Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

11. Quelle est votre analyse de l’histoire du mouvement communiste en Belgique? Au cas où vous estimeriez que le P.C.B. ait été révolutionnaire à une époque, nous aimerions savoir quand et pourquoi selon vous il a cessé de l’être.

Le mouvement communiste dans notre pays a toujours été d’une grande faiblesse et il a le plus souvent souffert de graves lacunes au niveau de sa direction.

A l’origine, le P.C.B. fut fondé par des éléments politiquement hétérogènes: marxistes-léninistes bien sûr, mais aussi gauchistes, trotskystes, anarcho-syndicalistes et surtout syndicalistes-révolutionnaires.

Un handicap qui n’a jamais été réellement résorbé, ni à l’occasion de démarches de clarification et d’unification politiques (par exemple lors de la campagne de «bolchévisation» impulsée en 1925 conformément aux directives du Komintern ou lors de l’épuration des éléments trotskystes tel le co-fondateur du Parti War Van Overstraeten), ni à l’occasion des développements spectaculaires en importance comme en influence du Parti (par exem­ple après les grèves de 1932, dans les années 1935 à 1938, puis dans la Résistance).

Le P.C.B. a-t-il été à un moment de son existence un authentique parti révolutionnaire?

Nous pensons qu’avant de donner des leçons post festum il convient d’assumer l’histoire du mouvement communiste, et critiquer les erreurs passées du P.C.B. se révèle nécessaire mais plus ardu qu’il n’y paraît.

Le choix d’avoir fonctionnalisé le Parti à la politique extérieure de I’U.R.S.S. (allant notamment jusqu’à moduler les mobilisations prolétariennes selon les fluctuations de la diplomatie soviétique, -comme ce fut entre autres le cas dans les activités portuaires) est un bon exemple de la complexité de cette analyse critique.

Dans l’absolu et avec le recul on en vient tout naturellement à condamner cette option qui a effectivement conduit à des résultats désastreux, et on est en droit de penser qu’elle exprimait le manque de fermeté idéologique, de véritable conception révolutionnaire de la direction du Parti.

Mais connaissant le projet originel du Komintern, l’époque où I’U.R.S.S. ne cherchait pas encore à asservir le Mouvement Communiste International à sa politique de grande puissance et, au contraire, se mettait fraternellement à la disposition des forces révolutionnaires partout dans le monde;

connaissant le prestige dont jouissait alors légitimement la politique soviétique, sa direction aguerrie et résolue, et l’inexpérience et l’hétérogénéité des dirigeants du P.C.B.;

connaissant l’importance stratégique du maintien du jeune état socialiste soviétique face aux puissances impérialistes, et cela pour l’ensemble des luttes révolutionnaires sur tous les continents;

connaissant encore les nombreuses autres données spécifiques de l’époque, nous sommes enclins à croire que l’erreur principale, générale, du P.C.B. fut à l’origine du type de celles qui sont inévitables dans leur contexte propre.

Cet exemple illustre aussi l’impossibilité de répondre catégoriquement par une date précise à la question «quand le P.C.B. a-t-il cessé d’être révolutionnaire?» (si on lui accorde le crédit de l’avoir été comme il lui était possible de l’être).

Tout au plus pourrait-on dire qu’à travers ses choix de 1944 et des mois qui suivirent (désarmement des partisans, participation au gouvernement Pierlot puis au gouvernement Van Acker qui n’hésita pas à briser les grèves des mineurs au nom de la «bataille du charbon» ..., donc une participation active à la restauration du régime d’avant-guerre - aménagé par les réformistes, il est vrai) le P.C.B. a crûment révélé qu’il avait tourné définitivement le dos au marxisme révolutionnaire.

Car si certains choix faits antérieurement par le P.C.B. (ceux de 1936, par exemple) n’avaient rien d’offensifs, au moins n’hypothéquaient-ils pas directement l’avenir d’éventuelles options révolutionnaires (dont les consignes auraient pu venir, imaginons-le, du Komintern).

Les choix de 1944/45 par contre fermaient irrémédiablement la porte à toute politique révolutionnaire future, ils liquidaient les éléments vitaux sur lesquels pareille politique aurait pu s’appuyer.

Dans cette mesure, les choix du P.C.B. dans l’immédiat après-guerre étaient objectivement et indiscutablement contre-révolutionnaires.

Cette option contre-révolutionnaire n’allait hélas pas être combattue dans la crise qui éclata à l’occasion de la Conférence Fédérale de juin 1954 et prit fin lors du Congrès de Vilvorde en décembre de la même année.

La perte du poste de Secrétaire National par Edgard Lalmand, plutôt que relancer les orientations révolutionnaires, allait en fait constituer une «déstalinisation» avant l’heure et renforcer plus encore le caractère réformiste de la politique du Parti.

Rappelons encore qu’il serait absurde de prétendre que le P.C.B. ait entièrement retourné sa veste en 1944, ou même que ce soit cette année-là qu’il aurait cessé d’être révolutionnaire - ou potentiellement révolutionnaire.

Une grande part des éléments qui ont motivé les options de 1944/45 étaient directement issus des événements qui venaient de se dérouler, et si le P.C.B. était entré dans la Résistance anti-fasciste avec une analyse correcte de la guerre comme guerre de brigandage inter-impérialiste, contre laquelle les prolétariats de tous les pays devaient suivre leur propre voie de classe, il en est sorti avec une analyse incorrecte, social-chauvine, ramenant l’enjeu de l’affrontement pour le prolétariat à l’indépendance nationale et à la restauration du régime démocratique bourgeois.

Un virage que ne suffisait pas à justifier le réel changement du caractère de classe de la guerre survenue avec l’agression fasciste contre I’U.R.S.S. (l’U.R.S.S. attaquée, il ne s’agissait plus d’une simple guerre entre puissances impérialistes).

Là-dessus il ne faut quand même pas oublier que la thèse «Ni Londres ni Berlin» - thèse parfaitement juste au demeurant - avait été imposée par l’Internationale (autrement dit par l’Union Soviétique) et qu’elle répondait moins à un attachement à l’internationalisme Prolétarien qu’au souci tactique qui avait déjà présidé au pacte de non-agression Ribbentrop-Molotov en août 1939...