Cellules Communistes
Combattantes
La
flèche et la cible
21. Les chômeurs
représentent actuellement plus de dix pourcent de la population
active du pays. Compte tenu de leurs conditions dexistence,
ne pensez-vous pas quils constituent une fraction sociale
vers laquelle lagitation et la propagande révolutionnaires
doivent sorienter prioritairement?
Un travail dagitation révolutionnaire et de propagande
communiste doit être bien entendu déve­loppé
parmi les chômeurs, et en tenant compte de leur situation
spécifique. Mais cette affirmation est insuffisante et
appelle deux compléments: une analyse précise de
la composition de classe de la masse des chômeurs et une
compréhension correcte de leur situation socio-politique.
Une juste orientation de lactivité révolutionnaire
impose de considérer lensemble de ces données.
La classe révolutionnaire
de la société est le prolétariat avec, en
son centre, la classe ouvrière. La condition de chômeur
y correspond-elle pleinement?
Ou prévaut-elle
comme le laisse entendre la question? Ni lun ni lautre.
Au niveau de la
composition de classe, bien que majoritairement prolétarienne,
la masse des chô­meurs est hétérogène.
Non seulement parce
quelle intègre nombre déléments
petits-bourgeois (ou issus de la petite-bourgeoisie et en voie
de prolétarisation, via le chômage justement) ou
marginaux, mais aussi parce que sa majorité prolétarienne
brasse indistinctement toute la diversité interne de classe,
à commencer par la distinction ouvrier/employé.
Il importe encore
de souligner un autre aspect de la question. Lactivité
laborieuse socialise le prolétaire, le chômage lindividualise.
Pour tenter de résoudre
ses principales difficultés immédiates, le prolétaire
chômeur na pas vraiment dautres solutions quindividuelles:
entrer en concurrence sur le marché (saturé) de
lemploi, chercher à se créer une source indépendante
de revenus.
Par contre le prolétaire
actif est naturellement entraîné vers des solutions
collectives: toutes les formes de lutte pour défendre
le salaire réel, pour repousser les licenciements, etc.
Le cadre même
des problèmes rencontrés par le prolétaire
actif est donc à la base plus favorable au progrès
politique que celui du prolétaire chômeur.
Il est indiscutable
que la situation économique et sociale des prolétaires
chômeurs soit le plus souvent très pénible.
Sans emploi, sans revenus décents, sans perspectives et
plutôt insécurisés, ils ont encore moins
que tout autre à perdre dans ce système.
Mais si cela peut
effectivement engendrer des manifestations radicales de révolte
(on peut penser aux troubles apparus en 1991 dans plusieurs quartiers
défavorisés de Bruxelles - Forest et Saint-Gilles
principalement -, aux émeutes qui secouent périodiquement
les grandes banlieues en France, les villes anglaises et américaines
fortement touchées par la crise), on ne peut en conclure
que lélément le plus pauvre et malmené
par le capitalisme soit le plus révolutionnaire.
Cette erreur subjectiviste
- sur laquelle, soit dit en passant, se basent toujours des thèses
erronées prêtant un rôle prépondérant
au tiers-monde (et sa grande misère) dans le processus
révolutionnaire mondial - est foncièrement anti-marxiste.
La misère
en tant que telle nappelle quà son élimination,
pas forcément ni directement au socialisme.
Une illustration
très crue de ce phénomène est donnée
par la fraction sociale encore plus défavorisée
que la masse des chômeurs, à savoir les nombreux
déclassés dépendant directement de laide
sociale si pas, au jour le jour, de la charité.
Ceux-là que
Marx et Engels regroupaient dans la catégorie au nom terrible
«lumpen-prolétariat» (lit. «prolétariat
en haillons» ) et que la sociologie en dentelle a pudiquement
rebaptisée «quart-monde» ;
De cette fraction
sociale peuvent certes à loccasion émerger
des initiatives de lutte et des revendications collectives (le
plus souvent sous linfluence déterminante de forces
politiques extérieures), mais lexpérience
historique a depuis longtemps démontré que sa tendance
naturelle est celle de la débrouille individualiste, du
chacun pour soi.
Loin de favoriser
la conscientisation révolutionnaire, lextrême
misère dans la société capitaliste a plutôt
tendance à déboucher sur toute la gamme des attitudes
anti-sociales.
Les facteurs idéologiques
ne sont pas non plus très favorables à la mobilisation
des chômeurs. A ce niveau-là, la diversité
de la composition de classe a aussi une influence négative.
Leur lutte est naturelle­ment dépourvue de continuité,
donc de véritables traditions.
Ainsi par exemple,
les grandes manifestations pour le travail et le pain des années
30 sont entièrement sorties de la mémoire sociale.
Les seules manifestations
revendicatives apparues depuis vingt ans (exception faite de
quelques brèves réactions spontanées, quelques
explosions de colère) ont eu en gros trois origines, toujours
extérieures: un surinvestissement de lextrême-gauche;
une intervention intéressée des syndicats; un dynamisme
éphémère apporté par un afflux massif
de travailleurs licenciés et encore mobilisés pour
la défense de leur situation... perdue.
Nous serions incomplets
si nous névoquions pas la pression paralysante de
lidéologie dominante sur les prolétaires
au chômage. «Exclus» et «assistés»
, voire «parasites» et «profiteurs» ,
voilà les étiquettes que la bourgeoisie colle sur
le dos des chômeurs, la culpabilisation quelle leur
enfourne dans la tête (ce qui ne manque pas de cynisme
vu que le caractère fondamental de la bourgeoisie est
précisément le parasitisme - et à quelle
échelle! - de la richesse sociale).
Mais cette honteuse
pression idéologique est bien évidemment peu opérante
dans la classe ouvrière qui est directement à lorigine
de la richesse sociale et voit la bourgeoisie se lapproprier.
Pour résumer
et répondre précisément à la question,
nous dirons trois choses.
Primo, il est indiscutable
que la masse des chômeurs vit une contradiction très
aiguë avec le mode de production capitaliste, qui peut être
à lorigine de lémergence de forces
révolutionnaires sûres et déterminées.
Secundo, les caractères
propres à cette contradiction et ses développements
ne remettent pas en cause la primauté du prolétariat
actif et plus spécialement de la classe ouvrière
dans le processus révolutionnaire.
Tertio, le travail
dagitation et de propagande parmi les chômeurs doit
être fidèle à la ligne marxiste-léniniste
et doit rejeter lopportunisme: le caractère de classe
de la lutte prime sur la situation conjoncturelle, la figure
du prolétaire au chômage doit prévaloir sur
celle du chômeur (quil soit prolétarisé
par sa nouvelle condition ou même dorigine prolétarienne).
|