Manuel
d'économie politique
maoïste

21.Le travail social et le salaire dans le socialisme

Le caractère du travail en régime socialiste.

L'instauration des rapports de production socialistes modifie radicalement le caractère du travail.

La force de travail a cessé d'être une marchandise.

Les travailleurs mettent en œuvre des moyens de production qui sont leur propriété; ils travaillent pour eux-mêmes, pour leur société.

En régime socialiste, le travail est affranchi de toute exploitation.

Après des siècles de travail pour autrui, de labeur servile pour les exploiteurs, on a pour la première fois la possibilité de travailler pour soi, et de travailler en bénéficiant de toutes les conquêtes de la technique et de la culture modernes.
(V. Lénine : Comment organiser l'émulation ?)

Alors qu'en régime capitaliste le travail, qui n'est pas libre, se présente directement comme un travail privé, son caractère social ne se manifestant que sur le marché, à l'insu et en dehors des producteurs, en régime socialiste le travail a un caractère directement social et est méthodiquement organisé à l'échelle de l'Etat.

Dans le capitalisme, les prolétaires conscients de leur exploitation cherchent à juste titre à éviter le travail. Ils le comprennent comme une activité aliénante et cherchent à s'en défaire.

En régime socialiste, la situation sociale du travailleur est complètement transformée.

Le travailleur n'est plus un objet pour la machinerie ennuyeuse et destructive du travail salarié.

Dans le socialisme, le travail de chaque producteur se présente directement comme une partie de l'ensemble du travail social.

L'organisation méthodique du travail social crée également la possibilité, inconnue en régime capitaliste, d'utiliser intégralement les ressources en main-d'œuvre à l'échelle de toute la société.

Le socialisme permet de réduire le temps de travail grâce au partage général des tâches ; il n'y a pas de chômage.

Contrairement à ce qui se passe en régime capitaliste, où la situation d'un homme est déterminée par son origine sociale et sa richesse, la situation de chacun en société socialiste dépend uniquement de son travail et de ses aptitudes.

De la même manière que des activités inutiles disparaissent dans le socialisme (experts en commerce, en marketing, etc.), de nouvelles activités apparaissent ou sont reconnues comme socialement utile contrairement à dans le régime capitaliste, principalement dans le domaine de la culture.

Avec le socialisme, les artistes sont reconnus comme des travailleurs à part entière.

De la même manière, c'est l'ensemble du travail qui change de caractère.

Dans le socialisme le travail vise à développer les facultés humaines et à apporter quelque chose à la société.

Il n'est plus déterminé par la soif de profit de la bourgeoisie.

L'affranchissement de toute exploitation et le changement survenu dans la situation du travailleur au sein de la société modifient du tout au tout la façon de considérer le travail et engendrent une attitude nouvelle envers le travail.

Dans le socialisme le travail prend un aspect créateur.

Néanmoins, le travail n'est pas encore devenu en régime socialiste le premier besoin vital des membres de la société, l'habitude de consacrer ses efforts au bien commun.

Dans le communisme le travail, dans sa nouvelle forme, est un jeu, quelque chose allant de soi pour une humanité libérée.

Au stade du socialisme, les survivances du capitalisme n'ont pas entièrement disparu dans la conscience des hommes.

Dans le socialisme, étape intermédiaire entre le capitalisme et le communisme, une large part des masses cherchent encore à donner le minimum à la société socialiste et à en obtenir le maximum.

En régime socialiste, il subsiste d'importants vestiges de l'ancienne division du travail : les différences essentielles entre le travail manuel et le travail intellectuel, entre le travail de l'ouvrier et le travail du paysan, les différences entre le travail simple et le travail qualifié, le travail pénible et le travail facile.

Le communisme est une société où ces contradictions ont été abolies.

Ces vestiges ne disparaissent qu'au fur et à mesure que se développent les forces productives du socialisme et qu'est créée la base matérielle de production du communisme, avec à chaque fois des révolutions culturelles.

Donc, en régime socialiste, le principe de l'intérêt matériel du producteur au résultat de son travail est le stimulant du développement de la production.

Cet intérêt s'explique par le fait que la situation du travailleur dans la société dépend de la quantité et de la qualité de son travail.

L'utilisation de l'intérêt matériel de chaque travailleur aux résultats de son travail est l'une des méthodes fondamentales de la gestion socialiste de l'économie.

Lénine écrivait :

II faut édifier chaque branche importante de l'économie nationale sur l'intérêt personnel.
(V. Lénine : La nouvelle politique économique et les tâches de l'éducation politique)

Le changement radical du caractère du travail en régime socialiste crée les conditions nécessaires à un essor systématique et rapide de sa productivité, à la création d'une productivité supérieure à celle qui existe en régime capitaliste.

