Manuel
d'économie politique
maoïste

23.Le passage du socialisme au communisme

Les deux phases de la société communiste.

La société, en se développant, passe à des formes d'organisation de plus en plus élevées : toute l'histoire de l'humanité est là pour le confirmer.

Le degré le plus élevé, le plus progressiste, du développement social est la société communiste.

La société communiste passe par deux phases de développement : une phase inférieure, appelée socialisme, et une phase supérieure, appelée communisme.

Au premier stade de son évolution, la société communiste ne peut pas encore être affranchie des pratiques et des survivances du capitalisme, dont elle est issue.

Seul le développement ultérieur du socialisme sur sa base propre, qu'il a lui-même créée, conduit à la seconde phase, la phase supérieure de la société communiste.

Le socialisme et le communisme représentent donc deux degrés différents de maturité d'une formation nouvelle, la formation sociale communiste.

Etant qualitativement différents, ils présupposent un saut qualitatif, sur les plans idéologique et culturel.

Les deux phases du communisme possèdent la même base économique : la propriété sociale des moyens de production, qui détermine le développement harmonieux de l'économie nationale.

Mais seule le communisme est caractérisé par l'absence de classes exploiteuses et l'absence d'exploitation de l'homme par l'homme, d'oppression raciale et nationale.
Dans le socialisme, la bourgeoisie existe encore au moins idéologiquement.

Elle représente l'ancien luttant contre le nouveau.

Pour le socialisme comme pour le communisme, le but de la production est de satisfaire au maximum les besoins matériels et culturels sans cesse croissants de l'ensemble de la société, et le moyen d'y parvenir est d'accroître et de perfectionner sans cesse la production sur la base d'une technique supérieure.

Avec le socialisme, les forces productives ont déjà atteint un niveau élevé : la production socialiste se développe régulièrement à des rythmes rapides; la productivité du travail social croît également.

Mais les forces productives de la société et la productivité du travail des producteurs sont encore insuffisantes pour créer l'abondance des biens matériels.

Le communisme suppose un niveau de développement des forces productives de la société et de la productivité du travail social capable d'assurer cette abondance.

En régime communiste, la propriété communiste unique des moyens de production règne sans partage.

En régime socialiste la production et la circulation marchandes continuent d'exister; en régime communiste, où régnera la propriété communiste unique, une forme unique de production communiste, il n'y aura plus ni production marchande, ni circulation marchande; la monnaie ne sera donc plus nécessaire.

En régime socialiste, l'opposition a disparu entre la ville et la campagne, entre le travail intellectuel et le travail manuel; mais il subsiste entre eux des différences essentielles.

Avec le communisme, il n'y aura plus de différences essentielles entre la ville et la campagne, entre le travail intellectuel et le travail manuel; il ne subsistera entre eux que des différences non essentielles.

La société socialiste comprend deux classes : la classe ouvrière et la paysannerie, classes amies, mais qui se différencient par leur situation dans la production sociale; il existe à côté d'elles une autre couche sociale, celle des intellectuels socialistes.

Lorsque la différence entre les deux formes de propriété socialiste, ainsi que les différences essentielles entre la ville et la campagne, entre le travail manuel et le travail intellectuel auront disparu, les démarcations s'effaceront définitivement entre ouvriers, paysans et intellectuels; tous deviendront des travailleurs de la société communiste.

Le communisme est une société sans classes.

La croissance des forces productives de la société socialiste entraînera nécessairement des changements dans les rapports de production.

A la phase supérieure du communisme, ceux-ci auront pour base une forme unique de propriété collective : la propriété communiste du peuple tout entier des moyens de production.

C'est sur la base de la propriété communiste unique que disparaîtra la différence essentielle entre la ville et la campagne.

Au stade du socialisme, la différence essentielle entre la ville et la campagne, entre l'industrie et l'agriculture, est la suivante : l'industrie est propriété d'Etat (du peuple tout entier), alors que dans l'agriculture existe la propriété de coopérative, propriété de groupe.

Avec le développement économique, culturel et idéologique, le passage au communisme supprimera la propriété de groupe.

