Cellules Communistes
Combattantes
La
flèche et la cible
9. Comment
définissez-vous la responsabilité et les tâches
concrètes des militants et organisations révolutionnaires
dans les centres impérialistes au niveau de lInternationalisme
Prolétarien? Quel sens exact attribuez-vous au mot dordre
que vous avancez à ce propos: «Faire la révolution
dans son propre pays, contribuer à ce quelle triomphe
partout» ? Etablit-elIe un rapport avec la thèse
du «socialisme dans un seul pays»?
Le problème des responsabilités
et tâches concrètes des forces révolutionnaires
des métropoles dans le domaine de linternationalisme
Prolétarien a été loccasion de nombreuses
erreurs dont certaines ont encore cours.
Nous discernons une première
catégorie derreurs qui reposent sur le rejet (plus
ou moins reconnu et assumé) de la perspective dune
révolution prolétarienne en Europe et une seconde
qui procède de lignorance de limportance historique
du contexte national dans les métropoles.
La proposition «faire la révolution
dans son propre pays» est aussi une réaction aux
thèses qui prétendent réduire le mouvement
révolutionnaire dans les centres impérialistes
à une sorte de «cinquième colonne»
au service des peuples dominés de la chaîne impérialiste.
Agissant «derrière
les lignes» de limpérialisme dans le cadre
de la contradiction opposant les nations dominantes aux nations
dominées, les forces révolutionnaires des métropoles
seraient seulement appelées à miner et paralyser
de lintérieur les structures et forces politico-militaires
qui permettent de perpétuer la domination et loppression
du tiers-monde, dy mener des expéditions répressives.
Que lon nous comprenne bien,
nous ne nions ni lexistence ni limportance de cette
responsabilité: nous pensons également que du fait
de sa localisation «au cur de la bête»
le mouvement révolutionnaire dans les centres impérialistes
a le devoir de tout mettre en oeuvre pour entraver les plans
et manuvres criminels de sa bourgeoisie à
lencontre des peuples des pays dominés.
Mais ce devoir, aussi fondamental
soit-il, ne peut selon nous prendre le pas sur les orientations
et lactivité générales dun processus
révolutionnaire autochtone, visant à la révolution
prolétarienne dans les métropoles, cest-à-dire
une révolution ayant pour sujet le prolétariat
des centres impérialistes.
Il nous semble même que si
lon a en vue les intérêts des grandes masses
populaires des pays dominés, la priorité historique
de lobjectif de la révolution prolétarienne
dans les métropoles - naturellement menée par le
prolétariat et les forces révolutionnaires de celles-ci
- simpose dautant plus.
Du point de vue historique, le soutien
aux luttes des peuples dominés à travers le harcèlement
des structures et forces de domination impérialistes ne
peut avoir quune incidence tactique: il peut influer sur
tel ou tel affrontement, concourir à telle ou telle victoire,
mais il ne modifiera pas les données fondamentales du
problème, à savoir lexistence même
de puissances impérialistes et, in fine, de limpérialisme.
A moins de considérer la
révolution comme impossible dans les métropoles
(et donc dignorer les enseignements du Marxisme-Léninisme)
et/ou dimaginer quelle débouchera du tiers-monde
sur les métropoles un peu à la manière de
la stratégie maoïste dencerclement des villes
par les campagnes, la lutte pour le socialisme dans les centres
impérialistes simpose indiscutablement pour nous
comme seule voie révolutionnaire.
Comme on le voit cette question
a de nombreuses déterminantes et implications. En fait
il est quasi impossible de laborder correctement sans une
analyse claire de la thèse dite «des trois contradictions».
Comme beaucoup dautres communistes,
nous pensons que notre époque est caractérisée
par trois grandes contradictions.
Cependant, à la différence
de nombreux camarades des pays dominés (et de quelques-uns
des centres impérialistes), nous pensons que celle qui
a et aura le plus dimportance est la contradiction entre
le prolétariat international et la bourgeoisie impérialiste.
En second lieu nous plaçons
celle opposant les peuples dominés aux grandes puissances
impérialistes et en troisième lieu les contradictions
inter-impérialistes (économiques, politiques, stratégiques,
militaires, etc).
Pourquoi mettre en avant la contradiction
prolétariat/bourgeoisie?
Parce quelle a une dimension
universelle (elle est présente dans les pays impérialistes
mais aussi dans les pays dominés), parce quelle
reflète la tendance et possède la plus grande portée
historique.
Les contradictions inter-impérialistes
ne remettent nullement en cause le système capitaliste
et la contradiction peuples dominés/puissances impérialistes
y arrive seulement quand elle se combine à la contradiction
prolétariat(paysannerie pauvre)/bourgeoisie.
Nous pensons en outre que la contradiction
peuples dominés/puissances impérialistes a déjà
son apogée derrière elle, même si elle mobilise
encore de larges masses populaires à travers le monde.
Cette contradiction a historiquement
culminé dans le processus de décolonisation qui
a suivi le triomphe de la révolution chinoise.
Aujourdhui ses limites sont
évidentes: partout où elle ne sest pas combinée
à la contradiction prolétariat/bourgeoisie, cest-à-dire
où le processus révolutionnaire ne visait pas lobjectif
final de la dictature du prolétariat et de la construction
socialiste et na pas été guidé par
un parti marxiste-léniniste (le cas de Cuba est particulier),
où le processus sest cantonné à la
libération nationale (et même si elle impliquait
la nationalisation des ressources), le peuple sest fait
confisquer le pouvoir conquis dans la lutte et limpérialisme
a pu réoccuper autrement (investissements transnationaux,
«coopération», crédits, etc.) lessentiel
de ses positions brièvement perdues.
