Cellules Communistes
Combattantes
La
flèche et la cible
3. Comment
caractérisez-vous la crise actuelle? Quels en sont selon
vous les débouchés?
Nous définissons
la crise actuelle comme crise générale du mode
de production capitaliste, cest-à-dire non comme
crise cyclique de surproduction (ainsi que le capitalisme en
a toujours connu du fait de son caractère anarchique,
et quil finit toujours par dépasser), mais comme
crise embrassant tous les domaines du capitalisme, à commencer
par le capital lui-même. Cette crise endémique exprime
larrivée du mode de production capitaliste à
ses ultimes limites.
La distinction entre
crise générale du capitalisme et crise cyclique
de surproduction na pas toujours été correctement
faite. Notamment parce que la succession rapide de crises de
surproduction est une des manifestations de la crise générale
et quainsi certains de leurs caractères se trouvent
confondus.
Les crises de surproduction
de marchandises sont cycliques, elles constituent une étape
des cycles capitalistes.
En période
dexpansion les capitalistes utilisent à plein leurs
capacités de production pour satisfaire la demande et
ils investissent leurs profits dans de nouvelles forces productives
immédiatement mises à contribution.
Survient alors un
moment où lampleur des investissements productifs
engorge le marché de marchandises - invendables et invendues
- et où par conséquent les forces productives doivent
tourner en dessous de leurs capacités, les capitalistes
moins concurrentiels font faillite, les licenciements se multiplient,
etc.
La crise nourrit
alors la crise de la même façon que lexpansion
nourrissait lexpansion.
Lorsque la demande
est forte, les capitalistes investissent dans le domaine productif
et cela augmente la demande de marchandises telles que machines,
énergie, matières premières, etc. et aussi
force de travail qui, rétribuée en salaire, entraîne
une augmentation de la demande de biens de consommation.
En période
de crise de surproduction le même mécanisme opère
inversément: confrontés à une baisse de
la demande, les capitalistes cessent dinvestir dans le
domaine productif et cela diminue la demande déquipements,
de matières premières, etc., mais aussi de force
de travail, ce qui se traduit en une baisse de la demande solvable
de biens de consommation.
Parvenue à
son point extrême qui correspond à la destruction
de la part nécessaire de forces productives (fermetures
dusines, licenciements, etc.), la tendance sinverse
à nouveau et le capitalisme renoue avec la croissance.
Les crises de 1973-75
et de 1980-82 étaient des crises cycliques de surproduction.
Elles exprimaient
lincapacité aiguê et momentanée des
capitalistes de valoriser leurs capitaux (impossibilité
de convertir de façon profitable le capital en forces
productives compte tenu de la faiblesse de la demande et donc
chute des investissements) et se sont traduites par la destruction
de forces productives existantes (licenciements massifs, fermetures
dusines).
La crise générale
du mode de production capitaliste se manifeste également
par des facteurs tels que lincapacité des capitalistes
de revaloriser leurs capitaux comme auparavant, la sous-exploitation
des capacités productives, le chômage massif, etc.
Mais dans le cadre
de cette crise, ils revêtent un caractère endémique,
structurel. Les crises de sur­production de 1973-75 et de
1980-82 nous ont valu de brusques et massives vagues de licenciements
(partiellement résorbées au cours des phases dexpansion
qui ont suivi), la crise générale du capitalisme
nous vaut un chômage endémique de plus de 10% et
insensible aux phases de reprise.
Notons à
cet égard quà lépoque où
Marx étudiait le capitalisme, les phases de reprise, dexpansion,
signifiaient parfois jusquau plein emploi (et cela malgré
les efforts des capitalistes pour maintenir une «armée
de réserve» non employée mais disponible,
précisément afin déviter un plein
emploi offrant une position de force aux prolétaires dans
la négociation de la vente de leur force de travail très
demandée).
La crise générale
du mode de production capitaliste envahit tous les domaines de
la société capitaliste.
Elle prend racine
dans la surproduction de capital dans la mesure où la
chute tendancielle du taux de profit (résultant de la
modification de la composition du capital dans le sens dune
baisse du capital variable et dune hausse du capital constant
-comme nous lexposons de façon sommaire dans notre
réponse à la première question - et de limpossibilité
sociale et physique de dépasser un certain seuil dexploitation
des prolétaires) condamne des masses de capitaux à
limpossibilité de se revaloriser comme avant, voire
à celle de se revaloriser tout court.
