Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

16. Pouvez-vous développer plus amplement le concept de centralité ouvrière que vous défendez si fréquemment? Ce concept n’est-il pas périmé aujourd’hui vu la réduction permanente de la classe ouvrière depuis un demi-siècle?

Nous pensons que la diminution de l’importance relative de la classe ouvrière dans les pays impérialistes européens donne précisément une dimension nouvelle à la centralité ouvrière dans le processus révolutionnaire de ces pays.

Mais avant d’examiner cette dimension nouvelle il convient de réfléchir à cette notion de «réduction permanente» dont fait état la question posée. Car à ce propos pas mal de sottises ont déjà été proférées.

Les faits et les chiffres tout d’abord. Au début du siècle en Belgique, les travailleurs manuels représentaient 88% de l’emploi salarié. En 1930 ce taux était tombé à 80% et en 1961 à 64%. En 1975 il n’était plus que de 51,3%.

Certes, à l’échelle mondiale la forte extension de la classe ouvrière dans les pays dominés et nouvellement industrialisés compense très largement cette réduction propre aux centres impérialistes.

Tandis qu’en dix ans la part de la population active employée dans l’industrie chutait de 42 à 29,1% en Belgique, elle croissait de 21,8 à 33,8% en Corée du Sud. Ou encore, si elle baissait dans le même temps de 34,4% à 26,9% aux U.S.A., elle augmentait de 6,4 à 21,1% en Chine.

Ces tendances opposées sont d’ailleurs partiellement liées dans la mesure où elles reflètent notamment le transfert de secteurs entiers de l’activité industrielle des centres vers les pays à main-d’oeuvre bon marché (on peut citer l’exemple de l’effondrement de l’emploi, en France et en Belgique, dans le secteur du textile et de la confection, qu’il faut situer en parallèle de la pleine extension de ce secteur en Asie ou dans le Maghreb: l’industrie textile marocaine emploie déjà 180.000 salariés et prévoit que cet effectif passera à 400.000 en 2003/2004 si son rythme de croissance se maintient; en France 15.000 emplois sont perdus chaque année dans le même secteur).

Mais quoi qu’il l’importance de la classe en soit la diminution de ouvrière dans les centres impérialistes est un phénomène objectif dont les révolutionnaires communistes doivent tenir compte dans leurs analyses.

Un autre aspect de la question doit aussi être abordé. En ce qui concerne la situation propre de nos pays, on aurait tort de considérer la diminution de l’importance de la classe ouvrière indépendamment de l’élargissement du prolétariat dans son ensemble.

Si d’un côté la part de l’emploi industriel diminue dans l’emploi salarié en général, d’un autre côté l’emploi salarié en général connaît une extension constante. Le tableau I illustre clairement cette tendance.

Le total général de la population active indique une augmentation de 13% entre 1961 et 1981; elle passe de 3.512.463 à 3.971.843 unités.

Durant la même période le prolétariat dans son ensemble (sous-total no2) connaît une augmentation de 14,8%; il passe de 2.848.600 à 3.040.274 unités.

Remarquons donc que cette augmentation particulière est supérieure à l’augmentation moyenne de la population active.

Toujours dans le même temps, la bourgeoisie et petite-bourgeoisie (sous-total no1) connaissait une hausse de 7,8%; elle passait de 820.353 à 884.129 unités.

Remarquons maintenant que cette augmentation particulière est nettement inférieure à l’augmentation moyenne de la population active.

Tableau I

SITUATION SOCIALE
1947
1961
1970
1977
1981

BOURGEOISIE ET PETITE-BOURGEOISIE

Patrons et professions libérales
769.910
685.097
585.460
544 960
513.794

Employés et cadres supérieurs
(1)
135.256
279.277
315.281
370.335

SOUS TOTAL

N’1

820.353
864.737
860.241
884.129

PROLÉTARIAT ET ASSIMILÉ

Autres employes
(2)
790.883
941.159
1.115.514
673.625*

Ouvriers
1.354.369
1.596.985
1.605.892
1.500.977
1.857618*

Aidants
134.075
163.180
117.570
86.987
84.815

Chômeurs
75.974
97.552
80.268
219.789
424.216

SOUS TOTAL

N’2

2.648.600
2.744.889
2.923.267
3.040.274

Miliciens
24.957
39.193
32.991
30.306
28.557

statuts inconnus

4.317
15.201
3.527
18.883

TOTAL GÉNÉRAL POPULATION ACTIVE
3.505.984
3.512.463
3.637.818
3.817.292
3.971.843

(1)+(2)= 664.453

• Statistiques établies sur d’autres bases: pour comparaison il faut totaliser 1. 115.514 + 1.500.977 en 1977 et 673.625 + 1.857.618 en 1981, soit 2.616.481 pour 1977 et 2.531.243 pour 1981 (Source. “L’Economie Belge)