Alors :

Le temps de travail reste toujours, même quand la valeur d'échange a disparu, l'essence créatrice de la richesse et la mesure des frais nécessités par sa production.
(K. Marx : Le Capital, t.III)

Après la disparition, en régime communiste, de la différence essentielle entre la ville et la campagne, il subsistera entre elles des différences non essentielles résultant des particularités de l'industrie et de l'agriculture, tels le caractère saisonnier des travaux agricoles, lié au processus naturel de croissance et de maturation des plantes, le temps d'emploi limité de certaines machines agricoles, etc.

Les membres de la société communiste posséderont la formation technique nécessaire pour employer les moyens techniques perfectionnés et diriger les opérations complexes de la production, et ils pourront non seulement produire des biens matériels, mais encore s'adonner aux sciences et aux arts.

La disparition de la différence essentielle entre le travail intellectuel et le travail manuel ne signifie pas que toute différence disparaîtra entre ces formes de travail.

Il subsistera certaines distinctions, non essentielles il est vrai, liées aux particularités des divers domaines de la production, de la science et de la culture.

L'éducation communiste, dont le but fondamental est de former un homme nouveau pour qui le travail deviendra le premier besoin vital, acquiert dans ces conditions une importance énorme.

Définissant le travail en régime communiste, Lénine écrivait :

Le travail communiste, au sens le plus étroit, le plus strict du mot, c'est le travail fourni gratuitement au profit de la société; un travail qui n'est accompli ni comme une prestation déterminée, ni pour avoir droit à certains produits, ni selon des normes légales fixées d'avance; c'est un travail volontaire fourni en dehors de toute norme, sans attendre une rémunération, sans convenir d'une récompense, un travail conditionné par l'habitude de travailler pour la collectivité et par le sentiment (devenu habitude) de la nécessité de travailler au profit de la communauté - un travail répondant au besoin d'un organisme sain.
(V. Lénine : De la destruction d'un ordre séculaire et de la création d'un ordre nouveau)

Le communisme assure à tous les membres de la société l'épanouissement de leurs facultés physiques et intellectuelles.

Tous seront cultivés, d'une instruction générale étendue dans tous les domaines, et pourront se choisir librement une profession.

Le communisme suppose un développement encore sans précédent de la science, des arts et de la culture.

Un niveau élevé de développement des forces productives et de la productivité du travail social procurera l'abondance de tous les biens matériels et culturels; c'est alors que l'on pourra passer du principe socialiste de répartition au principe communiste :

Dans une phase supérieure de la société communiste, écrivait Marx, quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel;
quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital;
quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi, et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement... la société pourra écrire sur ses drapeaux : " De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ".

(K. Marx et F. Engels : Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt)

Telles sont les principales différences entre le socialisme et le communisme.

Développant et enrichissant la théorie marxiste du communisme, Lénine a formulé les principes fondamentaux concernant les voies à suivre pour bâtir la société communiste.

Justifiant le programme du Parti communiste, il déclarait :

Quand nous entreprenons des transformations socialistes, nous devons prendre nettement conscience du but vers lequel tendent en définitive ces transformations, à savoir la création d'une société communiste qui ne se contentera pas d'exproprier les fabriques, les usines, la terre et les moyens de production, qui ne se contentera pas de procéder à un inventaire et à un contrôle sévères de la production et de la répartition, mais qui ira plus loin afin de réaliser le principe : " De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. "
(V. Lénine : Rapport au VIIème congrès du P.C.(b) de Russie sur la révision du programme et le changement de dénomination du Parti)

Dans un Etat socialiste, le peuple va au communisme sous la direction du Parti communiste, armé de la théorie marxiste - léniniste - maoïste de la connaissance des lois économiques du socialisme, d'un programme scientifiquement fondé d'édification de la société communiste.

A propos de l'élévation du niveau idéologique des masses, Mao Zedong enseigne que :

Pour établir une liaison avec les masses, nous devons nous conformer à leurs besoins, à leurs désirs.

Dans tout travail pour les masses, nous devons partir de leurs besoins, et non de nos propres désirs, si louables soient-ils.

