Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

12. Quelle est votre analyse de la scission survenue en 1963 dans le P.C.B. et qui a donné naissance au P.C.B. - «Voix du Peuple», ainsi qu’ensuite au P.C.M.L.B., au P.C.B.(M.L.) et aux divers groupes qui se réclamaient de la pensée Mao Tsé-toung?

La scission survenue dans le P.C.B. en 1963 doit être étudiée en relation avec la fracture apparue progressivement dans le Mouvement Communiste International depuis la Conférence des Partis Communistes à Moscou en 1957, qui marqua le contrecoup du XXème Congrès du P.C.U.S. (1956).

Pour la première fois de son histoire le Mouvement Communiste International se divise sur des questions fondamentales: les communistes chinois avec Mao Tsé-toung à leur tête mettent en cause la thèse de «l’équilibre de la terreur» et acceptent l’éventualité d’une guerre, ils défendent le centralisme en se revendiquant légitimement héritiers du Komintern et, surtout, ils critiquent à juste titre la thèse de la «voie pacifique au socialisme» - une des principales thèses du XXème Congrès - comme un retour à la voie parlementaire de la 11ème Internationale.

Cette fracture allait s’aggraver lors des Conférences de 1960 et 1965.

Au niveau politique et idéologique, la scission dans le P.C.B. en 1963 recoupe largement la dissension apparue dans le Mouvement Communiste International.

Formellement, la scission s’imposa à partir de l’opposition de certains membres émérites du Parti - à commencer par Jacques Grippa - aux thèses avancées par les révisionnistes lors du XlVème Congrès (Congrès National d’Anvers) et qui étaient jugées contraires aux décisions des trois Congrès précédents.

Mais il est clair que la confrontation était plus globale, qu’elle traduisait le problème général du révisionnisme, posé de façon particulièrement aiguë depuis la victoire du putsch kroutchévien en U.R.S.S.

Nous précisons cela afin que l’on ne puisse croire que tout d’un coup, en avril 1963, le P.C.B. se soit subitement égaré dans le révisionnisme.

En fait le ver était dans le fruit depuis bien longtemps.

Certes, dans la période qui précéda le XlVènle Congrès on vit les révisionnistes se manifester avec de plus en plus d’impudence et d’audace.

Ainsi, par exemple, tandis que jusque-là le P.C.B. avait à juste titre considéré et dénoncé I’OTAN comme un pacte agressif dominé par l’impérialisme US, principal fauteur de guerre, les révisionnistes découvrirent qu’il importait plutôt «avant tout de paralyser les ultras de l’OTAN», que dans cette optique Kennedy constituait «une pièce maîtresse dans la lutte pour la paix» et qu’il s’imposait donc de «renforcer sa position» I

Rien de moins (le Drapeau Rouge, 4 et 5 février 1963).

L’adhésion du P.C.B. à la thèse de la «coexistence pacifique entre pays à systèmes sociaux différents», censée préserver le camp socialiste d’une attaque impérialiste, déborda rapidement de ce cadre pour couvrir tous les opportunismes: absence de solidarité réelle avec les révolutions cubaine et congolaise (et pire encore dans ce dernier cas, soutien tacite à l’intervention militaire belge), distanciation envers la Chine populaire, complaisance à l’égard des renégats titistes, etc.

Plus significatif encore, le thème de la «coexistence pacifique» fut étendu aux classes sociales!

On pouvait lire dans le Drapeau Rouge du 13 octobre 1960: «La coexistence pacifique est une conception moderne de la vie mondiale et de l’évolution de l’humanité.

C’est à la classe ou­vrière et à ses penseurs que l’on doit la recherche et la découverte d’un mode véritablement civilisé de solution des conflits, d’une méthode nouvelle vraiment populaire et démocratique, de lutte pour la transformation de la société et du monde, la coexistence pacifique» .

Plus que jamais le crétinisme parlementaire allait frapper: les révisionnistes se fixèrent comme objectif «la liquidation du divorce entre le Parlement et les masses laborieuses de Belgique» (extrait de la thèse 39 pour le XlVème Congrès) et ils défendirent la conception de la transition pacifique au socialisme en soutenant que «la réalisation d’une série de réformes de structure constituera un élargissement de la démocratie, marquera des étapes dans la voie de la transformation de la société capitaliste à la société socialiste» (extrait de la proposition de nouvel article premier des Statuts du Parti soumise au .XlVème Congrès).

Si cette débauche d’insanités anti-marxistes se répandit effectivement au début des années 60 dans le P.C.B., encore une fois on ne peut selon nous rattacher la profonde corruption révisionniste du Parti à cette époque précise.

On ne peut y rattacher en fait que la réaction de refus intransigeant des vrais cadres et militants marxistes-léninistes contre son hégémonie triomphante et affichée. Mais quoi qu’il en soit, c’est cette saine réaction contre une pourriture politique et idéologique toujours plus envahissante qui nous amène à porter un jugement très positif sur la scission de 1963 dans le P.C.B.

Hélas l’histoire ne s’arrête pas là et on juge aussi l’arbre à ses fruits: la récolte sera à l’opposé des espérances...

La faillite du mouvement «mao» en Belgique (dont les derniers reliquats, à commencer par le Parti du Travail de Belgique (P.T.B.), sont aujourd’hui au moins autant révisionnistes et opportunistes que les dirigeants du P.C.B. en 1963) est patent à cet égard. Nous pensons que l’écueil sur lequel ce mouvement «mao» a sombré est la question de la stratégie et de la pratique révolutionnaires (et donc entre autres de la lutte armée).

Pour de multiples raisons ce mouvement s’est unanimement révélé incapable de comprendre que le rejet du révisionnisme et un retour conséquent aux positions révolutionnaires du Marxisme-Léninisme exigeait de rompre avec le légalisme, le pacifisme, le crétinisme parlementaire, et tous les attributs tactiques du réformisme, et il a creusé lui-même sa tombe en s’enferrant dans un radicalisme verbal, dogmatique et gratuit, dont la stérilité engendra populisme, stagnation et finalement implosion.

Dans d’autres pays où la critique marxiste-léniniste au révisionnisme des partis issus de la IIIème Internationale s’est combinée à la lutte armée (même pour une part réduite du mouvement seulement), de grandes et nouvelles perspectives se sont ouvertes aux forces révolutionnaires communistes (ainsi en Espagne, en Italie).

Mais là où comme en Belgique ce saut qualitatif nécessaire ne se réalisa pas, ou comme en France où il ne dépassa pas quelques prémices, le mouvement «mao» fit long feu et périclita irrémédiablement.