Cellules Communistes Combattantes

La flèche et la cible

 

28. Vous considérez donc la lutte armée comme la méthode de lutte et d’organisation pour le processus révolutionnaire dans une démocratie parlementaire comme la Belgique?

Retournons la question pour en révéler la face cachée: l’exploitation des libertés démocratiques bourgeoises et du parlementarisme est-elle la méthode de lutte et d’organisation pour la révolution?

La théorie et l’histoire ont déjà répondu: non.

Nous disons donc qu’effectivement la lutte armée est la méthode de lutte centrale et principale au sein du processus révolutionnaire dans un pays capitaliste avancé à régime démocratique comme la Belgique.

Et nous ajoutons qu’à partir de là s’impose un schéma organisationnel approprié: le Parti combattant.

Mais, comprenons-nous bien, centralité et primauté ne veut certainement pas dire unicité, exclusivité.

Nous restons persuadés de la validité de l’agit-prop selon les méthodes traditionnelles (tracts, publications, prises de parole, etc.) et même de sa nécessité: l’absence d’un tel travail condamnerait à terme l’initiative révolutionnaire à l’isolement.

Mais la lutte armée est la méthode de lutte autour de laquelle se structurent toutes les autres.

La lutte armée menée au début du processus révolutionnaire dans un pays capitaliste à régime démocratique est fondamentalement politico-militaire: elle vise en priorité des objectifs politiques par des moyens militaires.

Ce qui impose bien entendu que l’action militaire soit exclusivement déterminée en fonction de ses objectifs politiques.

La propagande armée traduit cette conception dans la réalité.

L’action armée vaut déjà en ce qu’elle aboutit généralement à une perte matérielle pour l’ennemi.

Aux premiers stades du processus révolutionnaire cela revêt avant tout une importance indirecte, via l’impact politique qui s’en dégage, mais ce n’est quand même pas négligeable en soi.

Retenons toutefois l’essentiel: l’impact politique de l’action de guérilla.

Un coup porté à l’ennemi, cela signifie à la fois qu’il est possible de porter l’attaque dans son camp et qu’il existe dans le nôtre des forces résolues à le faire.

Ce double message répandu par toute action de lutte armée révolutionnaire coûte, aux premiers stades du processus, bien plus cher à la position dominante du régime que les dégâts concrets de l’action de guérilla.

A quels objectifs politiques peut prétendre la lutte armée révolutionnaire pour peu qu’elle soit correctement orientée et menée à cette fin? La pratique armée matérialise l’idée même de lutte révolutionnaire au travers d’une manifestation de pouvoir, d’une émancipation lucide et assumée du fonctionnement démocratique bourgeois.

Une lutte à prétention révolutionnaire mais oeuvrant seulement dans le cadre général du système est porteuse d’un vice de base objectif et souffrira toujours à présent -et à juste titre - d’un manque de crédibilité historique et politique aux yeux du prolétariat.

L’expérience des partis de la IIème Internationale a enseigné qu’une insertion entière dans la légalité bourgeoise, même si à l’origine elle se veut contrôlée (et même provisoire), débouche inévitablement sur le réformisme et l’opportunisme.

Lénine insistait souvent là-dessus et avec quelle clairvoyance, quand on sait maintenant la façon dont les partis de la IIIème Internationale ont confirmé le phénomène à leur tour et quand on voit la décomposition ou/et la liquidation généralisée de ces "P.C.” institutionnalisés.

La lutte armée n’offre évidemment pas de garantie absolue contre les déviations opportunistes ou autres, mais elle place les protagonistes de la lutte des classes à un haut niveau d’antagonisme et réduit ainsi à quasi rien la marge de manœuvre du réformisme.

Preuve en est donnée par ce simple exemple: les réformistes se sont toujours détournés des organisations révolutionaires armées avec autant de conviction qu’ils mettaient à rejoindre en rangs serrés des partis à prétention révolutionnaire mais dont les orientations stratégiques étaient scrupuleuse ment respectueuses de l’espace délimité par la bourgeoisie pour les forces «d’opposition».

