Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

26. Que pensez-vous des thèses qui font d’un soi-disant «prolétariat extra-légal» un sujet révolutionnaire de première importance dans les métropoles impérialistes?

Ces thèses nous semblent erronées et entièrement façonnées par le subjectivisme. Tout d’abord, ce concept de «prolétariat extra-légal» n’est rien d’autre qu’une manipulation fantaisiste des catégories marxistes qui suffisent pourtant à l’analyse sociale.

Il n’existe pas de «prolétariat extra-légal», c’est pure invention.

Par contre, il existe bien des personnes d’origine prolétarienne qui ont quitté la condition objective de prolétaires en quittant les rapports de production capitaliste, en devenant délinquantes, en intégrant les rangs de ce «lumpen prolétariat» dont nous parlions déjà à la réponse n°21 et que Marx et Engels qualifiaient de «produit passif de la pourriture des couches inférieures de la vieille société».

Si les subjectivistes élèvent des prolétaires en rupture de ban au rang de sujets révolutionnaires par excellence, cela en arguant du fait qu’ils ont rompu avec la légalité bourgeoise (et, encore mieux, en usant de violence), c’est parce qu’ici comme ailleurs ils surestiment la nature et l’importance de ce genre de rupture et de cette violence qui les fascinent.

Il ne suffit pas de décerner un brevet de «rebelle” (concept typiquement subjectiviste, farfelu, défiant toute analyse de classe) à tel ou tel délinquant pour changer le fait que dans la plupart des cas la délinquance est délibérément individualiste, foncièrement étrangère à la morale prolétarienne, voire purement et simplement anti-sociale.

La conception sociale partagée par l’immense majorité des personnes délinquantes n’est pas socialiste, elle est bourgeoise (vivre systématiquement, passivement ou activement, du travail d’autrui).

Caractéristique qui n’est pas le simple produit d’un manque d’éducation politique - et donc auquel un travail d’agit-prop révolutionnaire pourrait remédier -mais est liée à la condition sociale objective du «lumpen-prolétariat».

Nous étions déjà théoriquement bien convaincus de cela avant d’être emprisonnés, et des années de rencontres carcérales nous ont largement confortés dans cette opinion.

Bien entendu, cette même expérience nous a aussi permis de croiser des personnes individuellement étrangères et hostiles (à des degrés divers) à la conception sociale bourgeoise dominante parmi les délinquants et il est permis de penser que certaines d’entre elles pourraient rompre avec leur passé et rejoindre les rangs de la révolution.

Mais ce sera là autant de cas atypiques, un peu comparables aux transfuges de la bourgeoisie ou petite-bourgeoisie qui ont de tout temps rallié le camp du prolétariat.

Ce qui nous ramène au début de notre analyse: il n’y a pas de «prolétariat extra-légal» et encore moins potentiellement révolutionnaire.

Les militants qui, sacrifiant aux démons du subjectivisme ou de l’opportunisme, s’échinent à mener un travail politique en direction des prisons plutôt que des lieux de travail, perdent le plus clair de leur temps et de leur énergie.

Leur activité pourra éventuellement porter ses fruits pour l’un ou l’autre cas d’espèce parfaitement honorable, il sera désespérément stérile dans l’ensemble.

Surestimer les ruptures spectaculaires avec les normes et la légalité bourgeoises et par conséquent sous-estimer les contradictions fondamentales du mode de production capitaliste est un égarement flagrant de la subjectivité petite-bourgeoise.

On y retrouve cette fascination devant la lutte pour elle-même, au détriment de l’attachement à un véritable projet social historique.

Le socialisme sera bâti par les ouvriers, les paysans et les intellectuels et non par les pilleurs de banques (aussi dignes d’estime puissent être une infime minorité d’entre eux) ou les arracheurs de sacs-à-main.