Manuel
d'économie politique
maoïste
18.La nation corse
La nation corse,
colonisée par la France, a su construire une forte tradition
de résistance.
Sa situation géographique
a également contribuée à cet état
de fait.
La Corse est historiquement
une terre de migration : Libyens, Ibères ou Ligures, Grecs,
et également Phéniciens qui ont vraisemblablement
donné son nom à la Corse.
Elle est située
à 84 km de l'Italie, 14 km de la Sardaigne et 140 km de
la France.
D'abord sous l'influence
de Carthage, la Corse rentre dans l'Empire romain (263-163 avant
notre ère) ; elle devint rapidement chrétienne
(dès le 3ème siècle) et subit des incursions
de la part des Vandales et des Ostrogoths.
Elle est par la
suite soumise aux Carolingiens (6ème-9ème siècle)
et subit les raids sarrasins (9ème-11ème siècles),
bien que théoriquement elle appartienne au Pape qui l'avait
reçu en " cadeau ".
C'est durant cette
période que la culture maure influence la Corse, qui par
la suite adoptera comme drapeau la tête de Maure, symbole
de l'ennemi vaincu.
La population corse
s'est alors également déplacée dans les
montages durant cette période, rejetée par les
attaques sur le littoral ainsi que le paludisme, apporté
par les Vandales, qui restera quinze siècles.
Historiquement,
les Sarrasins furent chassés de Corse par la ville de
Pise, aidée de Gênes. La Corse passa alors sous
domination de la papauté et plus précisément
celle de l'archevêque de Pise.
La Corse, terre
du Saint-Siège, fut alors organisée militairement.
L'Eglise, qui devint
l'autorité supérieure, céda le pouvoir à
un Comte qui la délègue à des Juges.
La tradition attribue
à la papauté l'envoi du Comte Ugo Colonna et de
ses compagnons, considérés comme les ancêtres
des principales familles nobles de l'île.
Après la
bataille de la Meloria (1284), la Corse passa sous domination
génoise, pour 484 années. Gênes ne put briser
les nobles corses qu'au début du seizième siècle,
et encore cette domination sera précaire, la population
se rebellant fortement.
Culturellement l'influence
est fondamentale pour la culture corse ; la langue corse provient
ainsi en majeure partie du Génois, apparenté au
Toscan.
Au seizième
siècle Sampiero Corso mena une révolution, en s'étant
allié aux Français et aux Turcs pour chasser les
Génois. L'ensemble de la Corse fut facilement conquis,
à part Bonifacio un temps et surtout Calvi, qui continue
de résister.
Les flottes française
et turque parties, Gênes contre-attaqua avec l'aide de
l'Espagne et de la Toscane.
La population résista
par intermittence, la guerre se transformant en guerre d'usure.
Les Génois reprirent certaines places-fortes, les Français
occupant le reste de l'île.
En 1559, la France
signa un traité et rendit la Corse à Gênes.
Sampiero mena alors
la résistance contre l'occupant génois.
Il reprend la majeure
partie de l'île, les Génois conservant les villes
principales avant d'amener de nouvelles troupes et de raser les
villages sur l'île.
Mais ce n'était
pas suffisant et de nouvelles troupes furent amenées ;
Sampiero tenta de nouveau d'obtenir de l'aide de la France, puis
meurt dans une conspiration. Gênes a le contrôle
absolu de la Corse dès 1562.
Un gouverneur devint
l'autorité supérieure du " royaume de Corse
" ; les villes obtinrent différents statuts, selon
leur fidélité aux Génois.
Ceux-ci étaient
trois fois moins nombreux que les Corses, mais colonisaient lentement
le pays. De 1587 à 1638, la Corse vit un joug absolu.
Les Corses étaient
spoliés de leur terre, les échanges subissent l'hégémonie
des monopoles génois.
Ainsi, une décision
du gouverneur de récolter les impôts (décision
annulée auparavant par la république de Gênes)
mit le feu aux poudres et aboutit à des émeutes
en 1729.
