine en dehors de l'histoire, ils ont opposé la méthode historique fondée sur une étude approfondie de la marche réelle de son développement.

A l'idée d'immuabilité et d'immobilité de la société qui régnait jusque-là, ils ont substitué une doctrine cohérente qui découvre les lois objectives du développement social, les lois du remplacement de certaines formes de la société par d'autres.

Marx et Engels furent les fondateurs d'une économie politique véritablement scientifique.

En appliquant la méthode du matérialisme dialectique à l'étude des rapports économiques, Marx a opéré une révolution profonde dans l'économie politique.

C'est en abordant l'économie politique en idéologue de la classe ouvrière qu'il a dévoilé jusqu'au bout les contradictions du capitalisme et créé une économie politique prolétarienne.

Marx a élaboré sa doctrine économique au cours d'une lutte intransigeante contre l'apologétique bourgeoise du capitalisme et la critique petite-bourgeoise de celui-ci.

Utilisant et développant plusieurs thèses des classiques de l'économie politique bourgeoise - Smith et Ricardo - Marx a résolument fait justice des conceptions anti-scientifiques et des contradictions de leur doctrine.

La doctrine économique de Marx dresse le bilan et fait la synthèse d'une documentation gigantesque sur l'histoire de la société humaine et, en particulier, sur la naissance et le développement du capitalisme.

C'est à Marx que l'on doit la découverte du caractère historique transitoire du mode de production capitaliste et l'étude des lois présidant à la naissance, au développement et à la disparition du capitalisme.

Sur la base d'une analyse économique pénétrante du régime capitaliste, Marx a fait apparaître la mission historique du prolétariat en tant que fossoyeur du capitalisme et artisan de la société nouvelle, socialiste.

Les fondements de la conception marxiste du monde ont été proclamés dès le premier document-programme du communisme scientifique, le Manifeste du Parti communiste, écrit par Marx et Engels en 1848.

Marx a publié les résultats de ses recherches économiques ultérieures dans son ouvrage Contribution à la critique de l'économie politique (1859), consacré à l'analyse de la marchandise et de la monnaie, on trouve dans la préface un exposé classique des principes du matérialisme historique.

L'ouvrage principal de Marx, dont il disait à bon droit qu'il était l'œuvre de sa vie, est Le Capital, dont le premier livre (Le Développement de la production capitaliste) fut publié par Marx en 1867; le second livre (Le Procès de la circulation du capital) fut édité par Engels après la mort de Marx en 1885, et le troisième livre (Le Procès d'ensemble de la production capitaliste) parut en 1894.

En travaillant au Capital, Marx se proposait d'écrire un quatrième livre, consacré à l'analyse critique de l'histoire de l'économie politique.

Les manuscrits qu'il a laissés furent édités après la mort de Marx et d'Engels sous le titre Les Théories de la plus-value.
A l'élaboration de la théorie du communisme scientifique sont également consacrés plusieurs ouvrages classiques d'Engels : La Situation des classes laborieuses en Angleterre (1845), l'Anti-Dühring (1878) qui traite des questions les plus importantes en matière de philosophie, de sciences naturelles et de sciences sociales, L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat (1884), etc.

Engels a fait des apports fondamentaux pour la compréhension de la conscience des individus, leur "psychologie. "

En créant l'économie politique prolétarienne, Marx a tout d'abord élaboré et développé de façon conséquente la théorie de la valeur-travail.

En analysant la marchandise et la contradiction entre sa valeur d'usage et sa valeur d'échange, Marx a découvert que le travail incorporé dans la marchandise revêt un double caractère.

C'est, d'une part, le travail concret qui crée la valeur d'usage de la marchandise, et, d'autre part, le travail abstrait qui crée sa valeur.

La découverte du double caractère du travail a servi à Marx de clé pour expliquer scientifiquement tous les phénomènes du mode de production capitaliste, sur la base de la théorie de la valeur-travail.

Marx a montré que la valeur n'est pas une chose, mais un rapport de production entre les hommes, recouvert d'une enveloppe matérielle, et c'est ainsi qu'il a révélé le secret du fétichisme de la marchandise.

Il a soumis la forme de la valeur à l'analyse, il en a recherché l'évolution historique depuis les germes de l'échange jusqu'à la domination intégrale de la production marchande, ce qui lui a permis de découvrir la nature véritable de l'argent.

Sur la base de la théorie de la valeur-travail, Marx a élaboré sa théorie de la plus-value.

Il a montré le premier qu'en régime capitaliste, ce n'est pas le travail qui est une marchandise, mais la force de travail.

II a étudié la valeur et la valeur d'usage de cette marchandise spécifique et il a expliqué le caractère de l'exploitation capitaliste.

La théorie de la plus-value de Marx révèle jusqu'au bout la nature du principal rapport de production du capitalisme, le rapport entre capitaliste et ouvrier; elle met à nu les bases les plus profondes de l'opposition de classes et de la lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie.

Marx a non seulement mis en lumière l'origine et la source de la plus-value, mais il a montré comment l'exploitation capitaliste est camouflée et estompée.