Le défaut du tableau I est qu’il rend assez mal la réduction de la part de l’emploi ouvrier industriel dans le volume de l’emploi salarié en général. Il est vrai que cette réduction - tendance permanente -s’est surtout concentrée lors de la crise de 1980-82. Le tableau Il ci-dessous est explicite à cet égard.

Tableau Il

(Source: O.N.S.S.)

(Tous secteurs d'activités)
1974
1985
Pertes et gains
En %

Ouvriers
1.603.700
1.208.500
-395.200
-24,6

Employés
1.415.300
1.639.600
+224.300
+15,8

TOTAL
3.019.000
2.848.100
-170.000
-5,7

(Note: si ce tableau semble indiquer une baisse absolue du nombre de prolétaires, cela tient au fait qu’il n’intègre pas le demi-million de chômeurs de l’époque, 546.000 exactement en 1984.)

Nous sommes donc confrontés à une double tendance.

D’un côté le prolétariat - c’est-à-dire la classe des travailleurs contraints pour vivre de vendre leur force de travail dans le cadre du salariat capitaliste - est en pleine expansion.

D’un autre côté la classe ouvrière - à savoir la fraction prolétarienne rassemblant les travailleurs productifs et industriels -est en diminution essentiellement relative et accessoirement absolue.

Et dans la mesure où à l’origine le prolétariat correspondait quasi exclusivement à la classe ouvrière (ce qui permettait à Engels d’écrire dans les «Principes du Communisme» «Le prolétariat, ou la classe des ouvriers, est, en un mot, la classe laborieuse de l’époque actuelle»), nous pouvons résumer le problème qui nous occupe en disant que le prolétariat a perdu en homogénéité ce qu’il a gagné en étendue.

Cette nouvelle situation résulte de plusieurs phénomènes. En premier lieu par ordre d’importance, il y a l’absorption par les grandes sociétés capitalistes de nombreuses activités économiques autrefois assumées par la petite-bourgeoisie indépendante, artisanale, commerçante ou intellectuelle.

A vrai dire il n’est plus un seul secteur de leur activité traditionnelle d’où les petits-bourgeois indépendants ne soient impitoyablement chassés par des sociétés capitalistes.

L’exemple du secteur de la distribution est des plus flagrants, mais en fait l’ensemble du domaine des services est frappé de la même manière: une constellation d’indépendants cèdent le terrain à quelques grands groupes employant exclusivement le travail salarié.

Le phénomène s’étend également aux professions libérales - pourtant jusqu’il n’y a pas longtemps fief absolu de la petite-bourgeoisie.

Citons par exemple des juristes salariés dans des bureaux d’avocats, des chercheurs embauchés par les laboratoires des trusts, des médecins travaillant pour des hôpitaux, etc. Partout donc le salariat étend sa loi.

Il importe aussi de souligner une manifestation particulière du phénomène, dont les statistiques concernant l’augmentation de l’emploi salarié sont incapables de rendre compte.

Il s’agit de toutes les sortes de dépendance qui lient de plus en plus étroitement des éléments formellement indépendants aux groupes capitalistes et qui induisent une quasi prolétarisation des premiers.

C’est le cas pour ces agriculteurs ou éleveurs toujours formellement propriétaires de leurs exploi­tations mais avant tout asservis aux grands groupes financiers (auprès desquels ils sont endettés jusqu’au cou, ils ont dû hypothéquer leurs terres et leurs biens; en Belgique, dans l’agriculture, les capitaux empruntés ont plus que triplé au cours des dix dernières années alors que les fonds propres n’ont augmenté que de 64%; le rapport entre les deux, exprimant le degré d’indépendance du secteur vis-à-vis du capital financier, est ainsi tombé de 81 à70%) et aux groupes de l’agro-alimentaire (qui fixent d’autorité la nature et le volume des productions, en contrôlent la commercialisation, imposent des méthodes professionnelles, etc)...

