Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

24. Quelle est votre position par rapport aux thèses dites écologiques qui renvoient dos à dos capitalisme et socialisme, les condamnant tous deux dans le cadre d’un procès contre le «productivisme» ?

Et que pensez-vous plus particulièrement du mouvement anti-nucléaire tel qu’il existe en Belgique et en R.F.A.?

Le matérialisme historique enseigne que le socialisme se fonde économiquement sur la grande production industrielle et mécanisée.

Une grande et puissante industrie, une agriculture moderne bénéficiant de tous les acquis de la science et de la technique (machines, engrais, génie génétique, etc.) sont nécessaires pour assurer à l’humanité des conditions de vie digne dans tous les domaines: l’alimentation, l’habitat, la santé, le transport, etc.

Les besoins les plus fondamentaux des hommes et des femmes, par exemple l’accès à l’eau potable, une alimentation saine et suffisante, la jouissance d’un logement salubre, nécessitent déjà directement ou indirectement la production de montagnes de ciment, d’acier, de verre, de coton, de céréales, etc., etc., ainsi que des quantités énormes d’énergie.

Ces besoins et d’autres encore doivent être satisfaits, pour nous cela est indiscutable et dans cette mesure nous sommes «productivistes»

Cela dit, précisons qu’en tant que communistes nous faisons nôtre la maxime de Clara Zetkin qui disait: «La production pour l’homme et pas le contraire!’» , ce qui a de multiples implications.

Le socialisme conçoit et planifie la production en fonction exclusive des besoins réels; en cela il diffère pleinement du capitalisme qui, ne visant que le profit, oriente seulement la production vers des besoins solvables (et sans parler de l’armement, jusqu’à même en créer d’artificiels - le plus souvent néfastes via le marketing, la publicité, etc).

On comprend aisément qu’une fois couverts les besoins réels, assurée la reconstitution des forces productives dépensées à cet effet et rassemblés les moyens nécessaires au progrès scientifique, au développe­ment culturel, à l’amélioration de la qualité de vie, le système socialiste limitera naturellement l’activité productive, alors que pour sa part le capitalisme -aveuglé par sa tyrannique et insatiable quête de profit - est étranger à cette raison et cet équilibre.

Un autre élément renforce encore cette distinction.

Certes le socialisme considère que la qualité des conditions matérielles de vie est primordiale, mais en même temps il affirme que l’épanouissement de l’humanité passe par l’affranchissement de toute activité aliénante.

Par là il tend spontanément à la réduction du temps de travail productif, réduction permise par les progrès de la technique et du machinisme, par l’utilisation rationnelle des forces productives grâce à la planification, par l’application du principe «travailler tous, travailler moins» et aussi par le sens précis et utilitaire donné à la production.

La formule de Clara Zetkin, selon laquelle la production doit être mise au service de l’homme, implique bien entendu qu’on ne peut lui sacrifier ce qui à la base rend la vie de l’homme possible, à savoir son éco-système.

Tendre à dominer toujours plus la nature, certes, mais ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis et sur laquelle les générations futures devront prendre place à leur tour.

Il importe donc de trouver le meilleur équilibre -responsable au présent et devant l’avenir - entre les nuisances découlant de la production et la volonté de maintenir, d’améliorer un cadre de vie harmonieux.

Une solution qui ne passera ni par l’élimination de la grande production industrielle, ni par son expansion au mépris de tout respect écologique.

Le bien-être et l’épanouissement de l’humanité, qui est l’essence du socialisme et notre mesure en toute chose, reposent autant sur les fruits indispensables de la grande production que sur une attitude prudente et intelligente envers la nature.

La décision de développer telle activité ou telle méthode de production doit donc être prise au vu de ce qu’elle apporte à l’humanité (en termes d’avantage social, de progrès) et de ce qu’elle lui coûte directement ou indirectement (en termes de travail, de nuisance pour l’homme et son environnement, etc).

La question de la production d’énergie, comme toute autre, doit selon nous être posée de cette façon.

Nous croyons à ce propos que le domaine atomique et ses techniques recèlent sans doute de formidables potentialités dont l’humanité pourra progressivement tirer le meilleur avantage.

En attendant nous pensons que les orientations de la recherche, les programmes et les investissements en matière de production d’énergie, qui ont été jusqu’à présent quasi exclusivement dictés par la logique du profit capitaliste sont excessivement criticables, condamnables.

La sécurité relative des installations, le problème des déchets et leur recyclage notamment constituent des données négatives inacceptables.

Pour ce que nous en savons (c’est-à-dire pas grand-chose), au niveau scientifique et technique la question de la production d’énergie pourrait être aujourd’hui entièrement repensée et une réponse satisfaisante pourrait lui être apportée sans peine.

Les accidents, risques et nuisances à long terme qui sont le lot actuel des choix nucléaires n’en sont que plus criminels.

Maintenant, il nous semble difficile de porter un jugement global et bref sur le mouvement anti-nucléaire.

C’est un mouvement d’une rare disparité: certes il est d’une composition majoritairement petite-bourgeoise et d’une orientation principalement social-démocrate, réformiste, mais sur sa droite on trouve le mythe du «bon sauvage», les nostalgiques des druides et même des intégristes du retour à l’animalité, tandis que sur sa gauche militent radicaux-réformistes, anarchistes, autonomes, gauchistes, etc.

A ces derniers nous adressons la critique marxiste-léniniste que nous portons à tous ceux qui, forts de leur subjectivité, croient qu’il est possible de changer le monde sans considérer avant tout les forces sociales et les lois historiques de ce changement.