La nouvelle notion de travail.

Le socialisme et le travail, dans sa nouvelle forme, sont inséparables.

Le socialisme met fin à la contradiction flagrante du régime capitaliste, dans lequel les classes exploiteuses de la société mènent une existence parasitaire alors que les masses ouvrières sont condamnées à un travail épuisant qui n'est coupé que par des périodes d'inaction forcée : le chômage.

En abolissant la propriété capitaliste des moyens de production, le socialisme a fait disparaître les conditions qui permettaient à une classe, celle des détenteurs des moyens de production, de vivre du travail d'une autre classe, celle des hommes privés des moyens de production.

La propriété socialiste des moyens de production fait à tous également un devoir de prendre part au travail social, le travail personnel étant en régime socialiste l'unique source des moyens d'existence.

Pour la première fois dans l'histoire, en régime socialiste, tous les citoyens aptes au travail ont le même droit au travail.

Ce droit est en même temps un devoir ; le socialisme est la dictature du prolétariat, il n'y a plus d'exploitation de l'Homme par l'Homme.

Le droit au travail est le droit pour chaque membre de la société apte au travail de recevoir un emploi garanti, avec rémunération de son travail selon sa quantité et sa qualité.

La qualité du travail n'est pas évaluée de la même manière que dans le capitalisme : le socialisme considère comme positivement ce qui contribue au bien-être des masses populaires.

Un nombre sans fin d'activités considérées comme inutiles et improductives par le capitalisme sont soutenues par le socialisme (développement dans le domaine des arts, des sciences, etc.).

De la même manière, la quantité du travail n'est pas évaluée de la même manière.

Le capitalisme n'évaluait la quantité de travail que par rapport à la possibilité d'une plus-value.

Le socialisme au contraire part des individus ; la quantité de travail est évaluée selon les capacités de l'individu.

Le socialisme ne rejette ainsi pas les handicapés dans un ghetto ; il leur permet au contraire de développer leurs facultés et juge leur quantité de travail dans cette perspective.

Dans le socialisme, le travail de l'individu devient son travail, associé à celui des autres individus.

Le chômage est liquidé une fois pour toutes; les prolétaires ne sont plus menacés d'être à tout moment jetés à la rue et privés de moyens d'existence.

La suppression du chômage et la certitude du lendemain, la disparition de la misère forment une première immense conquête de la construction du socialisme.

Par la planification, le socialisme permet de produire ainsi différemment, mieux, et au service des masses populaires.

Contrairement au capitalisme, qui fait de l'ouvrier un appendice de la machine et du travailleur en général l'instrument absolu de l'entreprise et étouffe ses dons, le socialisme crée les conditions indispensables à son développement et à la libre manifestation de ses aptitudes.

Alors que dans le capitalisme le travailleur n'a pas les moyens d'évoluer, de changer d'activité, le socialisme fournit le cadre pour donner de nouveaux horizons aux travailleurs et leur permettre d'assumer leurs choix à tous les niveaux : socialement, psychologiquement, matériellement.

Dans le socialisme l'ouvrier peut devenir peintre, le maçon peut devenir informaticien, l'informaticien peut devenir bibliothécaire.

La société admet, reconnaît et encourage le développement des individus.

Elle reconnaît la richesse individuelle et la soutient.
Le socialisme est ainsi caractérisé par une élévation permanente du niveau culturel et technique des masses.

Cette élévation permet une mise en place toujours meilleure et toujours plus démocratique de la planification. Dans le socialisme les masses deviennent chaque jour plus maîtres de leur destin.

La répartition selon le travail, loi économique du socialisme.

Le mode de production socialiste détermine la forme de répartition qui lui correspond.

Engels écrivait que, dans la société socialiste,

la répartition, pour autant qu'elle sera dominée par des préoccupations purement économiques, se réglera par l'intérêt de la production, et que la production sera le plus favorisée par un mode de répartition permettant à tous les membres de la société de développer, de maintenir et d'exercer leurs facultés avec le maximum d'universalité.
(F. Engels : Anti-Dühring)

Une fois le salaire affranchi des entraves capitalistes,
il devient possible de lui donner l'extension de la consommation permise d'un côté par la force productive de la société... et exigée d'un autre côté par le plein développement de l'individualité...
(K. Marx : Le Capital, livre III)

En régime socialiste, la répartition selon le travail répond à cette exigence.

Dans la première phase du communisme, les forces productives n'ont pas encore atteint ce haut degré de développement qui assure l'abondance des produits, indispensable pour pouvoir effectuer la répartition selon les besoins.