Il a étudié la nature du salaire en tant que prix de la force de travail qui se manifeste sous la forme modifiée de prix du travail.

Marx a fait une analyse scientifique serrée des diverses formes que revêt la plus-value.

Il a montré que la plus-value se manifeste sous âne forme modifiée, le profit; qu'elle revêt en outre la forme de rente foncière et d'intérêt.

Et l'on a l'impression trompeuse que le salaire est le prix du travail, que le profit est engendré par le capital lui-même, la rente par la terre et l'intérêt par l'argent.

Dans sa théorie du prix de production et du profit moyen, Marx a résolu la contradiction qui consiste en ce qu'en régime capitaliste, les prix du marché s'écartent de la valeur.

En même temps, il a fait ressortir la base objective de la solidarité de la classe capitaliste dans l'exploitation des ouvriers, le profit moyen de chaque capitaliste étant déterminé par le degré d'exploitation non point dans une entreprise donnée, mais dans la société capitaliste tout entière.

Marx a mis au point la théorie de la rente différentielle et il a, le premier, assigné un fondement scientifique à la rente absolue.

Il a défini le rôle réactionnaire, parasite de la grande propriété terrienne, la nature et les formes d'exploitation des paysans par les propriétaires fonciers et la bourgeoisie.

Marx a le premier découvert les lois de l'accumulation du capital, en établissant que le développement du capitalisme, la concentration et la centralisation du capital entraînent inévitablement un approfondissement et une aggravation des contradictions inhérentes à ce régime, contradictions à la base desquelles se trouve la contradiction entre le caractère social de la production et la forme privée, capitaliste de l'appropriation.

Marx a découvert la loi générale de l'accumulation capitaliste qui détermine l'accroissement de la richesse et du luxe à un pôle de la société et l'accroissement de la misère, de l'oppression, des tourments du travail à l'autre pôle.

Il a montré que le développement du capitalisme entraîne la paupérisation relative et absolue du prolétariat, qui creuse encore l'abîme entre le prolétariat et la bourgeoisie, aggrave la lutte de classes entre eux.

L'analyse de la reproduction du capital social total, faite par Marx, a une importance considérable.

Ayant écarté l'erreur de Smith, qui consiste à ignorer le capital constant consommé lors de la fabrication de la marchandise, et établi la division du produit social du point de vue de sa valeur en trois parties (c + v + p), puis du point de vue de sa forme matérielle en moyens de production et objets de consommation, Marx a découvert la loi économique générale selon laquelle, quel que soit le régime de la société, les forces productives se développent quand l'accroissement de la production des moyens de production est plus rapide que celui de la production des objets de consommation.

Marx a soumis à l'analyse les conditions de la, reproduction capitaliste simple et élargie, les profondes contradictions de l'économie capitaliste qui conduisent nécessairement aux crises de surproduction.

Il a étudié la nature des crises économiques et démontré qu'elles étaient inévitables en régime capitaliste.

La doctrine économique de Marx et d'Engels constitue une ample et profonde démonstration de l'inéluctabilité de l'effondrement du capitalisme et de la victoire de la révolution prolétarienne instaurant la dictature de la classe ouvrière et inaugurant une ère nouvelle, l'ère de la construction de la société socialiste.

Entre 1870 et 1890 déjà, le marxisme avait commencé à recevoir de plus en plus largement l'approbation de la classe ouvrière et des intellectuels d'avant-garde des pays capitalistes.

Un grand rôle dans la diffusion des idées du marxisme, à cette époque, fut joué par Paul Lafargue (1842-1911) en France, Wilhelm Liebknecht (1826-1900) et August Bebel (1840-1913) en Allemagne, Georges Plékhanov (1856-1918) en Russie, Dmitri Blagoïev (1855-1924) en Bulgarie et par d'autres personnalités marquantes du mouvement ouvrier des différents pays.


Le déclin de la science économique bourgeoise. L'économie politique bourgeoise contemporaine.

Depuis que le marxisme a fait son apparition sur la scène historique, la tâche fondamentale et décisive des économistes bourgeois devint la " réfutation " du marxisme, toutes les variétés possibles et imaginables de philosophie idéaliste et de sociologie subjective servent de base méthodologique aux différentes écoles et tendances de l'économie politique bourgeoise.

En Allemagne, au milieu du XIXème siècle, apparaît ce qu'on appelle l'école historique de l'économie politique (V. Roscher, B. Hildebrand, etc.).

Les tenants de cette école niaient ouvertement l'existence de lois économiques du développement de la société et substituaient à l'investigation scientifique la description de faits historiques épars.

La négation des lois économiques leur servait à justifier l'arbitraire réactionnaire, la servilité devant l'Etat bureaucratique et militaire, qu'ils exaltaient systématiquement.

Les représentants les plus récents de l'école historique, avec G. Schmoller à leur tête, constituèrent ce qu'on appelle la tendance historico-éthique ou historico-juridique.