Un semblant d'organisation
se développa, mais Gênes ramena de nouvelles troupes.
En 1733 quelques
concessions furent accordées, avant que la rébellion
ne reprenne.
Un baron allemand
fut même élu roi, sans arriver à rien.
La Corse était
un enjeu pour les différentes puissances et subissait
de multiples agressions, différents gouvernements, avant
d'élire en juillet 1755 Pascal Paoli comme chef de la
nation corse.
En novembre sa Constitution
était adoptée à Corte.
Elle reconnaît
le droit de vote aux femmes. Il n'arriva néanmoins pas
à prendre les places-fortes génoises.
En 1758 le drapeau corse fut adopté, une monnaie créée.
En 1768, c'est la
signature du traité de Versailles : Gênes y cédait
la Corse à la France, qui y envoya de nombreuses troupes.
L'administration
est alors despotique, l'assemblée n'a un rôle que
consultatif. Les envoyés du Roi de France décident
de tout. Mais 80 titres de noblesse furent distribués,
notamment à la famille de Napoléon Bonaparte.
Paoli quitta la Corse le 13 juillet 1769.
Ces nobles n'avaient
pas de privilèges féodaux, mais beaucoup d'avantage,
comme des concessions de terres, des places d'officiers dans
des régiments formés pour les Corses, des bourses,
etc.
Il s'agissait en
fait d'une couche parasitaire achetée par le colonisateur.
Cette couche reste essentiel pour l'impérialisme français
aujourd'hui.
En 1789 l'assemblée
nationale considéra la Corse comme une partie intégrante
de la monarchie française ; en 1790 la Corse devint un
département, avec Bastia comme chef-lieu.
Paoli revint alors
en Corse et fut élu commandant des gardes nationales corses.
Il réprima
une émeute religieuse et déplaça le chef-lieu
à Corte. S'ensuivit un affrontement entre Paoli, chef
de file des patriotes corses, et la famille Bonaparte, représentant
des jacobins.
L'Angleterre apporta
son soutien aux Corses et un royaume anglo-corse fut proclamé
à Corte en 1794. S'ensuivit un nouvel affrontement à
l'intérieur du jeune royaume, qui profita aux armées
françaises qui réoccupèrent la Corse, alors
divisée en deux départements.
En 1798 eut lieu
d'abord la " révolte de la Crocetta ", inspirée
par le Clergé, puis un soulèvement d'une coalition
de Corses exilés, de Paolistes, de Royalistes et de pro-anglais,
qui échouera également.
En 1801 Napoléon
suspendit la constitution et nomme un "administrateur général
".
La Corse redevint
un seul département, avec Ajaccio comme chef-lieu. Après
la défaite de Napoléon les Bonapartistes tentèrent
quelques soulèvements, qui échoueront eux aussi.
A partir de cette
période, la Corse est pacifiée ; la mobilisation
pour la première guerre mondiale sera même importante
et saignera le pays.
En 1927 se forme
le PCA (Parti Corse Autonomiste), ex Parti Corse d'Action.
En 1942 80.000 soldats
italiens occupent l'île qui compte 220.000 habitants ;
la Résistance se développe aisément, d'autant
que la France libre est présente à Alger et peut
fournir du matériel.
Le 8 septembre 1943
à l'annonce de la capitulation de l'Italie, c'est l'insurrection.
Ajaccio et Sartène
sont libérées, mais Bastia est occupée par
les Allemands.
Des bataillons de
choc sont envoyés depuis la France libre pour aider la
Résistance. La Corse est alors libérée.
Il faudra attendre
1975 pour que le mouvement national corse renaisse véritablement.
Le 21 août
1975, à Aléria, quelques dizaines d'hommes avec
à leur tête Edmond Simeoni, chef de file de l'ARC
(Action Régionaliste Corse), occupent la ferme d'un viticulteur
suspecté d'être mêlé à un scandale
financier.