Il arrive souvent que les masses aient objectivement besoin de telles ou telles transformations, mais que subjectivement elles ne soient pas conscientes de ce besoin, qu'elles n'aient ni la volonté ni le désir de les réaliser; dans ce cas, nous devons attendre avec patience; c'est seulement lorsque, à la suite de notre travail, les masses seront, dans leur majorité, conscientes de la nécessité de ces transformations, lorsqu'elles auront la volonté et le désir de les faire aboutir qu'on pourra les réaliser; sinon l'on risque de se couper des masses.

Tout travail exigeant la participation des masses deviendra quelque chose de tout à fait formel et aboutira finalement à l'échec si les masses n'ont pas pris conscience de la nécessité de ce travail, n'ont pas manifesté le désir d'y participer volontairement.

Deux principes doivent nous guider : premièrement, les besoins réels des masses et non les besoins nés de notre imagination; deuxièmement, le désir librement exprimé par les masses, les résolutions qu'elles ont prises elles-mêmes et non celles que nous prenons à leur place.
(Mao Zedong : Le Front uni dans le travail culturel)

Le communisme ne triomphera que lorsque la construction du socialisme sera achevée dans le monde entier.

Ou bien il y aura le communisme pour tout le monde, ou bien il n'y aura le communisme pour personne.
(Mao Zedong : Oeuvres choisies)

Même si une société arrive à se développer jusqu'à s'approcher du communisme, elle ne peut se libérer totalement tant qu'existe l'influence de la bourgeoisie dans d'autres pays.

L'Etat existera ainsi encore, or l'Etat ne peut subsister à l'époque du communisme.

Mao Zedong a souligné ce fait :

" Ne voulez-vous donc pas supprimer le pouvoir d'Etat ? "

Si, nous le voulons, mais pas pour le moment ; nous ne pouvons pas encore le faire.

Pourquoi?

Parce que l'impérialisme existe toujours, parce que la réaction intérieure existe toujours, parce que les classes existent toujours dans notre pays.
(Mao Zedong : De la dictature démocratique populaire)

L'Etat socialiste est nécessaire tant que subsistera le danger d'une agression des Etats impérialistes, même si l'influence de la bourgeoisie dans un pays est réduit presque à néant.

Il ne faut pas s'imaginer que le passage au communisme peut se faire du jour au lendemain.

Il s'accomplit graduellement, par le développement harmonieux des assises et des principes du socialisme.

Achever l'édification de la société socialiste, c'est réaliser en même temps le passage graduel du socialisme au communisme.

Le passage graduel du socialisme au communisme va de pair avec des bonds révolutionnaires dans le développement de la technique, de l'économie, de la science et de la culture.

Le passage des deux formes de la propriété sociale à la propriété communiste unique des moyens de production, le passage du principe socialiste de la répartition selon le travail au principe communiste de la répartition selon les besoins marqueront de profonds changements qualitatifs dans l'économie et dans toute la vie de la société.

Le communisme ne se distingue pas du socialisme uniquement sur le plan quantitatif.

Le passage du socialisme au communisme est un saut qualitatif.

Les conditions matérielles et culturelles du communisme apparaissent à mesure que se développent les forces productives de la société socialiste, que sa richesse et sa culture augmentent, que la propriété sociale des moyens de production s'affermit et s'étend, que progresse l'éducation des masses dans l'esprit du communisme.

Mais le passage au communisme nécessite une conscience nouvelle par rapport au socialisme.

Il faut donc bien distinguer entre le premier degré de communisme qu'est le socialisme et le communisme en tant que tel.

Lénine a pu affirmer que

Le communisme, c'est le pouvoir des Soviets plus l'électrification de tout le pays.
(V. Lénine : Rapport d'activité du Conseil des commissaires du peuple au VIIIème congrès des soviets de la R.F.S.F.R.)

Cette thèse n'est valable que pour le socialisme, dans un pays où les forces productives sont à un faible niveau.

La principale erreur faite lors de la construction du socialisme en U.R.S.S. a été de ne pas voir le saut qualitatif entre socialisme et communisme, de ne pas avoir vu l'influence persistante de la bourgeoisie malgré la liquidation de celle-ci des rapports économiques.