Quand il n’est pas question de conglomérats uniques s’étendant de la finance à l’agro-business!

C’est également le cas pour ces détaillants qui formellement indépendants et parfois propriétaires de leurs installations commerciales sont entièrement asservis à des grands groupes de production ou de distribution via le système de franchise.

Finalement ce sont ces groupes qui choisissent et fournissent les marchandises, en assurent la promotion, fixent les marges bénéficiaires, etc.

Autre phénomène à l’origine de la formidable expansion du prolétariat au-delà de l’usine et de la mine, le développement de la bureaucratie impérialiste. Bureaucratie de I’État bien sûr mais aussi et surtout bureaucratie envahissante du grand capital.

Certes des concentrations économiques de plus en plus vastes exigent des structures de gestion, communication, coordination et contrôle en rapport, mais l’impérialisme pour sa part multiplie avant tout des secteurs parasitaires.

Citons les activités bancaires, de courtage, de finance, d’assurance...

Remarquons combien le commerce international nécessite d’administration pour répondre aux formalités douanières, aux opérations de change, aux spécificités des législations, etc.

Rappelons l’infernale sophistication des techniques commerciales qui se traduit en un investissement toujours plus démesuré dans le factoring, le marketing, la publicité, etc.

Le poids de cette bureaucratie impérialiste se fait particulièrement sentir en Belgique, dans la mesure où notre pays représente depuis longtemps une zone privilégiée pour les quartiers généraux ou les centres de coordination des sociétés multinationales, tout comme pour des institutions transnationales de la bourgeoisie impérialiste, - à commencer par la C.E.E.

La marginalisation de la petite-bourgeoisie et la réduction constante de la paysannerie débouchent, pour ainsi dire, sur un prolétariat toujours plus vaste face à une bourgeoisie toujours plus dominante.

La bipolarisation de la société capitaliste atteint en Belgique des sommets inégalés.., qu’elle tend à dépasser encore.

Concrètement, tout le discours dominant exaltant les vertus des petits et moyens entrepreneurs recouvre une réalité de plus en plus accablante pour la petite-bourgeoisie.

Les petits indépendants sont contraints à céder toujours plus de terrain, toujours plus de parts du marché; ils se retrouvent forcés à des conditions et des horaires de travail démentiels pour des revenus en chute libre; ils doivent faire face à la concurrence de plus en plus sauvage des «nouveaux entrepreneurs» qui, désespérant de trouver un emploi décent, louent leur va-tout (c’est-à-dire engagent leurs économies ou héritages, s’endettent, sacrifient leur droit à la sécurité sociale, etc.) en se jetant dans des petits métiers ingrats, peu lucratifs quand pas avilissants.

Certes ces «nouveaux battants» gonflent un temps les effectifs de la petite-bourgeoisie indépendante mais, fondamentalement, ils la fragilisent et la déstabilisent.

Les économistes bourgeois qui se complaisent à voir dans ce gonflement d’effectifs une issue à la crise de l’emploi confondent ce qui est un symptôme de cette crise avec l’illusoire remède à celle-ci, qu’ils attendent en vain.

La bipolarisation de classe croissante et le remodelage du prolétariat qui en découle influence bien évidemment le domaine de la lutte des classes.

Et c’est à ce niveau qu’apparaît la dimension actuelle de la centralité ouvrière.

Rares ont été les pays et les époques où le Parti du prolétariat, tout en conservant ses objectifs historiques, en suivant sa ligne propre et en défendant ses intérêts spécifiques, n’ait pas dû passer alliance (ou tout au moins essayer) avec la paysannerie ou la petite-bourgeoisie - voire même avec la bourgeoisie nationale.

C’était inévitable quand il s’agissait de lutter contre un régime féodal ou semi-féodal, contre la colonisation ou l’oppression impérialiste étrangère, tant que le prolétariat restait extrêmement minoritaire par rapport à la paysannerie, etc.

Aujourd’hui encore l’alliance entre le prolétariat et la paysannerie semble incontournable dans la plupart des pays dominés et, dans certains cas, il conviendrait même de l’étendre à la petite-bourgeoisie (ou du moins des secteurs particuliers de celle-ci).

Cela s’explique naturellement par le fait que le prolétariat dans ces pays dominés doit encore franchir des étapes historiques dépassées depuis longtemps dans les pays dominants de la chaîne impérialiste (indépendance nationale, démocratisation, etc).