" Il s'agit
de dévoiler le scandale des vins mettant en cause le propriétaire
de la cave et plusieurs de ses amis négociants.
Après avoir
bénéficié de prêts exorbitants, les
responsables des caves vinicoles ont mis sur pied une énorme
escroquerie de plusieurs milliards d'anciens francs, au préjudice
de petits viticulteurs. "
Douze cents gendarmes
et C.R.S., transportés par hélicoptères
et appuyés par des blindés, donnent l'assaut pour
vider la cave de ses occupants.
Après une
fusillade qui fera deux morts parmi les forces de l'ordre et
un blessé grave parmi les manifestants, les occupants
se rendent. La foule entonne l'hymne corse et veut forcer les
barrages ; de nouveaux renforts arrivent pour les contrer. Bastia
connaît alors une nuit d'affrontements.
De même, la
dissolution de l'A.R.C. cinq jours plus tard amène des
affrontements armés à Bastia encore, faisant un
mort et plusieurs blessés parmi les forces de l'ordre
colonial.
Déjà
en octobre 1973 avait été fondé le Fronte
Paisanu Corsu di Liberazione et le 22 mars 1974 Ghjustizia Paolina.
Le chemin est donc tracé pour la naissance du FLNC (Frontu
di Liberazione Naziunalista Corsu) l'année suivant Aléria.
L'historique de
la Corse proposé par le site de la " préfecture
et services de l'Etat en Corse " ne nomme d'ailleurs pas
le FLNC.
L'Etat français
ne peut accepter que le mouvement de libération nationale
soit reconnu comme tel. Il utilise comme prétexte l'existence
de structures féodales - dont il est lui-même responsable
- pour attaquer la juste lutte de la nation corse.
La première
action armée du FLNC a lieu dans la nuit du 4 au 5 mai
1976.
Des tracts sont
par la suite distribués à Corte, annonçant
que : " Une étape décisive de la lutte de
libération nationale de notre peuple a été
franchie. Les nationalistes ont décidé de s'unir
en créant le FLN, dernière étape de 10 ans
de lutte. "
Une conférence
de presse a immédiatement lieu le 5 mai, clandestinement
avec trois journalistes corses dans le couvent de Saint-Antoine
de Casabianca. Là où Pascal Paoli y proclama l'indépendance
de l'Etat corse, le 17 juillet 1755.
Le FLNC sera historiquement
incapable d'élaborer une ligne unitaire, ce qui aboutira
à de perpétuelles scissions, fusions, qui parfois
seront même réglées militairement.
L'erreur fondamentale
consiste en la ligne militariste.
Le terme de "
FLNC " ne consiste qu'en la branche armée, la branche
politique du mouvement corse prenant diverses formes, le plus
souvent celle de parti se présentant aux élections.
C'est une différence
majeure avec les mouvements de libération nationale ayant
existé et suivant le schéma expliqué par
Mao : le Parti dirige l'armée et organise le front.
Il s'ensuit une
ligne militariste très claire, tombant naturellement dans
le réformisme armé.
Représentant
qui plus est au mieux la bourgeoisie de gauche, la ligne politique
oscille entre l'affirmation de la nécessité de
l'indépendance et l'autonomie.
Le pragmatisme est
le maître mot, ce qui fait que l'Etat français,
par diverses retouches, a réussi à contenter le
" centre " du mouvement et bloquer l'émergence
d'une ligne de masse indépendantiste.
De fait, la Corse
est un pays de type semi-féodal semi-colonial. Son existence
en tant que nation est niée, son développement
économique est bloqué, ses structures bourgeoises
bureaucratiques maintenues à bout de bras par la France,
ainsi que ses structures féodales.
Le chauvinisme
anti-corse est très largement diffusé parmi les
masses en France, et la tâche internationaliste des communistes
est de combattre ce chauvinisme sans jamais transiger dans le
soutien à la lutte de libération nationale du peuple
corse. Le droit à l'autodétermination de la nation
corse est un objectif essentiel des communistes de France.
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