Sante Notarnicola
Lettre au Manifesto
Pénitencier de Noto, le 5 février 1972.
Chers camarades,
Voilà deux ans qu'a démarré dans les prisons un mouvement
qui a donné aux luttes habituelles une physionomie politique.
On ne proteste plus pour les spaghettis comme cela se produisait
encore il y a peu, actuellement les revendications que nous développons
au cours des luttes (certaines ont déjà été admises) ont pour titre : réforme
des codes et des règlements pénitentiaires, droit de recevoir la presse de gauche, droit d'assemblée, mise sur pied de commissions représentatives pour discuter avec les directions, luttes sur les lieux de travail par le moyen de la grève ou d'autres modes d'action afin d'obtenir des salaires décents, lutte antifascistes, etc.
Parallèlement, nous faisons un travail d'autoformation ; la discussion porte sur les thèmes suivants : qui sommes-nous ? que représentons-nous ? Quelle est la cause de notre situation ?
Quelles ont été nos erreurs ? et celles des autres ? A qui profite le fait que nous restions des délinquants ?
Quels sont nos rapports avec la classe ouvrière ? Quel tort lui faisons-nous ?
Une fois trouvées les réponses à ces questions, nous nous traçons un plan de travail et d'étude afin de développer nos revendications et nos luttes.
Il n'y aurait pas d'avenir pour ce mouvement qui croît de jour en jour sans l'appui externe de camarades capables d'établir les liaisons, d'envoyer livres et journaux, de nous faire parvenir en permanence des informations sur la réalité politique et d'informer d'autre part l'extérieur sur notre action.
Notre lutte n'a pas de sens si elle n'est pas profondément soudée au mouvement de classe.
Nous ne devons malheureusement pas seulement lutter contre l'appareil répressif, contre le système capitaliste qui tend à nous séparer du reste de la classe, contre les syndicats qui s'opposent par exemple à la mise aux normes du travail dans les prisons, contre la gauche officielle qui déforme nos luttes, mais aussi contre de nombreux camarades qui tombent dans les pièges de la bourgeoisie en nous réprouvant et en refusant de comprendre que, nous aussi, nous sommes des prolétaires.
Nous faisons partie intégrante de l'armée de réserve qui prend des proportions gigantesques en Italie, car elle est utilisée par toute l'Europe, et de ce point de vue nous avons tous les droits de participer aux luttes.
Dans notre mouvement, les plus actifs sont dans leur immense majorité coupables de délits contre le patrimoine et entre nous, nous les appelons les « réquisitionneurs ».
Par contre, il n'y a pas de place dans nos rangs pour les proxénètes et les truands organisés qui appartiennent au milieu et qui sont exclus non pas pour des raisons morales (parlons-end e la morale !), mais parce qu'ils n'offrent pas de garanties politiques sérieuses, ainsi que nous avons souvent pu le constater dans la pratique.
De plus, nous sommes nombreux à avoir un passé d'ouvrier, quelques-uns ont même un passé politique et nous appartenons tous à des familles prolétaires, ouvrières ou paysannes.
Il n'est donc pas si simple, chers camarades de Trévise ou de Milan,
de tracer une ligne de démarcation.
Notre lutte continue et le nombre des camarades de l'extérieur qui nous appuient et nous font confiance augmente aussi malgré tout.
D'autre part le mouvement des prisons se développe dans le monde entier :
nous avons entendu parler de ce qui s'est passé en France,
nous avons entendu parler des Etats-Unis et des Black Panthers.
En avant donc !
Vive la lutte prolétarienne partout où elle se développe, vive Marx, vive Lénine, vive Mao Zedong !
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