Car chez nous aussi, au siècle passé comme au début de celui-ci, le prolétariat a dû passer alliance avec la petite-bourgeoisie (et dans une moindre mesure, la paysannerie) pour arracher à la bourgeoisie les réformes démocratiques qui lui permettaient d’élargir sa lutte.

Précisons à cet égard que la perversion de cette lutte par les réformistes de la social-démocratie (qui troquant la finalité contre les moyens ont substitué une réforme relative de la société bourgeoise à la marche révolutionnaire vers le socialisme) ne remet pas en cause la correction intrinsèque de la lutte historique pour la démocratie.

Il importait que le Parti du prolétariat détienne la direction de ces alliances de classe, y préserve son autonomie et conserve ses objectifs propres.

Cela s’est parfois réalisé, grâce au fait que le prolétariat a toujours été supérieurement organisé par rapport à la petite-bourgeoisie ou à la paysannerie (un actif auquel les communistes sont loin d’être étrangers) et qu’il dispose au travers du Marxisme-Léninisme d’une arme théorique lui permettant de comprendre les tendances historiques fondamentales et les intérêts respectifs des classes en présence, - et donc d’élaborer une politique précise et adéquate.

De surcroît, porté par des objectifs historiques bien plus vastes et puissants que ceux des classes avec lesquelles il pouvait passer ponctuellement alliance, le prolétariat a toujours occupé une place d’avant-garde dans les luttes pour des étapes historiques intermédiaires (démocratie, indépendance nationale, etc).

Aujourd’hui dans les pays impérialistes européens il ne peut être question d’alliances de classe comme il y a un siècle ou comme il doit encore en être établies dans les pays dominés. Cela pour deux raisons.

Premièrement les classes avec lesquelles le prolétariat pouvait s’allier ont objectivement perdu leur ancienne importance - souvent déterminante. Deuxièmement le stade atteint ici par le développement du mode de production capitaliste (et notamment la prolétarisation de l’immense majorité de la population active) ne fixe plus aucun objectif préalable à la révolution prolétarienne.

Ces deux données sont étroitement liées du fait que le développement capitaliste lui-même élimine progressivement et inexorablement ce qui n’est ni prolétaire ni bourgeois et en même temps crée des conditions objectives toujours plus propices à l’édification socialiste.

Le ralliement d’éléments issus de la petite-bourgeoisie ou de la paysannerie à la révolution prolétarienne reste bien entendu possible, souhaitable... et inévitable, mais de tels ralliements - aussi nombreux qu’ils pourraient être - relèvent de l’initiative individuelle et non d’une démarche de classe en tant que telle.

Ces ralliements s’inscrivent au service des seuls intérêts prolétariens et dans la perspective d’une révolution prolétarienne ayant pour objectif la dictature du prolétariat.

Qu’advient-il alors dans ce contexte de l’important concept politique et stratégique de la «centralité ouvrière»?

La tendance révélée par l’analyse des classes, qui veut que le prolétariat ait perdu en homogénéité ce qu’il a gagné en étendue, constitue le cadre de la solution.

La centralité de la classe ouvrière ne s’exerce plus vis-à-vis des classes laborieuses non prolétariennes (comme c’était le cas quand «prolétariat» et «classe ouvrière» se confondaient face aux classes intermédiaires), elle s’applique au sein même du prolétariat vis-à-vis des secteurs prolétariens non ouvriers.

Cette centralité est motivée pour diverses raisons. Le fait que la classe ouvrière a systématique­ment constitué, dès son apparition et sans discontinuité jusqu’à nos jours, le noyau dur des luttes populaires et prolétariennes ne procède en rien du hasard.

La classe ouvrière bénéficie de très hautes traditions de lutte, d’organisation (en 1981, 96,2% des ouvriers belges étaient syndiqués, soit un taux nettement supérieur à celui des employés), de solidarité, d’esprit de sacrifice, de politisation et de détermination qui font défaut aux autres fractions du prolétariat et spécialement à celles ayant assimilé des groupes sociaux récemment prolétarisés et/ou qui ne sont pas encore passés par le creuset de la lutte des classes (ou même pire, dont les manifestations antérieures de cet affrontement les voyaient ralliés au camp bourgeois).