Cette déviation n'a pu être comprise et dépassée que grâce aux apports de Mao Zedong.

Le marxisme-léninisme-maoïsme rejette ainsi la théorie des "forces productives ", ne voyant entre socialisme et communisme qu'une différence quantitative.

Il n'y a pas le moindre doute en ce qui concerne l'unité de la politique et de l'économie, et de l'unité de la politique et de la technique...

Ceux qui ne prêtent pas attention à l'idéologie et à la politique et qui s'occupent uniquement toute la journée de leur travail deviendront des économistes ou des techniciens qui auront perdu le sens de l'orientation.

C'est très dangereux.

Le travail idéologique et le travail politique sont la garantie de l'accomplissement du travail économique et technique.

L'idéologie et la politique jouent le rôle de clef suprême.
(Mao Zedong, cité par Stuart Schram, The China Quarterly n°46)

Le communisme suppose un niveau de conscience élevé chez les membres de la société.

Les germes d'une attitude nouvelle, communiste, envers le travail et la propriété sociale, dans les rapports entre les hommes, existent déjà dans la société socialiste.

Avec le temps, appliquer les principes communistes deviendra chose toute naturelle et ordinaire pour des hommes ayant atteint un haut degré d'instruction et de culture.

Dans la société socialiste, les survivances du capitalisme sont encore loin d'avoir disparu de la conscience des hommes, du fait que la conscience retarde sur l'être, et que les forces réactionnaires du monde bourgeois s'attachent par tous les moyens à les entretenir et à les ranimer.

D'où la nécessité de triompher de ces survivances, d'élever très haut le niveau de culture et de conscience communiste des masses populaires.

La lutte contre les vestiges de l'ancienne attitude envers le travail et la propriété sociale, contre le bureaucratisme, contre les survivances du passé dans la vie et la morale, contre les préjugés religieux, a une importance considérable durant toute la période du passage du socialisme au communisme.

Pour triompher de toutes ces survivances du capitalisme, il est indispensable d'effectuer parmi les masses un travail politique et éducatif persévérant et opiniâtre, d'éduquer le peuple tout entier dans l'esprit du communisme.

Le passage au principe communiste : " De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins "

Les conditions nécessaires pour passer au principe communiste : " De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ", se réalisent graduellement, à mesure que la production augmente, entraînant l'abondance des objets de consommation; à mesure que s'instaure la propriété communiste unique et que les membres de la société acquièrent le niveau de culture et de conscience qui correspond au communisme.

Ce principe signifie que, dans la société communiste, chacun travaillera selon ses capacités et recevra des biens de consommation selon ses besoins, qui seront ceux d'un homme évolué et cultivé.

Les conditions du passage à la phase supérieure du communisme sont le fruit de l'utilisation la plus complète des lois économiques du socialisme par l'Etat socialiste.

Conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme, la production socialiste et le bien-être de la population augmentent à des rythmes toujours plus rapides.

La loi du développement harmonieux de l'économie nationale est de plus en plus utilisée et les méthodes de planification socialistes se perfectionnent.

Les plans de l'économie nationale, établis pour une longue période, déterminent concrètement la voie à suivre pour créer la base matérielle de production du communisme.

Mais ces plans n'existent qu'en relation avec la conscience des masses.

Le communisme ne peut pas être compris comme une " fin ".

L'univers aussi se transforme; il n'est pas éternel.

Le capitalisme mène au socialisme, le socialisme mène au communisme.

Le communisme aussi connaîtra des transformations; il aura un commencement et une fin.

Il n'existe rien dans le monde qui ne passe par le processus naissance - développement - disparition.

Les singes se sont transformés en Hommes et les Hommes sont apparus.

A la fin, l'humanité entière cessera d'exister.

Elle pourra se transformer en quelque chose d'autre.

A ce moment-là, la terre elle-même disparaîtra.

Elle s'éteindra et le soleil se refroidira.

La température du soleil est déjà beaucoup plus basse que jadis...

Toute chose doit avoir un commencement et une fin.

Seules deux choses sont infinies : le temps et l'espace.
(Mao Zedong : textes choisis dans Vive la pensée Mao Zedong)