Le trait caractéristique de cette tendance est qu'elle substitue à la recherche économique des considérations idéalistes réactionnaires sur les objectifs moraux, les normes juridiques, etc.

Certains économistes de l'école historique (Hildebrand) ont formé en 1872 avec d'autres économistes bourgeois (Adolf Wagner, L. Brentano, W. Sombart) ce qu'on a appelé " l'Union de politique sociale " pour " prêcher du haut de la chaire " des réformes sociales en vue de prévenir la fin du régime capitaliste.

Tout en continuant les traditions de leurs prédécesseurs, les représentants de cette tendance, appelée ironiquement " socialisme de la chaire ", se firent les valets de l'Etat militariste allemand.

Certains d'entre eux qualifiaient de " morceau de socialisme " chaque mesure de cet Etat.

Les socialistes de la chaire exaltaient la politique réactionnaire de Bismarck et l'aidaient à tromper la classe ouvrière.

Au cours des dernières décennies du dix-neuvième siècle, au fur et à mesure que les idées du marxisme se propageaient, la bourgeoisie a eu besoin, pour les combattre, de recourir à de nouveaux moyens idéologiques.

On vit alors apparaître sur la scène l'école autrichienne.
L'appellation de cette école est liée au fait que ses principaux représentants - K. Menger, F. Wieser et E. Boehm-Bawerk - étaient professeurs dans des universités autrichiennes.

Contrairement à l'orientation historique, les tenants de l'école autrichienne reconnaissait pour la forme la nécessité d'étudier les lois économiques, mais, pour présenter le régime capitaliste sous un jour plus favorable et en assumer la défense, ils reportèrent la recherche de ces lois, de la sphère des rapports sociaux dans le domaine psychologique subjectif, c'est-à-dire qu'ils suivirent la voie de l'idéalisme.

En ce qui concerne la théorie de la valeur, l'école autrichienne émit le principe dit de " l'utilité marginale. "

Conformément à ce principe, la valeur de la marchandise est déterminée non pas simplement par son utilité, ainsi que l'affirmaient auparavant certains économistes vulgaires, mais par son utilité marginale, c'est-à-dire par l'appréciation subjective de l'utilité d'une unité de marchandise qui satisfait un des besoins les moins essentiels de l'individu.

En réalité, cette théorie n'explique rien.

Il est tout à fait évident, par exemple, que l'estimation subjective d'un kilogramme de pain est foncièrement différente chez un bourgeois rassasié et chez un chômeur affamé; mais cependant tous deux paient le pain le même prix.

A la théorie de la plus-value de Marx, les économistes de l'école autrichienne opposent telle ou telle variété de la " théorie de la productivité du capital ", qui n'est qu'une forme rénovée de la théorie vulgaire des " trois facteurs de la production. "

Le passage à l'impérialisme et l'aggravation extrême qui en résulte pour les contradictions sociales et la lutte des classes, déterminèrent la dégradation ultérieure de l'économie politique bourgeoise.

Après la victoire de la révolution socialiste en Russie et en Chine, qui ont donné un démenti aux affirmations des idéologues de la bourgeoisie sur le caractère éternel du régime capitaliste, de nombreux économistes bourgeois commencèrent à considérer comme une de leurs tâches principales le recours à la calomnie pour déformer la nature du régime soviétique, pour cacher aux travailleurs des pays capitalistes la vérité sur les réalisations historiques du pays du socialisme.

Après la transformation de ces pays par la clique révisionniste ayant détruit le socialisme dans ces pays, les idéologues bourgeois ont continué leur assaut contre la valeur des expériences socialistes.

En commentant des catégories du capitalisme comme la valeur, le prix, le salaire, le profit, la rente, les économistes bourgeois contemporains se placent généralement sur les positions de la tendance psychologique subjective, dont une des variétés est l'école autrichienne examinée plus haut; ils reprennent sur tous les tons la vieille théorie vulgaire des trois facteurs de la production.

L'économiste anglais Alfred Marshall (1842-1924) a essayé de concilier de façon éclectique les trois théories vulgaires différentes de la valeur : celle de l'offre et de la demande, de l'utilité marginale et celle des frais de production.

L'économiste américain John B. Clark (1847-1938), tout en prêchant l'idée mensongère de " l'harmonie des intérêts " des différentes classes de la société bourgeoise, a formulé la théorie de la " productivité optima ", qui n'est en réalité qu'une tentative originale pour associer la veille théorie vulgaire de la " productivité du capital " à la théorie vulgaire de " l'utilité marginale " de l'école autrichienne.

Le profit, d'après Clark, serait la rémunération du travail de l'entrepreneur; les classes laborieuses, elles, ne créeraient qu'une faible part de la richesse et la recevraient intégralement.

En fait l'économie politique bourgeoise de nos jours constitue une arme idéologique de l'oligarchie financière dont la majorité des représentants joue directement et ouvertement le rôle de défenseurs de la réaction et de l'agression impérialistes.