Dans bien des cas les couches nouvellement prolétarisées restent encore attachées au bagage idéologique de leur ancienne condition, sont plus vulnérables aux manipulations du discours dominant et adoptent en conséquence des attitudes en retrait de la combativité ouvrière (ou parfois carrément des comportements de jaunes) lors des grandes épreuves de la lutte des classes.

Bien entendu cette donnée tend à évoluer et dans des régions qui sont traditionnellement des bastions ouvriers, on peut voir des groupes prolétariens non ouvriers s’engager sur des positions prolétariennes très offensives (citons par exemple les luttes du personnel communal liégeois lors des grandes grèves de 1983).

Mais, plus fondamentalement, la centralité ouvrière au sein du prolétariat s’impose du fait que le degré de contradiction opposant le prolétariat ouvrier au mode de production capitaliste et à la bourgeoisie est plus élevé que celui du prolétariat non ouvrier.

Le prolétariat non ouvrier est en contradiction avec le mode de production capitaliste parce qu’il se trouve lésé des richesses créées par le travail social (richesses que s’approprie la bourgeoisie) en même temps qu’il fait l’expérience à travers l’austérité, le chômage, les grandes orientations de société, etc., de la nocivité du capitalisme devenu un obstacle au libre développement des forces productives, au progrès social, culturel, etc.

Le prolétariat ouvrier vit lui aussi tous ces éléments de contradiction, mais d’une façon bien plus aiguë: c’est lui qui est le créateur des richesses sociales que s’accapare la bourgeoisie pour leur donner tantôt le caractère de capital additionnel, tantôt le caractère de revenu.

Ce facteur ne doit pas être sous-estimé. Si le prolétariat dans son ensemble est frustré de la richesse qui naît du travail social (les prolétaires n’ont comme revenu que le produit de la vente de leur force de travail), la classe ouvrière pour sa part est directement volée de cette richesse.

Il n’est certes pas de frontière tranchée entre prolétariat ouvrier et prolétariat non ouvrier, - les intérêts de classe sont fondamentalement indivisibles -, mais ces deux catégories n’en existent pas moins et cela doit être pris en considération dans l’analyse politique.

L’expérience enseigne d’ailleurs que les travailleurs sont d’autant plus déterminés dans la lutte des classes qu’ils sont proches économiquement et/ou historiquement de la classe ouvrière.

Ce n’est pas tout de dire que la classe ouvrière détient de hautes traditions de lutte et connaît un degré d’antagonisme élevé envers le système capitaliste.

Il faut ajouter que la classe ouvrière (à laquelle il convient d’associer pour l’occasion une majorité des travailleurs des services publics) est objectivement bien plus étroitement liée au projet socialiste que ne le sont les fractions non ouvrières du prolétariat.

Car la classe ouvrière oeuvre déjà dans le cadre d’une production collective et industrielle, son travail est donc déjà socialisé - à la différence de ses fruits.

L’appropriation des moyens de production par les travailleurs et pour les travailleurs est un projet libérateur d’autant plus accessible pour la classe ouvrière que personne n’est mieux placé pour se rendre compte qu’il suffit pour cela de se saisir du pouvoir politique.

On comprend aisément que des prolétaires effectuant un travail socialement absurde et stérile, dans le cadre d’un quelconque service financier ou marchand de la bourgeoisie impérialiste, éprouvent plus de difficultés à ce sujet.

Pour toutes les raisons que nous venons d’évo­quer, la thèse de la centralité ouvrière dans la lutte prolétarienne pour la révolution socialiste doit rester au premier plan dans la réflexion des communistes.

En valorisant cette thèse, le mouvement révolutionnaire communiste guidera correctement le mouvement prolétarien vers les formidables potentialités offertes par le stade de développement des forces productives et par la bipolarisation toujours plus achevée de la société en deux classes antagoniques.

A notre avis, ces éléments révèlent aussi combien les centres impérialistes - telle l’Europe occidentale par exemple - constituent à notre époque des espaces où l’édification socialiste pourra aller infiniment plus vite, plus loin et plus sûrement que ce ne fut jamais le cas dans le passé.

A la condition expresse qu’un cap rigoureusement prolétarien soit maintenu - suivant les enseignements du Marxisme-Léninisme - et en sachant que la classe ouvrière, guidée par son Parti, est la mieux, la seule habilitée à maintenir ce cap historique.