Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

6. Quelles sont à votre avis les caractéristiques de la lutte idéologique dans les pays d’Europe de l’Ouest? Quelle importance accorder aujourd’hui à la lutte contre le révisionnisme?

Disons d’une façon générale que la pensée dominante dans nos pays est entrée en pleine décadence: la pensée bourgeoise abandonne même ses traits progressistes d’hier (d’il y a deux siècles) et ne trouve plus d’échappatoire que dans une sorte de réaction mystique.

Pour citer une phrase connue:la pensée dominante ici et aujourd’hui est une pensée religieuse sans dieu. La lutte idéologique dans son ensemble, comme émanation de la lutte des classes, se situe donc aujourd’hui plus que jamais au niveau de l’affrontement entre la pensée scientifique historique et les mythes réactionnaires.

D’une façon plus politique, nous pensons que la lutte idéologique dans les pays de l’Europe de l’Ouest se cristallise autour du problème de la démocratie bourgeoise.

Depuis la réactivation de la crise générale du mode de production capitaliste au début des années 70, qui s’est progressivement traduite ici pour les masses populaires en termes d’inflation, de chômage, de baisse du niveau de vie, etc., la bourgeoisie et ses laquais social-démocrates ont perdu un de leurs principaux arguments: celui qui voulait que l’élévation des conditions de vie des masses demeurât, ad vitam aeternam, constante dans tous les domaines.

La crise ayant pulvérisé cette illusion, les prolétaires s’étant vu déposséder -malgré leur résistance - de bon nombre d’acquis “définitifs” et l’avenir se présentant toujours plus sombre, la démocratie bourgeoise est passée au premier rang des mythes manipulateurs.

Un culte entretenu avec d’autant plus d’hystérie et de tape-à-l’oeil qu’il doit masquer une réalité objective toujours plus dégradée et une politique de pouvoir sans cesse plus anti-populaire.

Il vaut d’ailleurs la peine de souligner à cette occasion l’impudence de la bourgeoisie qui ose se réclamer de la forme démocratique de son pouvoir alors que celle-ci lui fut imposée par une rude lutte de classe: au début du siècle, dans notre pays, l’armée fusillait encore les manifestants qui revendiquaient le suffrage universel (les bons livres d’histoire rappellent les massacres de 1893 aux usines De Roubaix et Bougie à Borgerhout, la charge des lanciers à Wetteren, les fusillades de Mons et d’Anvers, etc).

Mais bon, aujourd’hui c’est comme ça, la bourgeoisie justifie le capitalisme et sa nuisance effrénée à l’échelle de la planète par la forme démocratique de son pouvoir dans les centres, et dans cet exercice elle est assistée par tous les partis politiques, toutes les organisations syndicales et corporatives, toute la presse, tous les intellectuels patentés, etc.

Cela constitue un choeur des sirènes omniprésent et tonitruant, une énorme machinerie de falsification et manipulation historiques, une pression idéologique formidable dont le seul but est d’éloigner le prolétariat de la voie révolutionnaire et de l’égarer dans l’impasse réformiste.

Et cette pression, qui s’est encore accentuée à partir des événements d’Europe de l’Est, est d’autant plus forte et complète que le prolétariat est définitivement trahi dans cette épreuve - comme dans bien d’autres - par les révisionnistes de tout poil qui n’ont d’autre ambition que l’un ou l’autre strapontin parlementaire.

Cependant, ce consensus étouffant (à peine entaché par la prudence de certains audacieux réfugiés derrière la pirouette de Churchill selon laquelle la démocratie (bourgeoise) est le pire des systèmes... à l’exception de tous les autres) est à double tranchant: lorsqu’il ne parvient pas à aveugler, il éclaire.

L’unanimité démocrate (bourgeoise) permet en effet aux prolétaires indignés par la réalité sociale, écœurés par la politicaillerie et la corruption ou refusant de cautionner les crimes de l’impérialisme partout dans le monde, de prendre conscience du caractère intégralement bourgeois de cette démocratie.

Ainsi deviennent-ils capables de démasquer les opportunistes, les révisionnistes et les social-traîtres qui, sous le prétexte fallacieux de se ranger dans le camp de la démocratie, s’incrustent en fait dans le camp du système.

La lutte idéologique contre la démocratie bourgeoise acquiert donc une impor­tance nouvelle: elle tranche salutairement entre le camp de la révolution et le camp de la contre-révolution, sans plus permettre la moindre hésitation.