Les apologistes des monopoles font hypocritement passer pour un " capitalisme organisé " la soumission de l'Etat impérialiste à l'oligarchie financière, la large utilisation par celle-ci de l'appareil d'Etat pour satisfaire son intérêt cupide et augmenter les profits des monopoles.

Dans les premières décennies du vingtième siècle, en Allemagne, s'est répandue ce qu'on a appelé la tendance sociale ou l'école organique sociale d'économie politique (A. Amman, R. Stolzmann, O. Spann et autres).

Contrairement à l'école autrichienne qui aborde les phénomènes économiques d'un point de vue psychologique et subjectif, les représentants de la tendance sociale donnaient une interprétation des rapports sociaux des hommes, mais ils les considéraient de façon idéaliste, comme des formes juridiques dénuées de tout contenu matériel.

Les économistes de la tendance sociale affirmaient que la vie sociale serait régie par des normes juridiques et éthiques.
Ils camouflaient la ferveur qu'ils vouaient aux monopoles capitalistes par des considérations démagogiques sur le "bien-être général " et la nécessité de subordonner la " partie", c'est-à-dire les niasses laborieuses, au " tout ", c'est-à-dire à l'Etat impérialiste.

Ils exaltaient l'activité des capitalistes, en proclamant qu'elle servait la société.

Dans leur forme la plus réactionnaire, ces idées ont servi d'arme idéologique au fascisme en Allemagne et dans d'autres pays bourgeois.

Le fascisme allemand a utilisé les éléments les plus réactionnaires de l'économie politique vulgaire allemande, son chauvinisme extrême, son culte de l'Etat bourgeois, sa propagande en faveur de la conquête de terres étrangères et de la " paix sociale " à l'intérieur de l'Allemagne.

Ennemis jurés du socialisme et de l'humanité progressiste, les fascistes allemands eurent recours à la démagogie anticapitaliste et se revendiquaient hypocritement du socialisme.

Les fascistes italiens et allemands prêchaient la théorie réactionnaire de " l'Etat corporatif ", selon laquelle le capitalisme, les classes et les contradictions des classes auraient été liquidés dans les pays fascistes.

Les économistes fascistes justifiaient la conquête et le pillage des terres d'autrui par l'Allemagne hitlérienne, à l'aide de la " théorie des races " et de la " théorie de l'espace vital. "

Conformément à ces " théories ", les Allemands auraient été la " race supérieure " et tontes les autres nations des nations " inférieures ", et la " race des seigneurs " aurait eu le droit de s'emparer par la force des terres des autres peuples, des peuples " inférieurs ", et d'étendre sa domination au monde entier.

L'expérience de l'histoire a montré nettement tonte l'absurdité et l'inanité des plans hitlériens délirants de conquête de la domination mondiale.

Au cours de la crise générale du capitalisme, où le problème des marchés a pris une acuité sans précédent, où les crises économiques se sont multipliées et aggravées, où le chômage massif est devenu permanent, des théories diverses ont cherché à faire croire à la possibilité d'assurer le " plein emploi ", de supprimer l'anarchie de la production et les crises tout en conservant le régime capitaliste.

La théorie que l'économiste anglais J. M. Keynes (1883-1946) a exposée dans un ouvrage intitulé : Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936) a eu une large diffusion parmi les économistes bourgeois.

Tout en estompant les causes réelles du chômage massif permanent et des crises en régime capitaliste, Keynes s'applique à démontrer que ces " déficiences " de la société bourgeoise sont dues non pas à la nature du capitalisme, mais à la mentalité des hommes.

Keynes affirme que le chômage résulte de la demande insuffisante en objets de consommation personnelle et industrielle.

L'insuffisance de la demande en objets de consommation personnelle serait due à la tendance inhérente aux hommes à épargner une partie de leur revenu, et la demande insuffisante pour les objets de consommation industrielle au relâchement de l'intérêt des capitalistes pour le placement de leurs capitaux dans les différentes branches de l'économie par suite de l'abaissement général de la " rentabilité du capital. "

Pour augmenter l'emploi de la population, affirme Keynes, il est nécessaire d'accroître les investissements, ce pour quoi l'Etat doit, d'une part, assurer une plus grande rentabilité aux capitaux en diminuant le salaire réel de l'ouvrier, moyennant l'inflation et l'abaissement du taux d'intérêt pour les prêts, et, d'autre part, effectuer de grands investissements sur le compte du budget.

Pour élargir la demande en objets de consommation, Keynes recommande l'accroissement de la consommation parasite et du gaspillage des classes régnantes, l'augmentation des dépenses consacrées à des fins militaires et des autres dépenses improductives de l'Etat.

La théorie de Keynes n'est pas fondée.

L'insuffisance de la demande en objets de consommation est due non point à une mythique " tendance des hommes à l'épargne ", mais à l'appauvrissement des travailleurs.

Les mesures proposées par Keynes soi-disant pour assurer le plein emploi de la population - inflation, augmentation des dépenses improductives pour la préparation et la conduite des guerres - conduisent en réalité à un nouvel abaissement du niveau de vie des travailleurs, à la contraction du marché et à l'extension du chômage.

