Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

19. Quelle est votre position par rapport à la lutte syndicale en général, et par rapport au syndicalisme en Belgique en particulier?

Quelle doit être, selon vous, l’approche politique et militante dans ce domaine?

Notre position quant à la lutte syndicale en général repose sur une rigoureuse distinction entre le syndicalisme compris comme moyen de défense des intérêts immédiats des travailleurs et, d’autre part, l’option qui prétend faire du syndicalisme l’alpha et l’oméga du progrès social, en l’inscrivant dans le projet réformiste.

Cette distinction est donc avant tout politique.

Des prolétaires peuvent lutter de la même manière et pour un même objectif partiel (salarial, par exemple) dans des perspectives radicalement différentes: les uns considérant que la satisfaction de leur revendication constituera un petit pas de plus accompli dans le sens d’une transformation progressive et progressiste de la société, les autres jugeant qu’elle constituera seulement un acompte dans l’attente de l’essentiel, à savoir le pouvoir politique et la propriété sociale des moyens de production.

Ces deux conceptions opposées reflètent dans leur domaine la divergence entre le projet réformiste et le projet révolutionnaire.

L’activité syndicale constitue naturellement un espace de lutte politique et idéologique entre ces deux projets.

A notre avis les révolutionnaires doivent pleinement soutenir les luttes syndicales pour la défense des intérêts immédiats des travailleurs, en s'engageant tant que faire se peut à leur côté.

Mais ensuite, indissociablement, ils doivent porter la bataille politique et idéologique dans chaque lutte syndicale, en y défendant ouvertement le projet révolutionnaire contre le projet réformiste, en y appuyant toutes les tendances favorables à l’émergence ou au renforcement de la conscience de classe, de l’unité et de la solidarité prolétariennes, de la rupture avec les normes politiques, idéologiques, juridiques, etc. du régime bourgeois.

Pour nous, l’accomplissement correct de ce travail nécessite une approche lucide et responsable du mouvement syndical en Belgique.

La difficulté à ce propos réside dans le fait que les deux grandes organisations syndicales, comme toutes les autres d’ailleurs, sont irrémédiablement réformistes, corporatistes et étrangères aux intérêts historiques du prolétariat, en même temps qu’elles constituent -malgré leur carences et compromissions - les seuls remparts capables de protéger (relativement) la classe des exactions patronales.

Nous rejetons comme droitiste la déviation qui consiste à faire de l’entrisme dans la C.S.C. ou la F.G.T.B. (Car cela revient à prendre place dans l’attelage de l’un ou l’autre char réformiste dont l’appareil est conditionné depuis des décennies par le projet social-démocrate).

Nous rejetons comme gauchiste la déviation qui consiste à déclarer une guerre à outrance aux organisations syndicales, sur le mot d’ordre «Organisons-nous hors et contre les syndicats!» (car le mouvement révolutionnaire est actuellement incapable de remplir l’insuffisante mais néanmoins indispensable fonction de défense des intérêts immédiats les plus vitaux des travailleurs, - fonction que les syndicats trade-unionistes, par obligation et nécessité, continuent d’assumer).

C’est là un problème très complexe et délicat.

Même entièrement déterminées par le réformisme et la collaboration de classe, les organisations syndicales en place représentent un garde-fou contre les exactions patronales et les mesures gouvernementales les plus brutales, en même temps qu’elles sont un agent de stabilité pour l’exploitation capitaliste dans son ensemble.

Cette dualité exige donc beaucoup de subtilité et de circonspection et deux soucis doivent être gardés à l’esprit. D’abord, il faut éviter de renforcer l’emprise idéologique et politique des grandes organisations syndicales sur les masses.

Les révolutionnaires communistes doivent mener une lutte idéologique et politique ferme contre les orientations réformistes que la F.G.T.B. et la C.S.C. défendent et incarnent.

Ensuite, il faut éviter d’exercer une influence dissolvante sur les structures syndicales de base, parce qu’elles sont indispensables à la défense des intérêts immédiats des travailleurs et que le camp révolutionnaire, dans l’état actuel des choses, est incapable de mieux protéger le monde du Travail.

Les communistes ont pour responsabilité de répandre au sein du prolétariat la claire compréhen­sion de la nature de la lutte syndicale et de ses limites, des syndicats institutionnels et de leur rôle.

Il existe indiscutablement un vif ressentiment à l’égard des organisations syndicales dans de nombreux secteurs d’avant-garde de la classe, mais ce ressen­timent se cristallise encore trop souvent sur des problèmes secondaires si pas inexistants.

Ainsi, par exemple, l’incapacité des organisations syndicales à garantir les intérêts authentiques et globaux du monde du Travail ou à répondre à la combativité des masses est généralement imputée à la corruption des dirigeants, à la division du mouvement - à la difficulté de former des «fronts communs syndicaux»‘ au caractère de syndicat jaune de la C.S.C. (qui souvent, il faut le reconnaître, se montre digne de la créature patronale et cléricale dont elle est l’héritière directe, du syndicat anti-socialiste gantois du coton fondé en 1886, «De vrije katoenbewer-kersbond”), etc.

Or le fond du problème n’est pas là. Le fond du problème, ce sont les limites inhérentes à la lutte économique qui, seule, ne pourra jamais assurer les intérêts généraux et historiques du prolétariat.

La corruption, la division, les trahisons, le corporatisme, etc. du monde syndical sont des maux bien réels, mais même épuré des traîtres et des corrompus, uni et homogène, le mouvement syndical resterait toujours structurellement incapable d’autre chose qu’une défense plus ou moins efficace (selon les périodes) des intérêts immédiats du prolétariat, dans le cadre d’un système répondant objectivement à l’intérêt général de la bourgeoisie et du capitalisme.

Les militants communistes doivent donc fournir un travail constant d’agitation et de propagande pour démontrer aux prolétaires combatifs légitimement déçus par l’action syndicale que la lutte économique et réformiste s’inscrit par nature dans un cadre tel qu’elle rie peut en toute hypothèse suffire à l’organisation et au triomphe du monde du Travail.

La lutte économique subordonnée à la lutte politique, le syndicat subordonné au Parti de classe, telle est la clé du problème, telle est la base sur laquelle il s’imposera de construire - ou plutôt: reconstruire -une opposition syndicale révolutionnaire susceptible non seulement d’assurer les intérêts immédiats des travailleurs (tâche spécifique qui garde toute son importance et qu’il n’est permis en aucune façon de négliger) mais aussi surtout de contribuer activement à la réalisation des intérêts généraux et historiques du prolétariat.