Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

4. Ne croyez-vous pas que le système capitaliste puisse encore apporter quelque chose de positif aux travailleurs des centres? Et du tiers-monde? Par exemple en termes de développement industriel pour les pays dominés ou d’élévation du niveau de vie de leurs populations et, ici, en termes d’un bien-être supérieur grâce aux nouvelles techniques?

Nous l’avons dit, la crise générale du mode de production capitaliste n’exclut pas de brèves périodes de croissance inscrites dans l’accélération des cycles expansion/surproduction.

Et de fait des industries s’implantent dans le tiers-monde dans le cadre d’un transfert d’activités des pays capitalistes avancés vers les pays à bas salaires ou dans le cadre d’investissements nouveaux, et de nouvelles techniques - toujours plus performantes - sont développées et appliquées ici. Personne ne peut contester cela mais il importe de bien l’analyser et d’en souligner deux aspects.

Primo, l’industrialisation du tiers-monde n’empêche pas que l’amélioration de la condition des travailleurs y soit des plus marginales.

Par exemple, les capitalistes japonais ont procédé à d’importants transferts d’activités (entre autres dans le domaine de l’automobile) vers la Thaïlande, afin de profiter de la misère du peuple thaï (exode rural, etc.) et des bas salaires qu’elle permettait.

Mais dès que le processus d’industrialisation a risqué de conduire à une hausse des salaires, les transferts d’activités ont été réorientés vers des pays où il n’était pas question de l’éventualité de salaires plus ou moins décents, l’Indonésie notamment.

Jouant ainsi la misère d’un peuple contre celle d’un autre avec la complicité des bourgeoisies compradore, les impérialistes garantissent leurs profits, se prémunissent contre une augmentation des coûts salariaux et entravent par conséquent toute véritable tendance à l’amélioration de la condition des travailleurs des pays dominés.

Le développement et l’application des techniques nouvelles procèdent de la même logique de profit et concourent à la même logique anti-ouvrière. La classe ouvrière peut par exemple constater que l’installation de robots n’améliore pas sa situation.

L’économie de travail, la rationalisation du processus de production ne profite pas à l’ouvrier: il est licencié ou réduit à l’état de pourvoyeur ou de superviseur sous-payé de la machine.

Seul le capitaliste s’y retrouve.

Dans le système capitaliste, les nouvelles techniques appliquées à la production signifient des licenciements massifs, la création de rares postes qualifiés (opérateurs, réparateurs, etc.) et le maintien de quelques postes sous-qualifiés.

Secundo, le bilan du capitalisme en crise ne doit pas être dressé seulement en termes de pertes sèches pour le prolétariat (licenciements, déqualifications, etc.) mais aussi et surtout en termes de «manque à gagner».

Car c’est une chose de dire qu’en régime capitaliste l’installation d’un robot signifie la perte de 10 emplois - l’envoi de 10 ouvriers au chômage - pour le maintien de deux postes de travail et c’en est une autre de dire qu’en régime socialiste l’installation du même robot signifie le maintien du revenu de tous les ouvriers pour un travail qui, une fois partagé, sera réduit au cinquième de ce qu’il était - libérant ainsi un temps précieux pour des activités culturelles, sportives, associatives, familiales... sans baisse du niveau de vie!

Cette dimension du problème ne doit jamais être perdue de vue: une vision étroite et unilatérale fausse l’analyse. Cela est particulièrement manifeste en ce qui concerne la question de la paupérisation.

L’accaparement de la plus-value (de la richesse créée par le travail social) par les capitalistes a permis à Marx de démontrer que la tendance à la paupérisation était constante dans le mode de production capitaliste.

En se bornant à envisager la hausse du niveau de vie des masses en période de croissance, on en arrive tout naturellement à conclure qu’il n’y a pas de tendance à la paupérisation. Cela revient à limiter la question de la paupérisation au cadre d’une paupérisation absolue.

Or la tendance à la paupérisation - qui est perceptible en données absolues à l’échelle du prolétariat international quand on prend en compte toutes ses composantes, c’est-à-dire non seulement «l'aristocratie ouvrière» que constitue le prolétariat des pays capitalistes avancés mais aussi les masses nouvellement prolétarisées du tiers-monde - est principalement une tendance relative.

Cette tendance décrite magistralement par Marx voit se creuser sans cesse le fossé séparant la richesse du prolétariat de celle de la bourgeoisie.

Le rythme de la hausse des profits capitalistes a été infiniment plus rapide que le rythme de la hausse du niveau de vie des masses, et si le prolétariat des pays capitalistes avancés vit indiscutablement mieux qu au siècle passé, il n’empêche qu’il se retrouve à présent bien plus lésé de la richesse sociale qu’il crée (et pourrait créer) par son travail et qu’il a donc beaucoup plus à attendre de l’instauration d’un régime social où cette richesse lui reviendrait comme de juste.

En libérant les forces productives de la logique désormais restrictive du profit, le socialisme ouvre grand la porte à une ère de développement fantastique dont la timide, précaire et sélective croissance capitaliste conjoncturelle (1,5% pour I’O.C.D.E. en 1992) ne saurait donner idée.

Quant aux techniques nouvelles, elles sont aujourd’hui introduites seulement là où existe une demande solvable et leur champ d’application s’en retrouve ainsi excessivement restreint.

En régime socialiste, elles seront répandues en fonction de leur utilité sociale, ce qui élargira à l’infini leur champ d’application.

Et nous voilà revenus à ce «manque à gagner» que la persistance du système capitaliste inflige aux peuples du monde entier.