La théorie de Keynes est largement utilisée aujourd'hui sous une forme ou sous une autre par les économistes bourgeois, ainsi que par les " socialistes " et " sociaux-démocrates " des pays capitalistes.

L'économie politique bourgeoise contemporaine des Etats-Unis est caractérisée par la théorie qui recommande l'accroissement du budget de l'Etat et de la dette publique comme moyen de remédier aux vices du capitalisme.

Estimant que les possibilités de développement ultérieur du capitalisme par les seules forces économiques spontanées sont très restreintes, l'économiste américain A. Hansen démontre la nécessité pour l'Etat de " diriger " l'économie capitaliste en stimulant les placements de capitaux moyennant de fortes commandes de l'Etat.

Selon la théorie de Hansen et de plusieurs autres économistes bourgeois américains, les dépenses de l'Etat doivent servir de " régulateur de l'emploi " : pendant la crise et la dépression, le gouvernement doit augmenter ses dépenses et, pendant l'inflation, les réduire.

Partant de là, ils réclament l'extension de la pratique des commandes d'Etat, de la création d'entreprises au compte du Trésor, de l'achat de matières stratégiques sur une grande échelle, de l'extension de l'armée et de l'appareil gouvernemental.

En fait, toutes ces formes de dépenses de l'Etat, liées à la militarisation de l'économie et à la course aux armements, contribuent largement à assurer des profits maximums aux monopoles.

Depuis la deuxième guerre mondiale, les économistes bourgeois américains font une vaste propagande en faveur de la militarisation de l'économie comme panacée des crises économiques de surproduction.

D'après ce qu'ils affirment, une demande de matériel de guerre accrue assurerait un développement ininterrompu de la production.

Cette théorie apologétique est démentie par la réalité car, en fin de compte, tout juste capable de retarder pour peu de temps l'arrivée d'une crise de surproduction, la militarisation de l'économie approfondit inévitablement la contradiction entre l'accroissement des possibilités de production et la réduction de la demande solvable de la population, contradiction qui conduit aux crises économiques.

Certains économistes bourgeois des Etats-Unis et de Grande-Bretagne se prononcent pour " le libre jeu des forces économiques ", par lequel ils entendent en fait la liberté illimitée pour les monopoles d'exploiter les ouvriers et de dépouiller les consommateurs.

Ces économistes proclament hypocritement que l'activité des syndicats en faveur des ouvriers est une violation de la "liberté économique " et ils exaltent la législation anti-ouvrière réactionnaire des Etats impérialistes.

De même que les champions de l'économie " dirigée " par l'Etat bourgeois, les défenseurs du " libre jeu des forces économiques " traduisent les intérêts des différents groupes de l'oligarchie financière, qui cherche à s'assurer le profit maximum en intensifiant l'exploitation des masses laborieuses à l'intérieur du pays ainsi qu'en développant l'agression impérialiste sur le plan international.

Une série d'économistes bourgeois s'efforcent, par des élucubrations antiscientifiques sur la " valeur inégale " des différentes " races " et nations, sur la mission civilisatrice des races et nations " supérieures " à l'égard des races et nations "inférieures ", etc., de justifier la politique agressive de mainmise des puissances impérialistes sur les terres d'autrui, d'asservissement et de pillage des autres peuples.

Ce sont les représentants les plus réactionnaires de l'économie politique bourgeoise des Etats-Unis qui à cet égard, font le plus de zèle : suivant les traces des fascistes allemands, ils répandent l'idée barbare de la " supériorité " des nations parlant l'anglais sur tous les autres peuples et s'appliquent à justifier par tous les moyens les plans délirants de domination des Etats-Unis dans le monde.

L'impérialisme français joue lui la carte " démocratique ", des " droits de l'Homme ", afin de se présenter comme un impérialisme " à visage humain ".

Tous les moyens idéologiques sont employées à cet effet : mise en avant de la supériorité " culturelle ", " démocratique ", " religieuse ", " sociale ", " humaniste ", culturelle etc. A chaque occasion, ils vantent avec zèle " le mode de vie américain ", " la démocratie ", etc.

Les impérialistes européens mettent en avant une idéologie chauvine prétendument opposée à l'impérialisme américain.
Le capitalisme français ou allemand serait différent de celui des USA; il serait " social ", " démocratique ", fondé sur le partenariat social, etc.

Les monopoles n'auraient pas autant de pouvoir qu'aux USA, la presse serait encore " démocratique ", l'appareil d'Etat indépendant, la culture encore vraiment humaniste et critique etc.

Cette méthode avait déjà été employée à grande échelle par les fascistes allemands.

Afin de préparer une nouvelle guerre mondiale, les publications bourgeoises diffusent également largement la théorie depuis longtemps réfutée de Malthus.

Le malthusianisme contemporain a ceci de caractéristique qu'il allie les idées réactionnaires de Malthus à la théorie raciste.

Ils réclament une réduction sensible de la population, notamment dans les pays coloniaux et dépendants dont les peuples mènent une lutte de libération contre l'impérialisme.