En régime socialiste, ainsi qu'il a été dit, le travail n'est pas encore devenu le premier besoin vital pour toute la masse des travailleurs et un stimulant matériel des producteurs est donc nécessaire.

Le socialisme se distingue ici fondamentalement du communisme.

Dans la société socialiste, il subsiste des différences entre le travail simple et le travail qualifié, entre les travaux plus ou moins pénibles, entre le travail des gens consciencieux et de ceux qui prennent leurs obligations à la légère.

Par conséquent, la répartition des objets de consommation doit tenir compte des différences entre la quantité et la qualité du travail que fournit chacun dans la production sociale.

D'où la nécessité de la part de la société et de l'Etat qu'ils exercent le contrôle le plus rigoureux sur la mesure du travail et la mesure de la consommation.
(V. Lénine : L'Etat et la révolution)

Le socialisme, enseigne Lénine, suppose que
l'avant-garde organisée, la partie la plus avancée des travailleurs, procède à l'inventaire, au contrôle et à la surveillance les plus stricts du travail social, que la mesure du travail et sa rémunération soient nettement définies.
(V. Lénine : Rapport sur les samedis communistes à la conférence de l'organisation de la ville de Moscou du P.C. (b) de Russie)

La société socialiste doit contrôler la participation de ses membres au travail, tenir compte de leur plus ou moins grande qualification, déterminer les normes du travail et le taux de sa rétribution afin que celui qui travaille plus et mieux reçoive une part plus grande du produit du travail social.

Le seul mode possible et nécessaire de répartition des biens matériels en régime socialiste est donc la répartition selon le travail.

Dans le socialisme s'applique la loi de la répartition selon le travail, en vertu de laquelle la part du produit social qui revient à chacun est déterminée par la quantité et la qualité de son travail.

En établissant un rapport direct entre la part du produit du travail social qui revient à chaque travailleur et le degré de sa participation à la production sociale, la répartition selon le travail établit un lien entre l'intérêt personnel du travailleur et les intérêts généraux de l'Etat.

Elle fait une nécessité de tenir rigoureusement compte de la différence entre le travail qualifié et le travail non qualifié. Une rémunération supérieure récompense le travail qualifié.
Dans le communisme les individus auront la capacité individuelle de changer aisément de travail.

Cela n'est pas encore le cas dans le socialisme, aussi faut-il montrer la nécessité d'arriver à cette possibilité pour chaque individu.

Le socialisme empêche les individus de s'enfermer dans une seule activité toute leur vie.

Cette lutte est difficile, car le socialisme a besoin de cadres ayant l'expérience de leur métier pour que la production socialiste progresse.

Le fait que le travailleur soit payé en fonction de son travail l'aide ainsi à saisir la nécessité objective de progresser.

La nécessité subjective de progresser est soulignée par la culture mise en avant par les communistes.

Ainsi, la répartition selon le travail est donc une nécessité objective, une loi économique du socialisme.

La loi économique de la répartition selon le travail exige que les produits soient répartis en fonction directe de la quantité et de la qualité du travail de chacun, qu'il soit attribué un salaire égal pour un travail égal, indépendamment du sexe, de l'âge et de la nationalité des citoyens de la société socialiste.

La rémunération du travail doit s'effectuer conformément à cette loi, sans quoi l'exploitation de l'Homme par l'Homme ne saurait être aboli.

Le Parti communiste et l'Etat socialiste appliquent la loi économique de la répartition selon le travail en soutenant une lutte énergique contre l'égalitarisme petit-bourgeois, c'est-à-dire contre le nivellement des salaires indépendamment de la quantité et de la qualité du travail fourni, de la valeur professionnelle du travailleur, de la productivité du travail.

Dans le socialisme, un travail plus pénible est mieux rémunéré qu'un travail moins pénible.

L'égalitarisme traduit une conception petite-bourgeoise du socialisme qui serait alors une uniformisation universelle, qu'il s'agisse de la consommation, des conditions de vie, des goûts ou des besoins.

Il cause un grave préjudice à la production, entraîne l'instabilité de la main-d'œuvre, la baisse de la productivité du travail, la non-exécution des plans.

Dénonçant cette interprétation petite-bourgeoise du socialisme, Lénine a défini la conception marxiste de l'égalité.

Par égalité, le marxisme entend non pas l'égalité des aptitudes physiques et intellectuelles, mais l'égalité sociale, économique; c'est-à-dire l'abolition, égale pour tous, de la propriété privée des moyens de production et de l'exploitation, la possibilité, égale pour tous, de travailler en utilisant les moyens de production socialisés, le devoir, égal pour tous, de travailler, le principe, applicable à tous, de la rémunération selon le travail.