Mao Tsé-toung faisait d’ailleurs remarquer avec bon sens que la guerre révolutionnaire présente l’utilité de nous débarrasser non seulement de nos ennemis mais encore des éléments indésirables dans nos rangs.

La lutte armée présente donc deux qualités stratégiques/politiques indissociables: elle est pratique révolutionnaire totalisante et elle apparaît en tant que telle.

Non seulement elle trace matériellement une ligne de démarcation bien nette entre l’ennemi et nous (au contraire d’une lutte intégrée au cadre démocratique bourgeois), mais de surcroît cette ligne de démarcation tangible révèle au prolétariat l’existence d’une initiative réellement révolutionnaire, réellement irréductible.

Ces qualités font aussi de l’action armée un excellent vecteur pour la propagande et le discours révolutionnaires.

Pour autant qu’elle soit menée de façon judicieuse - c’est-à-dire contre des objectifs clairement perçus comme hostiles par les masses et sans léser ces dernières - l’action armée permet de répandre au sein du prolétariat des principes idéologiques, des thèses politiques, stratégiques nombreuses et précises.

A ce niveau, bien sûr, la lutte armée doit être épaulée par une activité d’agit-prop traditionnelle. On comprend donc que l’agit-prop est indissociable de la lutte armée en même temps qu’elle lui est nécessaire.

Aux premiers stades du processus révolution­naire, la raison de l’action armée est surtout idéologi­que et politique.

Au fur et à mesure que ce processus gagne en ampleur, acquiert de la maturité, se rapproche de son objectif véritable qui est la prise du pouvoir par le prolétariat et la destruction de la bourgeoisie (de son État, ses forces armées, etc.), la raison de l’action armée devient surtout militaire.

Et si l’importance réelle du rôle politique et stratégique initial de l’action armée n’apparaît pas au premier coup d’œil - et que, pour cette raison, il est éventuellement permis d’en discuter -, il n’en va pas de même en ce qui concerne son rôle militaire ultérieur.

N’est-il pas évident qu’en finalité l’on peut seulement renverser une force matérielle par une autre force matérielle?

Des forces matérielles, ce n’est pas ce qui manque à l’ennemi. Depuis l’apparition de sociétés divisées en classes, l’aliénation idéologique, politique, religieuse a constitué la première ligne de défense de la classe dominante.., et la force armée sa dernière.

Dans sa propre conception, tout projet politique se prétendant révolutionnaire doit donc apporter une réponse claire à la question de l’inéluctable affrontement armé entre classe dominante et classe dominée.

Réponse qu’il n’est pas possible de postposer (à moins de postposer le projet révolutionnaire lui-même) et réponse qui doit se traduire par des éléments concrets, pratiques, présentés aux masses, car c’est de cette façon que s affirmera sa crédibilité.

En déclenchant la lutte armée dans une conjoncture qui n’est pas révolutionnaire (dans une période où l’idée révolutionnaire n’est pas largement répandue dans les masses, où le prolétariat n’est pas mobilisé en fonction d’objectifs révolutionnaires, etc.), les communistes assument leur fonction d’avant-garde politique et impulsent un processus dont l’intégrité est évidente, un processus qui au présent considère objectivement l’avenir.

Au fil du développement politico-militaire le camp révolutionnaire fait l’expérience de l’affrontement, en résout les difficultés, accumule des forces dans tous les domaines, etc.

Il nous semble tout à fait évident que s’en remettre à l’inspiration du moment insurrectionnel pour battre une bourgeoisie expérimentée et organisée à grande échelle, armée jusqu’aux dents et prête à tout, bénéficiant de structures, méthodes, équipements bien rodés, etc., n’est pas défendable.

Seuls des fumistes qui ne se sont jamais réellement posés la question de la révolution ou des irresponsables prêts à conduire tout le monde à la catastrophe sont capables d’un pareil choix.

Le mouvement révolutionnaire ne peut faire l’économie d’une riche, dure et longue expérience de lutte armée, au point de vue politique comme au point de vue militaire.