Les USA ont ainsi mis en avant des politiques anti-natalistes fondées sur la mise en avant de la religion et la lutte contre la libération sexuelle et la libération de la femme.

Ils mettent également en place des plans de génocide par les stérilisations massives de populations, comme à Puerto-Rico ou au Pérou.

La vie montre l'entière inconsistance des constructions théoriques de l'économie politique bourgeoise contemporaine, son rôle servile à l'égard du capital monopoliste, son incapacité de donner une analyse scientifique et une solution positive des problèmes économiques de l'époque actuelle.


La critique petite bourgeoise de l'impérialisme.

Contrairement à Sismondi qui voyait dans le système de la libre concurrence la source première de tous les maux du capitalisme, une grande partie des économistes petits-bourgeois de l'époque de l'impérialisme vantent le capitalisme de l'époque de la libre concurrence qu'ils représentent comme le meilleur régime économique de la société.

Ils dirigent le feu de leur critique, non contre le capitalisme en général, mais seulement contre la domination illimitée des monopoles capitalistes, dans l'arbitraire desquels ils voient le principal danger qui menace la " liberté économique ", l'"initiative privée ", etc.

Parfois ces critiques prennent des formes " critiques. "
Mais les mouvements " alter-mondialistes " ne remettent pas en cause le capitalisme, qu'ils entendent seulement " aménager ", " encadrer ".

Dans les ouvrages des critiques petits-bourgeois de l'impérialisme se trouve rassemblée une riche collection de faits qui dénoncent la pratique de rapine des monopoles.

" Le Monde Diplomatique " est l'exemple le plus éloquent de démocratisme petit-bourgeois, " critique " du capitalisme mais censurant et niant l'existence des mouvements de libération nationale et du communisme.

La critique petite-bourgeoise de l'impérialisme sème l'illusion que l'on pourrait éliminer les " abus " des monopoles et consolider les positions des petites et moyennes entreprises à l'aide d'une législation " anti-trust ", de toutes espèces de mesures en vue d'encourager les petites entreprises et de combattre les machinations spéculatives des requins de la finance.

Pour la critique petite-bourgeoise l'exploitation n'a lieu que dans le " tiers-monde " ou dans les MacDonalds des pays capitalistes.

Les critiques ne visent pas le capitalisme mais des symboles caricaturaux : Bill Gates, Nike, Mac Donalds, Coca Cola, etc.
Elle défend culturellement des " niches ", qui en fait sont totalement intégrées à la sphère capitaliste mais ont une apparence alternative.

Le système alternative Linux a ainsi une apparence contestataire en s'opposant au monopole de Microsoft; en pratique la Bourse de New York utilise le système Linux, organisé par IBM.

Le principe des " logiciels libres " s'oppose à la volonté des monopoles de s'approprier l'ensemble de la production intellectuelle dans l'informatique, mais en pratique il n'est que l'expression de la volonté des petites et moyennes entreprises d'" innover ", de rester " indépendantes ", " créatives " etc.

Les " alternatifs " critiquent le capitalisme pour son "immobilisme", pour brimer la capacité des individus à exprimer leur liberté, leur créativité, etc.

Ces critiques ne sont rien d'autres qu'une adaptation moderne de la critique petite-bourgeoise des monopoles.

Les économistes petits-bourgeois sèment des illusions en affirmant que, dans les conditions du capitalisme, on peut sauver de la ruine les petits producteurs de marchandises, paysans et artisans, et améliorer radicalement la situation des ouvriers eu développant les coopératives de consommateurs, d'agriculteurs, d'artisans, d'internautes, etc.

Les défenseurs du monde " libre " ne posent à aucun moment la rémunération des producteurs intellectuels, des artistes.
Ils mettent en avant la consommation, mais n'accordent aucune valeur à la question de la valeur du travail et ne proposent jamais de plan d'organisation sociale autre que des " coopératives " associés, ce qui n'est qu'un retour au capitalisme pré-monopoliste.

Ils défendent les politiques " anti-trust " des USA et de l'Europe, alors que ces politiques ne sont qu'un soutien à la concurrence et au capitalisme.

L'idéal petit-bourgeois de l'alter-mondialisme est ainsi ignoré par les masses populaires vivant chaque jour concrétement le capitalisme.

Les théories économiques des opportunistes de la seconde Internationale et de la social-démocratie.

Les tentatives sans nombre de la science bourgeoise pour "anéantir " le marxisme n'ont nullement ébranlé ses positions.
Aussi la lutte contre le marxisme s'est-elle poursuivie sous le couvert d'" améliorations " et d'" interprétations " de la théorie de Marx.

La dialectique de l'histoire est telle que la victoire du marxisme en matière de théorie oblige ses ennemis à se déguiser en marxistes.
(V. Lénine : Les destinées historiques de la doctrine de K. Marx)

Les révisionnistes ont essayé d'adapter l'économie politique prolétarienne aux intérêts de la bourgeoisie.
Les dix dernières années du dix-neuvième siècle ont vu entrer en scène le révisionnisme, dont le principal représentant a été le social-démocrate allemand Ed. Bernstein.