Seule la résolution de la
contradiction prolétariat/bourgeoisie à travers
lédification socialiste permet de dépasser
les limites inhérentes à la libération nationale.
Cest pourquoi nous considérons
cette contradiction comme principale à notre époque,
sans toutefois méconnaître la vitalité, la
nécessité et la légitimité de la
lutte anti-impérialiste des pays dominés.
Et voilà pourquoi encore,
dans notre analyse, nous rendons aux pays capitalistes avancés
la place centrale dans le mouvement mondial de la révolution,
que Lénine leur attribuait.
Car Lénine soulignait que
sil était plus difficile dimpulser un processus
révolutionnaire dans ces pays que dans dautres pauvres
et dominés (comme létait la Russie à
son époque) il y serait plus facile dinstaurer la
dictature du prolétariat, de construire et développer
le socialisme.
Nous affirmons donc que la lutte
pour la révolution prolétarienne dans les centres
impérialistes est un élément central et
incontournable pour le mouvement révolutionnaire mondial,
un élément auquel les militants révolutionnaires
métropolitains doivent consacrer lessentiel de leurs
forces.
Certes la misère ici est
sans commune mesure avec leffroyable réalité
du tiers-monde et les contradictions y sont bien moins exacerbées,
mais létat de développement des forces productives
dans les pays avancés est tel quil offre la possibilité
non seulement dune révolution prolétarienne
victorieuse mais aussi dune édification socialiste
bien plus complète et dune marche vers le Communisme
bien plus assurée que dans les pays dominés.
Il suffit à cet égard
de penser à létendue de la prolétarisation
et à lélimination de la petite-bourgeoisie
indépendante (et de la paysannerie) - nous abordons le
sujet à la question no16 -, de même quau degré
de développement de lindustrie et des techniques
dont la maturité constitue la base matérielle de
lédification socialiste.
La seconde grande catégorie
derreurs concer­nant la question de linternationalisme
présentes au sein du mouvement révolutionnaire
européen repo­sent sur lignorance de limportance
historique du contexte national dans les métropoles.
Lexistence de très
nombreux points communs à tous les pays impérialistes
et leur intégration toujours croissante dans des structures
transnationales telles la C.E.E., IOTAN, etc., est une
des raisons qui ont amené certains camarades à
faire fi du facteur national et à se positionner quasi
exclusivement dans une optique transnationale.
Les «fronts communs»
RAF/A.D. et RAF/B.R. P.C.C. illustraient clairement cette vision
simpliste et fausse de linternationalisme et ils confirment
à lenvi le proverbe «Le mieux est lennemi
du bien».
Encore une fois, que lon nous
comprenne bien. Nous sommes entièrement convaincus que
la cause du prolétariat et des peuples du monde est unique,
indivisible, et que linternationalisme Prolétarien
en est la seule perspective.
Nous pensons que la solidarité
entre les masses de tous les pays et lunité des
forces communistes par-delà les frontières sont
donc des tâches auxquelles il simpose duvrer
sans retard ni faiblesse. Dans ce cadre, la fondation dune
nouvelle Internationale Communiste, de linter­nationale
Communiste Combattante, est inscrite parmi les tâches davenir
du mouvement révolution­naire mondial.
Cependant (et cest ici que
sinscrit le mot dordre «Faire la révolution
dans son propre pays»), en tant que marxistes nous nignorons
pas que les conditions objectives de la révolution prolétarienne,
celles qui sont le cadre dexistence de la classe prolétarienne,
relèvent inévitablement dun contexte national
- à de multiples et complexes niveaux - et quil
nest pas permis den faire abstraction.
Il est possible, nécessaire
et juste entre révolutionnaires de développer les
échanges, linformation, le débat, lencouragement
et la critique fraternelle, le partage des expériences
et des acquis, lappui réfléchi, etc., en
noubliant jamais que lunité politique est
primordiale et que finalement chaque mouvement doit seulement
compter sur ses propres forces.
Mais cela nautorise pas à
méconnaître le matérialisme historique et
en premier lieu les réalités inégales de
limpérialisme ou les lois de ses mécanismes
contradictoires, au point de nier que laction révolutionnaire
des communistes doit être ancrée dans la réalité
nationale, conçue dans la considération de ses
spécificités, tant il est vrai que Francfort nest
pas Lisbonne ni Athènes Bruxelles.
En ce qui concerne la thèse
du «socialisme dans un seul pays», nous croyons quil
importe de distinguer le cur de la question (telle quelle
fut débattue en U.R.S.S. dans les années 20 entre
Staline et Trotsky notamment) et la façon dont elle fut
traduite dans lexpérience soviétique et du
Kominterm.
A la question de base «est-il
possible dédifier le socialisme dans un seul pays?»,
lhistoire, lexpérience de lUnion Soviétique
jusquà la seconde guerre mondiale (ou au putsch
révisionniste de Kroutchev selon les avis) comme celle
de la révolu­tion chinoise ont répondu que
cette voie était inévitable et praticable.
Mais autre chose est la façon
dont cette thèse a été stratégiquement
appliquée par les dirigeants soviétiques avec Staline
à leur tête.
La subordination de la IIIème
Internationale (cest-à-dire en fin du compte des
mouvements révolutionnaires du monde entier) aux intérêts
propres de la «patrie du socialisme» mérite
indiscutablement la plus sévère critique.
Limportant dans cette analyse,
rappelons-le, consiste à bien dissocier la thèse
initiale, valable, des thèses particulières élaborées
à loccasion de son application dans la révolution
soviétique: la confusion est trop souvent de mise à
ce sujet.
|