Elle dénonce tous ceux qui se font les agents de la pensée bourgeoise auprès des masses, c’est-à-dire non seulement la petite-bourgeoisie intellectuelle oeuvrant dans la presse, la sociologie, la culture, etc., mais aussi et surtout les réformistes, Iégalistes et pacifistes, défenseurs objectifs du système d’exploitation et d’oppression.

Les révolutionnaires communistes se doivent donc de briser l’imposture qui veut que la démocratie bourgeoise soit autre chose qu’un rempart confortable pour les capitalistes et leurs laquais.

En ce qui concerne l’importance à accorder à la lutte contre le révisionnisme, nous pensons que la question doit être envisagée à deux niveaux.

Parlons d’abord du «révisionnisme historique», c’est-à-dire les thèses et l’expériences soviétiques de 1956 à 1985, ou l’expérience des partis issus du Komintern, l’eurocommunisme, etc.

Quelle importance spécifique attacher encore à ce qui finit de s’effondrer naturellement dans tous les domaines?

La débâcle des régimes d’Europe de l’Est correspond à la débâcle des «partis frères» de l’Ouest, la crédibilité du révisionnisme qu’ils incarnaient est définitivement perdue et au bout du compte la plupart ont même abandonné l’objectif du socialisme et du Communisme et renié tout leur passé.

Certes des (ex-)P.C. européens disposent encore parfois d’une présence dans le jeu politique, ils sont dotés d’un appareil rodé et fourni d’une clientèle, ils peuvent survivre en outsiders des partis bourgeois de pouvoir.

Mais en s’appuyant sur quelle ligne politique?

Au mieux, sur une ligne social-démocrate d’opposition.

C’est ainsi, par exemple, que l’ex-P.C.l. tente d’enrayer son effondrement ou que le P.C.F. a stabilisé le sien: ces partis ne traduisent plus un authentique projet social mais représentent une part du mécontentement populaire à l’état brut.

Ils sont seulement perçus par leurs électeurs comme une ultime digue face à la toute puissance bourgeoise et non plus comme une alternative réelle à cette puissance.

Dans notre pays, pour diverses raisons historiques, le P.C.B. n’a pu jouer les «utilités» et sa surenchère opportuniste n’a fait qu’activer sa déliquescence.

De 23 sièges (sur 202) à la Chambre en 1946 il ne lui en reste déjà plus que 12 (sur 212) en 1949, puis 5 en 1961, 2 en 1977 et... zéro en 1985.

Donc, nous pensons qu’il ne peut plus être question d’une lutte anti-révisionniste au vrai sens du terme, au sens d’une lutte théorique, politique et idéologique contre des forces usurpant la confiance et déviant les forces du prolétariat dans sa lutte pour la révolution.

Parlons ensuite du chiendent révisionniste, à l’arrachage duquel il faut consacrer une vigilance particulière et un effort permanent dans les rangs révolutionnaires.

Certes, par principe, rien ne doit échapper à l’attention critique, mais il nous semble qu’aujourd’hui elle s’impose plus en certains domaines qu’en d’autres.

Nous pensons par exemple au problème d’une juste analyse de la situation des pays dominés (et du mouvement révolutionnaire dans ces pays) par les révolutionnaires des centres impérialistes, et de la même façon à celui d’une juste analyse de la situation des centres impérialistes (et du mouvement révolutionnaire dans ces pays) par les révolutionnaires des pays dominés.

On y retrouve beaucoup trop souvent des conceptions héritées du révisionnisme, dans le premier cas la reconnaissance des forces bourgeoises nationales au détriment des forces communistes révolutionnaires, justifiée au nom «d’étape intermédiaire» , d’une tactique anti-impérialiste, etc., ou dans le second la recon­naissance des forces réformistes démocratiques des métropoles au détriment des forces communistes révolutionnaires, justifiée au nom d’avantages immédiats, d’une autre tactique anti-impérialiste, etc.

Nous pourrions aussi citer le problème d’une juste analyse de l’origine, des causes de l’hégémonie puis de l’effondrement du révisionnisme en U.R.S.S., tout comme celui d’une juste dénonciation de la contre-révolution en Chine et bien d’autres encore.

Mais ce serait faire double emploi, en fait l’essentiel des points à traiter se retrouve distribué à sa place dans l’ensemble de ce travail.