Les révisionnistes sont partis en guerre contre l'enseignement de Marx et d'Engels sur l'inéluctabilité du renversement révolutionnaire du capitalisme et de l'établissement de la dictature du prolétariat.

Ils ont soumis à une révision complète tous les aspects de la théorie économique révolutionnaire de Marx.
Les révisionnistes ont proposé de combiner la théorie marxiste de la valeur-travail avec la théorie de l'utilité marginale, mais, en réalité, ils lui substituaient cette dernière.

Ils ont interprété la théorie marxiste de la plus-value dans le sens d'une " condamnation morale " de l'exploitation capitaliste.

Retranchés derrière de prétendues " données nouvelles " sur le développement du capitalisme, les révisionnistes ont proclamé " périmée " la théorie marxiste de la victoire de la grande production sur la petite, de la paupérisation du prolétariat dans la société capitaliste, de l'irréductibilité et de l'aggravation des contradictions de classes, de l'inéluctabilité des crises économiques de surproduction en régime capitaliste.

Ils appelaient les ouvriers à renoncer à la lutte révolutionnaire pour la suppression du régime capitaliste et à se contenter de la lutte pour leurs intérêts économiques immédiats.

Les opportunistes de la seconde Internationale, K. Kautsky (1854-1938), R. Hilferding (1877-1941), et d'autres encore, ont adopté une forme plus subtile de falsification du marxisme.

Au début de leur activité, ils étaient des marxistes, qui collaboraient à la diffusion de la théorie marxiste.

Sous ce rapport, il faut mentionner les travaux de K. Kautsky tels que La Doctrine économique de Karl Marx, La Question agraire et plusieurs autres, ainsi que l'ouvrage d'Hilferding, Le Capital financier (1910) qui, malgré des erreurs, a joué un rôle positif déterminé dans l'étude scientifique de la phase contemporaine du développement du capitalisme.

Cependant, par la suite, K. Kautsky et R. Hilferding sont passés en fait sur les positions des adversaires du marxisme révolutionnaire, tout en continuant pendant un certain temps à faire figure d'" orthodoxes ", c'est-à-dire de disciples fidèles de Marx et d'Engels.

S'opposant en paroles - et encore de façon peu conséquente - à certaines affirmations des révisionnistes, ces opportunistes vidaient de sa substance révolutionnaire le marxisme, qu'ils essayaient de transformer en un dogme stérile.

Ils rejetaient la théorie de la dictature du prolétariat, qui constitue l'âme du marxisme, niaient la paupérisation absolue de la classe ouvrière et prétendaient que les crises finissent par disparaître en régime capitaliste.

Cachant par tous les moyens les contradictions profondes du capitalisme monopoliste, K. Kautsky traitait l'impérialisme seulement comme une forme particulière de politique, comme la tendance des pays industriels hautement évolués à se soumettre les régions agricoles.

Cette théorie semait l'illusion que la politique de conquête ne découle pas de la nature du capitalisme monopoliste.

Au cours de la première guerre mondiale, Kautsky a lancé la théorie anti-marxiste de l'ultra-impérialisme, qui prétend que l'on peut, à l'époque de l'impérialisme, par voie d'entente entre capitalistes des différents pays, créer une économie mondiale organisée et éliminer ainsi l'anarchie de la production et les guerres.

Ce qui est caractéristique de cette théorie réactionnaire, c'est la coupure entre l'économique et le politique et la méconnaissance de la loi du développement inégal des pays capitalistes à l'époque de l'impérialisme.

La théorie de l'" ultra-impérialisme " présentait l'impérialisme sous un jour favorable et désarmait la classe ouvrière au profit de la bourgeoisie, en créant l'illusion d'un développement pacifique et sans crises du capitalisme.

C'est à ce même but que devait servir la " théorie des forces productives ", théorie vulgaire que prêchait Kautsky, et suivant laquelle le socialisme serait le résultat mécanique du développement des forces productives de la société, sans lutte de classes ni révolution.

Au lendemain de la grande Révolution socialiste d'Octobre, Kautsky est entré en lutte ouverte contre la première dictature du prolétariat du monde et a appelé à l'intervention contre la République des Soviets.

Dans son ouvrage Le Capital financier, R. Hilferding voilait déjà le rôle déterminant des monopoles dans le capitalisme contemporain et l'aggravation de ses contradictions; il a méconnu les traits essentiels de l'impérialisme : le parasitisme et le pourrissement du capitalisme, le partage du monde et la lutte pour un nouveau partage.

Pendant les années de stabilisation provisoire et partielle du capitalisme qui suivirent la première guerre mondiale, Hilferding prétendit, à la suite des économistes bourgeois, que s'était ouverte l'ère du " capitalisme organisé " où, grâce à l'activité des monopoles, disparaissent la concurrence, l'anarchie de la production, les crises et où commence à dominer une organisation harmonieuse et consciente.