Ces masses de capitaux
servent alors la spéculation, déréglant
ainsi le système financier et monétaire international.
Elles sont exploitées
lors de batailles entre capitalistes pour la maîtrise de
secteurs particuliers (incapables de revaloriser leurs capitaux
dans leurs propres secteurs dorigine, les capitalistes
partent à lassaut de secteurs voisins, une opération
quils baptisent du nom innocent de «diversification»
.
Elles sont responsables
dune inflation dautant plus dommageable quelle
ne relance en rien lactivité économi­que
(traditionnellement linflation est le signe dune
forte demande puisquune demande excédant loffre
débouche sur une hausse des prix, mais avec la crise générale
du mode de production, inflation et stagnation peuvent se conjuguer
comme ce fut dailleurs le cas dans notre pays en 1975 quand
le P.l.B., pour la première fois depuis 1958, baissa de
2,4%, la production industrielle diminua de 7,4%, lemploi
industriel se réduisit de 5,8%, la part des investissements
dans le P.N.B. commença à décroître...
tandis que les prix augmentaient de 12,8%).
En bref, ces masses
de capitaux sont inexorablement condamnées à engorger
et gripper tout le mode de production capitaliste.
La crise générale
du mode de production s étend au-delà du domaine
économique et frappe aux niveaux idéologique, politique,
social, etc.
Elle attise la contradiction
entre les classes en forçant les capitalistes à
augmenter sans cesse le taux dexploitation (soit directement
en baissant les salaires réels, en augmentant les cadences,
les heures de travail, etc., soit indirectement en transférant
les outils de production des pays développés vers
des pays comme la Turquie, la Chine ou la Thaïlande où
le taux dexploitation est plus élevé), en
confrontant la classe ouvrière à cette agression
brutale et en exhibant crûment le caractère décadent
du capitalisme.
La crise renforce
tous les dérèglements résultant du développement
inégal du capital (accroissement de lécart
entre pays impérialistes et pays dominés, du génocide
par la faim, la maladie et la misère dans le tiers-monde)
et elle exacerbe la contradiction entre puissances impérialistes
et peuples dominés.
Elle précipite
la déréliction, la misère morale, la décadence
culturelle, la dissolution de ce que les traditions sociales
préservaient dheureux, etc. (isolement individuel,
égoïsme et concurrence, crétinisation médiatique,
délinquance, névroses, toxicomanie, etc.).
La crise générale
du mode de production capitaliste prend mille visages et en rend
ce système décadent mille fois odieux.
Toutes ces tendances
ne pourront que saccentuer. Lévidence en apparaît
pour peu que lon prenne un minimum de recul.
Certes, quand on
a connu les heures sombres des crises de surproduction de 1973-75
et de 1980-82, on peut être tenté dinterpréter
les améliorations relatives et passagères qui séparent
ces tristes sommets comme étant des signes dune
«sortie du tunnel».
Cest une opinion
dautant plus courante quelle est soigneusement répandue
par les chantres du capitalisme.
Mais un coup doeil
global a tôt fait de démontrer que ces hirondelles
ne font pas le printemps, que les dérèglements
structurels persistent et même sapprofondissent inexorablement
derrière leur mouvement en dents de scie.
Lexemple
de la première grande phase de la crise générale
du mode de production capitaliste, qui sest étendue
de la première guerre mondiale à la seconde, est
indiscutable à cet égard.
Des crises de surproduction
se sont succédées en 1919/20, 1929-33 et 1937/38,
et à lissue de chacune on prétendait «voir
le bout du tunnel». Au-delà de ces mouvements partiels,
la crise générale du capitalisme sappesantissait
pourtant et elle ne trouva quun éphémère
répit dans leffroyable massacre et la gigantesque
destruction de richesses, de marchandises, de forces productives,
etc. que constitua la seconde guerre mondiale.
Pareille hécatombe,
pareille dévastation est le prix à payer pour seulement
permettre au capitalisme de renouer un certain temps avec sa
dynamique générale dexpansion... jusquà
ce que se résorbent les effets de la guerre, se manifeste
à nouveau la surproduction de capitaux, se réactive
encore plus puissamment la crise générale de ce
système périmé.
La lutte révolutionnaire
trouve là tout son sens: socialisme ou barbarie!
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