De là, les chefs réactionnaires de la social-démocratie ont tiré la conclusion que les trusts et les cartels " évoluent " pacifiquement vers l'économie socialiste planifiée, qu'il ne reste plus à la classe ouvrière qu'à aider les hommes des trusts et les banquiers à organiser l'économie, et qu'alors le capitalisme actuel " s'intégrera " progressivement dans le socialisme sans lutte aucune, ni révolution.

Ainsi, chez Kautsky, Hilferding et les autres théoriciens réformistes de la social-démocratie, la présentation de l'impérialisme sous un jour favorable est inséparable du thème de " l'intégration pacifique du capitalisme dans le socialisme ", qu'ils prêchent pour détourner la classe ouvrière de la lutte révolutionnaire pour le socialisme, et subordonner le mouvement ouvrier aux intérêts de la bourgeoisie impérialiste.

C'est à ce but que devait servir, en particulier, la théorie apologétique de la " démocratie économique ", diffusée par certains leaders socialistes de droite dans l'entre- deux-guerres.

Selon cette théorie, en assumant le rôle de représentants syndicaux dans les directions d'usine et dans d'autres organismes, les ouvriers prendraient part sur un pied d'égalité à la gestion des affaires et deviendraient peu à peu les maîtres de la production.

Par leur politique de trahison des intérêts de la classe ouvrière, les social-démocrates de la seconde Internationale ont frayé la route au fascisme en Allemagne et dans plusieurs autres pays.

La théorie du " socialisme coopératif ", fondée sur l'illusion que, dans le cadre de la domination du capital, la diffusion des formes coopératives conduirait au socialisme, est une variété de la théorie réformiste de l'intégration pacifique du capitalisme dans le socialisme.

En prêchant les théories apologétiques de " l'impérialisme pur", du " capitalisme organisé " ou " néo-capitalisme ", etc., les réformistes s'évertuent à escamoter les contradictions sans cesse aggravées du capitalisme monopoliste.

En niant la loi du développement inégal du capitalisme à l'époque de l'impérialisme, ils cherchent à verser dans la conscience de la classe ouvrière le poison du doute sur la possibilité de la victoire du socialisme dans un seul pays.

Après la deuxième guerre mondiale, on vit les chefs réformistes des travaillistes anglais, les chefs socialistes en France, en Italie, en Allemagne occidentale, en Autriche et en d'autres pays (L. Blum, E. Renner, etc.), se poser en défenseurs du capitalisme.

Les " socialistes " défendent les monopoles, prêchent la paix de classe entre les ouvriers et la bourgeoisie, ils soutiennent activement la politique réactionnaire de l'impérialisme à l'intérieur et sa politique agressive à l'extérieur.

Pour concilier les travailleurs avec l'impérialisme, inculquer à la classe ouvrière la foi en la possibilité de voir s'améliorer sa situation misérable tout en maintenant le régime capitaliste, les théoriciens socialistes ont inventé la théorie du "socialisme démocratique ", qui est une variété de la théorie de " l'intégration pacifique du capitalisme dans le socialisme " ou vice-versa.

Le socialisme " à la suédoise " ou la social-démocratie autrichienne ont ainsi anesthésié les luttes de classes pendant des décennies, prétextant la hausse du niveau de vie dans la période de développement de l'impérialisme.

La social-démocratie suédoise prétend qu'il n'y a plus de classes en Suède; en Autriche les classes sont affirmées comme étant alliée : l'aigle national tient un marteau et une faucille se libérant de chaînes et est coiffée d'une tour, symbole de la bourgeoisie.

Toute nationalisation est qualifiée de " progrès démocratique ", comme celles des socialistes en France après 1981; la social-démocratie déclare que l'Etat est une organisation au-dessus des classes, et que toute entreprise, propriété de cet Etat, est une entreprise " socialiste ".

Mais en réalité, la nationalisation est une mesure bourgeoise, qui ne modifie pas la nature économique des entreprises nationalisées en tant qu'entreprises capitalistes.

Les nationalisations ne visent qu'à renforcer le capitalisme; les nationalisations cèdent plus tard la place aux privatisations.

Les détenteurs des entreprises nationalisées, précédemment déficitaires, se voient accorder une large compensation et un revenu élevé garanti, tandis qu'on oblige les ouvriers occupés dans les industries nationalisées à fournir un effort encore plus intense, pour un salaire maintenu à un bas niveau.

La théorie du " socialisme démocratique " n'est qu'un paravent pour cacher l'oppression grandissante des masses laborieuses par le capitalisme monopoliste d'Etat, degré supérieur de la domination exercée par l'oligarchie financière.

Tout en prêchant la " paix sociale " dans la société capitaliste, les chefs des partis socialistes de droite aident activement la bourgeoisie à mener une grande offensive contre le niveau de vie des masses laborieuses, à réprimer le mouvement ouvrier dans les métropoles et le mouvement de libération nationale dans les colonies et les pays dépendants.

Pour ce qui est de l'interprétation et de l'appréciation de tous les principaux phénomènes économiques de l'époque actuelle, ils suivent d'ordinaire les économistes bourgeois.